Opinion
Palestine:
Conspiration du silence et inutilité des
résolutions
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Lundi 11 février
2013
«Il y a trois
espèces de sueur: celle de la maladie,
celle de l'étuve et celle du travail qui
est la meilleure.»
Proverbe
israélien
Avec une efficacité redoutable, les
médias mean stream et une complicité
coupable des médias arabes, la cause
palestinienne est en passe d'être
enterrée. Nous voulons dans cette
contribution attirer l'attention encore
et toujours sur une colonisation sans
frein qui compromet inexorablement
l'existence hypothétique d'une Palestine
originelle sur le bantoustan actuel qui
ne peut constituer un Etat.
Dans ce sens, une contribution
remarquable de l'Institution
internationale al Quds nous permet de
nous rendre compte que non seulement la
colonisation ne s'arrête pas mais tout
est fait pour judaïser les lieux,
notamment les lieux saints musulmans et
chrétiens qui coexistent difficilement
avec les lieux du judaïsme du fait d'une
érosion lancinante et inexorable des
religieux sous le regard bienveillant
des autorités. Nous lisons: «L'année
2012 a été marquée par une accentuation
de la judaïsation de la ville d'al Quds
et de la mosquée al Aqsa, que ce soit
par les incursions répétées contre la
mosquée ou la construction effrénée de
colonies dans la ville palestinienne
occupée. Le projet de judaïsation vise à
transformer la ville en une ville
exclusivement juive, tant par la
religion, la culture, la langue et la
construction, et à en faire la capitale
de l'Etat sioniste, ou même la capitale
juive du «peuple juif», du nom de
Urshalim. (...) De l'autre côté, les
Maqdisis tentent de préserver leur
entité et leur existence en tant que
société, en préservant leur identité,
leur langue et leur culture, tout comme
ils tentent de protéger leurs lieux
saints, musulmans et chrétiens.» (1)
«Après avoir réalisé la difficulté de
détruire la mosquée pour construire un
temple juif sur ses ruines, les milieux
sionistes ont adopté un plan plus
«réaliste» consistant à le partager. Au
cours de l'année 2012, des pas
importants ont été faits dans ce sens.
Au mois de septembre dernier, le député
sioniste Eldad propose la discussion
d'un plan de partage de la mosquée à la
Knesset, ce plan consistant à réserver 9
heures par jour aux musulmans dans la
mosquée, et 9 heures aux juifs, pendant
lesquels les musulmans devraient sortir
de la mosquée, le vendredi serait
réservé aux musulmans et le samedi aux
juifs. (...) D'autre part, les milieux
sionistes oeuvrant pour la construction
d'un temple juif à la place de la
mosquée ont accentué leur présence dans
la mosquée, quotidiennement, de manière
à ce qu'une telle pratique devienne
normale, en préparation à la demande
d'un «droit» sur la mosquée. Pour
compléter le plan de judaïsation de la
mosquée, les autorités sionistes tentent
de judaïser également tout l'espace qui
l'entoure, la vieille ville
(intra-muros) et les alentours. (..) Les
forces de l'occupation visent également
la destruction de la colline des
Maghariba pour modifier tout l'espace
qui entoure la mosquée, du côté Ouest,
Sud et Est, en construisant une
synanogue au-dessus de l'école
historique Tankaziya. Le projet de
judaïsation de la mosquée al Aqsa touche
également les souterrains, où les
autorités de l'occupation creusent le
sous-sol, des canaux et des salles, pour
fonder une ville souterraine juive.»(1)
Tous les prétextes sont bons pour
s'emparer des espaces, c'est soit des
pressions sur les individus soit des
motifs financiers: «Les autorités de
l'occupation poussent les Maqdisis à
l'exil «volontaire». En 2012, les
pressions se sont accrues dans le sens
suivant: - paupérisation des habitants
d'al Quds, passant de 60% (2008) à 77%
(2010) des familles maqdisies vivant
en-dessous du seuil de la pauvreté. La
fermeture du barrage de Ras Khamis le
19/9/2012 qui relie les banlieues au
nord d'al Quds à la partie de la ville
enfermée par le mur, et la poursuite de
la construction du mur à sa place, afin
de faire du barrage installé à She'fat
une voie de passage «international» pour
55.000 Maqdisis vivant dans les
quartiers Nord, ce qui signifie en clair
que les habitants doivent ou bien se
déplacer pour vivre à l'intérieur de la
zone fermée par les murs ou se passer de
leur droit de vivre dans leur ville.
