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Aux sources du sionisme

X - La chimère du "Grand Israël"
Aline de Diéguez

 

Mercredi 18 janvier 2012

"La violence ne vit pas seule, elle est incapable de vivre seule : elle est intimement associée par le plus étroit des liens naturels au mensonge. La violence trouve son seul refuge dans le mensonge, et le mensonge son seul soutien dans la violence."
Final du discours de remerciement écrit par Alexandre Soljenitsyne à l'occasion de la cérémonie au cours de laquelle devait lui être remis le prix Nobel.

Parmi les multiples couches de tuniques mythologiques qui se sont superposées au cours des siècles jusqu'à former l'oignon compact de la puissante fiction du sionisme, je vais essayer d'extraire et d'analyser la plus juteuse des volutes mensongères, la source de l'édifice sioniste et la cause principale de la violence inouïe exercée sur le terrain à l'encontre du peuple autochtone, à savoir le mythe d'un "grand Israël", gros cadeau de leur divinité personnelle et que les sionistes d'aujourd'hui rêvent de reconquérir en se ré - appropriant "leur" terre, "leur" patrie rêvée.

Jamais le jugement du grand écrivain russe n'a trouvé un plus juste terrain d'application que celui de l'idéologie sioniste et notamment dans la volute rappelée ci-dessus de la mythologie alliacée. C'est, en effet, dans le terreau du double mensonge historique d'une fiction déguisée en religion que le sionisme politique plonge de profondes racines auto-légitimantes. Les mensonges martelés dans toutes les langues de la terre par le groupe humain qui s'est auto-proclamé "peuple élu", ont fini par s'incruster dans les cervelles desdits "élus" et ont même fini par contaminer d'autres cervelles. Répétés de génération en génération, ils sont parvenus à en éliminer tout esprit critique sur les origines et l'incongruité de la mythologie fondatrice. En effet, et parallèlement à ceux des "élus", ces pieux mensonges paralysent les neurones des "non-élus", lesquels, par ignorance, par esprit moutonnier, par intérêt, par peur des représailles, ont fini par intérioriser, eux aussi, la fiction biblique revue et appliquée aujourd'hui par les sionistes avec une violence délivrée de toute inhibition, de toute humanité et de toute retenue juridique ou politique, puisque jamais critiquée ou sanctionnée. Comme l'écrivait Mark Twain: "La vérité n'est pas difficile à tuer. Un mensonge bien présenté est immortel - A truth is not hard to kill. A lie told well is immortal." (écrivain américain, 1835-1910).


1- Quand et dans quelles circonstances est né le rêve du "Grand Israël"?
2 - Qu'est-ce qu'une "alliance"?
3 - Les coulisses du théâtre biblique
4 - Le rôle du principal rédacteur du scénario

5 -
Comment ressusciter le dieu Jahvé?
6 -
Les conditions de l'existence d'un dieu dans l'histoire
7 - Avantages et inconvénients politiques du fanatisme religieux
8 - Les créateurs de dieux
9 - Les héroïques explorateurs des coulisses du théâtre religieux
10 - Les frontières du " Grand Israël "
11
- Israël , un Etat-Chimère

1- Quand et dans quelles circonstances est né le rêve du Grand Israël?

Lorsque les scribes judéens exilés au bord de l'Euphrate, après la conquête de la Judée par le roi Nabuchodonosor, imaginèrent l'épisode de leur fiction dans lequel un personnage mythique - Abraham - était le héros principal, ils lui prêtèrent un rêve fabuleux dans la narration intitulée Genèse. C'est ainsi qu'au cours d'un "profond sommeil" (Gn 15,12), le héros eut "une vision" (Gn 15,1). De plus, il entendit une voix, qu'il attribua à son dieu, laquelle lui proposait une "alliance" (Gn 15,18).

"Quand le soleil fut couché, il y eut une obscurité profonde; et voici, ce fut une fournaise fumante, et des flammes passèrent entre les animaux partagés. En ce jour-là, l'Eternel fit alliance avec Abraham." (Gn 15, 17-18)

Tous les hommes rêvent; pénétrer le sens des rêves a, depuis l'origine des temps, fasciné l'humanité, notamment, on le comprend aisément, ceux des puissants, en raison des conséquences politiques qui en résultaient. En effet, loin des interprétations sexuelles qui ont envahi un post-freudisme contemporain mal digéré, les humains y voyaient, dans l'antiquité, une forme de prémonition, d'irruption directe des dieux dans la politique. Ils utilisaient ce stratagème afin de délivrer incognito un message aux dirigeants du monde. C'est donc au moyen des rêves que les dieux dévoilaient aux vivants leur avenir. Mais comme ce message était rarement limpide, il s'agissait de le décoder. Cette activité capitale et subtile était confiée à des devins, dont le rôle politique qu'ils exerçaient auprès des rois en faisait les personnages les plus influents de la cour. De même, les Grecs de l'antiquité croyaient que l'éternuement signait la présence, à cet instant-là, d'un esprit divin.

Il n'est donc pas étonnant que les rédacteurs de la Genèse aient utilisé le stratagème d'un rêve comme véhicule de l'action de leur dieu, ce procédé, banal à l'époque, permettait de délivrer un message d'une manière jugée convaincante par tout le monde.

Si l'on s'en tient au contenu du texte de la Genèse, on apprend donc qu'un dieu venait d'intervenir dans les affaires d'un peuple qui n'existait pas, puisque le vieillard centenaire gratifié par ce rêve n'avait pas encore de descendants et que c'est à cette descendance potentielle et putative qu'était destiné le gros cadeau territorial.


Rembrandt, Portrait d'Abraham, détail

2 - Qu'est-ce qu'une alliance?

Faire "alliance" avec un être supposé omnipotent est un ressort littéraire utilisé par de nombreux auteurs dans les fictions romanesques. Ainsi, dans La Guerre du feu, l'auteur nous fait assister à une sorte de voyage initiatique de trois messagers, partis affronter la fureur d'un monde sauvage, afin de reconquérir le précieux Graal de la tribu des Oulhamrs. En effet, les cages dans lesquels le feu était conservé avaient été détruites durant un sanglant affrontement avec une tribu voisine et les Oulhamrs vaincus et décimés, privés de leur source de vie, se trouvaient réduits à un sort pitoyable.

Lorsque dans leur quête l'astucieux Naoh et ses deux compagnons, poursuivis par un groupe de féroces humanoïdes auxquels ils ont réussi à voler les précieuses constructions de pierre plates, croisent un troupeau mammouths, ils choisissent de se mettre sous la protection du meneur du troupeau qui représente à leurs yeux une sorte de dieu de la nature. Il s'agit, pour eux, de signer une manière de pacte d' alliance avec le grand mammouth en chef du troupeau, en lequel ils voient le maître de tout ce qui vit sur la terre. En signe d'humble allégeance et de reconnaissance de son pouvoir, Naoh offre à la puissante divinité poilue un gros tas soigneusement lavé des délicieuses racines souterraines de nénuphars, dont il avait observé que la grosse bête en raffolait. Pour consolider l'alliance, il renouvelle chaque jour son hommage.


Grand mammouth laineux, représenté dans la grotte de Rouffignac en Dordogne

L'alliance est donc une sorte de pacte commercial établi, soit entre égaux, soit entre un féal et son seigneur. Dans toute alliance existe un échange: dans le roman de Rosny aîné, on comprend que, séduit par l'offrande quotidienne de racines de nénuphar, le dieu mammouth en vient à protéger les guerriers Oulhamrs et ira jusqu'à écrabouiller sous ses grosses pattes velues leurs cruels ennemis.

