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EL GUEDDAFI, LE NÉRON ARABE
Après moi le déluge
Chems Eddine Chitour
Dimanche 27 février 2011
«Le
monstre, que l’on croit l’exception, est la règle. Allez au fond
de l’histoire: Néron est un pluriel.»
Victor Hugo
On a tout dit pendant plus de quarante ans de l’énigme El
Gueddafi. A commencer par son nom. On trouve indifféremment:
Mouamar Kadhafi, Mu’ammar Al-Qadâfî aussi écrit Kadafi,
Algathafi, al-Kadhafi, al-Gaddafi, Al Qadafi, Gueddafi, Gheddafi,
El-Gueddafi. Comment cet homme a pu tenir aussi longtemps son
peuple sous une poigne de fer et gouverner selon le «Livre Vert»
doctrine qui ne se trouve dans aucun livre académique. Ce mode
de gouvernance à nul autre pareil, tient de l’allégeance tribale
en plein XXIe siècle. Ce qu’il y a de sûr c’est quelle que soit
la méthode, les intérêts bien compris de la famille El Gueddafi
sont florissants et bien gardés. Durant près de 42 ans de règne,
El Gueddafi et sa famille ont bâti un empire financier vaste,
mais difficile à évaluer. D’après Hasni Abidi, directeur du
Centre d’études et de recherches sur le Monde arabe et
méditerranéen, la fortune de Mouamar El Gueddafi et sa famille
dépasse largement celle de Moubarak. Elle s’élèverait, à son
avis, à 120 milliards de dollars.
Nous le voyons, les potentats arabes se signalent par la
rapine et au fur et à mesure qu’ils tombent, le suivant bat le
record du précédent. Nous sommes passés de 5 pour Ben Ali, à 50
pour Moubarak et 120 pour El Gueddafi. Je suis sûr que les
roitelets du Golfe vont battre ces records. Dans ces pays, il
n’est pas possible de distinguer entre ce qui appartient au
peuple et ce qui appartient au roi. Tristes records qui vont
faire rentrer les potentats arabes dans le Guiness de la gabegie
érigée en mode de gestion. Pire encore, El Gueddafi serait
responsable du meurtre de plusieurs centaines de citoyens,
créant à l’instar de l’empereur Néron, le chaos de la division
rejoignant à Dieu ne plaise, le Soudan dans la partition de son
pays.
«La
Libye s’enfonce dans le chaos. La répression menée par El
Gueddafi aurait fait plus de 1000 morts, mais le «guide suprême»
ne semble plus avoir les moyens de se maintenir au pouvoir. La
révolte libyenne se noie dans un bain de sang. Le «régime des
masses», la Jamahiriya, tire sur le peuple qui réclame sa chute.
Recrutés par le dirigeant libyen pour mater les manifestations,
quelque 30 000 hommes armés font le sale boulot que les forces
régulières rechignent à accomplir. Pour chaque manifestant
abattu, une prime de 10.000 à 12.000 dollars [de 7300 à 8800
euros] est promise. (...) Ils sont environ 30.000, selon les
estimations de l’ONG Human Rights (...) Les hommes ralliés au
régime libyen seraient arrivés à Benghazi dans quatre avions
partis du Bénin. Selon les témoignages recueillis par la chaîne
Al-Arabiya, ils sont majoritairement noirs, ne parlent pas arabe
et ne s’expriment qu’en français.(1)»
Qui est El Gueddafi?
