Aux sources du sionisme
X - La chimère du
"Grand Israël"
Aline
de Diéguez
Mercredi 18 janvier
2012
"La
violence ne vit pas seule, elle est
incapable de vivre seule : elle est
intimement associée par le plus étroit
des liens naturels au mensonge. La
violence trouve son seul refuge dans le
mensonge, et le mensonge son seul
soutien dans la violence."
Final du discours de remerciement écrit
par Alexandre Soljenitsyne à
l'occasion de la cérémonie au cours de
laquelle devait lui être remis le prix
Nobel.
Parmi les multiples couches de
tuniques mythologiques qui se sont
superposées au cours des siècles
jusqu'à former l'oignon compact de
la puissante fiction du sionisme, je
vais essayer d'extraire et
d'analyser la plus juteuse des
volutes mensongères, la source de
l'édifice sioniste et la cause
principale de la violence inouïe
exercée sur le terrain à l'encontre
du peuple autochtone, à savoir le
mythe d'un "grand Israël",
gros cadeau de leur divinité
personnelle et que les sionistes
d'aujourd'hui rêvent de reconquérir
en se ré - appropriant "leur"
terre, "leur" patrie rêvée.
Jamais le jugement du grand écrivain
russe n'a trouvé un plus juste
terrain d'application que celui de
l'idéologie sioniste et notamment
dans la volute rappelée ci-dessus de
la mythologie alliacée. C'est, en
effet, dans le terreau du double
mensonge historique d'une fiction
déguisée en religion que le sionisme
politique plonge de profondes
racines auto-légitimantes. Les
mensonges martelés dans toutes les
langues de la terre par le groupe
humain qui s'est auto-proclamé "peuple
élu", ont fini par s'incruster
dans les cervelles desdits "élus"
et ont même fini par contaminer
d'autres cervelles. Répétés de
génération en génération, ils sont
parvenus à en éliminer tout esprit
critique sur les origines et
l'incongruité de la mythologie
fondatrice.
En effet, et parallèlement à ceux
des "élus", ces pieux
mensonges paralysent les neurones
des "non-élus", lesquels, par
ignorance, par esprit moutonnier,
par intérêt, par peur des
représailles, ont fini par
intérioriser, eux aussi, la fiction
biblique revue et appliquée
aujourd'hui par les sionistes avec
une violence délivrée de toute
inhibition, de toute humanité et de
toute retenue juridique ou
politique, puisque jamais critiquée
ou sanctionnée. Comme l'écrivait
Mark Twain: "La vérité n'est
pas difficile à tuer. Un mensonge
bien présenté est immortel - A truth
is not hard to kill. A lie told well
is immortal." (écrivain
américain, 1835-1910).
1- Quand et dans
quelles circonstances est né le rêve du
Grand Israël?
Lorsque les
scribes judéens exilés au bord de
l'Euphrate, après la conquête de la
Judée par le roi Nabuchodonosor,
imaginèrent l'épisode de leur fiction
dans lequel un personnage mythique -
Abraham - était le héros principal, ils
lui prêtèrent un rêve fabuleux dans la
narration intitulée Genèse.
C'est ainsi qu'au cours d'un "profond
sommeil" (Gn 15,12), le héros
eut "une vision" (Gn
15,1). De plus, il entendit une voix,
qu'il attribua à son dieu, laquelle lui
proposait une "alliance" (Gn
15,18).
"Quand
le soleil fut couché, il y eut une
obscurité profonde; et voici, ce fut une
fournaise fumante, et des flammes
passèrent entre les animaux partagés. En
ce jour-là, l'Eternel fit alliance avec
Abraham."
(Gn 15, 17-18)
Tous les hommes
rêvent; pénétrer le sens des rêves a,
depuis l'origine des temps, fasciné
l'humanité, notamment, on le comprend
aisément, ceux des puissants, en raison
des conséquences politiques qui en
résultaient. En effet, loin des
interprétations sexuelles qui ont envahi
un post-freudisme contemporain mal
digéré, les humains y voyaient, dans
l'antiquité, une forme de prémonition,
d'irruption directe des dieux dans la
politique. Ils utilisaient ce stratagème
afin de délivrer incognito un
message aux dirigeants du monde. C'est
donc au moyen des rêves que les dieux
dévoilaient aux vivants leur avenir.
Mais comme ce message était rarement
limpide, il s'agissait de le décoder.
Cette activité capitale et subtile était
confiée à des devins, dont le rôle
politique qu'ils exerçaient auprès des
rois en faisait les personnages les plus
influents de la cour. De même, les Grecs
de l'antiquité croyaient que
l'éternuement signait la présence, à cet
instant-là, d'un esprit divin.
Il n'est donc pas
étonnant que les rédacteurs de la
Genèse aient utilisé le
stratagème d'un rêve comme véhicule de
l'action de leur dieu, ce procédé, banal
à l'époque, permettait de délivrer un
message d'une manière jugée convaincante
par tout le monde.
Si l'on s'en tient
au contenu du texte de la Genèse,
on apprend donc qu'un dieu venait
d'intervenir dans les affaires d'un
peuple qui n'existait pas, puisque le
vieillard centenaire gratifié par ce
rêve n'avait pas encore de descendants
et que c'est à cette descendance
potentielle et putative qu'était destiné
le gros cadeau territorial.
Rembrandt, Portrait
d'Abraham, détail
2
- Qu'est-ce qu'une alliance?
Faire "alliance"
avec un être supposé omnipotent est un
ressort littéraire utilisé par de
nombreux auteurs dans les fictions
romanesques. Ainsi, dans La Guerre
du feu, l'auteur nous fait
assister à une sorte de voyage
initiatique de trois messagers, partis
affronter la fureur d'un monde sauvage,
afin de reconquérir le précieux Graal de
la tribu des Oulhamrs. En effet, les
cages dans lesquels le feu était
conservé avaient été détruites durant un
sanglant affrontement avec une tribu
voisine et les Oulhamrs
vaincus et
décimés, privés de leur source de vie,
se trouvaient réduits à un sort
pitoyable.
Lorsque dans leur
quête l'astucieux Naoh et ses deux
compagnons, poursuivis par un groupe de
féroces humanoïdes auxquels ils ont
réussi à voler les précieuses
constructions de pierre plates, croisent
un troupeau mammouths, ils choisissent
de se mettre sous la protection du
meneur du troupeau qui représente à
leurs yeux une sorte de dieu de la
nature. Il s'agit, pour eux, de signer
une manière de pacte d' alliance avec le
grand mammouth en chef du troupeau, en
lequel ils voient le maître de tout ce
qui vit sur la terre. En signe d'humble
allégeance et de reconnaissance de son
pouvoir, Naoh offre à la puissante
divinité poilue un gros tas
soigneusement lavé des délicieuses
racines souterraines de nénuphars, dont
il avait observé que la grosse bête en
raffolait. Pour consolider l'alliance,
il renouvelle chaque jour son hommage.
Grand mammouth
laineux, représenté dans la grotte de
Rouffignac en Dordogne
L'alliance est donc
une sorte de pacte commercial établi,
soit entre égaux, soit entre un féal et
son seigneur. Dans toute alliance existe
un échange: dans le roman de Rosny aîné,
on comprend que, séduit par l'offrande
quotidienne de racines de nénuphar, le
dieu mammouth en vient à protéger les
guerriers Oulhamrs et ira jusqu'à
écrabouiller sous ses grosses pattes
velues leurs cruels ennemis.
Quid
de l'échange dans l'alliance proposée à
un personnage nommé Abraham par le dieu
Jahvé dans la fiction biblique? On voit
que, dans le récit de la Genèse,
l'initiative en revient au dieu, lequel
choisit de se manifester pendant le
sommeil du rêveur et alors que ce
dernier, avant de s'endormir, avait bien
procédé au classique sacrifice d'animaux
rituellement coupés en deux par le
milieu - "partagés", dit le texte
- c'est-à-dire qu'il avait offert à sa
divinité l'équivalent du gros tas de
racines de nénuphars que les guerriers
Oulhamrs offraient au dieu mammouth.