Quid de l'échange dans l'alliance proposée à un personnage nommé Abraham par le dieu Jahvé dans la fiction biblique? On voit que, dans le récit de la Genèse, l'initiative en revient au dieu, lequel choisit de se manifester pendant le sommeil du rêveur et alors que ce dernier, avant de s'endormir, avait bien procédé au classique sacrifice d'animaux rituellement coupés en deux par le milieu - "partagés", dit le texte - c'est-à-dire qu'il avait offert à sa divinité l'équivalent du gros tas de racines de nénuphars que les guerriers Oulhamrs offraient au dieu mammouth.

Lors de son apparition durant le rêve, le dieu prend la précaution de décrire minutieusement son cadeau afin d'en faire saisir toute l'importance au bénéficiaire, le tout soigneusement enveloppé dans le scintillant papier-cadeau, si je puis dire, du halo impressionnant d'une "fournaise fumante" et de "flammes", mise en scène aussi éblouissante que terrifiante, digne de tout dieu qui se respecte et soucieux de manifester sa puissance par des phénomènes météorologiques impressionnants.

"Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, au fleuve d'Euphrate, le pays des Kéniens, des Keniziens, des Kadmoniens, des Héthiens, des Phéréziens, des Rephaïm, des Amoréens, des Cananéens, des Guirgasiens et des Jébusiens." (Gn 15,18).


Eretz Israël , carte de 1695

3 - Les coulisses du théâtre biblique

Pour comprendre le sens de la scène décrite ci-dessus, il faut s'arracher à l'avant-scène du grandiose spectacle de l'épopée et à la fascination qu'exerce sur les esprits le contenu du récit brillamment collationné et mis en forme à partir de bribes de légendes et de récits empruntés aux mythologies égyptienne et mésopotamienne. Réécrits, recomposés et globalement unifiés en dépit d'un certain nombres de contradictions résiduelles, les récits ont été adaptés à la mentalité et au type d'éloquence que permettait la langue sémitique, ainsi qu'au mode de fonctionnement psychologique de la population à laquelle il était destiné.

Ainsi, lorsque les documents existent, il est instructif d'observer la manière dont se fait le passage de la réalité historique à la fiction biblique. J'ai montré, par exemple, dans le chap. II ( L'invention des notions de "peuple élu" et de "terre promise", § 3) comment un document assyrien (Cylindre de Taylor) concernant le siège de Jérusalem du temps du roi Ezéchias s'était trouvé transsubstantifié en termes bibliques dans 2R 18, 13-16 près de deux siècles plus tard par les rédacteurs lors de l'exil à Babylone. La métamorphose de la réalité historique est encore plus spectaculaire avec l'Edit de Cyrus, par le scribe Esdras dans Esdras, 1,1-5, que j'ai décrite dans le chap.IV, (Comment le cerveau d'un peuple est devenu un bunker , § 6-7). L'imaginaire à l'état pur est à l'oeuvre lorsqu'aucun document ne peut servir de point de départ à la métamorphose en texte théologique.

Or, dans la mesure où c'est sur la pierre d'angle de la fiction biblique interprétée dans le sens le plus concret et le plus grossier - à savoir la fiction de la propriété de la terre de Palestine attribuée à une tribu spécifique en vertu d'une décision de leur propre dieu - que le peuple autochtone est la victime d'une violence inouië depuis des décennies, il est capital de de tenter de déconstruire le mythe prétendument fondateur de la légitimité morale et politique des conquérants-colonisateurs accourus du monde entier.

Grâce la publication des travaux très importants d'audacieux exégètes, de linguistes et d'archéologues contemporains, cette entreprise est enfin devenue possible. Elle permet de plonger sans risques excessifs dans la fosse d'orchestre et d'explorer les coulisses du théâtre biblique à la recherche des cordes, des poulies, des jeux de lumière et de toute la machinerie sonore qui rendent la représentation tellement brillante et convaincante qu'elle semble plus vraie que le vrai. Il en est ainsi de toute représentation théâtrale réussie, dont on sait qu'au théâtre, la vérité est une vérité de théâtre.

4 - Le rôle du principal rédacteur du scénario

Il s'agit donc d'abord de rechercher les auteurs du récit, lequel n'est évidemment pas tombé de la stratosphère, et d'analyser les conditions dans lesquelles celui-ci a été rédigé, puis porté à la connaissance des fidèles de ce dieu.

J'ai décrit dans le chapitre IV ( Comment le cerveau d'un peuple est devenu un bunker (§ 10 à 14) le retour d'un Esdras pathétique rassemblant sur le parvis d'un temple grossièrement remis en état, la maigre population des exilés revenus en Judée, auxquels se sont joints des groupes de pauvres hères demeurés sur place et que Nabuchodonosor n'avait pas jugés dignes de figurer dans le groupe des déportés. C'est à ce public de gens simples et ignorants que le scribe Esdras a lu, pour la première fois, et à la suite, la totalité des cinq Livres du Pentateuque ou Thora, c'est-à-dire la Genèse, l'Exode, le Lévitique , les Nombres et le Deutéronome, seul livre dont certains Judéens connaissaient une première version depuis le règne du roi Josias.

Il est, en effet, désormais établi que la rédaction du texte de la Genèse est postérieure à la grande défaite l'armée judéenne à Meggido et à la mort du roi Josias, le grand réformateur du javhisme, qui avait imposé et codifié officiellement un premier état du culte de ce dieu à l'intérieur de son petit royaume.

Or, depuis le grand désastre de Meggido, le dieu Jahvé est en perdition. Conformément à l'esprit de l'époque, la déroute d'une armée était vécue comme le signe de l'impuissance du dieu, qui était censé combattre à sa tête. C'était donc, dans l'esprit des populations de l'époque, le dieu Jahvé lui-même qui, à la tête de l'armée de Josias, avait été vaincu par le dieu égyptien, lequel avait permis la victoire de l'armée du pharaon Nechao II sur les troupes de Josias.

A la suite de cette défaite, les Judéens dépités et furieux d'avoir un dieu aussi faible, aussi peu fiable et aussi ingrat à l'égard d'un roi qui avait tant fait pour son culte, étaient retournés au culte d' idoles multiples et le royaume de Juda, auquel le roi Josias avait donné un éclat et une unité politiques tels qu'il n'en connut plus jamais de semblables durant sa courte existence, était tombé, avec le règne des successeurs incapables de ce roi, dans une décrépitude politique de plusieurs décennies dont la puissance babylonienne a su profiter.

En effet, toute l'œuvre théologico-politique de Josias, le véritable instaurateur du jahvisme, était détruite, le temple inauguré par Ezéchias - et non par Salomon - et embelli par son arrière-petit fils, Josias, avait été mis à sac et son trésor avait pris, lui aussi, le chemin de Babylone. La destruction de Jérusalem signait la fin de l'indépendance du petit royaume de Juda qui devint la province perse de Yehoud, selon la terminologie araméenne et les Judéens furent désormais nommés Yehoudim, ce qui fut traduit par Juifs.

J'ai détaillé dans le chap. II ( L'invention du "peuple élu" et de la "Terre Promise" ) les circonstances de l'immense drame politique et théologique que fut la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor et le transport à Babylone de l'élite des habitants du royaume de Juda, à savoir le roi, sa famille, les fonctionnaires du temple et tous les artisans, notamment ceux qui étaient spécialisés dans la métallurgie et le travail des métaux, dont le nouvel empire avait un urgent besoin afin de renforcer son armée.