Selon Wikipédia, El Gueddafi est du clan
des Ghous, qui appartient à la tribu des El Gueddafi. A l’âge de
27 ans, il renverse le roi Idriss qui serait d’ascendance
algérienne. Par ailleurs, selon une information diffusée par la
chaîne israélienne 2 qui a interviewé deux Israéliennes
d’origine libyenne, El Gueddafi serait d’ascendance juive. Guita
Brown avance que El Gueddafi est son cousin au second degré. La
grand-mère de Guita Brown serait la soeur de la grand-mère de
Mouamar El Gueddafi. La grand-mère de ce dernier, juive, s’est
mariée une première fois à un juif qui la battait, elle divorce
pour se marier- en se convertissant à l’Islam- à un cheikh
musulman, leur fille serait la mère de El Gueddafi. Du point de
vue de la religion juive, la grand-mère de El Gueddafi est
toujours juive. De ce fait, El Gueddafi, au nom de la
Loi israélienne du retour,
peut émigrer en Israël. Si aucun pays ne veut lui accorder
l’asile, Israël est obligé de l’accueillir.(2)»
Bref description du « système »
El
Gueddafi
Les Libyens sont comme tout le monde, des citoyens avec
leurs forces et leurs faiblesses, cependant, on peut, à juste
titre, s’interroger sur le fait de l’acceptation d’un pouvoir
aussi erratique pendant plus de quatre décades. Jean-Yves
Moisseron donne une explication, il écrit: «A l’inverse de ses
deux voisins, le régime politique libyen ne cherche pas à se
présenter comme démocratique. La société libyenne tout entière
est enserrée dans les griffes des Comités révolutionnaires qui
contrôlent le système, mais qui répondent en même temps aux
besoins de cette société. Ce n’est pas seulement la force et la
brutalité qui dirigent le pays. En cas de besoin - argent,
logement, accès aux services publics -, les Comités
révolutionnaires apportent des réponses à la population. Comme
dans d’autres pays, le régime tient par l’existence d’un pacte
social socialement partagé. La révolte en Libye exprime donc la
rupture du «pacte du Livre Vert», qui a posé depuis plus de
trente ans les bases idéologiques d’un régime original. Les
symboles sont directement brûlés par les manifestants de
Benghazi, le portrait de El Gueddafi d’une part mais aussi les
références à ce Livre
Vert. C’est la fin de l’exception arabe, celle qui voulait
que des sociétés éduquées n’aient pas accès à la démocratie.»(3)
René Naba ajoute une dimension importante.
Un mode de gestion par un savant équilibre entre les tribus. Il
écrit: «La défection des deux derniers membres du groupe des
«officiers libres» libyens, artisan du renversement de la
Monarchie, en 1969, fragilise considérablement le pouvoir du
colonel Mouamar El Gueddafi, déjà en butte à la rébellion d’une
fraction des provinces libyennes, dans l’épreuve de force qui
oppose le clan Kadhafi à la population depuis près d’une
semaine. (...) La région orientale du pays, (Benghazi et Al-Bayda)
n’a jamais été soumise à El Gueddafi. L’Emirat de Barka, qui
s’étend de la frontière égyptienne au golfe de Syrte est demeuré
fidèle aux traditions de la dynastie senoussie, particulièrement
Al Bayda. Le centre du pays, autour de Syrte abrite les deux
grandes tribus qui se sont partagés le. Les tribus Wazen, Kaba,
al Badr, tiji, selon des informations recueillies de source
arabe en relation avec l’opposition libyenne, ont gagné le camp
de la contestation et ne demeurent en lice en faveur de El
Gueddafi que sa propre tribu Al kazazafa et son allié al
Moukarfa. La région capitale qui va de Tripoli à Ghadamès, dans
la zone frontalière méridionale. Elle abrite les tribus de
Zentane et Ourfala, ralliées à la révolution populaire. Une 3e
tribu Mayaniya est demeurée fidèle à El Gueddafi. La zone du
Fezzan, elle, a, dès le début des troubles, tranché en faveur de
la contestation.»(4)
Pour Charles F.Dunbar professeur de relations
internationales à l’université Boston College: «Washington ne
peut strictement rien faire sans s’appuyer sur le Conseil de
sécurité de l’ONU. Il faut agir dans deux directions: un, faire
monter très vite la pression sur le régime pour mettre fin à ses
exactions; deux, préparer une intervention active pour protéger
ceux qui peuvent l’être. L’essentiel est de ne pas présenter
l’intervention comme ayant pour objectif de renverser le régime
mais de protéger des populations menacées. »(5)
Selon un responsable américain parlant sous le couvert de
l’anonymat, Washington soutiendrait aussi la création d’une
commission d’enquête sur la Libye au sein du Conseil des droits
de l’homme. Plus coercitive la proposition de François Zimeray
«ambassadeur français pour les droits de l’homme: «Il existe des
éléments précis laissant penser que des crimes contre l’humanité
ont été commis», a-t-il déclaré à l’agence Reuters. Monsieur
Zimeray n’a eu aucune réaction lorsque des massacres ont été
commis à Ghaza au cours de l’hiver 2008-2009. Et le même vient
pourtant, aujourd’hui, nous parler, le plus sérieusement du
monde, de violation de droits de l’homme en Libye... par contre
il semble à coeur de dénoncer telle violation des «droits de
l’homme «dès lors que ceux-ci sont commis dans un pays arabe.