Lors de son
apparition durant le rêve, le dieu prend
la précaution de décrire minutieusement
son cadeau afin d'en faire saisir toute
l'importance au bénéficiaire, le tout
soigneusement enveloppé dans le
scintillant papier-cadeau, si je puis
dire, du halo impressionnant d'une "fournaise
fumante" et de "flammes",
mise en scène aussi éblouissante que
terrifiante, digne de tout dieu qui se
respecte et soucieux de manifester sa
puissance par des phénomènes
météorologiques impressionnants.
"Je donne ce
pays à ta postérité, depuis le fleuve
d'Égypte jusqu'au grand fleuve, au
fleuve d'Euphrate, le pays des Kéniens,
des Keniziens, des Kadmoniens, des
Héthiens, des Phéréziens, des Rephaïm,
des Amoréens, des Cananéens, des
Guirgasiens et des Jébusiens." (Gn
15,18).
Eretz
Israël , carte de 1695
3
- Les coulisses du théâtre biblique
Pour comprendre le sens de la scène
décrite ci-dessus, il faut s'arracher à
l'avant-scène du grandiose spectacle de
l'épopée et à la fascination qu'exerce
sur les esprits le contenu du récit
brillamment collationné et mis en forme
à partir de bribes de légendes et de
récits empruntés aux mythologies
égyptienne et mésopotamienne. Réécrits,
recomposés et globalement unifiés en
dépit d'un certain nombres de
contradictions résiduelles, les récits
ont été adaptés à la mentalité et au
type d'éloquence que permettait la
langue sémitique, ainsi qu'au mode de
fonctionnement psychologique de la
population à laquelle il était destiné.
Ainsi, lorsque les
documents existent, il est instructif
d'observer la manière dont se fait le
passage de la réalité historique à la
fiction biblique. J'ai montré, par
exemple, dans le
chap. II
(
L'invention des notions
de "peuple élu" et de "terre promise",
§ 3)
comment un
document assyrien (Cylindre
de Taylor)
concernant le siège de Jérusalem du
temps du roi Ezéchias s'était trouvé
transsubstantifié en termes bibliques
dans 2R 18,
13-16 près
de deux siècles plus tard par les
rédacteurs lors de l'exil à Babylone. La
métamorphose de la réalité historique
est encore plus spectaculaire avec l'Edit
de Cyrus,
par le scribe Esdras dans
Esdras,
1,1-5, que j'ai décrite dans le
chap.IV,
(Comment
le cerveau d'un peuple est devenu un
bunker , § 6-7).
L'imaginaire à l'état pur est à l'oeuvre
lorsqu'aucun document ne peut servir de
point de départ à la métamorphose en
texte théologique.
Or, dans la mesure où c'est sur la
pierre d'angle de la fiction biblique
interprétée dans le sens le plus concret
et le plus grossier - à savoir la
fiction de la propriété de la terre de
Palestine attribuée à une tribu
spécifique en vertu d'une décision de
leur propre dieu - que le peuple
autochtone est la victime d'une violence
inouië depuis des décennies, il est
capital de de tenter de déconstruire le
mythe prétendument fondateur de la
légitimité morale et politique des
conquérants-colonisateurs accourus du
monde entier.
Grâce la publication des travaux très
importants d'audacieux exégètes, de
linguistes et d'archéologues
contemporains, cette entreprise est
enfin devenue possible. Elle permet de
plonger sans risques excessifs dans la
fosse d'orchestre et d'explorer les
coulisses du théâtre biblique à la
recherche des cordes, des poulies, des
jeux de lumière et de toute la
machinerie sonore qui rendent la
représentation tellement brillante et
convaincante qu'elle semble plus vraie
que le vrai. Il en est ainsi de toute
représentation théâtrale réussie, dont
on sait qu'au théâtre, la vérité est une
vérité de théâtre.
4 - Le
rôle du principal rédacteur du scénario
Il s'agit donc
d'abord de rechercher les auteurs
du récit, lequel n'est évidemment
pas tombé de la stratosphère, et
d'analyser les conditions dans
lesquelles celui-ci a été rédigé,
puis porté à la connaissance des
fidèles de ce dieu.
J'ai décrit dans
le chapitre IV (
Comment le cerveau d'un peuple est
devenu un bunker (§ 10
à 14) le retour
d'un Esdras
pathétique rassemblant sur le parvis
d'un temple grossièrement remis en état,
la maigre population des exilés revenus
en Judée, auxquels se sont joints des
groupes de pauvres hères demeurés sur
place et que Nabuchodonosor n'avait pas
jugés dignes de figurer dans le groupe
des déportés. C'est à ce public de gens
simples et ignorants que le scribe
Esdras a lu, pour la première fois, et à
la suite, la totalité des cinq Livres du
Pentateuque ou Thora,
c'est-à-dire la Genèse, l'Exode,
le Lévitique , les
Nombres et le Deutéronome,
seul livre dont certains Judéens
connaissaient une première version
depuis le règne du roi Josias.
Il
est, en effet, désormais établi que la
rédaction du texte de la Genèse
est postérieure à la grande défaite
l'armée judéenne à Meggido et à la mort
du roi Josias, le grand réformateur du
javhisme, qui avait imposé et codifié
officiellement un premier état du culte
de ce dieu à l'intérieur de son petit
royaume.
Or, depuis le
grand désastre de Meggido, le dieu Jahvé
est en perdition. Conformément à
l'esprit de l'époque, la déroute d'une
armée était vécue comme le signe de
l'impuissance du dieu, qui était censé
combattre à sa tête. C'était donc, dans
l'esprit des populations de l'époque, le
dieu Jahvé lui-même qui, à la tête de
l'armée de Josias, avait été vaincu par
le dieu égyptien, lequel avait permis la
victoire de l'armée du pharaon Nechao II
sur les troupes de Josias.
A la suite de cette défaite, les Judéens
dépités et furieux d'avoir un dieu aussi
faible, aussi peu fiable et aussi ingrat
à l'égard d'un roi qui avait tant fait
pour son culte, étaient retournés au
culte d' idoles multiples et le royaume
de Juda, auquel le roi Josias avait
donné un éclat et une unité politiques
tels qu'il n'en connut plus jamais de
semblables durant sa courte existence,
était tombé, avec le règne des
successeurs incapables de ce roi, dans
une décrépitude politique de plusieurs
décennies dont la puissance babylonienne
a su profiter.
En effet, toute
l'œuvre théologico-politique de Josias,
le véritable instaurateur du jahvisme,
était détruite, le temple inauguré par
Ezéchias - et non par Salomon - et
embelli par son arrière-petit fils,
Josias, avait été mis à sac et son
trésor avait pris, lui aussi, le chemin
de Babylone. La destruction de Jérusalem
signait la fin de l'indépendance du
petit royaume de Juda qui devint la
province perse de Yehoud, selon la
terminologie araméenne et les Judéens
furent désormais nommés Yehoudim, ce qui
fut traduit par Juifs.
J'ai détaillé dans
le chap. II (
L'invention du "peuple
élu" et de la "Terre Promise"
) les
circonstances de l'immense drame
politique et théologique que fut la
prise de Jérusalem par Nabuchodonosor et
le transport à Babylone de l'élite des
habitants du royaume de Juda, à savoir
le roi, sa famille, les fonctionnaires
du temple et tous les artisans,
notamment ceux qui étaient spécialisés
dans la métallurgie et le travail des
métaux, dont le nouvel empire avait un
urgent besoin afin de renforcer son
armée.
