Opinion
Commandante Chavez
: Eloge et devoir d'inventaire
Chems
Eddine Chitour
Samedi 9 mars 2013
«A ceux qui me
souhaitent la mort, je leur souhaite une
très longue vie pour qu'ils continuent à
voir la Révolution bolivarienne avancer
de bataille en bataille, de victoire en
victoire.» -
Hugo Rafael Chavez Frias
Belle phrase en vérité qui nous
renseigne sur le sacerdoce de Chavez! Un
jour triste, pourtant que celui du décès
du Comandante Chavez qui a dirigé le
Venezuela, un petit pays avec une grande
histoire dont la figure tutélaire de
Simon Bolivar, est revendiquée par plus
d'un pays d'Amérique latine. A plusieurs
titres, Chavez était avant tout un
battant, qui a toujours lutté et toute
sa vie n'a été qu'une suite de combats
incessants qui l'ont propulsé d'une
condition sociale la plus humble aux
plus hauts sommets. Il fascinait, à la
fois ses admirateurs, mais aussi ses
adversaires. En clair il ne laissait,
personne indifférent. Il fait partie de
ces personnages haut en couleur un peu
brouillon, un peu populiste- cela fait
partie de la personnalité de tout un
chacun quoiqu'on en dise- mais toujours
généreux avec un cap pour lequel il ne
s'est jamais départi, celui de combattre
les inégalités pour que le soleil se
lève pour les classes les plus
déshéritées. Il fut à sa façon un
combattant pour la libération du joug
d'un capitalisme prédateur.
Le XXe siècle a offert aux «damnés de la
terre», Che Guevara qui marquera encore
longtemps son époque bien après la
disparition de la plupart des dirigeants
occidentaux. Qui se souviendra des Bush
et même d'un Obama dont on s'aperçoit
avec amertume qu'il ne fut pas à la
hauteur des promesses qu'il a faites au
monde. Qui se souviendra d'un Sarkozy,
d'un Tony Blair. Assurément, ce sont des
nains comparés à ces géants. De Gaulle
est resté dans l'histoire pour avoir été
un nationaliste intransigeant vis-à-vis
de l'Empire. Chavez fut à sa façon le
Che Guevara social du XXIe siècle Ceci
étant dit, il y eut des présidents qui
nous ont fait croire en la personne
humaine. Dans l'une de ses nombreuses
interviews, Chavez rapporte que dans un
entretien téléphonique avec Jimmy
Carter, il lui avait fait part de son
regret de n'avoir pas été président à la
même période que lui, ils auraient fait,
poursuit-il, ensemble beaucoup de choses
constructives et généreuses.
Se revendiquant du bolivarisme et d'un
«socialisme du XXIe siècle», Chavez a
mis en place un ensemble de réformes,
désignées sous le nom de «Révolution
bolivarienne». Depuis son élection, Hugo
Chávez déclare mettre petit à petit en
place une politique économique
sensiblement «socialiste» sans pour
autant l'être totalement, il la nomme
«Révolution bolivarienne». Une
redistribution partielle des terres a
été lancée: dans un pays où l'économie
est principalement fondée sur
l'exploitation du pétrole. (1)
Les
réussites incontestables
«Sa plus grande réussite fut en
direction des démunis; les taux de
pauvreté et de pauvreté extrême ont
considérablement baissé ces dernières
années. Le rapport du Center for
Economic and Policy Research sur
l'évolution des indicateurs
socio-économiques au cours des dix
premières années de l'administration
Chávez indique que: le taux de pauvreté
a été diminué de moitié, de 54% des
ménages (2003) à 26% (2008). La pauvreté
extrême a diminué de 72%. L'accès à la
nourriture a été amélioré de manière
significative. La consommation calorique
moyenne est passée de 91% des apports
recommandés (1998) à 106% (2007)».(1)
«Les décès liés à la malnutrition ont
chuté de 50% (de 4,9 à 3,2 décès par
.100 000 habitants) entre 1998 et 2006,
notamment grâce au Programme alimentaire
scolaire (petit-déjeuner, déjeuner et
collation gratuits dans les écoles
publiques) et au réseau Mercal de
nourriture subventionnée. La part du
Produit intérieur brut consacrée à
l'éducation, qui était de 1,7% en 1993
et de 1,6% en 1998, est passée à 4,3% en
2005. D'après les chiffres de l'Unesco,
l'analphabétisme a été éradiqué au
Venezuela. De 1996 à 2006, la mortalité
infantile a diminué de plus d'un tiers.