Le vide n'avait évidemment pas tardé à être comblé par une immigration de populations des cités environnantes, arrivées avec leurs dieux particuliers et qui ont ajouté, comme il était d'usage à l'époque, le culte du dieu local à leur panthéon, ce que a conduit la religion de la petite Judée à un polythéisme de fait, et l'a ramenée à une situation antérieure à la première réforme religieuse hénothéiste du roi Ezéchias.


Idole assise représentant sans doute la Grande Déesse Mère, Lac de Gennesareth (Tibériade) - 6000 av. JC

Durant cette période, le dieu Jahvé, noyé au milieu d'une foule d'autres collègues, avait bien failli se trouver relégué, à l'instar de ses célestes contemporains, dans les oubliettes de l'histoire. L'exil à Babylone signait l'acmé de sa déroute, puisque cette fois, Jérusalem était en ruines, le temple rasé et la société du petit royaume entièrement décapitée. C'était, pour les Judéens, une catastrophe équivalente à la perte des précieuses cages de pierres plates dans lesquelles les primitifs Ouhlamrs entretenaient les braises de leur source de vie.

5 - Comment ressusciter le dieu Jahvé?

Il s'agissait donc pour les scribes-lévites exilés à Babylone de rafistoler les cages de pierres plates, de ranimer les braises de la tribu et de tenter de ressusciter le dieu vaincu et moribond. Ils s'y employèrent avec ardeur et le succès que l'on sait. C'est à cette occasion que le Deutéronome, rédigé du temps de Josias, a subi une manière de toilettage théologique afin de l'intégrer aux quatre premiers livres du Pentateuque - ou Thora dans la terminologie du judaïsme - et que le Deutéronome rénové prit place en cinquième position.

De nombreux rédacteurs s'attelèrent à cette tâche, comme en témoignent les différents styles d'écriture dont on peut suivre la trace dans les chapitres successifs.

Ils entreprirent, dans le chapitre intitulé Genèse, de tout reprendre à zéro et se mirent en devoir d'expliquer l'origine de l'humanité, autrement dit, celle du peuple hébreu - ce qui, dans leur esprit, était une seule et même chose, puisque seuls les Hébreux étaient, à leur yeux, des "hommes". D'ailleurs, le Talmud l'exprime avec la délicatesse qui caractérise une multitude de ses jugements: "Les Israélites seuls sont appelés hommes, mais les idolâtres , auxquels appartiennent les chrétiens, qui adorent une idole, viennent de l'esprit impur et sont appelés cochons". (Jalqût Reûbeni, 10b.) Dans l'ensemble des recueils regroupés sous le nom de Thora, le destin du reste de l'humanité ne fait en aucune manière partie des préoccupations des scripteurs. Les peuples environnants ne sont cités qu'en tant qu'ennemis à vaincre, à exterminer, à piller ou à utiliser.

Dans l'Exode, les rédacteurs de l'exil babylonien reprirent le récit d'évènements qui figuraient déjà dans le texte rédigé par les lévites du temps du temps du roi Josias, mais ils y ajoutèrent des variantes, ce qui explique les innombrables doublons et les contradictions entre les récits d'un même évènement, comme par exemple le récit des rencontres de Moïse et de Jahvé ou des entretiens qui leur sont attribués.

Comme ces rédacteurs étaient des fonctionnaires du culte, ils s'employèrent, dans le Lévitique, à codifier leur propre rôle futur. C'est ainsi que figure dans ce texte une interminable et minutieuse énumération des actes sacerdotaux, des devoirs et des privilèges des prêtres - les lévites - ainsi que celle des obligations des fidèles. Afin de plaire au dieu Jahvé, tout le monde était contraint de se plier à un rituel soigneusement élaboré. En somme, il s'agissait de renouveler quotidiennement et selon des règles strictement établies, le gros tas de racines de nénuphars à offrir en hommage au céleste mammouth en chef et de bien préciser comment les laver et les présenter afin qu'elles fussent agréables aux papilles du maître du monde. Apprivoisé par les hommages de sa tribu bien-aimée, le dieu serait prêt, lorsque la nécessité se ferait sentir, à écraser de ses grosses pattes velues tous les ennemis de ses chouchous.

Dans le quatrième et dernier chapitre ajouté, les Nombres, les interminables listes généalogiques, les dénombrements et les recensements des Israélites de sang pur manifestent l'esprit de clan et de ségrégation d'une petite tribu exilée, repliée sur elle-même et obsédée par la non pollution des lignées. Le ver était introduit dans le fruit. La pulsion d'une mise en évidence de la nécessité de maintenir la pureté raciale des familles inaugurait la politique drastique de purification ethnique qui sera mise en application d'une main de fer par les grands épurateurs que furent Esdras et Néhémie lors de leur retour à Jérusalem, comme je l'ai décrit ci-dessus. Elle n'a jamais cessé d'obséder les fidèles de ce dieu.

Son application sur le terrain par Esdras et Néhémie a été d'autant plus facilement couronnée de succès que le petit peuple demeuré sur place, privé de ses cadres royaux et sacerdotaux, a vivoté misérablement pendant un demi-siècle et n'avait pas les moyens de résister psychologiquement à des lois présentées par des envoyés de l'empereur et des sortes de porte-parole de la divinité. Néhémie, devenu un important fonctionnaire à la cour de Babylone représentait officiellement l'empereur Artaxerxès. Il était ce qu'on appellerait aujourd'hui un "homme d'influence", comme le fut l'Attali de M. Mitterrand ou le Gaino de M. Sarkozy. Tel un envoyé de l'AIPAC américain ou des riches banquiers de la City de nos jours, il est arrivé dans la province misérable et ruinée les poches pleines d'argent, de cadeaux et de promesses. Les moyens financiers dont l'avait gratifié l'empereur Artaxerxes se sont révélés de nature à renforcer considérablement la puissance de conviction des arguments théologiques d' Esdras.

L'actuelle politique de ségrégation raciale de l'Etat d'Israël se situe donc dans continuité directe des écrits babyloniens et les Palestiniens en vivent quotidiennement les conséquences pernicieuses.

6 - Les conditions de l'existence d'un dieu dans l'histoire

Dans l'alliance dont les Judéens ont appris l'existence par la bouche d'Esdras - en même temps que celle du lointain ancêtre auquel ils devaient cette faveur - que recevait le dieu en échange de son cadeau territorial? Quel plat délectable les supposés descendants du dépositaire de la promesse surnaturelle faite au rêveur offraient-ils à leur dieu à ce moment-là de leur histoire?

Ils lui offraient l'essentiel, la condition absolue pour qu'un dieu puisse continuer à jouir d'une existence politique, donc historique, à savoir leur fidélité et leur adoration.

En effet, qu'est-ce qu'un tyran sans vassaux sur lesquels exercer sa tyrannie? Qu'est-ce qu'un dieu sans fidèles et sans manifestations concrètes de leur adoration? Lorsque plus personne n'a adoré Mardouk, Mardouk est mort. L'adoration des fidèles est l'oxygène des dieux. Lorsque le dieu chrétien a capturé les fidèles de Jupiter, Jupiter est mort, Isis, Osiris, Amon Râ n'ont plus de fidèles, Mardouk n'a plus d'adorateurs, Odin, Wotan, Frija, gisent au fond des mers glacées du septentrion, Camos, Melqarth, Hadad, Baal, tous ces collègues de Jahvé, qui régnaient en maîtres sur les cités voisines de la Judée, ont même totalement disparu de la mémoire des hommes. Les Cananéens n'ont pas eu l'imagination assez fertile pour se faire attribuer leur territoire par Camos.

