Opinion
Le discours d'Obama
sur l'Irak:
un exemple de lâcheté et de malhonnêteté
Bill Van Auken
Vendredi 10 septembre 2010
Le discours à la nation du président Barack Obama,
télédiffusé mardi soir du Bureau ovale de la Maison-Blanche,
était un exemple de lâcheté et de malhonnêteté. Il était
malhonnête pour le peuple des Etats-Unis et le monde entier dans
sa caractérisation de la guerre criminelle contre l'Irak. Et il
était lâche par sa prosternation devant l'armée américaine.
Ce discours ne pouvait susciter que dégoût et mépris chez
ceux qui l'ont visionné. Obama, qui doit sa présidence en grande
partie aux sentiments anti-guerre de masse du peuple américain,
s'en est servi pour glorifier la guerre à laquelle on croyait,
par erreur, qu'il s'était opposé.
C'est la fin du discours de 19 minutes qui a donné le plus
froid dans le dos, quand Obama a déclaré : « Nos soldats
constituent l'acier du navire de l'Etat », ajoutant ensuite « et
bien que notre nation navigue en eaux tumultueuses, ils nous
donnent confiance dans la justesse de notre trajectoire ».
C'est pour cette déclaration, et non pour tous ses propos
ambigus sur le retrait des troupes, que l'abject discours
d'Obama mérite de ne pas être oublié. Cette rhétorique convenait
à une république bananière sous contrôle militaire ou à un Etat
fasciste. L'armée, et non la Constitution, la volonté du peuple
ni les institutions apparemment démocratiques du pays, constitue
l' « acier » du « navire de l'Etat ». Les droits démocratiques
du peuple sont donc vraisemblablement autant de lest qui puisse
être jeté par dessus bord au besoin.
Le discours prenait place au terme de l'échéancier artificiel
établi par l'administration Obama et décrit par le président
comme la « fin de notre mission de combat en Irak ». Ce n'est
qu'un des innombrables mensonges dont étaient bourrées ses
brèves remarques.
Quelque 50 000 soldats combattants demeurent déployés en
Irak. Bien que leur titre ait été changé pour forces « de
transition », qui vont supposément se consacrer à un rôle de
« formation » et de « conseil » auprès des forces de sécurité
irakiennes, leur mission demeure la même.
En effet, une semaine à peine après que les médias ont fait
du redéploiement à l'extérieur de l'Irak d'un seul bataillon
Stryker un « événement décisif » indiquant le retrait des
dernières troupes de combat, 5000 membres de la 3rd Armored
Cavalry Regiment, une unité de combat, étaient renvoyés dans le
pays occupé depuis Fort Hood au Texas.
Washington n'a pas l'intention de mettre un terme à sa
présence militaire en Irak. Les Etats-Unis continuent de
construire des bases permanentes et sont déterminés à poursuivre
le programme initial derrière le déclenchement de la guerre par
l'administration Bush en mars 2003 : l'imposition de l'hégémonie
américaine dans la région riche en pétrole du golfe Persique.
Le discours d’Obama était incohérent et rampant. Le président
a cherché, de manière malhonnête, a prendre le crédit pour avoir
rempli ses promesse électorale sur l’Irak. Comme candidat, il
avait promis de retirer toutes les troupes de combat américaines
hors du pays dans les 16 mois suivant son élection. Finalement,
il a simplement adopté le calendrier et le plan conçu par le
Pentagone et l’administration Bush pour un retrait partiel,
laissant 50 000 soldats dans des troupes de combat en place.
Le président démocrate s’est senti obligé, prétextant rendre
hommage à « nos troupes », de fondamentalement déformer et
masquer la véritable nature de la guerre, décrivant un des
chapitres les plus sombres de l’histoire américaine comme une
sorte d’effort héroïque.
« Beaucoup de choses ont changé » depuis que Bush a lancé la
guerre il y a sept ans et demi, a déclaré Obama. « Une guerre
pour désarmer un État est devenu une lutte contre une
insurrection » dans laquelle les troupes américaines se sont
battues « pâté par pâté pour aider l’Irak à saisir l’opportunité
pour un meilleur avenir ».