Le nombre de médecins généralistes dans
le secteur public a plus que décuplé,
fournissant des soins médicaux à des
millions de Vénézuéliens qui n'y avaient
pas accès. (...) Par ailleurs, Chavez
n'était pas contre le peuple américain,
notamment les plus démunis. En janvier
2006, Hugo Chávez avait lancé une
opération de réduction de 40% du prix du
fioul exporté aux États-Unis, en faveur
des Américains pauvres. Il donne suite à
une promesse faite en septembre 2005,
après la catastrophe de l'ouragan
Katrina.(1)
La
diabolisation occidentale de Chavez
C'est dire que sur le plan social ce fut
un succès que les dirigeants précédents
et même en Occident n'atteindront
jamais, il n'ya qu'à voir la détresse
des besogneux en Grèce, et pratiquement
dans tous les pays occidentaux où le
néolibéralisme prédateur au nom de la
«liberté du renard dans le poulailler»
achève de détruire les emplois, les
espérances de millions de personnes. La
devise occidentale pourrait être résumée
par cette formule «Il faut démolir le
soldat Chavez» pour tout ce qu'il
réussit, et pour ne pas rentrer dans le
rang.
Eduardo Febbro écrit: «Le président
Chávez conspué en Occident était un
adversaire commode, permettant aux
démocrates occidentaux de se construire
une bonne conscience à coups de clichés.
Contre qui vont-ils désormais
s'acharner? L'Occident a perdu un
paladin inimitable, un ennemi sans égal
qui, au cours des années passées à la
tête du Venezuela, a mis à nu toutes les
hypocrisies qui permettent aux
démocraties occidentales d'asseoir leur
légitimité. Diabolisé par la presse,
Hugo Chávez était le miroir inversé à
partir duquel les âmes bien-pensantes
des pays occidentaux construisaient leur
propre image de démocrates honnêtes.
Hugo Chávez incarnait, pour les
moralistes de l'Ouest, le profil parfait
«du nouveau despote sud-américain». Cet
homme représentait tout le mal qu'ils
pensaient de l'hémisphère Sud: (...)
Maintenant, il y a un ennemi de moins
grâce auquel se faire des louanges dans
le miroir. La mort a emporté un chef
d'Etat controversé, dont le verbe
implacable mettait en évidence les
contradictions moralistes de ceux qui
gouvernent le monde selon leurs modèles.
Aujourd'hui, les pays occidentaux ont
perdu leur adversaire. Ils vont devoir
en trouver un autre pour cacher leurs
propres faiblesses.»(2)
Le
syndrome hollandais ou la malédiction de
la rente
Chavez n'était pas un saint. Tout homme
a sa part d'ombre et Chavez en tant
qu'humain était sujet à l'erreur. Je ne
pense pas que l'enrichissement personnel
l'intéressait, mais c'est un fait, on
dit que sa famille aurait largement
profité du pouvoir. La corruption comme
dans tous les pays existe, mais elle
n'est pas dénoncée et punie. Des proches
ont occupé les postes de commande. On
dit aussi que les recettes de la
compagnie pétrolière Pdvsa (le poumon)
étaient surtout dirigées vers le social
sans création de richesses.
Pour Jean-Jacques Kourliandsky,
chercheur à l'Iris (France) le Venezuela
est un pays de taille et d'économie
modestes. Avait-il converti le Venezuela
au communisme cubain? Etait-il un modèle
pour les révoltés du monde? Il
l'affirmait en tous les cas. Et la
presse main stream, de New York à
Francfort, sans oublier les journaux de
Caracas lui ont fait crédit sans
inventaire. (...) En dépit des
polémiques avec l'opposition et ses
journaux, Il n'y a pas de Pravda
chaviste. Le multipartisme est garanti
par la Constitution. La vraie rupture
aura été celle de la solidarité.
Solidarité sociale d'abord, en direction
des Vénézuéliens les plus défavorisés.
Solidarité extérieure également, qui a
été aussi politique d'influence avec le
Sud, le Sud voisin de la Caraïbe et
d'Amérique du Sud, le Sud plus lointain
d'Afrique et du Monde arabe. Cependant,
note le chercheur, il y a le revers: «La
priorité donnée au pétrole est à la base
de cette solidarité nationale et
extérieure, définie par le régime comme
«socialisme du XXIe siècle». Le
Venezuela était un pays victime du
syndrome hollandais. Il est à ce jour
toujours paralysé par cette malédiction.