Le vide n'avait
évidemment pas tardé à être comblé par
une immigration de populations des cités
environnantes, arrivées avec leurs dieux
particuliers et qui ont ajouté, comme il
était d'usage à l'époque, le culte du
dieu local à leur panthéon, ce que a
conduit la religion de la petite Judée à
un polythéisme de fait, et l'a ramenée à
une situation antérieure à la première
réforme religieuse hénothéiste du roi
Ezéchias.
Idole assise
représentant sans doute la Grande Déesse
Mère, Lac de Gennesareth (Tibériade) -
6000 av. JC
Durant cette période, le dieu Jahvé,
noyé au milieu d'une foule d'autres
collègues, avait bien failli se trouver
relégué, à l'instar de ses célestes
contemporains, dans les oubliettes de
l'histoire. L'exil à Babylone signait
l'acmé de sa déroute, puisque cette
fois, Jérusalem était en ruines, le
temple rasé et la société du petit
royaume entièrement décapitée. C'était,
pour les Judéens, une catastrophe
équivalente à la perte des précieuses
cages de pierres plates dans lesquelles
les primitifs Ouhlamrs entretenaient les
braises de leur source de vie.
5 -
Comment ressusciter le dieu Jahvé?
Il s'agissait donc
pour les scribes-lévites exilés à
Babylone de rafistoler les cages de
pierres plates, de ranimer les braises
de la tribu et de tenter de ressusciter
le dieu vaincu et moribond. Ils s'y
employèrent avec ardeur et le succès que
l'on sait. C'est à cette occasion que le
Deutéronome,
rédigé du temps de Josias, a subi une
manière de toilettage théologique afin
de l'intégrer aux quatre premiers livres
du
Pentateuque
- ou Thora
dans la terminologie du judaïsme - et
que le
Deutéronome
rénové prit place en cinquième position.
De nombreux
rédacteurs s'attelèrent à cette tâche,
comme en témoignent les différents
styles d'écriture dont on peut suivre la
trace dans les chapitres successifs.
Ils entreprirent,
dans le chapitre intitulé
Genèse,
de tout reprendre à zéro et se mirent en
devoir d'expliquer l'origine de
l'humanité, autrement dit, celle du
peuple hébreu - ce qui, dans leur
esprit, était une seule et même chose,
puisque seuls les Hébreux étaient, à
leur yeux, des "hommes".
D'ailleurs, le
Talmud
l'exprime avec la délicatesse qui
caractérise une multitude de ses
jugements: "Les
Israélites seuls sont appelés hommes,
mais les idolâtres , auxquels
appartiennent les chrétiens, qui adorent
une idole, viennent de l'esprit impur et
sont appelés cochons".
(Jalqût
Reûbeni, 10b.)
Dans l'ensemble des recueils regroupés
sous le nom de
Thora,
le destin du reste de l'humanité ne fait
en aucune manière partie des
préoccupations des scripteurs. Les
peuples environnants ne sont cités qu'en
tant qu'ennemis à vaincre, à exterminer,
à piller ou à utiliser.
Dans l'Exode,
les rédacteurs de l'exil babylonien
reprirent le récit d'évènements qui
figuraient déjà dans le texte rédigé par
les lévites du temps du temps du roi
Josias, mais ils y ajoutèrent des
variantes, ce qui explique les
innombrables doublons et les
contradictions entre les récits d'un
même évènement, comme par exemple le
récit des rencontres de Moïse et de
Jahvé ou des entretiens qui leur sont
attribués.
Comme ces
rédacteurs étaient des fonctionnaires du
culte, ils s'employèrent, dans le
Lévitique,
à codifier leur propre rôle futur. C'est
ainsi que figure dans ce texte une
interminable et minutieuse énumération
des actes sacerdotaux, des devoirs et
des privilèges des prêtres - les
lévites
- ainsi que celle des obligations des
fidèles. Afin de plaire au dieu Jahvé,
tout le monde était contraint de se
plier à un rituel soigneusement élaboré.
En somme, il s'agissait de renouveler
quotidiennement et selon des règles
strictement établies, le gros tas de
racines de nénuphars à offrir en hommage
au céleste mammouth en chef et de bien
préciser comment les laver et les
présenter afin qu'elles fussent
agréables aux papilles du maître du
monde. Apprivoisé par les hommages de sa
tribu bien-aimée, le dieu serait prêt,
lorsque la nécessité se ferait sentir, à
écraser de ses grosses pattes velues
tous les ennemis de ses chouchous.
Dans le quatrième
et dernier chapitre ajouté, les
Nombres,
les interminables listes généalogiques,
les dénombrements et les recensements
des Israélites de sang pur manifestent
l'esprit de clan et de ségrégation d'une
petite tribu exilée, repliée sur
elle-même et obsédée par la non
pollution des lignées. Le ver était
introduit dans le fruit. La pulsion
d'une mise en évidence de la nécessité
de maintenir la pureté raciale des
familles inaugurait la politique
drastique de purification ethnique qui
sera mise en application d'une main de
fer par les grands épurateurs que furent
Esdras et Néhémie lors de leur retour à
Jérusalem, comme je l'ai décrit
ci-dessus. Elle n'a jamais cessé
d'obséder les fidèles de ce dieu.
Son application sur
le terrain par Esdras et Néhémie a été
d'autant plus facilement couronnée de
succès que le petit peuple demeuré sur
place, privé de ses cadres royaux et
sacerdotaux, a vivoté misérablement
pendant un demi-siècle et n'avait pas
les moyens de résister psychologiquement
à des lois présentées par des envoyés de
l'empereur et des sortes de porte-parole
de la divinité. Néhémie, devenu un
important fonctionnaire à la cour de
Babylone représentait officiellement
l'empereur Artaxerxès. Il était ce qu'on
appellerait aujourd'hui un "homme
d'influence",
comme le fut l'Attali de M. Mitterrand
ou le Gaino de M. Sarkozy. Tel un envoyé
de l'AIPAC américain ou des riches
banquiers de la City de nos jours, il
est arrivé dans la province misérable et
ruinée les poches pleines d'argent, de
cadeaux et de promesses. Les moyens
financiers dont l'avait gratifié
l'empereur Artaxerxes se sont révélés de
nature à renforcer considérablement la
puissance de conviction des arguments
théologiques d' Esdras.
L'actuelle politique
de ségrégation raciale de l'Etat
d'Israël se situe donc dans continuité
directe des écrits babyloniens et les
Palestiniens en vivent quotidiennement
les conséquences pernicieuses.
6 - Les conditions
de l'existence d'un dieu dans l'histoire
Dans l'alliance
dont les
Judéens ont appris l'existence par la
bouche d'Esdras - en même temps que
celle du lointain ancêtre auquel ils
devaient cette faveur - que recevait le
dieu en échange de son cadeau
territorial? Quel plat délectable les
supposés descendants du dépositaire de
la promesse surnaturelle faite au rêveur
offraient-ils à leur dieu à ce moment-là
de leur histoire?
Ils lui offraient
l'essentiel, la condition absolue pour
qu'un dieu puisse continuer à jouir
d'une existence politique, donc
historique, à savoir leur fidélité et
leur adoration.
En effet, qu'est-ce
qu'un tyran sans vassaux sur lesquels
exercer sa tyrannie? Qu'est-ce qu'un
dieu sans fidèles et sans manifestations
concrètes de leur adoration? Lorsque
plus personne n'a adoré
Mardouk,
Mardouk est mort. L'adoration des
fidèles est l'oxygène des dieux. Lorsque
le dieu
chrétien a
capturé les fidèles de
Jupiter,
Jupiter est mort,
Isis, Osiris, Amon
Râ n'ont
plus de fidèles, Mardouk n'a plus
d'adorateurs,
Odin, Wotan, Frija,
gisent au fond des mers glacées du
septentrion,
Camos, Melqarth,
Hadad,
Baal,
tous ces collègues de
Jahvé,
qui régnaient en maîtres sur les cités
voisines de la Judée, ont même
totalement disparu de la mémoire des
hommes.
Les Cananéens
n'ont pas eu l'imagination assez fertile
pour se faire attribuer leur territoire
par Camos.