C'est la foi des fidèles et l'organisation concrète du culte qui fournissent aux dieux les conditions de leur existence. C'est donc à Babylone que furent mises au point les conditions de la renaissance du dieu Jahvé et que les lévites-notaires rédigèrent les clauses du contrat de l'"alliance" renouvelée entre le dieu et les Judéens. Les rédacteurs de l'exil ont exprimé dans ces textes leur propre vision de l'avenir de la communauté judéenne et institutionnalisé les formes fondamentales du nouveau et véritable monothéisme juif. Le polythéisme qui sévissait encore avant l'exil fut définitivement banni. C'est à Babylone et durant le demi-siècle de l'exil que le groupe de Judéens semble avoir rompu de façon définitive avec le culte des cippes et des dieux locaux.

En revanche, l'organisation de la séduction - ou de la corruption - de la divinité fut, dans le nouveau jahvisme soigneusement organisée. En effet, les pactes ou les alliances étaient, dans toutes les religions, accompagnés d'offrandes ou de sacrifices solennels au cours desquels des animaux de boucherie en grand nombre étaient égorgés. Les Judéens ont maintenu cette tradition. Les animaux étaient coupés par moitié et l'on disposait les moitiés en face les unes des autres. Un feu mystérieux censé circuler au milieu des bêtes dépecées signalait l'acceptation par la divinité de l'offrande et du pacte. C'est ainsi que dans l'épisode de la Genèse cité ci-dessus et décrivant le songe d'Abraham, "des flammes passèrent entre les animaux partagés", ce qui signifiait donc que le dieu Jahvé avait agréé le sacrifice et en était satisfait. "Ce jour-là, l'Eternel fit alliance avec Abraham." (Gn 15, 17-18)

Mais on n'imaginait pas qu'il pût ne pas y avoir réciprocité et que le dieu serait assez méchant, assez intéressé et assez glouton pour dévorer la viande sans rien donner en échange. C'est pourquoi les scribes de l'exil babylonien avaient signifié que l'alliance avec leur dieu se trouvait scellée par l'octroi d'un gigantesque territoire. De même que pour un sans-abri avoir un toit à soi constitue le rêve le plus précieux, un groupe humain déraciné, déplacé de force, ne trouve rien de plus précieux à désirer qu'une patrie, et une patrie puissante, riche, capable de s'opposer aux empires environnants. On comprend donc aisément que les Judéens exilés se soient fait attribuer par leur dieu la propriété d'un vaste territoire, source de richesse et garant de leur sécurité future.

Le texte de la Genèse lu par Esdras au peuple rassemblé devant le Temple constituait en quelque sorte l'acte notarié officiel qui scellait à la fois la possession de la terre et la renaissance dans l'histoire d'un dieu qui avait failli disparaître corps et biens. Ce cadeau effaçait le handicap psychologique qu'avait représenté la défaite de Meggido, la mort du roi Josias, la destruction du temple et la déroute de l'exil. Tout en retrouvant le privilège de compter de nouveau des fidèles ardents, sans l'existence desquels il serait mort le dieu Jahvé les retrouvait enchaînés comme ils ne l'avaient jamais été auparavant par un câblage de règles et d'obligations impératives dont ce peuple ne devait plus jamais sortir.

7 - Avantages et inconvénients politiques du fanatisme religieux

Le fanatisme ritualiste instauré à Babylone fut, durant les cinq siècles qui suivirent, la source de la renaissance et de la cohésion de la société judéenne. Sans la poigne de fer des religieux, appelés zélotes ou pharisiens, l'exil en Babylonie aurait signé l'arrêt mort du dieu Jahvé et la disparition de la société judéenne qui se serait fondue dans les nombreuses ethnies voisines - les Cananéens, les Philistins, les Egyptiens, les Perses, les Assyriens, les Hyksos et plus tard les Grecs et les Romains qui avaient occupé le territoire durant plusieurs millénaires avant l'arrivée tardive - vers -1 100 - de tribus d'Hébreux. Les chaînes religieuses ont soudé l'ethnie reconstituée après le retour des exilés.

Mais l'expérience historique démontre que le fanatisme religieux fut en même temps la cause profonde de la décadence politique de la province et finalement de sa disparition comme acteur autonome dans l'histoire. Il fut, en effet, à l'origine de tous les grands malheurs qui, avec une régularité stupéfiante, frappèrent le groupe et empêchèrent ce peuple de prendre réellement racine en Palestine et d'habiter, au sens chtonien, la terre qu'il avait progressivement conquise environ un millénaire avant notre ère.

En effet, des révoltes périodiques des fanatiques religieux émaillèrent à intervalles quasi réguliers l'histoire de la Judée, provoquant à chaque fois une catastrophe sociale et la destruction du pays. Les plus connues sont celles de Judas Maccabée en -162 contre les conquérants grecs à la suite de l'édification d'un autel dédié à Zeus au coeur du temple de Jérusalem.


Représentation de Judas Maccabée

Puis vint la grande révolte de 66 à 73 contre l'empire romain suscitée une fois de plus par les Pharisiens et qui aboutit à une guerre meurtrière de quatre années contre les légions de Titus qui assiégèrent, pillèrent puis détruisirent Jérusalem et le temple d'Hérode en 70, ainsi que les places fortes de Gamla et de Massada.

Malgré l'opposition du clergé officiel, une troisième révolte religieuse suscitée par le fanatique Simon Bar-Kokhba, un temps considéré par les juifs comme leur messie, souleva le peuple en 132 contre l’empereur romain Hadrien qui avait cru pouvoir construire un édifice dédié à Jupiter sur l'emplacement du temple. Il fallut deux ans de guerre acharnée et l'envoi de douze légions pour que les Romains parvinssent à venir à bout de la rébellion.

On pouvait alors appliquer à la capitale de la Judée la célèbre phrase de Caton l'ancien, Cartago delenda est (Carthage doit être détruite)en la modifiant légèrement . Cette fois, Ierusalem deletta est, Jérusalem était détruite. Cette défaite signait la fin de la présence des juifs à Jérusalem, désormais interdits de séjour dans la ville, qui fut rasée sur ordre d'Hadrien. L'empereur fit édifier sur le site une ville romaine, Ælia Capitolina. Mais les juifs n'étaient pas chassés de l'ensemble de la province, seule la capitale leur était interdite. Néanmoins, c'est à partir de ce moment qu'est né le mythe d'un "peuple juif chassé de la totalité de sa patrie" et condamné à errer dans le monde.


Bas-relief romain représentant le pillage du temple de Jérusalem à la suite de l'écrasement de la révolte de Simon Bar Kochba

Je rappelle pour mémoire une guerre quasi oubliée de la mémoire des historiens, menée entre 115 et 117 par des juifs, mais en dehors du territoire de la Judée et appelée guerre de Kitos ou de Quiétus du nom du général romain chargé par l'empereur Trajan de mater les mutins. Des villes entièrement juives ou à forte majorité juive en Cyrénaïque, en Egypte, en Grèce, à Chypre, en Asie Mineure, en Arménie, en Mésopotamie, en Abiadène, se soulevèrent avec un ensemble qui prit de court les Romains. Des hordes fanatisées se répandirent dans les contrées comme une traînée de poudre et détruisirent tous les temples "païens" qu'ils rencontraient, ainsi que les thermes et tous les édifices civils symboles du pouvoir romain, tout en exterminant au passage la population grecque et romaine des villes ravagées.