Le discours a été conçu comme si le président s’adressait à
une nation d’amnésiques. Pense-t-on vraiment que personne ne se
souvient que c’était une guerre lancée sur une base mensongère ?
La population américaine s’est fait dire que l’invasion de
l’Irak était nécessaire parce que le gouvernement de Saddam
Hussein avait développé des « armes de destruction massive » et
qu’il se préparait à les remettre à al-Qaïda qui lancerait des
« nuages en forme de champignon » sur des villes américaines.
Il n’y avait ni « armes de destruction massive », ni liens
entre le régime irakien et al-Qaïda. C’était des inventions d’un
gouvernement qui était déterminé à mener une guerre d’agression
afin de défendre les intérêts capitalistes américains.
Ces mensonges ont été complètement exposés pour être des
mensonges et ont contribué à la croissance d’une hostilité
accablante dans la population américaine face à la guerre. Tout
cela doit être oublié, rejeté comme des détails sans importance.
Le peuple irakien est présenté par Obama comme l’heureux
bénéficiaire de l’abnégation et de l’héroïsme des Américains,
lesquels leur accordent l’opportunité d’avoir une nouvelle
destinée ».
A écouter Obama, on pourrait difficilement imaginer que plus
d’un million d’Irakiens ont perdu leur vie suite à cette guerre
non provoquée des Etats-Unis; que quelque 4 millions d’Irakiens
ont été chassés de leur maison par la violence, que ce soit pour
avoir été forcés de s’exiler ou pour avoir été déplacés à
l’intérieur de leur pays ravagé par la guerre. Toutes les
institutions et les composantes essentielles de l’infrastructure
sociale ont été ravagées par l’invasion américaine, qui a
déchaîné ce qu’on pourrait décrire plus précisément comme étant
un sociocide, le meurtre d’une société entière. La dévastation
engendrée par le militarisme américain a amené une nation
anéantie de veuves, de sans-abris, de chômeurs et de blessés.
Alors qu’on a pu arrivé à réduire temporairement la
résistance armée à l’occupation américaine en saignant le peuple
irakien à blanc, ce qui reste est une société et un système
politique non viable, dominé par des divisions sectaires et
supervisé par une présence américaine continue.
Parmi les parties les plus dégueulasses du discours d’Obama
se trouve son hommage sans fondement à son prédécesseur, George
W. Bush. Alors qu’il reconnaît qu’ils n’ont pas été « d’accord
sur la guerre » — un désaccord qu’il n’avait aucune intention
d’expliquer — Obama a insisté que « personne ne pouvait douter
du soutien du président Bush pour nos troupes, ou son amour pour
le pays et son dévouement à notre sécurité. » Il a continué en
disant que cela prouve qu’« il y a des patriotes qui soutiennent
la guerre et des patriotes qui s’y opposent. Et nous sommes tous
unis dans l’appréciation de nos hommes et de nos femmes
militaires. »
Bush a lancé une guerre qui était illégale sous la loi
internationale. Lui et d’autres chefs de file de son
gouvernement — Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Condoleezza Rice —
ont entraîné le peuple américain vers la voie du crime de
guerre, essentiellement le même acte pour lequel les nazis
furent jugés et reconnus coupables à Nuremberg : la
planification et le lancement d’une guerre d’agression.
Obama a dit à son auditoire qu’il avait parlé à Bush pendant
l’après-midi, exprimant apparemment sa solidarité avec un
criminel de guerre qui à sa place au tribunal de La Haye.
Inévitablement, de ce crime fondamental découle une série
d’autres crimes. Les « hommes et les femmes militaires »
américains, dont l’honneur est constamment invoqué pour
justifier des tueries de masse, sont devenus des participants de
ces crimes monstrueux.
Le peuple américain et les peuples du monde entier ont été
révoltés par les images d’Abou Graïb. Mais, l’administration
Obama est intervenue en justice pour empêcher le dévoilement de
preuves d’autres actes criminels encore plus inimaginables.
Les soldats furent eux-mêmes des victimes de cette guerre.
Près de 4500 d’entre eux ont perdu leurs vies dans l’agression
lancée par l’administration Bush, et 35 000 de plus ont été
blessés. Des centaines de milliers, étant jetés dans une guerre
coloniale sale, ont subi des traumatismes psychologiques.
