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Al-Ahram Hebdo
La recette magique n'opère pas
Chaïmaa Abdel-Hamid
Photo Joe Biden ©
Senate.gov
Mercredi 17 mars 2010
Processus de paix .
On a cru qu’il allait être relancé
avec la nouvelle formule américaine de négociations indirectes.
Mais Israël a une fois de plus tout saboté avec ses projets de
colonisation, narguant même l’Amérique et son vice-président Joe
Biden. On disait que Joe Biden
était le sauveur. L’homme qui devait relancer les négociations
palestino-israéliennes, en état de léthargie depuis des mois. Le
vice-président américain semblait avoir donné toutes les
satisfactions à Israël lors de la tournée qu’il vient
d’effectuer dans la région afin de mettre en marche le processus
dit de « négociations indirectes », qualifiées aussi de «
négociations de proximité », si l’on reprend la définition
américaine. Un moyen de sortir de l’impasse. Et pour obtenir
l’approbation de Tel-Aviv, la première chose dont Biden a parlé
était la sécurité d’Israël ... « Les Etats-Unis promettent un
soutien absolu et total à la sécurité d’Israël ... face à l’Iran
». L’Etat hébreu exerce donc un vrai chantage avec l’histoire du
nucléaire iranien qu’il tente de placer, en priorité, en tête de
tous les agendas et dont il se sert pour reléguer aux oubliettes
justement la question palestinienne. Biden a voulu un peu
amadouer les Israéliens en attendant qu’ils réagissent de
manière un peu positive sur le dossier de la crise
proche-orientale. Mais qu’est-il arrivé ? Parti vers la région
avec toute la prouesse de Rocky, ce super boxeur du cinéma
américain, comme le dit le Los Angeles Times, il est revenu
furieux et humilié. Voire, c’est au beau milieu de son voyage
qu’Israël l’a vraiment nargué. Le gouvernement Netanyahu a
déclenché une crise diplomatique avec l’administration Obama, en
pleine visite de Biden, en donnant son feu vert à la
construction de 1 600 nouveaux logements à Ramat Shlomo, un
quartier de colonisation occupé par des Juifs ultra-orthodoxes
dans un secteur arabe de Jérusalem annexé par Israël. Déjà, le
ministre israélien de l’Environnement, Gilad Erdan, avait
annoncé la construction de 112 logements dans une colonie de
Cisjordanie (lire page 4). La réaction palestinienne ne s’est
pas faite attendre : le président palestinien Mahmoud Abbass a
informé la Ligue arabe qu’il ne reprendrait pas les négociations
avec Israël sans un arrêt de la colonisation à Jérusalem-Est,
comme l’a déclaré le négociateur palestinien Saëb Erakat : « M.
Abbass a informé Amr Moussa (le secrétaire général de la Ligue
arabe) qu’il ne pouvait pas retourner à la table des
négociations sans l’annulation du projet de construction de ces
logements-est ». Il a également fait part de sa décision au
vice-président américain. Le pire, ce sont les tentatives
d’excuses d’Israël. Le premier ministre israélien Benyamin
Netanyahu a fait part de ses « regrets », non pour la décision
de construire ces logements, mais plutôt « pour le moment
malheureux de l’annonce du projet ». C’était donc une sorte de
gaffe, mais rien ne présage d’un recul en ce qui concerne le
fond même de la question. Rien donc qui implique une volonté
israélienne d’aller de l’avant dans le processus de
négociations. Ce qui compte, c’est l’annulation de la
construction des colonies et non pas le moment choisi pour les
annoncer, ce qui témoigne, somme toute, d’une tentative de
mettre les Américains devant le fait accompli. Rien de nouveau
sous le soleil. Les retards sont toujours provoqués par Israël
et se succèdent, en dépit de toute une infrastructure de
négociations mise au point avec la participation des grandes
puissances et de l’Onu.
Et si ces derniers temps on a parlé de ces
négociations indirectes, on se demande s’il s’agit d’un recul ou
d’une manière plutôt pragmatique d’approcher la question. « La
question est empreinte de mystère. Depuis Oslo, on parlait de
négociations directes. Et voici soudainement qu’il est question
de négociations indirectes. C’est quoi alors ? Juste parler de
questions qui ne soient pas épineuses. Nous sommes finalement
face à une tentative de ne pas reconnaître que le processus de
paix s’est tout à fait effondré. Tous les partenaires ne peuvent
pas l’annoncer. Il s’agira de parler, parler et encore parler »,
souligne Saïd Okacha, spécialiste des affaires israéliennes au
Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Ceci est bien vrai, et si l’on tente de sauver les apparences,
c’est qu’il n’est guère dans l’intérêt des deux parties et de
leur parrain américain d’annoncer leur échec parce qu’ils
devront assumer des responsabilités face à leurs peuples,
l’Autorité palestinienne surtout. « Mahmoud Abbass, s’il
reconnaissait l’échec du processus, devrait abdiquer et être
remplacé par quelqu’un d’autre », ajoute Okacha.
L’implantation des colonies n’est en fait
qu’une suite logique du principe idéologique sioniste qui
consiste à annihiler la présence et l’identité palestiniennes.
