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Tarnac, du scandale judiciaire à l'affaire d'État
Anne Roy
Jeudi 26 novembre 2009
Un an après
l’affaire, alors que le dossier perd chaque jour de sa
substance, les avocats des suspects, soutenus par plusieurs
parlementaires de gauche, fustigent une enquête à charge et
réclament des explications au gouvernement.
Pour
les parlementaires (PS, PCF, Verts, Parti de gauche) réunis en
conférence de presse hier, « l’affaire Tarnac » n’est pas juste
une baudruche médiatico-judiciaro-politique qui se dégonfle. Il
y a plutôt lieu de penser à « un montage », « un scandale
judiciaire », et même « un scandale d’État ». C’est qu’un an
après les sabotages de lignes de TGV commis par le placement de
fers à béton sur des caténaires, alors que les principaux mis en
examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une
entreprise terroriste » sont toujours sous contrôle judiciaire,
les éléments du dossier se vident peu à peu de leur contenu, se
contredisent, voire laissent penser à une instrumentalisation.
Problème d’authenticité des pièces, éléments incohérents et même
contradictoires… Le dernier en date : la véritable confusion
qui règne autour du principal témoin à charge, pièce maîtresse
de l’enquête (lire ci-dessous).
« Fabrications de preuves »
Me
Jérémie Assous met en cause de son côté le procès-verbal de
filature rédigé par les policiers le soir des événements. Il
estime, au vu de différents recoupements et pour une question de
timing, que certains éléments ont été créés de toutes pièces par
les policiers : « Ils n’y étaient pas et ils ont inventé. » Et
s’étonne de ce que le juge d’instruction, Thierry Fragnoli,
n’ait pas pris la peine de se rendre sur place – « ce qui
permettrait de disculper complètement Julien et Yldune Coupat »
– et qu’il « n’a, malgré ces nouveaux éléments, toujours pas
jugé bon d’instruire également à décharge ».
« Au
nom de l’efficacité, il arrive que des libertés soient prises
avec la loyauté, mais dans ce cas précis, il y a de fortes
présomptions de falsification, voire de fabrication de
preuves », a ainsi commenté Me William Bourdon. Autant
d’éléments qui font dire à François Hollande, député socialiste
et président du conseil général de Corrèze (où se situe le
village de Tarnac), que l’affaire dépasse désormais le problème
soulevé par la qualification « d’actes terroristes » –
qualification déjà contestée à l’époque au regard des faits de
sabotage invoqués. « Rien ne permet plus de prolonger
l’instruction », a-t-il ainsi déclaré, demandant à la ministre
de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, passée depuis
place Vendôme, de « dire ce qu’elle sait, ou ce qu’elle ne sait
pas ». « Elle a trop parlé, avant pendant et après les faits »,
rappelle-t-il.
« Le
gouvernement n’échappera pas à une demande de commission
d’enquête parlementaire de la gauche sur ce dossier, qui
ressemble de plus en plus à une affaire d’État », a résumé le
député socialiste André Vallini. Pour Noël Mamère, « Tarnac est
l’illustration d’une dérive sécuritaire du pouvoir, et de
l’instrumentalisation des lois antiterroristes », dont il
réclame l’abrogation. « Il est d’autre part inadmissible que ces
arrestations aient pu être justifiées par un livre publié
légalement », a de son côté ajouté Martine Billard (Parti de
gauche), en référence à L’insurrection qui vient, publié
anonymement.
« Faire peur à une jeunesse révoltée »
L’ouvrage a été invoqué comme une preuve de la culpabilité de
Julien Coupat soupçonné de l’avoir rédigé, ce qu’il a toujours
nié. « L’objectif de ces arrestations est de faire peur à une
jeunesse révoltée, pour qu’elle n’ose plus s’engager en
politique. »
Dossier Les inculpés du 11 novembre
© Journal L'Humanité
Publié le 26 novembre 2009 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité
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