La cavalerie maure du général Lusius Qietus représentée sur la Colonne trajane

La répression des Romains fut terrible et sanglante. La population des innombrables juifs qui s'étaient volontairement expatriés dans le bassin de la Méditerranée et qui avaient quasiment constitué des enclaves autonomes, fut décimée. Tout en prenant place dans la suite des révoltes récurrentes de la Judée, cet épisode prouve, de plus, qu'il a existé depuis les origines une très importante diaspora judéenne volontaire et que, à l'instar de la situation actuelle, la population des juifs ayant choisi de résider hors de Judée était plus nombreuse que celle de l'intérieur de la province.

La destruction des villes révoltées eut également des conséquences désastreuses pour le mouvement chrétien naissant qui, à l'origine, se développait principalement en milieu juif, les Romains ne faisant pas de différences entre ces deux mouvements religieux.

On ne peut comprendre ces révoltes qu'en ayant présente à l'esprit l'horreur des populations juives, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Judée, pour tout ce qui rappelait le polythéisme et le culte des idoles, dont ils s'étaient eux-mêmes débarrassés depuis le retour d'exil, ce qui ne les a pas empêchés de sacraliser leur propre lieu de culte, considéré comme la "maison de Jahvé". La présence de statues de dieux étrangers ou de conquérants foulant le parvis de leur temple représentait à leurs yeux une profanation insupportable. C'est pourquoi ces révoltes étaient aussi prévisibles qu'inexpiables face à des empires à la fois polythéistes et pour lesquels les divinités étaient si parfaitement incarnées dans le marbre des statues qu'il arrivait qu'une ville enchaîne son dieu afin de ne pas se le faire voler par une cité concurrente. Face à ce type d'idolâtrie, le monothéiste juif qui interdisait toute représentation de son dieu, témoignait d'un réel progrès spirituel.

Mais, on voit, de nos jours, qu'un vestige de maçonnerie, non pas du temple, c'est-à-dire de l'édifice abritant le "saint des saints" et de l'autel situé devant lui, sur lequel le prêtre sacrifiait les animaux de boucherie, ni même des bâtiments annexes rattachés au sanctuaire, mais d'un simple mur de soutènement d'une gigantesque terrasse destinée à accueillir la foule des riches pélerins accourus depuis la quasi totalité des villes du bassin de la Méditerranée et dont l'astucieux roi Hérode avait compris que les pélerinages etaient sa principale source de richesse, que ce vestige de fondations, dis-je, destiné à compenser la déclivité du terrain, est devenu un lieu de culte vénéré et quasiment idolâtré.


Prières au pied du mur d'Hérode

L''idolâtrie chassée par la porte trouve toujours le moyen de se faufiler par la fenêtre. Si le roi iduméen haï de son vivant par toute la population et notamment par les Pharisiens en raison de ses turpitudes, mais surtout parce qu'il n'était pas juif et qui, d'ailleurs, s'empressait d'oublier, lors de ses très nombreux séjours en Grèce et à Rome, la fine pellicule de judaïsme qu'il affichait à l'intérieur de son royaume, si ce roi bâtisseur hellénisé, passionné d'architecture qui, sacrilège des sacrilèges éleva un temple à l'empereur romain Auguste en Samarie, fit construire des théâtres, des amphithéâtres, des thermes à Sidon, à Damas, à Laodicée, un aqueduc à Ascalon, des gymnases dans des villes grandes et petites, dont on sait que la nudité des participants y était la règle au grand dam des Pharisiens, ce roi qui finança largement le renouveau des jeux olympiques en Grèce, qui gratifia Athènes, Lacédémone, Nicopolis, Pergame et d'innombrables autres cités du bassin méditerranéen de ses largesses, si ce roi-architecte revenait sur terre, il considèrerait probablement avec une stupeur ironique qu'un morceau de maçonnerie, fruit de sa mégalomanie architecturale, dont seules les sept premières rangées de pierres à partir du sol ont été mises en place par ses soins et qui n'avait aucune destination religieuse - le centre et le haut datant des omeyyades et des croisés - que ce reste de fondation, dis-je, est devenu l'objet d'une vénération passionnée de la part de religieux qu'il tenait de son vivant en si piètre estime.

voir V - La théocratie ethnique dans le chaudron de l'histoire, § 14-15.

Une expérience historique calamiteuse de nature apparemment semblable fut répétée au début du XXe siècle lorsque la puissante et riche colonie juive des Etats-Unis d'Amérique "déclara la guerre à l'Allemagne" en 1933, pour reprendre le titre des journaux de l'époque; mais cette insurrection était, en réalité, très différente en ce qu'il ne s'agissait nullement d'un soulèvement populaire d'origine religieuse, mais d'une décision politique et économique prise en toute connaissance de cause quant à ses conséquences prévisibles, par les décideurs financiers anglo-saxons. Un boycott sévère de ses exportations et un embargo sur ses importations accablèrent une Allemagne déjà exsangue après la défaite de 1918 et les conditions léonines qui lui avaient été imposées par le traité de Versailles.

Le mouvement sioniste était officiellement né à Bâle en 1897 et la lettre adressée à Lord Rotschild en 1917 et connue sous le nom de "Déclaration Balfour", lui avait donné des ailes. Ce n'étaient plus des décisions cultuelles qui mobilisaient les cerveaux des dirigeants du mouvement sis à Londres et à Washington, mais des motivations politiques beaucoup plus concrètes. J'y reviendrai ultérieurement.

J'ai d'ailleurs montré dans le texte sur l'analyse du destin et de l'action de l'homme de l'ombre - le Colonel House - qui dirigeait la tête et la politique du président Woodrow Wilson, comment les puissants banquiers et autres décideurs de la loge maçonnique B'nai Brith, ainsi que des nombreuses et puissantes organisations communautaires juives étaient déjà à la manoeuvre lors des négociations du traité de Versailles en 1919. Le boycott des produits allemands décrété en 1933 s'inscrivait dans la continuité de la polique anglo-saxonne amorcée au milieu du XIXe siècle .

Voir : Du Système de la Réserve fédérale au camp de concentration de Gaza - Le rôle d'une éminence grise: le Colonel House

En revanche, ce que cet évènement, que les historiens s'efforcent d'occulter avec un bel ensemble, eut de commun avec les précédentes insurrections, c'est qu'une fois de plus, c'est la population juive ordinaire qui eut à subir de terribles représailles d'un régime nazi rendu enragé.

Comment ne pas faire un parallèle avec la politique de pressions et de sanctions économiques ravageuses imposées aux populations civiles par les mêmes puissances financières, hier à l'Irak et aujourd'hui à l'Iran?




Vendredi 24 mars 1933: "La Judée déclare la guerre à l'Allemagne"

Pour plus de détails sur cet épisode, voir V - La théocratie ethnique dans le chaudron de l'histoire, §16: D'un désastre à l'autre

L'histoire se révèle un serpent qui se mord la queue. En effet, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Depuis 1945, le balancier s'était hardiment élancé en direction d'un triomphe du sionisme à la fois au Moyen-Orient et dans tout l'Occident. Mais des signes de plus en plus nombreux, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Etat surgi en 1947, indiquent que le balancier de Chronos a amorcé - lentement - son mouvement en sens inverse. Alors que le messianisme religieux conquérant fut longtemps le moteur incontesté de la légitimité psychologique des colons qui affluaient en Palestine, l'Etat sioniste est en train de découvrir qu'il est sapé de l'intérieur par le développement exponentiel d'un fanatisme religieux qui mine la société et ruine l'image d'une démocratie moderne qu'il s'efforce d'imposer sur la scène internationale.