C'est la foi des
fidèles et l'organisation concrète du
culte qui fournissent aux dieux les
conditions de leur existence. C'est donc
à Babylone que furent mises au point les
conditions de la renaissance du dieu
Jahvé et que les lévites-notaires
rédigèrent les clauses du contrat de l'"alliance"
renouvelée entre le dieu et les Judéens.
Les rédacteurs de l'exil ont exprimé
dans ces textes leur propre vision de
l'avenir de la communauté judéenne et
institutionnalisé les formes
fondamentales du nouveau et véritable
monothéisme juif. Le polythéisme qui
sévissait encore avant l'exil fut
définitivement banni. C'est à
Babylone et
durant le demi-siècle de l'exil que le
groupe de Judéens semble avoir rompu de
façon définitive avec le culte des
cippes et des dieux locaux.
En revanche,
l'organisation de la séduction - ou de
la corruption - de la divinité fut, dans
le nouveau jahvisme soigneusement
organisée. En effet, les pactes ou les
alliances étaient, dans toutes les
religions, accompagnés d'offrandes ou de
sacrifices solennels au cours desquels
des animaux de boucherie en grand nombre
étaient égorgés. Les Judéens ont
maintenu cette tradition. Les animaux
étaient coupés par moitié et l'on
disposait les moitiés en face les unes
des autres. Un feu mystérieux censé
circuler au milieu des bêtes dépecées
signalait l'acceptation par la divinité
de l'offrande et du pacte. C'est ainsi
que dans l'épisode de la
Genèse
cité ci-dessus et décrivant le songe
d'Abraham,
"des flammes passèrent entre les animaux
partagés",
ce qui signifiait
donc que le dieu Jahvé avait agréé le
sacrifice et en était satisfait. "Ce
jour-là, l'Eternel fit alliance avec
Abraham."
(Gn
15, 17-18)
Mais on n'imaginait
pas qu'il pût ne pas y avoir réciprocité
et que le dieu serait assez méchant,
assez intéressé et assez glouton pour
dévorer la viande sans rien donner en
échange. C'est
pourquoi les scribes de l'exil
babylonien avaient signifié que l'alliance
avec leur dieu se trouvait scellée par
l'octroi
d'un gigantesque
territoire. De même que pour un
sans-abri avoir un toit à soi constitue
le rêve le plus précieux, un groupe
humain déraciné, déplacé de force, ne
trouve rien de plus précieux à désirer
qu'une patrie, et une patrie puissante,
riche, capable de s'opposer aux empires
environnants. On comprend donc aisément
que les Judéens exilés se soient fait
attribuer par leur dieu la propriété
d'un vaste territoire, source de
richesse et garant de leur sécurité
future.
Le texte de la
Genèse
lu par Esdras au peuple rassemblé devant
le Temple constituait en quelque sorte
l'acte notarié officiel qui scellait à
la fois la possession de la terre et la
renaissance dans l'histoire d'un dieu
qui avait failli disparaître corps et
biens. Ce cadeau effaçait le handicap
psychologique qu'avait représenté la
défaite de Meggido, la mort du roi
Josias, la destruction du temple et la
déroute de l'exil. Tout en retrouvant le
privilège de compter de nouveau des
fidèles ardents, sans l'existence
desquels il serait mort le dieu Jahvé
les retrouvait enchaînés comme ils ne
l'avaient jamais été auparavant par un
câblage de règles et d'obligations
impératives dont ce peuple ne devait
plus jamais sortir.
7 -
Avantages et inconvénients politiques du
fanatisme religieux
Le fanatisme
ritualiste instauré à Babylone fut,
durant les cinq siècles qui suivirent,
la source de la renaissance et de la
cohésion de la société judéenne. Sans la
poigne de fer des religieux, appelés
zélotes
ou
pharisiens,
l'exil en Babylonie aurait signé l'arrêt
mort du dieu Jahvé et la disparition de
la société judéenne qui se serait fondue
dans les nombreuses ethnies voisines -
les Cananéens, les Philistins, les
Egyptiens, les Perses, les Assyriens,
les Hyksos et plus tard les Grecs et les
Romains qui avaient occupé le territoire
durant plusieurs millénaires avant
l'arrivée tardive - vers -1 100 - de
tribus d'Hébreux. Les chaînes
religieuses ont soudé l'ethnie
reconstituée après le retour des exilés.
Mais l'expérience
historique démontre que le fanatisme
religieux fut en même temps la cause
profonde de la décadence politique de la
province et finalement de sa disparition
comme acteur autonome dans l'histoire.
Il fut, en effet, à l'origine de tous
les grands malheurs qui, avec une
régularité stupéfiante, frappèrent le
groupe et empêchèrent ce peuple de
prendre réellement racine en Palestine
et d'habiter,
au sens chtonien, la terre qu'il avait
progressivement conquise environ un
millénaire avant notre ère.
En effet, des
révoltes périodiques des fanatiques
religieux émaillèrent à intervalles
quasi réguliers l'histoire de la Judée,
provoquant à chaque fois une catastrophe
sociale et la destruction du pays. Les
plus connues sont celles de
Judas Maccabée
en -162
contre les conquérants grecs à la suite
de l'édification d'un autel dédié à Zeus
au coeur du temple de Jérusalem.
Représentation de
Judas Maccabée
Puis vint la
grande révolte de 66 à 73 contre
l'empire romain suscitée une fois de
plus par les Pharisiens et qui aboutit à
une guerre meurtrière de quatre années
contre les légions de Titus qui
assiégèrent, pillèrent puis détruisirent
Jérusalem et le temple d'Hérode en 70,
ainsi que les places fortes de Gamla et
de Massada.
Malgré
l'opposition du clergé officiel, une
troisième révolte religieuse suscitée
par le fanatique Simon Bar-Kokhba,
un temps considéré par les juifs comme
leur messie, souleva le peuple en 132
contre l’empereur romain Hadrien qui
avait cru pouvoir construire un édifice
dédié à Jupiter sur l'emplacement du
temple. Il fallut deux ans de guerre
acharnée et l'envoi de douze légions
pour que les Romains parvinssent à venir
à bout de la rébellion.
On pouvait alors
appliquer à la capitale de la Judée la
célèbre phrase de Caton l'ancien,
Cartago delenda est (Carthage doit
être détruite)en la modifiant
légèrement . Cette fois,
Ierusalem deletta est, Jérusalem
était détruite. Cette défaite
signait la fin de la présence des juifs
à Jérusalem, désormais interdits de
séjour dans la ville, qui fut rasée sur
ordre d'Hadrien. L'empereur fit édifier
sur le site une ville romaine, Ælia
Capitolina. Mais les juifs n'étaient
pas chassés de l'ensemble de la
province, seule la capitale leur était
interdite. Néanmoins, c'est à partir de
ce moment qu'est né le mythe d'un "peuple
juif chassé de la totalité de sa patrie"
et condamné à errer dans le monde.
Bas-relief romain
représentant le pillage du temple de
Jérusalem à la suite de l'écrasement de
la révolte de Simon Bar Kochba
Je rappelle pour
mémoire une guerre quasi oubliée de la
mémoire des historiens, menée entre 115
et 117 par des juifs, mais en dehors du
territoire de la Judée et appelée
guerre de Kitos ou de Quiétus
du nom du général romain chargé par
l'empereur Trajan de mater les mutins.
Des villes entièrement juives ou à
forte majorité juive en Cyrénaïque, en
Egypte, en Grèce, à Chypre, en Asie
Mineure, en Arménie, en Mésopotamie, en
Abiadène, se soulevèrent avec un
ensemble qui prit de court les Romains.
Des hordes fanatisées se répandirent
dans les contrées comme une traînée de
poudre et détruisirent tous les temples
"païens" qu'ils rencontraient, ainsi que
les thermes et tous les édifices civils
symboles du pouvoir romain, tout en
exterminant au passage la population
grecque et romaine des villes ravagées.
