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L'EXPRESSIONDZ.COM

AFGHANISTAN
La mort d´enfants au nom des valeurs de l´Occident
Pr Chems Eddine Chitour


Photo Terre équitable

1er septembre 2008

"Ils peuvent tuer toutes les hirondelles, ils n´empêcheront pas la venue du printemps."
Proverbe afgan

Irak, Afghanistan, chaque semaine des dizaines de civils morts par des frappes de l´Otan, sans que cela ne soit vraiment sanctionné car ça dure encore et encore. Tragique concours de circonstances, plus de 90 civils afghans ont été tués le même vendredi 22 août, lors d´un bombardement aérien dans l´ouest du pays. En raison de la triste répétition de ces «dommages collatéraux», l´ONU a recueilli des «preuves convaincantes qu´un bombardement de la coalition emmenée par les Américains avait tué vendredi 90 civils, dont 60 enfants, 15 femmes et 15 hommes», a écrit Kai Eide dans un communiqué. Ce bilan est conforme à celui de la commission d´enquête mandatée par le président afghan Hamid Karzaï, après une frappe aérienne, vendredi, près du village d´Azizabad, dans le district isolé de Shindand. La coalition sous commandement américain a annoncé l´ouverture d´une enquête. Le président Hamid Karzaï a, lui, condamné le «martyre des innocents». Ces enfants afghans sont morts une deuxième fois, du fait du silence assourdissant des médias sans état d´âme...
Déjà le mardi 29 juillet 2008, deux jeunes enfants sont morts sous les balles de soldats canadiens, tirées dimanche en Afghanistan. Ils étaient à bord d´une voiture conduite par leur père, qui aurait ignoré les avertissements des militaires en roulant à vive allure en direction de leur convoi. Une enquête sur cette nouvelle bavure a été lancée. Le projectile d´une quinzaine de centimètres a traversé le crâne de la fillette de 4 ans, avant d´atteindre à la poitrine le garçon de 2 ans. Selon l´organisation Human Rights Watch, au moins 300 civils afghans ont perdu la vie l´an dernier aux mains des forces de la coalition. Des milliers d´entre eux seraient morts accidentellement depuis le début de la guerre en 2001. En fait, les bavures ou plus pudiquement les dommages collatéraux sont devenus monnaie courante et les militaires ouvrent des enquêtes qui n´aboutissent jamais! Les guerres d´occupation de l´Afghanistan et de l´Irak se poursuivent avec leurs cortèges de morts et leurs lots de destruction et de désolation. Selon Unknown News, en date du 16 juillet 2007, la situation globale se présentait ainsi: au moins 832.962 personnes ont été tuées et 1.590.895 ont été blessées en Afghanistan et en Irak. En Afghanistan, selon le dossier concernant les victimes civiles, les bombardements américains ont tué entre 3485 et 4034 civils entre octobre 2001 et juin 2004 (http://pubpages.unh.edu/~mwherold/). Selon des données rapportées par Matrix Masters, un total estimé de 1500 personnes ont été tuées en 2005 dans ce pays. Selon un rapport d´Human Rights Watch, en 2006, 4400 Afghans ont été tués dont 1000 civils. Plus de 1900 personnes avaient été tuées au cours des huit premiers mois de l´année (Wikipedia). En 2007, on estime que 7100 personnes ont été tuées y compris 926 policiers afghans, 4478 insurgés, 1500 civils et 232 soldats étrangers (Wikipedia).En mars 2008, après plus de six ans de combat, selon les données de l´Aghanistan Conflict Monitor se référant au total de ceux qui ont péri dans cette guerre, il dépasse les 8000 personnes en 2007 (M.Weaver, The Guardian, 11 mars 2008). Au cours des six premiers mois de 2008, plus de 2100 personnes ont été tuées y compris 698 civils. (Wikipedia). Nous aurions un total estimé entre 20.000 et 25.000 personnes qui ont perdu la vie en Afghanistan entre octobre 2001 et juin 2008.(1)