On a pu lire dans le Jérusalem Post du 4 novembre 2011 les propos alarmistes d'un ancien chef du Mossad, Efraim Halevy, lequel a déclaré qu'"Israel's true existential danger comes from within". M. Efraim Halevy a été rejoint à la fois par l'ancien chef d'Etat-major de la Tsahal piteuse de la deuxième guerre du Liban, Dan Halutz et par un autre ancien directeur directeur du Mossad, Meir Dagan. Ces ex-responsables des services secrets et de l'armée considèrent en coeur que, contrairement aux aboiements alarmistes de MM. Netanyahou et Lieberman, ce n'est pas l'Iran et y compris sa potentielle bombinette qui, face aux deux à trois cents missiles à tête nucléaire de l'Etat hébreu, représentent une "menace existentielle" pour cet Etat, mais la multiplication des fanatiques religieux dans tous les corps de l'Etat et notamment dans une armée en principe mixte, alors que tous ces hyper religieux et hyper fanatiques sont férocement misogynes et n'acceptent pas de combattre dans des régiments dans lesquels figureraient des femmes, pourtant elles aussi astreintes à un service militaire de deux ans et qui occupent également des postes de commandement .


Soldat de la secte haredim

L'histoire est facétieuse. L'Etat sioniste est peut-être en train d'être dévoré par le cancer de son propre mythe fondateur mensonger, à moins que son hubris le porte à une folie militaire qui, plus rapidement que le cancer du fanatisme religieux, l'entraînera - et le reste du monde avec lui - dans une nouvelle catastrophe inouïe.

8 - Les créateurs de dieux

Le cerveau des hommes est ainsi fait qu'ils se croient en permanence sous le regard ou en communication avec des forces mystérieuses, plutôt redoutables et méchantes, qu'il s'agit d'apprivoiser, de séduire ou de corrompre en leur offrant ce qu'on jugerait soi-même le plus précieux. C'est ainsi que les peuples anciens ont longtemps offert en sacrifice à leur dieu leur enfant premier-né. Puis, les humains ont sacrifié des animaux de boucherie, les plus beaux, les plus parfaits et les plus gras, dont on brûlait les parties qu'on trouvait soi-même les plus délicieuses. L'inauguration du temple par le roi Hérode fut accompagnée d'un sacrifice de trois cents boeufs. Les bouchers-sacrificateurs opéraient jour et nuit. Dans toutes les religions se trouve exposé, et conformément à la psychologie de chaque peuple, tout l'arsenal des rites et des prières par lesquels les humains établissent leurs relations privées ou collectives avec le surnaturel.

Naturellement, les scribes de l'exil babylonien n'étaient pas conscients en toute lucidité du mécanisme à la fois théologique et politique qu'ils avaient élaboré. Personne n'est en mesure d'éclaircir vraiment ce qui est conscient et ce qui ne l'est pas, de démêler le mélange de sincérité, de poésie, mais aussi d'esprit politique et même de rouerie qui habite les rédacteurs de textes religieux. Qu'est-ce que l'inspiration religieuse? La question est sans réponse, mais ce qui est certain, c'est qu'il s'agit toujours d'esprits politiques et même de très fins politiques et de connaisseurs des conditions de la vie en société. En général, le juge de paix est le succès ou l'échec. C'est lui qui décide de l'avenir de l'entreprise dans l'histoire, donc de la définition de ce qui sera tenu pour la vérité ou pour l'erreur.

Ainsi, pour les juifs, le christianisme est une secte qui a réussi à s'imposer et le Talmud n'a pas de jugements assez violents, méprisants et même carrément répugnants pour désigner Jésus et les chrétiens : Gittin 57a. dit que "Jésus est dans l'enfer, bouillant dans des excréments." Quant à Sanhedrin 43a. , il écrit que "Yeshu le Nazaréen a été exécuté parce qu'il a pratiqué la sorcellerie."

De nos jours, les temps sont devenus plus difficiles pour les créateurs de dieux. Alors que Jahvé est la divinité d'un petit peuple spécifique dont l'étroit champ d'action se résume à un seul groupe humain restreint et, à l'origine, à l'étroit territoire qu'il occupait, comme ce fut le cas pour tous les dieux locaux de l'époque, les deux monothéismes qui ont succédé à la religion de Jahvé à partir du bassin de la Méditerranée, ont élargi leur espace religieux, politique, psychique et géographique et se sont ouverts à la totalité du globe terrestre, car leur message concernait dorénavant tous les hommes de bonne volonté. Les adeptes d'une secte ésotérique qui a sévi dans les années 1980, et appelée Ordre du temple solaire (OTS), avaient cru qu'ils pourraient ouvrir davantage encore leur territoire mental, occuper l'espace intersidéral et délocaliser le centre de leur prédication sur Sirius. La tentative a échoué, mais il était logique qu'elle ait été tentée à l'heure où l'astronomie ouvre l'espace interstellaire aux rêves des hommes. Peut-être le temps des dieux extérieurs à la conscience des humains est-il en train de s'achever sous nos yeux.

9 - Les héroïques explorateurs des coulisses du théâtre religieux

Jusqu'à ces deux dernières décennies, tous les commentateurs des écrits fondateurs du judaïsme - mais également du christianisme ou de l'islam, nés du même terreau - étaient polarisés sur le contenu des textes du Pentateuque. Personne ne doutait que les récits relatés étaient véridiques au sens historique du terme, que les personnages avaient existé en chair en os, qu'ils s'étaient manifestés dans les circonstances décrites dans les textes bibliques et que l'histoire de la Judée se confondait avec celle de l'humanité. Bossuet avait la certitude que la Bible était un livre d'histoire et que Dieu avait bien créé le monde il y avait quatre millénaires.

Renan lui-même ne contestait pas la chronologie globale des évènements et l'existence historique des personnages rapportés dans la Bible. mais comme il était un philologue averti et professeur d'hébreu au Collège de France, il avait constaté, par exemple, que la deuxième partie du texte attribué à Isaïe n'était visiblement pas du même auteur que la première et que ces deux textes ne dataient pas de la même époque. Il avait également noté que la syntaxe et la grammaire des textes du Pentateuque ne pouvaient pas dater de l'époque à laquelle on s'imaginait que Moïse avait vécu et que le Livre attribué au prophète Daniel est un apocryphe. Bien que certaines parties de son Histoire du peuple d'Israël soient dépassées, son tome I, dans lequel il étudie les relations entre la géographie, la langue et la naissance progressive du jahvisme, sont irremplaçables. "Les racines sémitiques sont sèches, inorganiques, absolument impropres à donner naissance à une mythologie. [...] Chez les Sémites, ce n'est pas seulement l'expression, c'est la pensée même qui est profondément monothéiste. Les mythologies étrangères se transforment entre les mains des Sémites en récits platement historiques." (T.1, pp. 48-49) On comprend par quel processus linguistique la fiction ressemble à un exposé historique.

Or, une véritable révolution copernicienne est intervenue récemment dans notre compréhension des textes bibliques. Alors que les exégètes anciens se contentaient, soit de paraphraser les textes bibliques, soit de rechercher dans l'histoire évènementielle des éléments de confirmation des récits religieux, la prise à revers contemporaine, si je puis dire, qui a consisté pour les savants européens et anglo-saxons actuels à effectuer un véritable travail de critique des textes et à retrouver les traces qui permettent de les situer dans le contexte historique qui a présidé à leur rédaction, a permis de mettre en évidence les matériaux littéraires qui correspondent à l'époque à laquelle ils ont été rédigés. On peut dorénavant dater cette rédaction avec une quasi certitude.