La cavalerie maure du
général Lusius Qietus représentée sur la
Colonne trajane
La répression des
Romains fut terrible et sanglante. La
population des innombrables juifs qui
s'étaient volontairement expatriés dans
le bassin de la Méditerranée et qui
avaient quasiment constitué des enclaves
autonomes, fut décimée. Tout en prenant
place dans la suite des révoltes
récurrentes de la Judée, cet épisode
prouve, de plus, qu'il a existé depuis
les origines une très importante
diaspora judéenne volontaire et
que, à l'instar de la situation
actuelle, la population des juifs ayant
choisi de résider hors de Judée était
plus nombreuse que celle de l'intérieur
de la province.
La
destruction des villes révoltées eut
également des conséquences désastreuses
pour le mouvement chrétien naissant qui,
à l'origine, se développait
principalement en milieu juif, les
Romains ne faisant pas de différences
entre ces deux mouvements religieux.
On ne peut
comprendre ces révoltes qu'en ayant
présente à l'esprit l'horreur des
populations juives, tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur de la Judée, pour tout
ce qui rappelait le polythéisme et le
culte des idoles, dont ils s'étaient
eux-mêmes débarrassés depuis le retour
d'exil, ce qui ne les a pas empêchés de
sacraliser leur propre lieu de culte,
considéré comme la "maison de Jahvé".
La présence de statues de dieux
étrangers ou de conquérants foulant le
parvis de leur temple représentait à
leurs yeux une profanation
insupportable. C'est pourquoi ces
révoltes étaient aussi prévisibles
qu'inexpiables face à des empires à la
fois polythéistes et pour lesquels les
divinités étaient si parfaitement
incarnées dans le marbre des statues
qu'il arrivait qu'une ville enchaîne son
dieu afin de ne pas se le faire voler
par une cité concurrente. Face à ce type
d'idolâtrie, le monothéiste juif qui
interdisait toute représentation de son
dieu, témoignait d'un réel progrès
spirituel.
Mais, on voit, de
nos jours, qu'un vestige de maçonnerie,
non pas du temple, c'est-à-dire de
l'édifice abritant le "saint des saints"
et de l'autel situé devant lui, sur
lequel le prêtre sacrifiait les animaux
de boucherie, ni même des bâtiments
annexes rattachés au sanctuaire, mais
d'un simple mur de soutènement
d'une gigantesque terrasse destinée à
accueillir la foule des riches pélerins
accourus depuis la quasi totalité des
villes du bassin de la Méditerranée et
dont l'astucieux roi Hérode avait
compris que les pélerinages etaient sa
principale source de richesse, que ce
vestige de fondations, dis-je, destiné à
compenser la déclivité du terrain, est
devenu un lieu de culte vénéré et
quasiment idolâtré.
Prières au pied du
mur d'Hérode
L''idolâtrie chassée par la porte trouve
toujours le moyen de se faufiler par la
fenêtre. Si le roi iduméen haï de son
vivant par toute la population et
notamment par les Pharisiens en raison
de ses turpitudes, mais surtout parce
qu'il n'était pas juif et qui,
d'ailleurs, s'empressait d'oublier, lors
de ses très nombreux séjours en Grèce et
à Rome, la fine pellicule de judaïsme
qu'il affichait à l'intérieur de son
royaume, si ce roi bâtisseur hellénisé,
passionné d'architecture qui, sacrilège
des sacrilèges éleva un temple à
l'empereur romain Auguste en Samarie,
fit construire des théâtres, des
amphithéâtres, des thermes à Sidon, à
Damas, à Laodicée, un aqueduc à Ascalon,
des gymnases dans des villes grandes et
petites, dont on sait que la nudité des
participants y était la règle au grand
dam des Pharisiens, ce roi qui finança
largement le renouveau des jeux
olympiques en Grèce, qui gratifia
Athènes, Lacédémone, Nicopolis, Pergame
et d'innombrables autres cités du bassin
méditerranéen de ses largesses, si ce
roi-architecte revenait sur terre, il
considèrerait probablement avec une
stupeur ironique qu'un morceau de
maçonnerie, fruit de sa mégalomanie
architecturale, dont seules les sept
premières rangées de pierres à partir du
sol ont été mises en place par ses soins
et qui n'avait aucune destination
religieuse - le centre et le haut datant
des omeyyades et des croisés - que ce
reste de fondation, dis-je, est devenu
l'objet d'une vénération passionnée de
la part de religieux qu'il tenait de son
vivant en si piètre estime.
voir
V - La théocratie
ethnique dans le chaudron de l'histoire,
§ 14-15.
Une expérience
historique calamiteuse de nature
apparemment semblable fut répétée au
début du XXe siècle lorsque la puissante
et riche colonie juive des Etats-Unis
d'Amérique "déclara la guerre à
l'Allemagne" en 1933, pour reprendre
le titre des journaux de l'époque; mais
cette insurrection était, en réalité,
très différente en ce qu'il ne
s'agissait nullement d'un soulèvement
populaire d'origine religieuse, mais
d'une décision politique et économique
prise en toute connaissance de cause
quant à ses conséquences prévisibles,
par les décideurs financiers
anglo-saxons. Un boycott sévère de ses
exportations et un embargo sur ses
importations accablèrent une Allemagne
déjà exsangue après la défaite de 1918
et les conditions léonines qui lui
avaient été imposées par le traité de
Versailles.
Le mouvement
sioniste était officiellement né à Bâle
en 1897 et la lettre adressée à Lord
Rotschild en 1917 et connue sous le nom
de "Déclaration Balfour", lui
avait donné des ailes. Ce n'étaient plus
des décisions cultuelles qui
mobilisaient les cerveaux des dirigeants
du mouvement sis à Londres et à
Washington, mais des motivations
politiques beaucoup plus concrètes. J'y
reviendrai ultérieurement.
J'ai d'ailleurs
montré dans le texte sur l'analyse du
destin et de l'action de l'homme de
l'ombre - le Colonel House - qui
dirigeait la tête et la politique du
président Woodrow Wilson, comment
les puissants banquiers et autres
décideurs de la loge maçonnique B'nai
Brith, ainsi que des nombreuses
et puissantes organisations
communautaires juives étaient déjà à la
manoeuvre lors des négociations du
traité de Versailles en 1919. Le boycott
des produits allemands décrété en 1933
s'inscrivait dans la continuité de la
polique anglo-saxonne amorcée au milieu
du XIXe siècle .
Voir :
Du Système
de la Réserve fédérale au camp
de concentration de Gaza - Le
rôle d'une éminence grise: le
Colonel House
En
revanche, ce que cet évènement, que les
historiens s'efforcent d'occulter avec
un bel ensemble, eut de commun avec les
précédentes insurrections, c'est qu'une
fois de plus, c'est la population juive
ordinaire qui eut à subir de terribles
représailles d'un régime nazi rendu
enragé.
Comment
ne pas faire un parallèle avec la
politique de pressions et de sanctions
économiques ravageuses imposées aux
populations civiles par les mêmes
puissances financières, hier à l'Irak et
aujourd'hui à l'Iran?
Vendredi 24 mars
1933: "La Judée déclare la guerre à
l'Allemagne"
Pour
plus de détails sur cet épisode,
voir
V - La théocratie
ethnique dans le chaudron de l'histoire,
§16: D'un désastre à l'autre
L'histoire se révèle un serpent qui se
mord la queue. En effet, les mêmes
causes produisent toujours les mêmes
effets. Depuis 1945, le balancier
s'était hardiment élancé en direction
d'un triomphe du sionisme à la fois au
Moyen-Orient et dans tout l'Occident.