« La grandeur de notre démocratie est notre habileté à aller
au-delà de nos différences et d’apprendre de nos expériences en
même temps que nous confrontons les défis qui sont devant
nous, » a poursuivi Obama. Quelle falsification!
La réputation de la démocratie américaine a été bâtie sur des
principes et des droits constitutionnels qui ont été mis en
lambeaux par l’administration Bush au nom de la « guerre globale
contre le terrorisme. » L’administration Obama a adhéré
pleinement à ces attaques sur les droits démocratiques,
défendant la surveillance domestique, les déportations,
l’emprisonnement sans accusation ou poursuite et a même donné à
l’exécutif le droit de désigner des citoyens américains comme
des suspects terroristes et a ordonné leur exécution
extra-judiciaire.
Le parcours sinueux du discours d’Obama l’a ensuite amener à
passer de l’Irak à l’Afghanistan. Cette guerre, dit-il, pouvait
être soutenue par « les Américains de toutes les tendances
politques », parce qu’elle était prétendument menée contre
al-Qaïda qui « continue à comploter contre nous ».
Il a déclaré que la diminution de la présence militaire en
Irak a permis d’attribuer plus de ressources à cette guerre, ce
qui a donné comme résultat que « presque une douzaine de
dirigeants d’al-Qaïda » avaient été « tués ou capturés sur toute
la surface du globe ».
Le lien entre cela et la multiplication par trois du nombre
des soldats déployés en Afghanistan depuis l’arrivée d’Obama à
la Maison-Blanche n’est pas expliqué. Selon de hauts
responsables de l’armée américaine et des services d’espionnage,
il y a moins de 100 membres d’al-Qaïda dans tout l’Afghanistan.
Ce pays subit l’occupation de presque 100.000 soldats américains
auxquels il faut ajouter 40.000 soldats de l’OTAN et d’autres
pays.
Obama a continué en reconnaissant que les forces américaines
« luttent pour briser l’élan des talibans » sans même tenter de
lier cela et la « confrontation » avec des membres d’al-Qaïda
sur tout le globe. La vérité est qu’en Afghanistan, les forces
américaines se battent contre des Afghans résistants à une
occupation étrangère. L’objectif n’est pas de défaire « les
terroristes », mais d’établir la domination des Etats-Unis sur
l’Asie centrale étant donné son importance géostratégique et ses
grandes ressources énergétiques.
Finalement, après avoir reconnu que la guerre en Irak avait
contribué à amener le pays au bord de la faillite, Obama a
suggéré que le changement qu’il a ordonné quant au déploiement
en Irak est en quelque sorte lié à la détermination de son
administration à se concentrer sur la crise que confrontent plus
de 26 millions de travailleurs américains sans emplois ou dans
l’incapacité d’obtenir un emploi à temps plein.
« Aujourd’hui, notre tâche la plus urgente est restaurer
notre économie et redonner du travail aux millions d’Américains
qui ont perdu leur emploi », a-t-il dit. « Pour renforcer notre
classe moyenne, nous devons offrir à tous nos enfants
l’éducation qu’ils méritent et à tous nos travailleurs les
compétences dont ils ont besoin pour être concurrentiels dans
une économie mondiale. »
Une autre phrase, un autre mensonge. Alors que
l’administration avait des billions de dollars pour le sauvetage
de Wall Street, elle a à maintes reprises affirmer clairement
qu’elle ne créerait pas d’emplois pour les chômeurs. Quant à
l’éducation, le gouvernement fédéral continue à couper dans son
financement, ce qui se traduit par plus de congédiements
d’enseignants et plus de fermetures d’écoles.
Un fait ressort du discours d’Obama avec sa rhétorique à
double sens : les décisions en Irak et en Afghanistan ont été
dictées par l’état-major de l’armée et docilement acceptées par
l’administration Obama. Ce gouvernement n’a pas de politique
indépendante et encore moins de convictions. Il met en œuvre des
politiques qui sont implantées ailleurs — à Wall Street et au
Pentagone — et se consacre entièrement à la défense de
l’aristocratie financière aux dépens du peuple américain.
(Article original anglais paru le 1er septembre 2010)
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Publié le 10 septembre 2010 avec l'aimable autorisation du WSWS
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