L'extraordinaire travail d'érudition et de précision de Mario Liverani (La Bible et l'invention de l'Histoire), par exemple, aboutit à une remise en cause drastique de l'histoire antique de la Judée et, par voie de conséquence, conduit à une réécriture implacable de l'histoire de l'Israël moderne telle qu'elle a été imposée par David Ben Gourion depuis la création de cet Etat.

Voir : David Grün, alias Ben Gourion, et la naissance de l'"Etat juif"

Comme c'est sur l'arrière-monde mythologique dans lequel la fiction biblique s'est métamorphosée en religion, puis la religion en histoire, que repose la légitimation de la narration sioniste, il est évident que les analyses des exégètes contemporains ne pouvaient que susciter un rejet féroce de la part du personnel politique et religieux israélien, puisqu'il anéantit l'exceptionnalisme de type théologique qui fonde la légitimité morale de la création de leur Etat. "Si Dieu ne nous a pas donné cette terre, nous sommes des brigands", reconnaissent d'ailleurs les dirigeants israéliens.

Un bouleversement aussi radical de notre compréhension de l'histoire des textes bibliques, donc de l'histoire réelle de la région, rencontre également des oppositions vigoureuses en dehors du judaïsme. Par ricochet, la remise en question de la narration biblique et de certains de ses héros symboliques affecte les deux autres monothéismes qui en ont adopté certains épisodes et certains personnages. C'est ainsi que la traduction française de l'ouvrage du grand exégète et historien italien, Mario Liverani, cité ci-dessus et publié par un éditeur catholique - les éditions Bayard - s'est trouvée flanquée d'une préface prudentissime d'un tenant de l'ancienne école et spécialiste de l'analyse narrative du Pentateuque, le Père Jean-Louis Ska, Professeur d'Ancien Testament à l'Institut biblique de Rome: "Un historien critique peut, écrit-il, douter qu'Abraham ait eu un fils alors qu'il était centenaire. (…) Ce n'est pourtant pas une raison suffisante pour jeter au rancart les récits bibliques de la Genèse comme étant des tissus de mensonges…".

En somme, concède cet éminent ecclédiastique, l'esprit critique n'a le droit de s'exercer que dans les marges. Il se voit assigner des frontières à ne pas franchir: il s'agit de conserver l'essentiel de la narration, de ne rien bouleverser du fond tout en donnant magnanimement le droit d'aménager quelques détails qui sembleraient par trop invraisemblables aux contemporains. On pourrait par exemple rendre un peu plus vraisemblable l'âge auquel le vieux couple du patriarche aurait conçu un fils et excuser le péché véniel du rédacteur biblique qui a porté cet exploit à la centaine pour des deux époux.

En revanche, même si des découvertes archéologiques irréfutables démontrent le contraire, il serait interdit de nier que Salomon vivait dans un palais somptueux, qu'il aurait construit un temple mirifique ou que David régnait sur un immense royaume, car cela mettrait à bas des pans entiers de la fiction biblique et le désastre contaminerait les écrits des évangiles chrétiens qui ont essayé de faire bénéficier le fondateur du christianisme et sa mère du prestige mythique attaché à la mémoire de ce roi et en font des descendants de "la Maison royale de David".

Voir : 1 - La bible et l'invention de l'histoire d'Israël

C'est ainsi qu'en dépit de la "richesse foisonnante de détails" fournis sur les personnages de David et de Salomon, écrivent dans Les rois sacrés de la Bible (p.115), les archéologues juifs américains Finkelstein et Silberman - que personne ne saurait soupçonner d'être hostiles à Israël - la "Maison royale de David" n'a existé que dans l'imagination des scribes de l'exil. Dans La Bible dévoilée, les mêmes auteurs concluent que "l'image que l'on se fait de Jérusalem à l'époque de David, et davantage encore sous le règne de son fils, Salomon, relève, depuis des siècles, du mythe et de l'imaginaire romanesque. "(p.208) "Il s'agit de la peinture d'un passé idéalisé, d'une sorte d'âge d'or nimbé de gloire." (p.201)

Les deux personnages David et Salomon, si importants dans l'imaginaire des Israéliens d'aujourd'hui ont, certes, existé, mais plutôt comme chefs de bande ou chefs de villages, car "à l'évidence, la Jérusalem du Xe siècle était un petit village de montagne qui dominait un arrière-pays à l'habitat dispersé" (La Bible dévoilée, p.118) écrivent nos archéologues. D'ailleurs la totalité de l'Israël de l'époque (environ 1000 ans avant notre ère) ne comptait que quelques milliers de fermiers et d'éleveurs.

Mais pour autant, il ne s'agit nullement de "jeter au rancart les récits bibliques", comme le craint le Révérend Père Ska. Bien, au contraire, il nous faut essayer d'en comprendre la signification historique à un autre niveau et d'affiner l'interprétation anthropologique et psychanalytique de documents particulièrement révélateurs du fonctionnement du cerveau des concepteurs, de celui des fidèles et qui bouleversent de fond en comble notre ap-préhension de l'histoire d'un pays et d'une région dont la fiction biblique constitue la pierre d'angle et une manière fond de commerce politique.

En effet, l'arrière-monde religieux du discours sioniste repose sur une revendication littérale des mythes bibliques. Or, celle-ci induit la colonisation de la totalité de la terre de Palestine… pour commencer. Mais ce n'est là qu'un effet secondaire de la pathologie principale qu'est la croyance en la possession légitime de la terre par décret divin. C'est donc avant tout la déconstruction rationnelle de l'ensemble des mythes bibliques qui dynamitera les mythes sionistes et qui redonnera au peuple palestinien la légitimité historique sur la terre qu'il habite de génération en génération depuis toujours.

Que dire de la cohérence mentale des dirigeants de la classe politique mondiale qui se gargarisent d'idéalités universelles, d'invocations à la Liberté, à la Démocratie, au Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tous principes applicables à tous les peuples de la terre, sauf aux possesseurs légitimes de la Palestine, priés de déguerpir et d'offrir leurs maisons et leurs propriétés à une foule d'immigrants se réclamant d'une "alliance" conclue en rêve avec un dieu par un personnage de fiction - le patriarche Abraham. Même ceux qui se déclarent athées ne veulent pas renoncer au bénéfice matériel de ce pacte. "Cette terre est à nous, clament-ils à tue-tête, c'est notre dieu qui nous l'a donnée".

C'est cette chimère auquel le sionisme est accroché qu'il cherche aujourd'hui à concrétiser et à mettre en application sur le terrain.

10 - Les frontières du " Grand Israël "

"Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, au fleuve d'Euphrate" , dit le texte. Pourquoi avoir choisi les deux grands fleuves pour limites du territoire offert par le notaire céleste? Les Judéens des VIe et Ve siècles avant notre ère, date à laquelle à été inventée l'"alliance" et le cadeau, entretenaient évidemment des liens commerciaux avec les territoires voisins et notamment le royaume des Pharaons - naturellement, la fuite des esclaves hébreux relatée dans le livre de l'Exode est purement imaginaire et n'a jamais été confirmée par la moindre preuve historique. D'ailleurs les Cananéens, les plus anciens habitants de la région, ont entretenu, durant les nombreux siècles qui précédèrent l'arrivée dans la région des conquérants hébreux, des liens étroits économiques et politiques avec la terre des pharaons et connaissaient parfaitement la géographie de la région. En revanche, les scribes-rédacteurs du temps de l'exil babylonien, même s'ils avaient entendu parler de l'existence d'un "fleuve d'Egypte", n'ont pas été capables de le nommer.