Les valeurs de Kouchner
Combien ces guerres ont-elles coûté jusqu´à maintenant? Quelle est l´ampleur des dommages causés aux infrastructures? Selon un rapport du Service de recherche du Congrès des États-Unis mis à jour le 23 juin 2008, jusqu´au 26 décembre 2007 le Congrès a approuvé la somme totale de 700 milliards de dollars. Dans la première année de guerre en Afghanistan, le coût financier de la guerre en Afghanistan s´élèverait à $1 milliard par mois. Avec l´avancée spectaculaire de l´Alliance du Nord et la prise de Kaboul, on imagine que ce coût astronomique va bientôt se réduire...Les États-Unis ont déjà envoyé
6 000 missiles et bombes sur le sol afghan. Le coût de certains missiles s´élève à $1 million pièce. Attention à ne pas se tromper de cible! Les 50.000 militaires américains basés en Asie touchent en guise de motivation $150 par mois...et la gloire en plus bien sûr.
Personne ne gagne à faire la guerre sauf peut-être l´industrie militaire...".(2).
Selon Joseph Stiglitz et Linda Bilmes du journal The Times, «les coûts des conflits en Irak et en Afghanistan sont estimés à la somme de 3000 milliards de dollars.Par ailleurs, selon des chiffres gouvernementaux, quelque 1.4 million d´Irakiens se trouvent maintenant en Syrie, jusqu´à 750.000 en Jordanie, 80.000 en Égypte et quelque 200.000 dans la région du Golfe. La Syrie, à elle seule, accueille un minimum de 30.000 Irakiens par mois»(3). Quand on pense à tout le tapage fait en France et en Italie à propos de la chasse aux basanés. La France pays de vieille civilisation arrive à traquer 25.000 clandestins par an alors que la Syrie- pays barbare au sens de la nouvelle doxa européenne- en accepte 30.000 par mois!!!
Pour l´histoire, on se souvient qu´en novembre 2001, les Américains décident de chasser les talibans d´Afghanistan coupables de n´avoir pas remis Ben Laden. Depuis, la «coalition» composée principalement d´Européens Canadiens et Américains, s´installe à demeure pour conforter le régime de Hamid Karzaï.
53.000 soldats en provenance de 43 pays composent la Force internationale d´assistance à la sécurité (ISAF). 300 civils sont morts l´an dernier, victimes des bavures des forces de la coalition. A l´hiver 2001-2002 ce fut la chute du régime des talibans. Mise en place d´un régime de transition qui est toujours là dirigé par Hamid Karzaï. Ce dernier est repéré dans les années 1990 par Zalmay Khalilzad, - actuel représentant des Etats-Unis au Conseil de sécurité, un Afghan de naissance. Sur ses conseils, le département d´État décide de le promouvoir comme futur président.
Le président de la République française n´a pas laissé échapper l´occasion pour faire un rapprochement entre le massacre de Maillé et l´embuscade en Afghanistan sans un mot naturellement pour la bavure qui a couté neuf fois plus de vies afghanes surtout des enfants innocents: «On comprend mieux, dit-il, ce que veut dire la civilisation et pourquoi il faut la défendre quand elle se trouve confrontée à la barbarie la plus totale», a lancé le chef de l´Etat, en évoquant le «sacrifice de nos dix jeunes soldats face à ces barbares moyenâgeux, terroristes, que nous combattons en Afghanistan». En opposant la civilisation à «la barbarie la plus totale», l´humanité à «l´inhumanité absolue», les démocrates aux «terroristes», Nicolas Sarkozy a des accents qui rappellent ceux de George W.Bush parlant de la lutte du Bien contre le Mal. C´est sans doute pour cela qu´il sera prochainement récompensé d´un «Humanitarian Award» par la Fondation Elie Wiesel.
Bernard Kouchner et Hervé Morin ont tenté aussi d´expliquer pourquoi il faut aller en Afghanistan et y rester au nom des «valeurs», nous supposons occidentales et chrétiennes. Ecoutons les: «Dix soldats français sont morts en Afghanistan. Comme d´autres avant eux, ils sont tombés pour une certaine idée de la dignité humaine et de la liberté à laquelle la majorité du peuple afghan aspire...Nous livrons en Afghanistan un combat pour défendre ce que nous avons de plus précieux: nos valeurs, notre sécurité et aussi une solidarité indispensable avec nos alliés..../Ce qui est en jeu, ce sont d´abord nos valeurs. De 1996 à 2001, une dictature barbare, le régime des talibans, coupait l´Afghanistan du reste du monde. Ce qui se joue en Afghanistan, ce sont aussi nos intérêts de sécurité. En démontrant ensemble que nous ne cédons pas à la force, que nous ne reculons pas devant Al Qaîda, nous montrons au monde entier que le terrorisme ne gagnera pas.../ Partir, ce serait donner la plus belle des victoires au djihadisme international: il n´y a plus d´impunité pour ceux qui frappent au coeur l´un d´entre nous. C´est tous ensemble que nous y répondons. Renoncer aujourd´hui en Afghanistan, ce serait renoncer à nos valeurs».(4)
La réponse de Jean-Marie Le Pen, nous parait pertinente: «Nos soldats n´ont pas à se faire tuer pour l´oncle Sam. Ils sont morts dans la guerre interminable que mènent les Etats-Unis d´Amérique dans ce pays pour leurs propres intérêts».