Avant-hier, avant le pétrole, avant donc
1920, le pays produisait l'alimentation
dont il avait besoin. Il exportait du
café». (3)
«Aujourd'hui le Venezuela importe sa
nourriture comme l'essentiel de sa
consommation courante. Les tentatives de
diversification agricole et
industrielle, ou de création d'un tiers
secteur, relèvent du social plus que de
l'économie. Comme ses prédécesseurs, le
gouvernement est contraint de remettre
en dévaluant la monnaie nationale les
compteurs à zéro, de temps en temps,
pour casser l'inflation et tenter de
donner un peu d'air aux survivants du
secteur productif. Dévalué en janvier
2010, le Bolivar l'a de nouveau été en
février 2013. Ces mesures qui relèvent
de l'expédient ne bouleversent pas la
tendance. (...) Les autorités de Caracas
s'accrochent donc au pétrole, comme à
une assurance vie et à une garantie de
survie politique. Ce qui peut-être les a
conduits à tirer excessivement sur le
chéquier Pdvsa. La production de
barils/jour est en effet à la baisse
depuis plusieurs années. Chavez aura été
bien davantage un «missionnaire»
accordant une forme de charité nationale
aux plus pauvres. Il n'aura en aucune
manière été un magicien ou un
missionnaire de l'économie ayant permis
à son pays de rompre avec le maléfice
hollandais, la corruption et avec la
délinquance, maux qui affectent de façon
structurelle un pays pour bien des
raisons souvent qualifié de Venezuela-saudite».(3)
Il y a, de ce fait, une analogie
flagrante avec la politique sociale et
rentière de l'Algérie; les mêmes travers
de corruption, d'intouchabilité
prévalent. La malédiction de la rente
pétrolière compromet le développement
s'il n'y a pas création de richesses. De
plus, le budget de l'État est calculé
sur la base d'un baril à bas prix -
autour de 50 dollars (contre 100 dollars
perçus). Peut-être que le moment est
venu d'adosser chaque calorie exportée à
un développement endogène et pérenne car
la rente pétrolière outre le fait
qu'elle ne durera pas, stérilise tout
effort pour s'en sortir par le savoir,
le savoir-faire en un mot, l'effort (4).
Ce qui
restera de Chavez
Hugo Chávez a laissé une marque
indélébile dans le paysage politique
vénézuélien, américain et mondial. Les
restes d'El Comandante vont désormais
reposer aux côtés de son inspirateur, au
mausolée Simon Bolívar. Il existait, et
il existera sûrement encore longtemps,
une connexion passionnelle entre Hugo
Chávez et des millions de Vénézuéliens.
Intitulé «Chávez, coeur du peuple», le
dernier slogan de campagne du leader
latino a tapé dans le mille. «C'est le
premier président à s'être réellement
préoccupé des pauvres», commente le
journaliste révolutionnaire, Miguel
Ángel Pérez Pirela, en évoquant les
programmes sociaux impulsés par Chávez.»
(5)
Pour Rory Carroll, le dirigeant
vénézuélien laisse derrière lui un pays
alphabétisé et doté d'un bon système de
santé, mais aussi trop dépendant du
pétrole et dont les infrastructures
partent en lambeaux. Toutefois, ce ne
sont pas ses accomplissements dans le
domaine de la démocratie qui sont les
plus critiquables, mais ses compétences
en tant que gestionnaire. Après avoir
empoché pendant dix ans des revenus
pétroliers sans précédent, d'un montant
de 1000 milliards de dollars, le
Venezuela tombe en morceaux (...)
L'économie est biaisée par les
subventions et les contrôles. On peut
faire le plein pour environ 40 centimes
d'euro, mais il faut se battre pendant
des mois pour monter son entreprise. Des
parasites, surnommés les «boligarques»,
jouent les flambeurs avec les milliards
qu'ils détournent grâce à leurs contacts
au sein du gouvernement. Les revenus à
l'exportation du pays dépendent à 96% du
pétrole, contre 80% il y a dix ans. Il
s'est opposé à George Bush sur l'Irak, a
encouragé le renouveau de la fierté
nationale dans une Amérique latine qui a
retrouvé de l'assurance, et le tout avec
style et charisme.»(6)
La mort de
Chavez est elle naturelle ?
Des soupçons pèsent sur cette loi des
séries s’agissant des dirigeants sud
américains ; Nous lisions dans cette
contribution : « …Outre Chavez,
différentes formes de cancer ont été
diagnostiquées chez l'ex-président
argentin Raul Alfonsin (mort en 2009) et
la dirigeante actuelle du pays Cristina
de Kirchner, l'ex-président brésilien
Lula da Silva et la présidente actuelle
Dilma Rousseff, ainsi que chez l'ancien
chef de l'Etat paraguayen Fernando Lugo
»
De ce fait , certains à l’instar du
dirigeant du Parti communiste de la
Fédération de Russie (KPRF), Guennadi
Ziouganov, « affirme que la mort du
président vénézuélien Hugo Chavez n'est
pas fortuite et qu'elle doit faire
l'objet d'une enquête internationale ».