Mais des signes de plus en plus
nombreux, tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de l'Etat surgi en 1947,
indiquent que le balancier de Chronos a
amorcé - lentement - son mouvement en
sens inverse. Alors que le messianisme
religieux conquérant fut longtemps le
moteur incontesté de la légitimité
psychologique des colons qui affluaient
en Palestine, l'Etat sioniste est en
train de découvrir qu'il est sapé de
l'intérieur par le développement
exponentiel d'un fanatisme religieux qui
mine la société et ruine l'image d'une
démocratie moderne qu'il s'efforce
d'imposer sur la scène internationale.
On a pu lire dans
le Jérusalem Post du 4
novembre 2011 les propos alarmistes d'un
ancien chef du Mossad, Efraim Halevy,
lequel a déclaré qu'"Israel's true
existential danger comes from within".
M. Efraim Halevy a été rejoint à la fois
par l'ancien chef d'Etat-major de la
Tsahal piteuse de la deuxième guerre du
Liban, Dan Halutz et par un autre
ancien directeur directeur du Mossad,
Meir Dagan. Ces ex-responsables des
services secrets et de l'armée
considèrent en coeur que, contrairement
aux aboiements alarmistes de MM.
Netanyahou et Lieberman, ce n'est pas
l'Iran et y compris sa potentielle
bombinette qui, face aux deux à trois
cents missiles à tête nucléaire de
l'Etat hébreu, représentent une "menace
existentielle" pour cet Etat,
mais la multiplication des fanatiques
religieux dans tous les corps de l'Etat
et notamment dans une armée en principe
mixte, alors que tous ces hyper
religieux et hyper fanatiques sont
férocement misogynes et n'acceptent pas
de combattre dans des régiments dans
lesquels figureraient des femmes,
pourtant elles aussi astreintes à un
service militaire de deux ans et qui
occupent également des postes de
commandement .
Soldat de la secte
haredim
L'histoire est
facétieuse. L'Etat sioniste est
peut-être en train d'être dévoré par le
cancer de son propre mythe fondateur
mensonger, à moins que son hubris
le porte à une folie militaire qui, plus
rapidement que le cancer du fanatisme
religieux, l'entraînera - et le reste du
monde avec lui - dans une nouvelle
catastrophe inouïe.
8
- Les créateurs de dieux
Le cerveau des
hommes est ainsi fait qu'ils se croient
en permanence sous le regard ou en
communication avec des forces
mystérieuses, plutôt redoutables et
méchantes, qu'il s'agit d'apprivoiser,
de séduire ou de corrompre en leur
offrant ce qu'on jugerait soi-même le
plus précieux. C'est ainsi que les
peuples anciens ont longtemps offert en
sacrifice à leur dieu leur enfant
premier-né. Puis, les humains ont
sacrifié des animaux de boucherie, les
plus beaux, les plus parfaits et les
plus gras, dont on brûlait les parties
qu'on trouvait soi-même les plus
délicieuses. L'inauguration du temple
par le roi Hérode fut accompagnée d'un
sacrifice de trois cents boeufs. Les
bouchers-sacrificateurs opéraient jour
et nuit. Dans toutes les religions se
trouve exposé, et conformément à la
psychologie de chaque peuple, tout
l'arsenal des rites et des prières par
lesquels les humains établissent leurs
relations privées ou collectives avec le
surnaturel.
Naturellement, les scribes de l'exil
babylonien n'étaient pas conscients en
toute lucidité du mécanisme à la fois
théologique et politique qu'ils avaient
élaboré. Personne n'est en mesure
d'éclaircir vraiment ce qui est
conscient et ce qui ne l'est pas, de
démêler le mélange de sincérité, de
poésie, mais aussi d'esprit politique et
même de rouerie qui habite les
rédacteurs de textes religieux.
Qu'est-ce que l'inspiration religieuse?
La question est sans réponse, mais ce
qui est certain, c'est qu'il s'agit
toujours d'esprits politiques et même de
très fins politiques et de connaisseurs
des conditions de la vie en société. En
général, le juge de paix est le succès
ou l'échec. C'est lui qui décide de
l'avenir de l'entreprise dans
l'histoire, donc de la définition de ce
qui sera tenu pour la vérité ou pour
l'erreur.
Ainsi, pour les juifs, le christianisme
est une secte qui a réussi à s'imposer
et le Talmud n'a pas de
jugements assez violents, méprisants et
même carrément répugnants pour désigner
Jésus et les chrétiens : Gittin 57a.
dit que "Jésus est dans l'enfer,
bouillant dans des excréments."
Quant à Sanhedrin 43a. , il écrit
que "Yeshu le Nazaréen a été
exécuté parce qu'il a pratiqué la
sorcellerie."
De nos jours, les temps sont devenus
plus difficiles pour les créateurs de
dieux. Alors que Jahvé est la divinité
d'un petit peuple spécifique dont
l'étroit champ d'action se résume à un
seul groupe humain restreint et, à
l'origine, à l'étroit territoire qu'il
occupait, comme ce fut le cas pour tous
les dieux locaux de l'époque, les deux
monothéismes qui ont succédé à la
religion de Jahvé à partir du bassin de
la Méditerranée, ont élargi leur espace
religieux, politique, psychique et
géographique et se sont ouverts à la
totalité du globe terrestre, car leur
message concernait dorénavant tous les
hommes de bonne volonté. Les adeptes
d'une secte ésotérique qui a sévi dans
les années 1980, et appelée Ordre du
temple solaire (OTS), avaient cru
qu'ils pourraient ouvrir davantage
encore
leur territoire mental, occuper l'espace
intersidéral et délocaliser le centre de
leur prédication sur Sirius. La
tentative a échoué, mais il était
logique qu'elle ait été tentée à l'heure
où l'astronomie ouvre l'espace
interstellaire aux rêves des hommes.
Peut-être le temps des dieux extérieurs
à la conscience des humains est-il en
train de s'achever sous nos yeux.
9
- Les héroïques explorateurs des
coulisses du théâtre religieux
Jusqu'à ces deux dernières décennies,
tous les commentateurs des écrits
fondateurs du judaïsme - mais également
du christianisme ou de l'islam, nés du
même terreau - étaient polarisés sur le
contenu des textes du
Pentateuque. Personne ne doutait
que les récits relatés étaient
véridiques au sens historique du terme,
que les personnages avaient existé en
chair en os, qu'ils s'étaient manifestés
dans les circonstances décrites dans les
textes bibliques et que l'histoire de la
Judée se confondait avec celle de
l'humanité. Bossuet avait la certitude
que la Bible était un livre d'histoire
et que Dieu avait bien créé le monde il
y avait quatre millénaires.
Renan lui-même ne contestait pas la
chronologie globale des évènements et
l'existence historique des personnages
rapportés dans la Bible. mais
comme il était un philologue averti et
professeur d'hébreu au Collège de
France, il avait constaté, par exemple,
que la deuxième partie du texte attribué
à Isaïe n'était visiblement pas du même
auteur que la première et que ces deux
textes ne dataient pas de la même
époque. Il avait également noté que la
syntaxe et la grammaire des textes du
Pentateuque ne pouvaient pas
dater de l'époque à laquelle on
s'imaginait que Moïse avait vécu et que
le Livre attribué au prophète
Daniel est un apocryphe. Bien
que certaines parties de son
Histoire du peuple d'Israël
soient dépassées, son tome I, dans
lequel il étudie les relations entre la
géographie, la langue et la naissance
progressive du jahvisme, sont
irremplaçables. "Les racines
sémitiques sont sèches, inorganiques,
absolument impropres à donner naissance
à une mythologie. [...] Chez les
Sémites, ce n'est pas seulement
l'expression, c'est la pensée même qui
est profondément monothéiste. Les
mythologies étrangères se transforment
entre les mains des Sémites en récits
platement historiques." (T.1, pp.
48-49) On comprend par quel processus
linguistique la fiction ressemble à un
exposé historique.
