Opinion
Alger, prochaine
victime du Qatar ?
Amir
Allam
Abdelaziz Bouteflika
Mardi 15 novembre
2011
Depuis quelques mois, les voyages du
président Abdelaziz Bouteflika à
l’étranger sont devenus rares. Et quand
il fait l’effort d’effectuer un
déplacement, comme aujourd’hui à Doha au
Qatar, où il participe au premier sommet
du Forum des pays exportateurs de gaz
(FPEG), c’est que l’enjeu est
d’importance. A Doha, ce n’est pas le
gaz qui intéresse le président
Bouteflika et le pouvoir algérien. Les
enjeux vont bien au‑delà.
Dans
un contexte de printemps arabe, Alger
s’inquiète du rôle grandissant du Qatar
auprès d’une partie de l’opposition
algérienne en exil, notamment les
réseaux de l’ex-FIS. Abassi Madani vit
au Qatar où il est régulièrement reçu
par l’émir en compagnie d’autres
responsables islamistes du Maghreb.
Grâce au Qatar, Abassi Madani a par
exemple tissé des relations très fortes
avec le CNT libyen. Cette relation
pourrait expliquer en partie la
persistance des tensions entre Alger et
le CNT. Annoncée début octobre, la
visite d’une délégation libyenne à Alger
n’a toujours pas eu lieu.
Autre exemple : Saad Djebbar, avocat et
opposant algérien, a quitté Londres pour
Doha. Il figure parmi les avocats
personnels de l’émir du Qatar auprès
duquel il jouit d’une grande estime. Il
intervient régulièrement sur la chaîne
Al Jazeera pour commenter les événements
au Maghreb et en Algérie. Les Algériens
soupçonnent aussi le Qatar de vouloir
financer une chaîne de télévision qui
pourrait être lancée par des opposants à
l’étranger.
Après avoir été pendant plusieurs années
l’un des principaux alliés de l’Algérie
dans le monde arabe (les deux pays se
sont rapprochés pour contrer l’influence
de l’Arabie saoudite), « le Qatar joue
clairement la révolution en Algérie.
Pour l’émir, le changement en Algérie,
comme dans les autres pays du Maghreb,
passe par les islamistes modérés »,
explique un connaisseur de la politique
arabe.
En
fait, Doha ne s’en cache presque pas. Le
Qatar a ainsi joué un rôle important
dans le renversement du régime de
Mouamar Kadhafi en Libye, contre les
intérêts du pouvoir algérien qui avait
soutenu le leader libyen jusqu’au bout.
Les Qataris jouent aussi un rôle
important dans les événements actuels en
Syrie, leur ancien allié avec l’Algérie.
Là encore, ce rôle qatari n’est pas pour
plaire aux Algériens, qui font tout pour
sauver le régime de Bachar Al‑Assad.
Mais
Alger se garde de critiquer publiquement
Doha, même quand le Qatar décide
d’imposer des conditions particulières
pour les demandeurs de visa algériens.
C’est que le Qatar n’agit pas en
électron libre. Derrière, les États‑Unis
et la France, malgré des intérêts
parfois divergents dans le monde arabe,
lui apportent l’appui qui le met à
l’abri de pressions. Même la toute
puissante Arabie saoudite semble
désarmée face aux ambitions du petit
émirat rival.
Dans
ce contexte, à Doha, Abdelaziz
Bouteflika va notamment tenter de
profiter d’une médiation qatarie pour
arranger les choses avec le CNT libyen.
Mustapha Abdeljalil se trouve aussi au
Qatar pour le Forum des pays
exportateurs de gaz. Il pourrait
également faire passer des messages et
des garanties à l’ancien chef du
FIS-dissous. Selon nos sources, Abassi
Madani souhaite pouvoir rentrer en
Algérie. Officiellement, l’ex‑chef du
FIS, âgé de 80 ans, veut pouvoir passer
les dernières années de sa vie dans son
pays natal. Mais un tel retour, dans un
contexte de changement dans le monde
arabe, ne peut être dénué d’arrière‑pensées
politiques.
Amir
Allam
Source : le site Tout sur l’Algérie
(TSL)
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