Mourir pour l’Oncle Sam
"Le monde libre doit aider les forces démocratiques afghanes à éradiquer la barbarie moyenâgeuse " De quel "monde libre" et de quelle barbarie parle -t-on? Nous allons rafraichir la mémoire de ceux qui pensent détenir le magistère de la norme en termes de civilisation. Carrefour millénaire, l´Afghanistan se signale à la face du monde dès le VIIe siècle avant J.C. au moment où, toute exception faite de la Grèce et de Rome, il émergeait aux temps historiques. Il a vu prédominer sur son sol une multitude de civilisations qui ont chacune laissé une empreinte forte. Ainsi, Ghaznavides, Ghurides, Mongols, Timourides et Moghols se succéderont, tour à tour, pendant près de mille ans. Ces conquêtes seront tant bien que mal bénéfiques puisqu´elles marqueront une longue période pendant laquelle religion, art, science et poésie vont combler l´Afghanistan de ses plus grandes oeuvres et personnalités. Ainsi, l´Afghanistan verra le règne de rois à la fois imposants et finement lettrés (Sultan Mahmoud de Ghazni par exemple), des grands poètes persans tels Roumi et Firdawsi, des savants avec Ibn Sinâ (Avicenne) qui est considéré comme le plus grand médecin au monde. A cette richesse culturelle, viennent s´ajouter de nombreux témoignages des civilisations préislamiques, formant ainsi un contraste qui n´entrave pas pour autant la beauté et le spectacle des Bouddha de Bâmiyân aux miniatures d´Hérât, on retrouve pour chaque période une spécificité magistrale au niveau des oeuvres.
Souvenons-nous de Djamel Eddine Al Afghani qui a joué un rôle considérable dans la formation d´un courant tendant à la libération et à la réforme de la pensée religieuse. Al Afghani a eu un collaborateur arménien en 1881 qui s´appelait Adib Ishak (1856-1886). Adib Ishak était catholique, né en Syrie. Petit enfant, il avait été sauvé avec sa famille par Abdel Kader lors des troubles de 860 en Syrie. Après 1860, sa famille s´installe après Damas à Beyrouth où jeune il participe à la renaissance littéraire arabe, la Nahda: http://www.crda-france.org/0ab/ x6_15adib_ishaq1.htm.Adib Ishaq viendra séjourner à Paris et il rencontrera Victor Hugo qui l´appellera «le Génie de l´Orient».
Je veux aussi citer un aspect hautement spirituel qui est certainement différent des «valeurs» de Monsieur Kouchner: Dans l´histoire du monde musulman, les confréries religieuses occupent une place et une fonction très importantes. Ainsi existent, depuis l´aube de l´Islam, des communautés de fidèles, fortement implantées dans le tissu social, qui suivent l´autorité et le rayonnement d´un maître spirituel (Cheikh). Ces communautés, le plus souvent reliées au Soufisme (Tassawuf, la branche mystique de l´Islam), se retrouvent tout au long de l´histoire de l´Islam et dans toute son aire d´expansion géographique, du Maghreb à l´Extrême-Orient. Selon le legs du maître fondateur: Tariqa Qadiriya du nom de son fondateur Abdel Qader Jilani, Shadiliya, fondée par Abul Hassan Shadili, Naqshbandiya etc.