Or, une véritable révolution
copernicienne est intervenue récemment
dans notre compréhension des textes
bibliques. Alors que les exégètes
anciens se contentaient, soit de
paraphraser les textes bibliques, soit
de rechercher dans l'histoire
évènementielle des éléments de
confirmation des récits religieux, la
prise à revers contemporaine, si je puis
dire, qui a consisté pour les savants
européens et anglo-saxons actuels à
effectuer un véritable travail de
critique des textes et à retrouver les
traces qui permettent de les situer dans
le contexte historique qui a présidé à
leur rédaction, a permis de mettre en
évidence les matériaux littéraires qui
correspondent à l'époque à laquelle ils
ont été rédigés. On peut dorénavant
dater cette rédaction avec une quasi
certitude.
L'extraordinaire travail d'érudition et
de précision de Mario Liverani
(La Bible et l'invention de
l'Histoire), par exemple,
aboutit à une remise en cause drastique
de l'histoire antique de la Judée et,
par voie de conséquence, conduit à une
réécriture implacable de l'histoire de
l'Israël moderne telle qu'elle a été
imposée par David Ben Gourion depuis la
création de cet Etat.
Voir :
David Grün, alias Ben
Gourion, et la naissance de
l'"Etat juif"
Comme c'est sur l'arrière-monde
mythologique dans lequel la fiction
biblique s'est métamorphosée en
religion, puis la religion en histoire,
que repose la légitimation de la
narration sioniste, il est évident que
les analyses des exégètes contemporains
ne pouvaient que susciter un rejet
féroce de la part du personnel politique
et religieux israélien, puisqu'il
anéantit l'exceptionnalisme de type
théologique qui fonde la légitimité
morale de la création de leur Etat. "Si
Dieu ne nous a pas donné cette terre,
nous sommes des brigands",
reconnaissent d'ailleurs les dirigeants
israéliens.
Un bouleversement aussi radical de notre
compréhension de l'histoire des textes
bibliques, donc de l'histoire réelle de
la région, rencontre également des
oppositions vigoureuses en dehors du
judaïsme. Par ricochet, la remise en
question de la narration biblique et de
certains de ses héros symboliques
affecte les deux autres monothéismes qui
en ont adopté certains épisodes et
certains personnages. C'est ainsi que la
traduction française de l'ouvrage du
grand exégète et historien italien,
Mario Liverani, cité ci-dessus et publié
par un éditeur catholique - les éditions
Bayard - s'est trouvée flanquée d'une
préface prudentissime d'un tenant de
l'ancienne école et spécialiste de
l'analyse narrative du Pentateuque,
le Père Jean-Louis Ska,
Professeur d'Ancien Testament à
l'Institut biblique de Rome: "Un
historien critique peut, écrit-il,
douter qu'Abraham ait eu un fils alors
qu'il était centenaire. (…) Ce n'est
pourtant pas une raison suffisante pour
jeter au rancart les récits bibliques de
la Genèse comme étant des tissus de
mensonges…".
En somme, concède cet éminent
ecclédiastique, l'esprit critique n'a le
droit de s'exercer que dans les marges.
Il se voit assigner des frontières à ne
pas franchir: il s'agit de conserver
l'essentiel de la narration, de ne rien
bouleverser du fond tout en donnant
magnanimement le droit d'aménager
quelques détails qui sembleraient par
trop invraisemblables aux contemporains.
On pourrait par exemple rendre un peu
plus vraisemblable l'âge auquel le vieux
couple du patriarche aurait conçu un
fils et excuser le péché véniel du
rédacteur biblique qui a porté cet
exploit à la centaine pour des deux
époux.
En revanche, même si des découvertes
archéologiques irréfutables démontrent
le contraire, il serait interdit de nier
que Salomon vivait dans un palais
somptueux, qu'il aurait construit un
temple mirifique ou que David régnait
sur un immense royaume, car cela
mettrait à bas des pans entiers de la
fiction biblique et le désastre
contaminerait les écrits des évangiles
chrétiens qui ont essayé de faire
bénéficier le fondateur du christianisme
et sa mère du prestige mythique attaché
à la mémoire de ce roi et en font des
descendants de "la Maison royale de
David".
Voir :
1 - La bible et
l'invention de l'histoire
d'Israël
C'est ainsi qu'en dépit de la "richesse
foisonnante de détails" fournis sur
les personnages de David et de Salomon,
écrivent dans Les rois sacrés de
la Bible (p.115), les
archéologues juifs américains
Finkelstein et Silberman - que personne
ne saurait soupçonner d'être hostiles à
Israël - la "Maison royale de David"
n'a existé que dans l'imagination des
scribes de l'exil. Dans La Bible
dévoilée, les mêmes auteurs
concluent que "l'image que l'on se
fait de Jérusalem à l'époque de David,
et davantage encore sous le règne de son
fils, Salomon, relève, depuis des
siècles, du mythe et de l'imaginaire
romanesque. "(p.208) "Il
s'agit de la peinture d'un passé
idéalisé, d'une sorte d'âge d'or nimbé
de gloire." (p.201)
Les deux personnages David et Salomon,
si importants dans l'imaginaire des
Israéliens d'aujourd'hui ont, certes,
existé, mais plutôt comme chefs de bande
ou chefs de villages, car "à
l'évidence, la Jérusalem du Xe siècle
était un petit village de montagne qui
dominait un arrière-pays à l'habitat
dispersé" (La Bible
dévoilée,
p.118) écrivent nos archéologues.
D'ailleurs la totalité de l'Israël de
l'époque (environ 1000 ans avant notre
ère) ne comptait que quelques milliers
de fermiers et d'éleveurs.
Mais pour autant, il ne s'agit nullement
de "jeter au rancart les récits
bibliques", comme le craint le
Révérend Père Ska. Bien, au contraire,
il nous faut essayer d'en comprendre la
signification historique à un autre
niveau et d'affiner l'interprétation
anthropologique et psychanalytique de
documents particulièrement révélateurs
du fonctionnement du cerveau des
concepteurs, de celui des fidèles et qui
bouleversent de fond en comble notre
ap-préhension de l'histoire d'un pays et
d'une région dont la fiction biblique
constitue la pierre d'angle et une
manière fond de commerce politique.
En effet, l'arrière-monde religieux du
discours sioniste repose sur une
revendication littérale des mythes
bibliques. Or, celle-ci induit la
colonisation de la totalité de la terre
de Palestine… pour commencer. Mais ce
n'est là qu'un effet secondaire de la
pathologie principale qu'est la croyance
en la possession légitime de la terre
par décret divin. C'est donc avant tout
la déconstruction rationnelle de
l'ensemble des mythes bibliques qui
dynamitera les mythes sionistes et qui
redonnera au peuple palestinien la
légitimité historique sur la terre qu'il
habite de génération en génération
depuis toujours.
Que dire de la cohérence mentale des
dirigeants de la classe politique
mondiale qui se gargarisent d'idéalités
universelles, d'invocations à la
Liberté, à la Démocratie, au Droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, tous
principes applicables à tous les peuples
de la terre, sauf aux possesseurs
légitimes de la Palestine, priés de
déguerpir et d'offrir leurs maisons et
leurs propriétés à une foule
d'immigrants se réclamant d'une "alliance"
conclue en rêve avec un dieu par un
personnage de fiction - le patriarche
Abraham. Même ceux qui se déclarent
athées ne veulent pas renoncer au
bénéfice matériel de ce pacte. "Cette
terre est à nous, clament-ils à
tue-tête, c'est notre dieu qui nous l'a
donnée".
C'est cette chimère auquel le sionisme
est accroché qu'il cherche aujourd'hui à
concrétiser et à mettre en application
sur le terrain.
10 - Les frontières du " Grand Israël "
"Je donne ce pays à ta postérité,
depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand
fleuve, au fleuve d'Euphrate" ,
dit le texte.