« Comment expliquer le fait poursuit
Guennadi Ziouganov que six leaders de
pays latino-américains qui tentaient de
former leur propre bloc influent pour
devenir souverains et indépendants, ont
soudainement contracté la même maladie
que Chavez?", a demandé M. Ziouganov
interrogé par la chaîne de télévision
Rossiya 24. "Je pense que cet épisode
est loin d'être fortuit", a souligné le
chef du KPRF, ajoutant qu'il fallait
"engager une enquête, y compris sous
contrôle international".(7)
Le Chavez
religieux
Deux citations d'Hugo Chávez
éclaircissent sa pensée: «Parmi les
éléments qui pourraient définir le
socialisme du xxie siècle, je dirais que
la première caractéristique est
l'élément moral. Il faut commencer par
cela, par la conscience, par l'éthique.
Le Che a beaucoup écrit sur la morale
socialiste. Quelle que soit la vision du
monde que l'on a, il faut nous
réapproprier le sens éthique de la vie.
Ce que je dis là tient sans doute
beaucoup du christianisme: «Aimez-vous
les uns les autres» ou «Aimez votre
prochain comme vous-même.» En réalité,
il s'agit de ceci: de la solidarité avec
le frère. Il s'agit de la lutte contre
les démons que le capitalisme a semés:
l'individualisme, l'égoïsme, la haine,
les privilèges. Je suis chrétien et je
pense que le socialisme doit se nourrir
des courants les plus authentiques du
christianisme.» (1)
Chavez à sa façon, était soumis à Dieu (
traduction du mot musulman) – le
président Bouteflka appréciant ses
actions en direction des pauvres, lui
aurait dit qu’il était un bon musulman-.
Chavezl était sur le pas du Christ en
termes d'humilité, de devoir, d'alléger
les souffrances des faibles. C'est la
théologie de la libération en action.
On comprend qu'il soit contre le décorum
de l'Eglise. «Lors d'un discours, il a
déclaré que l'Église catholique ainsi
que d'autres courants essayaient de
manipuler le christianisme pour en faire
un opium du peuple, mais qu'au
Venezuela, la religion chrétienne
restait l'énergie du peuple et qu'elle
était source de justice sociale, de
lutte pour la dignité de l'être humain,
d'égalité et de liberté.» (1)
Il est à espérer que son dauphin,
Nicholas Madéro, s'il est élu, perpétue
l'héritage humaniste, le sacerdoce de
Chavez. Il devra cependant, changer de
fusil d'épaule, et investir pour créer
de la richesse hors hydrocarbures car la
rente est éphémère. Alors, la révolution
bolivarienne aura de beaux jours devant
elle et peu importe ce qu'en pensent les
pays capitalistes qui eux, curieusement,
font des espérances de leurs
travailleurs vulnérables des variables
d'ajustement.
Nous dédions cet hommage à Chavez qui
reprend et adapte pour la circonstance,
celui fait à Che Guevara dans «Hasta
siempre» chanson écrite en 1965 par
Carlos Puebla et chantée par Nathalie
Cardone et tant d'autres: «Aprendimos a
quererte Aqui se queda la clara, de tu
querida presencia Comandante Chavez»,
«Nous avons appris à t'aimer Ici il
reste la clarté De ta chère présence
Commandant Chavez» «Hasta siempre
comandante», «Pour toujours commandant».
1. Chavez: Encyclopédie Wikipédia
2.Eduardo Febbro Página 12
http://www.courrierinternational.com/article/2013/03/06/hugo-chavez-le-leader-diabolise-par-l-occident
3. Hugo Chavez, un missionnaire de
l'économie solidaire Le Monde.fr
07.03.2013
4.C.E. Chitour
http://www.legrandsoir.info/hugo-chavez-le-phoenix-tranquille.html
5.http://billets-du-temps-perdu.blogspot.fr/2013/03/adios-companero-adios-el-comandante.html
6. Rory Carroll: Les nombreuses
contradictions d'Hugo Chávez The
Guardian 6 mars 2013
7.
.http://fr.ria.ru/world/20130306/197720378.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique nep-edu.dz
Publié le 4 mars 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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