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Opinion
L'Etat le plus moderne du
« village global » : La Palestine !
Daniel Vanhove
Vendredi 25 décembre 2009 Mi-novembre, après la
déclaration de différents responsables palestiniens du parti de
M. Abbas « d’envisager » le dépôt d’une
requête au Conseil de sécurité des Nations unies visant à
proclamer unilatéralement l’Etat de Palestine, il n’avait guère
fallu plus de 48h pour voir s’agiter les habituels guignols de
l’info, de Sarkozy à Netanyahou en passant par Clinton et
Barroso et y allant chacun de sa petite intervention pour
balayer d’un revers de main ou d’un haussement d’épaules, la
saugrenue et irrecevable proposition palestinienne. Ainsi, même
l’hypothèse, l’éventualité de simplement proposer la
reconnaissance de l’indépendance d’« un futur »
Etat palestinien s’est soldée par un refus immédiat, une fin de
non-recevoir, catégorique et unanime d’Israël, de l’UE et des
USA.
Il faut bien avouer que le contraire nous eût
étonnés…
La Palestine se révèle donc une fois encore et à
la face de ces puissants, l’Etat le plus moderne de la planète :
il n’existe – ô ça, il existe bien sûr, il suffit de voir
l’agitation qu’il suscite et la manière dont tout ce beau monde
en parle – qu’à l’état virtuel. Et ce, depuis des décennies.
Ainsi, à l’heure où notre environnement général est lui-même de
plus en plus envahi par le virtuel : au boulot (quand on en a
encore) ; en famille (quand elle n’est pas totalement
dissoute) ; dans nos rapports sociaux et nos rencontres
(innombrables à travers les sites têêêllement conviviaux, mais
de moins en moins vécus) ; dans la culture (cfr. la dernière
sous-merde du cinéma américain : « 2012 ») ; etc… cet Etat fait
figure de fer de lance. Avec ses frontières, continuellement
réajustées ; sa population, sans reconnaissance en termes de
nationalité ; sa capitale, déclarée « capitale
éternelle et indivisible » par des illuminés s’affirmant
« élus » d’un dieu ; ses rares passeports, jordaniens ; sa
proclamation d’indépendance, régulièrement reportée ; ses
couloirs souterrains, pour permettre la survie d’une partie de
sa population ; son appareil d’Etat à l’image de son territoire,
divisé ; son espace aérien, inexistant ; ses eaux territoriales,
sous contrôle militaire étranger ; sa capacité à se défendre,
privé d’armée ; et j’en passe… la vague mais tenace idée d’un
Etat palestinien tient du rêve, du leurre, ou disons-le enfin :
du mensonge !
Dans le même ordre d’idées, ses habitants
ont-ils d’ailleurs jamais existé aux yeux des sionistes et de
leurs suppôts qui ne les voyaient déjà pas sur cette « terre
sans peuple » ? C’est dire ! Du plus haut de la pyramide
étatique jusqu’au plus bas des sionistes les plus obtus, la
cécité fait loi face à la réalité du terrain : point d’habitants
en Palestine ! Ou alors, quelques rares bédouins en voie de
disparition probablement, parqués derrière de hautes murailles,
et les autres, tous les autres en voie de transfert pour
quelques vagues contrées extérieures, et donc proches de la
virtualité, là aussi. Malheur aux quelques égarés qui traînent
encore sur cette terre : ils se font tuer comme dans un abject
jeu vidéo. Homme, femme, enfant, vieillard, malade, tout devient
cible pour l’occupant sioniste. Au point que dernièrement, un
colon ne s’est pas privé d’en écraser un avec sa rutilante
berline, en y repassant même en marche arrière puisque de toute
façon, pour ce qu’il faut bien considérer comme des malades, un
Palestinien, cela n’existe pas… Même la police israélienne,
présente sur les lieux, regarde sans réagir. Virtuels, ce corps
et ces cris de douleur…
Dès lors, puisque l’impunité est générale pour
ces détraqués, il fallait juste oser, et cela en dit long sur
les mentalités qui ont prévalu à l’installation d’un Etat et de
ses colonies depuis des dizaines et des dizaines d’années, sous
prétexte que le pays était vierge de toute population. Les
quelques Palestiniens perdus qui se trouvaient-là n’y étaient
sans doute que de passage ou par hasard, et leurs centaines de
villes et villages ont fondu comme neige dans le désert, se sont
évaporés tout comme la population qui s’en est allée de son
plein gré, comme tout le monde sait…
Face à cette effroyable réalité, en nos pays
autoproclamés « des Lumières » – mais en-dehors de celles
féeriques et illusoires causées par la gabegie des guirlandes de
Noël, où sont-elles ? – nous persistons pourtant dans
l’aveuglement et ses ténèbres : en effet, nous ressassons à
l’envi, telles des chimères, nos vaines promesses ; nous
multiplions d’innombrables sommets, dont les dépenses
incalculables n’ont d’égales que leur inefficacité ; nous
perpétuons nos détestables réflexes paternalistes et coloniaux,
plutôt que de prendre les décisions politiques requérant courage
et équité ; nous organisons faussement émus, des cérémonies de
souvenirs scrupuleusement choisis, et dès lors particulièrement
partisans ; bref, nous déployons une débauche de moyens, sans
qu’il y ait la moindre avancée sérieuse dans la solution à cette
flagrante injustice. Et ainsi, de la parole aux actes, l’écart
est devenu abyssal. La même arrogance et la même bassesse se
sont étendues à l’ensemble des parrains penchés sur le berceau
de ce nouvel Etat qui n’en finit pas de naître et de renaître
depuis plus de 60 ans que dure cet accouchement, et dont tous,
de gauche à droite, voient comme dans un mirage, le proche
avènement. C’est peu dire qu’il risque de présenter quelques
rides au moment de sa naissance… mais, elles ne seront
probablement que virtuelles, elles aussi. Comme tout ce qui
touche à la Palestine, cet Etat décidément le plus moderne de
notre village désormais global ! Ainsi, comme l’écrit
Jean-François Legrain, chercheur au CNRS/GREMMO (1) : « Le
recours à l’État proclamé par l’OLP, pour se conserver le
soutien de la communauté internationale et d’Israël accordé
jusqu’ici à l’AP de Ramallah, se devra de n’être qu’un artifice
institutionnel. »
En cette Terre, trois fois (en)sainte –
paraît-il – c’est Noël avorté, chaque jour !
Daniel
Vanhove
Observateur civil
Membre du
Mouvement Citoyen Palestine
Co-auteur
de Retour de Palestine – 2002 – aux Ed. Vista
Auteur de
Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes
– 2005
et de
La Démocratie Mensonge
– 2008 – parus aux Ed. Marco Pietteur – coll. Oser Dire
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non-commerciale autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
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