Pourquoi avoir
choisi les deux grands fleuves pour
limites du territoire offert par le
notaire céleste? Les Judéens des VIe et
Ve siècles avant notre ère, date à
laquelle à été inventée l'"alliance"
et le cadeau, entretenaient évidemment
des liens commerciaux avec les
territoires voisins et notamment le
royaume des Pharaons - naturellement, la
fuite des esclaves hébreux relatée dans
le livre de l'Exode est
purement imaginaire et n'a jamais été
confirmée par la moindre preuve
historique. D'ailleurs les Cananéens,
les plus anciens habitants de la région,
ont entretenu, durant les nombreux
siècles qui précédèrent l'arrivée dans
la région des conquérants hébreux, des
liens étroits économiques et politiques
avec la terre des pharaons et
connaissaient parfaitement la géographie
de la région. En revanche, les
scribes-rédacteurs du temps de l'exil
babylonien, même s'ils avaient entendu
parler de l'existence d'un "fleuve
d'Egypte", n'ont pas été
capables de le nommer.
La chimère du
"Grand Israël"
En revanche, et
par la force des choses, ils savaient
qu'ils se trouvaient au bord du "fleuve
Euphrate".
On comprend donc
que, dans l'esprit des auteurs de la
fiction littéraire, le "Grand Israël"
correspondait à la totalité du monde qui
leur était connu à l'époque et ils se
sont mentalement installés entre les
deux grands empires d'Egypte et de
Babylone. Si Nabuchodonosor avait
transplanté les Judéens au bord de la
Mer Caspienne, le "Grand Israël"
se serait étendu "du fleuve d'Egypte
à la mer Caspienne".
C'est donc au nom
du récit d'un rêve prêté au héros d'une
fiction, dont on connaît la date, les
circonstances de sa rédaction et la
manière dont il a été porté à la
connaissance du peuple par le scribe
Esdras lors de son retour de Babylone en
-459, que le mouvement politique
sioniste poursuit aujourd'hui la chimère
secrète de s'approprier l'est de
l'Egypte, toute la Palestine, la
Jordanie, le Liban, la Syrie, la moitié
de l'Irak, le nord de l'Arabie saoudite
et le Koweït.
11 -
Israël , un Etat-Chimère
L'étymologie du
mot chimère renvoie au grec
KHIMAIRA et désigne la jeune chèvre d'un
an qu'on immolait avant un combat en
l'honneur d'Artemis Agrotera, "la
déesse de la natutre inviolée, des corps
intacts, des coeurs libres de passion".
(André Bonnard, Les dieux de
la Grèce).
Durant le
Moyen-Age, la chimère était le symbole
de désirs irréalisables, d'où le sens
actuel de l'adjectif "chimérique".
De nos jours, le mot chimère est utilisé
dans son sens dérivé d'illusion.
C'est d'ailleurs en ce sens que je l'ai
sous-entendu dans le titre de ce texte.
En effet, l'actuel Etat sioniste caresse
une illusion, un rêve, un projet
chimérique qu'il ne parviendra pas à
concrétiser en dépit de tout son
attirail nucléaire. Chacune de ses
victoires est une victoire à la Pyrrhus.
Telles les dents semées par le dragon,
chacune donne naissance à des régiments
d'ennemis.
Mais le mot "Chimère"
- avec sa majuscule - désigne également
un animal fantastique particulièrement
méchant et imprévisible, de la
mythologie grecque, qu'Homère a évoqué
dans le Livre VI de l'Illiade.
Monté sur le cheval ailé Pégase, le beau
Bellérophon a réussi à vaincre ce
monstre de Lycie, à corps de chèvre, à
double tête de lion et de chèvre et dont
la queue portait à son extrémité une
tête de serpent - de dragon disent
parfois les textes.
Chimère
Quel est le
rapport entre ces trois sens du même
mot? C'est d'abord la présence de
l'image de la chèvre qui a donné son nom
à la bête fantastique; mais cette bête
est si bizarre qu'elle semble une
illusion des sens. Cette irréalité
matérielle, mais porteuse de sens,
s'appelle un mythe.
Or, ce mythe
représenté par l'étrange animal
composite appelé Chimère, dont
les têtes étaient dirigées en sens
contraire - ce qui le rendait redoutable
dans toutes les directions - était un
monstre terrible qui crachait le feu et
dévorait les humains. Il symbolisait la
cruauté et le mal. Mais l'astucieux
Bellérophon monté sur son cheval ailé,
Pégase, a découvert le point faible de
la bête: au moment où elle crachait ses
flammes, il a jeté dans une de ses
gueules grande ouverte un morceau plomb
que son propre feu a fait fondre et qui
a provoqué sa mort en durcissant ses
entrailles.
Voilà comment la
monstrueuse Chimère de la
mythologie grecque donne un rendez-vous
symbolique à la dernière expédition
meurtrière d'Israël contre les encagés
de Gaza. La Chimère sioniste a eu beau
cracher ses flammes meurtrières par
toutes ses gueules et en tous lieux de
Cisjordanie et de Gaza, c'est son propre
feu, c'est-à-dire l'arrogance de son
orgueilleuse puissance militaire, qui a
révélé au monde entier de quelle cruauté
et de quelle inhumanité elle était
capable. C'est dans les entrailles de la
Chimère sioniste que le plomb de son
immoralité est en train de durcir.
*
Les
nouveaux Bellérophon et les Pégase de
l'exégèse scientifique moderne sont les
alliés les plus précieux des
Palestiniens. Ce sont leurs travaux qui
permettront aux esprits éclairés de
quitter le marécage mythologique dans
lequel barbote la politique
internationale - ou dans lequel elle
feint de barboter.
Déshabiller
l'hypocrisie politique, peler une à une
les tuniques de l'oignon afin de révéler
qu'en son coeur gît un Etat férocement
colonialiste, au service de son
idéologie messianico-impérialiste et des
intérêts de l'empire américain, tel est
le travail urgent à réaliser afin de
neutraliser la nouvelle Chimère crachant
le feu et dévoreuse d'enfants
palestiniens qui s'est installée au
coeur du Moyen-Orient. Toujours aussi
benêts, les Européens commencent à peine
à se rendre compte comment les
financiers de la City et de Wall Street
tirent les ficelles de la crise dans
leur dos et agitent sous leurs yeux le
chiffon rouge d'un dragon en carton
peint, afin de leur faire oublier la
menaçante bien réelle de la Chimère
sioniste.
La
destruction du camouflage religieux
d'une politique devenue froidement
impérialiste contraindra, dans la
foulée, les serviteurs sincères du dieu
Jahvé et leurs ouailles à interpréter
leurs textes fondateurs dans un sens
véritablement religieux, c'est-à-dire
spirituel, et à retrouver la morale
universelle qui, au plus profond, est
commune à la quasi totalité des
religions de la planète.
C'est donc au prix
de l'anéantissement du mensonge
historique fondateur que commencera
enfin à se fissurer, le bouclier
derrière lequel se tapit la violence
politique sa compagne, qu'évoquait
le grand Soljenitsyne dans son discours
de remerciement à l'occasion de la
remise de son prix Nobel, puisque
mensonge et violence vont toujours de
compagnie.
*
Bibliographie
Professor Abdel-Wahab Elmessiri:
The function of outsiders
:
http://weekly.ahram.org.eg/1999/435/op2.htm
The kindness of strangers:
http://weekly.ahram.org.eg/1999/436/op2.htm
A chosen community, an exceptional
burden :
http://weekly.ahram.org.eg/1999/437/op5.htm
A people like any other :
http://weekly.ahram.org.eg/1999/438/op5.htm
Learning about Zionism:
http://weekly.ahram.org.eg/2000/476/eg6.htm
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Ed. Bayard 2008
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nouvelles révélations de l'archéologie,
2001 ,trad. Ed. Bayard 2002
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ont forgé des glaives, Histoire critique
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Pour un judaïsme plus humaniste et
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La
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Jacques Attali: Les Juifs, le
monde et l'argent,
Histoire économique du peuple juif.
Fayard, 2002
Le 18 janvier 2012
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