Laurence Pope, arabisant, premier conseiller de
l’ambassade américaine à Tripoli de 1974 à 1976, pense que
«Washington est dans une situation où il n’y a que des mauvaises
options et d’autres pires. La Libye est un pays où il est très
difficile d’opérer, principalement parce que...ce n’est pas
vraiment un pays, mais la réunion de trois provinces, opérée en
1950-1951. Le colonel El Gueddafi n’a eu de cesse de régner sur
la Libye en jouant de ses divisions. Il y a lourdement favorisé
le régionalisme, le tribalisme et a empêché le développement
d’institutions nationales. (...) J’ai vu son dernier discours:
c’était celui d’un homme devenu totalement incohérent et sans
aucune aura, un tyran fou, peut-être sous l’influence de
drogues. (..) Le risque est de voir surgir une nouvelle Somalie
sur les rives de la Méditerranée.»(6)
La révolte en Libye
exprime la rupture du pacte du Livre Vert
Pour Alain Gresh, «les informations
provenant de Libye sont contradictoires, partielles, quelquefois
non confirmées. La brutalité du régime ne fait aucun doute, et
le nombre de morts est important: des centaines selon les
organisations non gouvernementales, probablement plus compte
tenu de la violence utilisée par les milices du régime. (...) Le
caractère erratique et dictatorial du colonel Mouamar El
Gueddafi a été confirmé par son discours illuminé prononcé le 22
février 2011. Les indignations justifiées contrastent avec le
silence qui prévalait quand le régime, au début des années 2000,
alors que s’esquissait la réconciliation avec l’Occident,
écrasait sans pitié les islamistes. La détention et la torture
de militants islamistes en Libye (comme en Egypte ou en Tunisie)
n’indignaient pas les bonnes âmes. Quoi qu’il en soit, les
appels à des interventions militaires se multiplient. (...) »
« Les images qui proviennent de Libye sont
terribles. Mais qui a demandé une intervention militaire
occidentale quand les avions israéliens bombardaient Ghaza
durant l’opération Plomb durci? ou lors des bombardements de
l’Otan en Afghanistan? ou de l’Irak par les Etats-Unis? Faut-il
y intervenir militairement, contre Israël et les Etats-Unis,
cette fois? Au cours des dernières années, les pays européens,
dont la France, ont armé les forces libyennes, les ont
conseillées, et leur ont ainsi donné les moyens de se battre
contre leur propre population. L’appui au régime du colonel El
Gueddafi dans l’Union européenne, et notamment en Italie, s’est
fondé sur un chantage: la capacité pour la Libye de stopper le
flux des immigrants africains vers le Vieux continent; cette
obsession migratoire amène Bruxelles à aider toute une série de
régimes peu soucieux des droits humains à gérer eux-mêmes, dans
des conditions souvent terribles, les immigrés.»(7)
El-Houssine Majdoubi
journaliste en Espagne a raison d’écrire que L’Europe,
France en tête, est complice des crimes des dictatures du Monde
arabe, accuse un journaliste marocain. (...) Jusqu’à ce que Ben
Ali soit renversé, l’Occident le considérait comme un ´´élève
exemplaire´´. Le président français Nicolas Sarkozy a même
déclaré en 2008 que la Tunisie vivait en démocratie. (...) Si
l’Occident a joué un rôle crucial dans la démocratisation des
pays de l’Europe de l’Est, elle fait tout le contraire avec les
pays arabes. Non seulement elle soutient les régimes
dictatoriaux, mais elle les aide à piller les richesses
nationales en leur permettant d’ouvrir des comptes où ils
peuvent déposer leur butin et d’acquérir des biens immobiliers
et des actions de grandes entreprises européennes. Avec un tel
comportement, l’Occident se rend complice par excellence de ces
crimes. Pis, l’Occident ne cesse de répéter qu’il lutte contre
les mouvements islamistes et les terroristes, mais les études
sociologiques montrent que le fanatisme découle directement de
l’injustice sociale et de la corruption de ces régimes
dictatoriaux. Malgré cela, l’Occident ferme les yeux sur cette
réalité.»(8)
Daniel Vanhove abonde dans le même sens et
dénonce l’ambivalence du discours européen: «Aujourd’hui, face
aux insurrections qui se multiplient dans les pays arabes, nos
chancelleries occidentales semblent perdre le Nord et sont tout
bonnement dés-orientées (c’est le cas de le dire). (...) En lieu
et place d’offrir notre «savoir-faire» en matière de répression
policière et de vendre nos armes de répression, quand donc des
voix officielles ayant encore un minimum de conscience humaine
et de sens des valeurs s’élèveront-elles pour taper sur la table
et dire à ces régimes, et à nos misérables élus vassalisés:
assez! (...) Et pousseront-elles l’analyse jusqu’à réaliser que
la situation est pareille dans le cas de l’occupation sanglante
en Palestine: le prix payé par les Palestiniens étant celui de
nos lâchetés depuis plus de 63 ans!? Pensez donc: après le
rempart de Ben Ali contre l’intégrisme qui nous menaçait, la
complicité de Moubarak à l’étranglement des Palestiniens, le
dément libyen nous garantissait le contrôle des flux migratoires
vers nos côtes méditerranéennes... sans parler du pétrole qu’il
nous livrait à gogo».(9) Ce même pétrole dont les prix ont frôlé
les 120$ le baril.