Une pluie de condamnations vient de tomber
sur Israël suite à l’annonce par le gouvernement israélien de
droite de Benyamin Netanyahu de la construction de 1 600
logements juifs à Ramat Shlomo, un quartier juif orthodoxe érigé
dans le secteur de Jérusalem-Est, dont l’annexion par Israël en
1967 n’est pas reconnue par la communauté internationale. C’est
en pleine tentative de relance du processus de paix et au
lendemain de l’annonce de la mise en chantier de 112 logements
dans une colonie juive de Cisjordanie que la décision de
Netanyahu est lancée. En effet, ce feu vert à la poursuite de la
colonisation, actuellement le sujet le plus sensible du dossier
proche-oriental, est intervenu en pleine visite du
vice-président américain Joe Biden, dont le pays vient
d’arracher une reprise de négociations indirectes entre Israël
et les Palestiniens. « La décision du gouvernement israélien
(...) sape (...) la confiance dont nous avons besoin maintenant
afin de commencer et produire des négociations fructueuses », a
estimé Biden à Ramallah, aux côtés du président palestinien
Mahmoud Abbass. De même, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon,
a condamné la décision du ministère israélien de l’Intérieur
alors qu’il doit se rendre en mars en Israël, en Cisjordanie et
dans la bande de Gaza.
Une question idéologique
Au regard du droit international,
l’implantation de colonies est illégale, a rappelé le
porte-parole du secrétaire général dans un communiqué publié
mardi soir au siège de l’Onu à New York.
En réalité, les Israéliens ne semblent pas
vouloir renoncer ni à leur rêve, ni à leur idéologie. Rien de
nouveau et tout le monde le sait très bien ; ces colons sont les
porteurs d’une idéologie basée sur la domination juive de toutes
les terres de la Palestine historique, qui représentent pour eux
le grand Israël. Et ils s’opposent non seulement à tout retrait,
aussi minime soit-il, des territoires palestiniens occupés, mais
professent aussi un non-stop à la construction de colonies.
C’est d’ailleurs ce qu’affirme Mohamad Khamis,
rédacteur en chef du journal Al-Qods, qui explique que le fond
du projet israélien est basé sur la confiscation de plus en plus
des territoires palestiniens et les faire habiter par des
immigrés, « l’idéologie sioniste étant fondée sur la
colonisation de ces territoires. Donc, il existe un conflit
démographique et géographique, et c’est le cœur du projet
sioniste. L’expansion coloniale est la base fondamentale de
l’idéologie sioniste ». Pourtant, selon la feuille de route de
2003, Israël doit geler l’élargissement des colonies juives. Ce
n’est pas tout ; en fait, la réussite du mouvement sioniste est
liée au nombre de territoires colonisés. Déjà en 2009, on
pouvait compter 10 000 colons de plus. C’est ce qu’a précisé le
Bureau central des statistiques israélien qui vient de publier —
une coïncidence ? —, avec l’annonce de Netanyahu,
les premiers chiffres concernant l’évolution de la population
israélienne en Cisjordanie, hors Jérusalem-Est en 2009. Cette
population a enregistré en 2009 une hausse de 4,9 %, certes
légèrement plus faible qu’en 2008 (5,1 %), mais qui se traduit
par un accroissement de 10 000 Israéliens et le franchissement
de la barre de 300 000 personnes. En ajoutant Jérusalem-Est, le
chiffre total d’Israéliens installés dans des territoires
conquis militairement en 1967 est sans doute très proche du
demi-million. Comme le souligne le Bureau israélien, la moitié
de cette population supplémentaire enregistrée en 2009 concerne
les trois plus grandes colonies que les Israéliens entendent
annexer. Les deux premières, Modiin Illit (44 000 habitants) et
Betar Illit (36 000), peuvent être élargies d’autant plus
facilement qu’elles jouxtent la Ligne verte de 1949. Il n’en va
pas de même avec Maale Adoumim (34 000), à l’est de Jérusalem,
où l’expansion est plus difficile. Mais elle pourrait, en cas de
connexion forcée avec la ceinture de quartiers de colonisation
érigés à l’est de la Ville sainte, parachever ce dispositif
visant à rendre impossible une partition de Jérusalem.
La situation devient de plus en plus claire.
l’implantation des colonies n’est, en fait, qu’une suite logique
du principe idéologique sioniste qui consiste à s’emparer du
maximum de territoires possible. C’est ce qu’a signalé Pierre
Stambul, penseur juif français anti-sioniste, dans un dossier
spécial « Sionisme : un siècle de falsifications », tiré du
numéro de février 2010 du mensuel Alternative libertaire.
L’auteur affirme que l’ouverture des archives a établi avec
certitude ce que les Palestiniens ont toujours dit : l’expulsion
de 800 000 personnes en 1948 était délibérée et il n’y aura pas
de solution à cette guerre sans réparation de ce crime
fondateur. La confiscation des terres, les villages rasés dont
les traces ont été effacées et le refus du retour des expulsés
étaient prémédités. Le remplacement des Palestiniens par les
Juifs venus du monde arabo-musulman a été organisé. Le sionisme
a construit un Etat ethnique où les non-juifs sont des
sous-citoyens (...) Le sionisme ne s’est pas achevé avec la
création d’Israël. Ce qui est à l’œuvre aujourd’hui, c’est «
l’achèvement de la guerre de 1948 », la tentative de faire en
sorte que les Palestiniens, comme les aborigènes d’Australie, ne
puissent plus jamais revendiquer leurs droits.
Droits de reproduction et de diffusion
réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 18 mars 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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