La chimère du "Grand Israël"

En revanche, et par la force des choses, ils savaient qu'ils se trouvaient au bord du "fleuve Euphrate".

On comprend donc que, dans l'esprit des auteurs de la fiction littéraire, le "Grand Israël" correspondait à la totalité du monde qui leur était connu à l'époque et ils se sont mentalement installés entre les deux grands empires d'Egypte et de Babylone. Si Nabuchodonosor avait transplanté les Judéens au bord de la Mer Caspienne, le "Grand Israël" se serait étendu "du fleuve d'Egypte à la mer Caspienne".

C'est donc au nom du récit d'un rêve prêté au héros d'une fiction, dont on connaît la date, les circonstances de sa rédaction et la manière dont il a été porté à la connaissance du peuple par le scribe Esdras lors de son retour de Babylone en -459, que le mouvement politique sioniste poursuit aujourd'hui la chimère secrète de s'approprier l'est de l'Egypte, toute la Palestine, la Jordanie, le Liban, la Syrie, la moitié de l'Irak, le nord de l'Arabie saoudite et le Koweït.

11 - Israël , un Etat-Chimère

L'étymologie du mot chimère renvoie au grec KHIMAIRA et désigne la jeune chèvre d'un an qu'on immolait avant un combat en l'honneur d'Artemis Agrotera, "la déesse de la natutre inviolée, des corps intacts, des coeurs libres de passion". (André Bonnard, Les dieux de la Grèce).

Durant le Moyen-Age, la chimère était le symbole de désirs irréalisables, d'où le sens actuel de l'adjectif "chimérique". De nos jours, le mot chimère est utilisé dans son sens dérivé d'illusion. C'est d'ailleurs en ce sens que je l'ai sous-entendu dans le titre de ce texte. En effet, l'actuel Etat sioniste caresse une illusion, un rêve, un projet chimérique qu'il ne parviendra pas à concrétiser en dépit de tout son attirail nucléaire. Chacune de ses victoires est une victoire à la Pyrrhus. Telles les dents semées par le dragon, chacune donne naissance à des régiments d'ennemis.

Mais le mot "Chimère" - avec sa majuscule - désigne également un animal fantastique particulièrement méchant et imprévisible, de la mythologie grecque, qu'Homère a évoqué dans le Livre VI de l'Illiade. Monté sur le cheval ailé Pégase, le beau Bellérophon a réussi à vaincre ce monstre de Lycie, à corps de chèvre, à double tête de lion et de chèvre et dont la queue portait à son extrémité une tête de serpent - de dragon disent parfois les textes.


Chimère

Quel est le rapport entre ces trois sens du même mot? C'est d'abord la présence de l'image de la chèvre qui a donné son nom à la bête fantastique; mais cette bête est si bizarre qu'elle semble une illusion des sens. Cette irréalité matérielle, mais porteuse de sens, s'appelle un mythe.

Or, ce mythe représenté par l'étrange animal composite appelé Chimère, dont les têtes étaient dirigées en sens contraire - ce qui le rendait redoutable dans toutes les directions - était un monstre terrible qui crachait le feu et dévorait les humains. Il symbolisait la cruauté et le mal. Mais l'astucieux Bellérophon monté sur son cheval ailé, Pégase, a découvert le point faible de la bête: au moment où elle crachait ses flammes, il a jeté dans une de ses gueules grande ouverte un morceau plomb que son propre feu a fait fondre et qui a provoqué sa mort en durcissant ses entrailles.

Voilà comment la monstrueuse Chimère de la mythologie grecque donne un rendez-vous symbolique à la dernière expédition meurtrière d'Israël contre les encagés de Gaza. La Chimère sioniste a eu beau cracher ses flammes meurtrières par toutes ses gueules et en tous lieux de Cisjordanie et de Gaza, c'est son propre feu, c'est-à-dire l'arrogance de son orgueilleuse puissance militaire, qui a révélé au monde entier de quelle cruauté et de quelle inhumanité elle était capable. C'est dans les entrailles de la Chimère sioniste que le plomb de son immoralité est en train de durcir.

*

Les nouveaux Bellérophon et les Pégase de l'exégèse scientifique moderne sont les alliés les plus précieux des Palestiniens. Ce sont leurs travaux qui permettront aux esprits éclairés de quitter le marécage mythologique dans lequel barbote la politique internationale - ou dans lequel elle feint de barboter.

Déshabiller l'hypocrisie politique, peler une à une les tuniques de l'oignon afin de révéler qu'en son coeur gît un Etat férocement colonialiste, au service de son idéologie messianico-impérialiste et des intérêts de l'empire américain, tel est le travail urgent à réaliser afin de neutraliser la nouvelle Chimère crachant le feu et dévoreuse d'enfants palestiniens qui s'est installée au coeur du Moyen-Orient. Toujours aussi benêts, les Européens commencent à peine à se rendre compte comment les financiers de la City et de Wall Street tirent les ficelles de la crise dans leur dos et agitent sous leurs yeux le chiffon rouge d'un dragon en carton peint, afin de leur faire oublier la menaçante bien réelle de la Chimère sioniste.

La destruction du camouflage religieux d'une politique devenue froidement impérialiste contraindra, dans la foulée, les serviteurs sincères du dieu Jahvé et leurs ouailles à interpréter leurs textes fondateurs dans un sens véritablement religieux, c'est-à-dire spirituel, et à retrouver la morale universelle qui, au plus profond, est commune à la quasi totalité des religions de la planète.

C'est donc au prix de l'anéantissement du mensonge historique fondateur que commencera enfin à se fissurer, le bouclier derrière lequel se tapit la violence politique sa compagne, qu'évoquait le grand Soljenitsyne dans son discours de remerciement à l'occasion de la remise de son prix Nobel, puisque mensonge et violence vont toujours de compagnie.

*

Bibliographie

Professor Abdel-Wahab Elmessiri:
The function of outsiders : http://weekly.ahram.org.eg/1999/435/op2.htm
The kindness of strangers: http://weekly.ahram.org.eg/1999/436/op2.htm
A chosen community, an exceptional burden : http://weekly.ahram.org.eg/1999/437/op5.htm
A people like any other : http://weekly.ahram.org.eg/1999/438/op5.htm
Learning about Zionism: http://weekly.ahram.org.eg/2000/476/eg6.htm

Mario Liverani, La Bible et l'invention de l'histoire, 2003, trad. Ed. Bayard 2008

André Bonnard, Les dieux de la Grèce

Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman,La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l'archéologie, 2001 ,trad. Ed. Bayard 2002

Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, Les rois sacrés de la Bible, trad.Ed.Bayard 2006

Arno J. Mayer, De leurs socs, ils ont forgé des glaives, Histoire critique d'Israël, Fayard 2009

Ernest Renan, Histoire du peuple d'Israël, 5 tomes, Calmann-Lévy 1887

Douglas Reed , La Controverse de Sion

Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Fayard 2008, coll. Champs Flammarion 2010

Avraham Burg, Vaincre Hitler : Pour un judaïsme plus humaniste et universaliste , Fayard 2008

Ralph Schoenman, L'histoire cachée du sionisme, Selio 1988

Israël Shahak, Le Racisme de l'Etat d'Israël , Guy Authier, 1975

Karl Marx, Sur la question juive

SUN TZU, L'art de la guerre

Claude Klein, La démocratie d'Israël,1997

Jacques Attali: Les Juifs, le monde et l'argent, Histoire économique du peuple juif. Fayard, 2002

Le 18 janvier 2012

 

 

   

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Source : Aline de Diéguez
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