(...) Les lieux saints chrétiens ont
également été les cibles des agressions
israéliennes. De fortes pressions
s'exercent sur le patrimoine de l'église
orthodoxe, qui a été mis sous séquestre,
prétextant les dettes de l'église envers
la compagnie d'eau, alors que depuis les
temps ottomans, les lieux saints sont
dispensés de payer ces factures. (...)
Le quartier al Bustan est le second
quartier d'al Quds menacé par
l'expulsion massive de sa population,
après le quartier de Sheikh Jarrah. Les
autorités ont pris la décision en 2009
de détruire 88 immeubles dans le
quartier. La population a eu recours aux
tribunaux pour protester contre cette
décision, tout en menant des
protestations populaires. Une tente de
protestation a été érigée où se rendent
régulièrement tous ceux qui s'associent
à leurs protestations.»(1)
Dans ce déni perpétuel des droits, les
Palestiniens luttent. Leur lutte est
inaudible parce que les médias
occidentaux qui formatent l'imaginaire
des peuples filtrent, formatent et en
définitive sont complices de cet état de
faits. A titre d'exemple, samedi 2
février, les forces israéliennes ont
brutalement démantelé le village de
tentes qui avait été érigé en début de
journée en signe de protestation par des
activistes palestiniens, près de
Naplouse. Leur intervention a provoqué
des affrontements qui ont fait au moins
20 blessés. Dans la journée, environ 200
personnes, venues de toute la
Cisjordanie, avaient installé le camp al
Manatir (dans une zone du village de
Burin menacée de confiscation au profit
d'une colonie voisine). (...) Le camp al
Manatir est la quatrième initiative de
ce type au cours de ces dernières
semaines. Le village de Bab al Shams
[Porte du Soleil] a d'abord été installé
dans la zone où Israël envisage de
construire la colonie «E1» qui coupera
la Cisjordanie de Jérusalem. Ensuite,
des locaux ont établi le village de al
Karamah [La Dignité] à Beit Iksa, au
nord-ouest de Jérusalem, promis à un
total encerclement par le Mur de
séparation que construit Israël. Enfin,
la semaine dernière, des activistes ont
installé le village protestataire d'al
Usra [Les Prisonniers] dans le village
d'Anin, au nord-ouest de Jénine.»(2)
Les
résolutions de l'ONU et leurs limites
On peut se demander qui fera entendre
raison à Israël dans son obsession de la
«Terre Promise». Les Palestiniens
étaient là sans discontinuer au moins
depuis trente siècles. Israël a choisi
de bafouer dédaigneusement la
quarantaine de résolutions pertinentes
des Nation unies. Souvenons-nous du
Rapport Goldstone qui est passé à la
trappe. Pour rappel, le rapport de la
Mission internationale indépendante
d'établissement des faits sur le conflit
à Gaza plus connu sous le nom de Rapport
Goldstone est un rapport rédigé à la
demande du Conseil des droits de l'homme
des Nations unies sur l'opération
militaire israélienne appelée opération
Plomb durci de décembre 2008 et janvier
2009 contre la bande de Gaza. La mission
a remis ses conclusions le 15 septembre
2009.
Le rapport accuse l'armée israélienne et
des groupes armés palestiniens (en
particulier ceux du Hamas) d'avoir
commis des actes pouvant constituer des
crimes de guerre et peut-être, dans
certaines circonstances, des crimes
contre l'humanité. La résolution 13/9 du
Conseil des droits de l'homme de l'ONU
votée le 14 avril 2010, a créé une
commission d'experts pour évaluer l'état
d'avancement des enquêtes recommandées
par le Rapport Goldstone. Nous sommes en
2013, nous attendons toujours que ce
rapport soit transmis au Conseil de
sécurité de l'ONU. Cependant, on s'en
souvient, contre toute attente, Mahmoud
Abbas ne le prend pas en
considération... Nous sommes en plein
dans le deux poids, deux mesures.
