Depuis le 25 janvier, les violences
qui ont opposé le Hamas et le Fatah ont tué au moins 66
Palestiniens. Mais hier, le cessez-le-feu annoncé vendredi était
relativement respecté dans la bande de Gaza. Le temps de la négociation
est-il enfin venu? C'est le pari que fait le roi Abdallah
d'Arabie saoudite en réunissant aujourd'hui à la Mecque le président
Mahmoud Abbas, et Khaled Mechaal, le chef politique - en exil -
du Mouvement de la résistance islamique.
Si le
succès n'est pas assuré, l'initiative illustre le rôle de médiateur
que le royaume entend jouer au Proche et au Moyen-Orient,
explique Barah Mikaïl, chercheur à l'Iris, l'Institut de
relations internationales et stratégiques, à Paris.
Que
vise le roi Abdallah en réunissant Mahmoud Abbas et Khaled
Mechaal?
Voici plusieurs années
que le royaume assume un rôle de médiateur régional.
Rappelez-vous le plan de paix présenté par le roi Abdallah
et adopté en 2002 par la Ligue Arabe à Beyrouth. En 1982 déjà,
au sommet de Fès, le monde arabe avait approuvé un texte
largement inspiré des propositions du roi Fahd, lesquelles
bouleversaient la donne en reconnaissant implicitement le
droit d'Israël à l'existence. La réunion de La Mecque
s'inscrit donc dans la continuité d'une diplomatie qui entend
jouer sa partie sur la scène du Moyen-Orient. Cette politique
volontaire s'affirme avec d'autant plus de force aujourd'hui
que l'Arabie saoudite voit s'émanciper de sa tutelle les
micro-états de la région. Une bonne part de son influence
tenait aux relations privilégiées qu'elle entretenait avec
Washington. Ces liens étant soumis à de fortes tensions
depuis le 11 septembre 2001, le royaume craint la
marginalisation.
L'analyse
que fait l'Arabie saoudite du conflit israélo-palestinien
est-elle susceptible d'évoluer?
Les Saoudiens
entretiennent des relations commerciales officieuses avec l'Etat
hébreu. Aller au delà, s'engager sur la voie de la
normalisation, serait se mettre à dos une opinion publique très
remontée contre les Etats-Unis et Israël. S'agissant des
acteurs palestiniens, le royaume soutient le Fatah, car il a
les faveurs de Washington. Il ne voit pas d'un mauvais œil
les aspirations du Hamas à l'islamisation de la société,
mais il ne partage pas ses options politiques.
Quelle
influence le régime saoudien exerce-t-il dans les territoires
palestiniens ?
Son pouvoir est économique,
il passe par la distribution de la manne financière. Le Hamas
n'étant pas aligné sur toutes les positions de l'Arabie
saoudite, les dividendes politiques ne sont pas garantis. Des
Saoudiens, il ne faut néanmoins pas attendre qu'ils fassent
preuve d'une grande exigence: leur attitude est en partie dictée
par la crainte de voir le Hamas passer dans le giron de
l'Iran. De manière générale, les tensions entre le Fatah et
le Hamas sont trop ancrées sur le terrain local pour que
Riyad puisse concilier les points de vue. La logique nationale
l'emporte sur toute autre considération. L'horizon de l'unité,
qu'elle soit arabe ou musulmane, ne comporte pas de dimension
fédératrice.
En
quoi la crainte de l'Iran détermine-t-elle la politique extérieure
de l'Arabie saoudite?
Les déclarations
officielles de bonnes intentions envers Téhéran ne doivent
pas faire illusion: la méfiance est de rigueur à Riyad. Le
pouvoir saoudien s'inquiète de la satellisation par la République
islamique des communautés chiites de la région. Inquiétude
sans doute exagérée. En Arabie saoudite même, les prédicateurs
qui ont tenté de relayer auprès des chiites l'action de
l'Iran ont échoué: les populations concernées n'éprouvent
pas d'empathie particulière pour l'Iran. Le clivage entre
Arabe et Persan demeure plus fort que les appartenances
confessionnelles.