Chacune de ces confréries, placées sous la guidance et l´autorité spirituelle du fondateur et de ses disciples, suit, dans le strict respect de l´orthodoxie générale de l´Islam, un certain nombre de rites et de pratiques qui lui ont propres, mais qui se regroupent souvent sous des formes génériques communes: Dhikr (litanies/invocations), Sama´ (chants spirituels), Moussem (commémorations publiques et populaires, liées aux calendriers de naissance ou de décès du fondateur). Parmi ces nombreuses confréries, celle des Derviches tourneurs, qui sont membres de la confrérie des Mevlevis, est l´une des plus connues. Djalaleddinn Rumi, le fondateur de l´ordre, naquit en 1207 à Balkh, ville située aujourd´hui en Afghanistan. Mystique, poète, penseur, Rumi, auteur du Mesnevi, imposant recueil de milliers de vers, célèbre dans tout le monde arabo-musulman, est connu sous le nom de Mevlana (le Maître), d´où dérive par assonance le nom de la confrérie. Profondément assoiffé de quête spirituelle, montrant dès son jeune âge d´étonnantes prédispositions mystiques, Djallaledin Rumi deviendra le maître spirituel de son temps. Les derviches tourneurs de Konya.(5). C´est à Konya, en Turquie, l´antique Iconium des Romains, qu´il s´éteint en 1273. La ferveur mystique qui l´animait était telle que l´on raconte qu´un jour, tandis qu´il se promenait dans le bazar de Konya, il entendit, passant par le souk des bijoutiers, la sonorité cristalline du marteau de l´orfèvre ciselant l´or. À ces sonorités célestes, son âme «s´envola» et il se mit à tourner sur lui-même dans une danse extatique, au sein de la foule médusée. Il est dit que c´est de cet événement que naquit la célèbre danse des Derviches tourneurs.
Que dire en conclusion? L´Otan, dit-on, est désarmée face à l´emprise talibane Malgré leur volonté de déployer encore plus de soldats, les membres de l´Alliance atlantique semblent incapables d´enrayer la progression des talibans et l´émergence de nouveaux chefs de guerre. Le Pentagone envisagerait maintenant d´investir 20 milliards de dollars pour doubler les effectifs de l´armée nationale afghane, les portant à 120.000 hommes.
Il n´y aura pas comme du temps de l´Urss, de victoire du camp occidental. Il est vrai qu´à l´époque, les talibans étaient entrainés par les services secrets pakistanais et anglais. De plus les talibans qui avaient un bureau de recrutement à New York pour drainer l´internationale islamique contre les mécréants soviétiques, «El Kouffar» disposaient des fameux lance-roquettes Stinger qui ont fait des ravages dans les chars russes.
Les Afghans forment une vieille civilisation qui n´a que faire des valeurs occidentales...Ils sont harassés et fatigués de mourir tous les jours pour un pouvoir aussi pourri que les précédents. A Florence Aubenas qui les a côtoyés, ils avouent: «On ne touche que la poussière des 4x4, pas les milliards.» Sept ans après la chute des talibans, ni la communauté internationale ni le gouvernement afghan n´ont été à la hauteur des espoirs qu´ils avaient suscités. Et les Afghans souffrent toujours autant des rivalités claniques, de l´incompétence de leurs dirigeants, et surtout de la corruption. «Ils regrettent le temps des talibans. C´est tout dire»(6)

(*) Ecole nationale polytechnique

1.Jules Dufour Les guerres d´occupation de l´Afghanistan et de l´Irak: un bilan horrifiant de portée mondiale Mondialisation.ca, Le 22 juillet 2008.
2.http://www.europusa.com/?ID=FRa25b394e 83f0494e9&nosniff=1
3.http://fr.globalvoicesonline.org/2007/06/21/175/.
4.Bernard Kouchner et Hervé Morin. Afghanistan: le sens de notre engagement, Le Monde 29.08.08
5.http://www.fesfestival.com/fr/dervicheskonya.htm
6.Florence Aubenas. Afghanistan: Voyage dans un pays en miettes: Le Nouvel Observateur N°2282 Semaine du 31 juillet 2008

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Publié le 1er septembre 2008 avec l'aimable autorisation de l'Expression



Source : L'Expression
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