La
colonisation condamnée par un rapport de
l'ONU
Israël a créé 250 colonies, occupées par
520.000 colons, depuis la guerre des
Six-Jours en 1967. Le rapport a été
réalisé par «une mission internationale
indépendante d'établissement des faits»
pour étudier les effets de la
colonisation dans les territoires
palestiniens. La mission est composée de
trois expertes, soit la Française
Christine Chanet, la Pakistanaise Asma
Jahangir et la Botswanaise Unity Dow. Un
nouveau rapport, remis le 31 janvier
2013 et soigneusement étouffé par les
médias occidentaux, au Conseil des
droits de l'homme, évoque même un
éventuel recours à la Cour pénale
internationale.
Nous lisons: «Un nombre important de
droits de l'homme des Palestiniens sont
violés de manière et de façons diverses
en raison de l'existence de ces colonies
de peuplement», stipule le rapport.
«Conformément à l'article 49 de la
quatrième Convention de Genève, Israël
doit cesser toute activité de peuplement
dans les colonies, et ce sans conditions
préalables, soutient le rapport. Il doit
immédiatement commencer un processus de
retrait de tous les colons des
territoires occupés.» (3)
Le rapport précise que «les colonies de
peuplement sont maintenues et
développées à travers un système de
ségrégation total entre les colons
israéliens et la population habitant
dans les territoires occupés. «Ce
système de ségrégation est soutenu et
facilité par un contrôle militaire et de
maintien de sécurité stricts au
détriment des droits du peuple
palestinien.» Les juristes soulignent
que les violations des droits des
Palestiniens «font partie d'une
politique poursuivie par les différents
gouvernements israéliens». L'article 49
des Conventions de Genève prévoit
l'interdiction, pour la puissance
occupante, de transférer des populations
dans des territoires occupés. Le rapport
souligne la compétence de la Cour pénale
internationale (CPI) en regard des
violations de «certaines obligations
selon les lois humanitaires
internationales». Une telle référence à
la CPI «n'a jamais été évoquée dans
quelque rapport que ce soit», souligne
l'une des auteures du rapport, Christine
Chanet. Le rapport doit être soumis aux
47 États membres permanents du Conseil
des droits de l'homme de l'ONU le 18
mars prochain. Israël, qui boycotte les
réunions du Conseil des droits de
l'homme depuis mars 2012, a rejeté les
conclusions du rapport.(3)
Les conclusions du rapport sont sans
équivoque. Les trois expertes affirment
qu'Israël viole la 4e Convention de
Genève, relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, en
vigueur depuis 1949, par la destruction
de maisons, les arrestations et
poursuites d'enfants et leur transfert
hors des territoires palestiniens. Les
expertes dans leur rapport indiquent que
«les colonies de peuplement sont
maintenues et développées à travers un
système de ségrégation totale entre les
colons israéliens et la population
habitant dans les territoires occupés.
Ce système de ségrégation est soutenu et
facilité par un contrôle militaire et de
maintien de sécurité stricts au
détriment des droits du peuple
palestinien.» Une précision juridique
stratégique: depuis que la Palestine a
obtenu, en novembre dernier, le statut
d'observateur non-membre de l'ONU, elle
a effectivement le droit de se retourner
vers la Cour pénale internationale.
C'est d'ailleurs sur ce point qu'une
dirigeante de l'Organisation de
libération de la Palestine, Hanne
Acharaoui, a réagi. Saluant le rapport,
elle a fait remarquer qu'il assimile la
colonisation à des «crimes de guerre»,
«ce qui expose Israël devant les
juridictions internationales».(4)
Où en
est-on actuellement?
Dans tout état où l'impasse semble durer
mille ans pour les Palestiniens, Mahmoud
Abbas «plane». Il s'occupe de timbres:
le 14 janvier 2013 il a ordonné, par un
décret, à tous ses organismes et
institutions d'employer désormais dans
les documents officiels et
gouvernementaux le nom d'«Etat de
Palestine» au lieu de l'Autorité
palestinienne, rapporte samedi l'agence
Wafa. Peut-être est-il conforté par
l'appui d'un Etat qui a le même statut
que celui de la Palestine. En effet,
pour la première fois, le Saint-Siège a
employé officiellement le terme d'«Etat
de Palestine».