Que
reste-t-il à El Gueddafi en dehors d’émigrer chez son ami
Berlusconi ou éventuellement en Israël..? Nous laissons
l’écrivaine saoudienne Wajiha Al-Huwaidar proposer une autre
solution: «...Ce raté a été à la hauteur d’un autre échec
cinglant. Car il n’a jamais réussi non plus à constituer une
base populaire dans sa «République jamahiriyenne» [République
des masses populaires]. Et pour cause: il a gouverné d’une main
de fer et par le feu. Personne ne l’aime. Pourtant, Kadhafi
dispose d’un puissant «envoyé spécial» pour plaider sa cause en
Occident et faire oublier son bilan de sang, de morts et de
tortures: le pétrole. Et pourtant, malgré ce pétrole qu’il
déverse sur l’Occident, le frère-guide reste depuis de longues
décennies persona non-grata dans la communauté internationale
(...)Que te reste-t-il, ô cher frère-guide? Personne. Tout le
monde souhaite ta fin. Aie la bonne idée de mourir «dignement»
et essaie de suivre l’exemple d’Hitler [qui s’est suicidé]
plutôt que celui de Saddam. Ne laisse pas tes ennemis venir te
chercher dans un trou à rats et te juger pour tes crimes.
Devance-les et essaie de préserver le peu de dignité qui peut
rester à quelqu’un de ton espèce.(10)»
El Gueddafi a été comparé à Néron qui se divertissait pendant
que Rome brûlait. Ce dernier se suicida, pour éviter d’être
exécuté sur ordre du Sénat. Il reste qu’il existe malgré tout
des doutes sur cette révolution qui, subitement sort des
drapeaux oubliés et si tout ceci fait partie d’un autre complot,
celui d’envahir la Libye et s’assurer un butin de pétrole? Sur
le calendrier néo-conservateurs du NWO[ New World Order] d’une
façon ou d’une autre, tous les pays arabes passeront
par ce « chaos réorganisateur »
utilisant le « soft power » au lieu et place de la
démocratie par drones interposés, s’ils ne
sont pas dociles avec les vues de l’Empire. C’est
dans le cas de la Libye peut être, une "révolution" pour
le pétrole, mais ce n’est pas l’essentiel. En effet "le
pétrole", est payé
en dollars, devenu de la monnaie
de singe- Il suffit de faire marcher la planche à
billets- ou en armement vendus aux tyrans pour mâter leur
peuple, avec toujours la possibilité de se retourner contre le
tyran , « s’il dépasse les bornes fixés ». La "révolution"
dans les pays arabes
a pour but , pour ses concepteurs de l’Empire, de
contrôler le Monde, et surtout la Chine et la Russie.
Il est, pour l’Empire, vital
de contrôler le Bassin méditerranéen et
de virer les Chinois de l’Afrique comme ça va se faire en
Lybie.
1.El Gueddafi joue les prolongations.
Giampaolo Cadalanu La Repubblica.
23.02.2011
2.R.Jones
http://www.israeltoday.co.il/
NewsItem/tabid/178/nid/22668/Default.aspx 21 2 2011
3.Jean-Yves Moisseron: Libye, Bahreïn. Le
Monde 21.02.11
4.René Naba. http://www.mondialisation.ca
/index.php?context=va&aid=23344 23. 02. 2011
5.Charles F.Dunbar: La Libye: «Un cas d’école
de droit d’ingérence» Le Monde.fr 24.02.11
6.Laurence Pope: Le risque d’une nouvelle
Somalie. Le Monde.fr 24.02.11
7.Alain Gresh: Faut-il intervenir
militairement en Libye? Le Monde diplomatique 24. 2. 2011
8.El-Houssine
Majdoubi L’Occident, un obstacle à la démocratisation.
El País20.01.2011
9.DanielVanhove http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23340
22 2 2011
10.Wajiha Al-Huwaidar Kadhafi n’a plus qu’à
se pendre. Shaffaf 21.02.2011.
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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