Ne semblant pas se rendre compte que la
situation est sérieuse, il pose ses
conditions pour la reprise du dialogue!!
Nous lisons dans cette contribution de
Marc Longari: «Les Palestiniens sont
prêts au dialogue avec tout gouvernement
israélien formé à l'issue des
législatives s'il reconnaît l'Etat de
Palestine dans les frontières de 1967 et
renonce à la colonisation, a déclaré
mercredi Nabil Abou Roudeina,
porte-parole du président palestinien
Mahmoud Abbas. Et de rappeler que le
statut d'Etat observateur acquis par la
Palestine à l'Onu lui ouvrait de
nouvelles possibilités de recours devant
les instances judiciaires
internationales. (...) La communauté
internationale ne reconnaît pas
l'annexion en 1967 de la partie
orientale de la ville de Jérusalem, dont
les Palestiniens veulent faire la
capitale de leur Etat. Elle condamne les
nouveaux chantiers ouverts par l'Etat
hébreu dans les territoires occupés. Les
Palestiniens posent la cessation de la
colonisation israélienne comme condition
préalable à la reprise des négociations
de paix interrompues il y a deux ans,
mais Israël considère Jérusalem comme sa
capitale ''unie et indivisible''.» (5)
Mieux encore, M. Abbas menace Netanyahu
de démissionner et de rendre la gestion
de la Cisjordanie à Israël si le
gouvernement israélien ne cherchait pas
à relancer les négociations de paix,
rapporte le journal israélien Haaretz le
23 janvier. «S'il n'y a pas de progrès
même après les élections législatives
israéliennes, je téléphonerai à
Netanyahu et je lui dirai: mon cher ami,
asseyez-vous à ma place, prenez toutes
les clés et soyez responsable de
l'Autorité palestinienne». On est en
plein délire. Une énième lueur d'espoir,
on ne peut qu'y croire: un sommet entre
Benyamin Netanyahu, Mahmoud Abbas et
Barack Obama pourrait avoir lieu lors de
la visite du président américain dans la
région, prévue au printemps, C'est donc
une opportunité pour Obama qui a les
coudées franches pour enfin dire le
droit. Par ailleurs, des militants
israéliens de «la Paix Maintenant» ont
ouvert samedi une page sur Facebook
intitulée «Obama, viens sur la place»
pour tenter de convaincre le président
américain de prononcer un discours sur
la place Yitzhak Rabin à Tel-Aviv, à
l'endroit où l'ancien Premier ministre a
été assassiné en 1995 par un extrémiste
de droite.
Que
faut-il en conclure?
La force doit-elle primer le droit? Je
suis sûr qu'il existe des Israéliens qui
ne sont pas d'accord avec cette
colonisation sauvage doublée
d'apartheid. Il est à espérer que la
raison finira par donner une espérance
aux Palestiniens pour qu'ils puissent
enfin, aspirer à la dignité, il y a bien
longtemps qu'ils savent qu'ils ne
peuvent plus compter sur leurs
dirigeants qui, à des degrés divers
s'accommodent de cet état de faits.
Pendant ce temps, la colonisation
continue et tout est fait pour la rendre
irréversible..
1. La ville d'Al-Qods en 2012
http://lavoixdelasyrie.com/data/?p=10329
2.
http://www.alterinfo.net/Israel-evacue-le-village-protestataire-al-Manatir-dans-la-violence-deliberee-des-dizaines-de-blesses-video_a86481.html
3.
http://www.mleray.info/article-palestine-114943789.htm
4.israel/http://www.oulala.info/2013/02/colonisation-le-rapport-explosif-de-lonu-qui-fache-israel/
5. Marco Longari 23 janvier - RIA
Novosti
http://fr.rian.ru/world/20130123/197316907.html
6.http://fr.rian.ru/world/20121228/197082602.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 13 février 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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