AUX SOURCES DU CHAOS MONDIAL ACTUEL
2ème Partie Aux sources du
sionisme IV - Comment le
cerveau d'un peuple est devenu un bunker
Le colonialisme,
c'est maintenir quelqu'un en vie pour boire son sang goutte à
goutte
Massa Makan Diabaté,
Extrait de Le Coiffeur
de Kouta
Mardi 2 novembre 2010
Malgré des menaces et des tentatives
d'intimidation de la part de groupes fanatisés au service d'un
Etat étranger, je poursuis l'analyse historico-politique des
conditions dans lesquelles s'est opérée la transformation en
bunker hermétiquement clos sur lui-même du psychisme d'une
population qui ne compte aujourd'hui qu'une douzaine de millions
d'unités sur plus de six milliards d'habitants du globe
terrestre et dont moins de la moitié de ses membres est
concentrée en Palestine. Mais le nombre ne fait rien à
l'affaire, car il se trouve que la politique mondiale et
peut-être le destin de la planète tournent autour de ce
micro-Etat qui occupe l'ancienne Palestine mandataire au nom
d'une idéologie coloniale qui plonge ses racines dans une
mythologie religieuse vieille de deux millénaires et demi.
1 - Israël comme personnage historique
La véritable histoire de la planète se
déroule dans les têtes des peuples qui en sont les acteurs.
Comme le démontre Manuel de Diéguez dans son site consacré à un
décodage anthropologique de l'histoire contemporaine, la
véritable compréhension de l'action des nations, des sociétés ou
des individus réside dans l'analyse de leur imaginaire. Tous les
peuples ont une tête, un corps, des bras et des jambes qui les
mettent en mouvement. Ce "corps
mental" est le moteur de leur
politique. Il se peut que, par accident, le dirigeant
momentanément en charge des affaires d'une nation ne soit pas en
adéquation avec son "corps mental".
Alors la nation trahie et rétive recrache l'élément étranger.
Voir notamment, Manuel
de Diéguez,
Dieu, ce personnage de l'Histoire - Pour une révolution de la
méthode historique , 29 juin
2009
Ce qui est vrai
pour tous les peuples de la terre l'est doublement pour le
groupe humain dont l'imaginaire religieux était si puissant
qu'il a survécu à un coma politique de près de deux millénaires.
Le moribond s'est réveillé à la fin du XIXe siècle armé, casqué
et revêtu de la cotte de maille d'un sionisme belliqueux. Il a
fini par débarquer dans l'histoire en 1947, non sans avoir renié
son nom antique - Juda - et s'être baptisé du nom de son rival
et ennemi de l'antiquité - Israël.
L'originalité de cette nation réside dans
le fait qu'elle est la seule au monde à jouir d'une double
réalité politique parce qu'elle possède deux histoires.
L'histoire la plus connue est celle qui a été considérée comme
tellement vraie par la religion chrétienne qui a succédé au
judaïsme, qu'elle pouvait conduire au bûcher les individus
téméraires qui mettaient en doute la chronologie proposée par
les écrits bibliques. Il était admis qu'un "Dieu" avait créé, il
y a quatre mille ans, le monde, l'homme et
tutti quanti.
C'est cette histoire-là qui continue de remplir les têtes des
immigrants qui se sont précipités en Palestine; c'est ce
récit-là qui constitue l'arrière-monde de toutes les actions de
l'Etat nouvellement créé sur les terres palestiniennes.
Or, la véritable
histoire de la province de Judée est tout autre. Elle a été
soigneusement occultée durant deux millénaires et demi. C'est
peu de dire que ces découvertes et ces mises à jour suscitent
une indignation violente qui se manifeste par des menaces contre
les audacieux Argonautes de la science historique, considérés
comme d'horribles blasphémateurs commettant un sacrilège
épouvantable, quand ce n'est pas pire encore.
Dans les trois textes que j'ai déjà
consacrés à ce sujet et dans celui qui suit, j'ai voulu montrer
les points de confluence et les interactions entre le récit des
faits au jour le jour - et généralement qualifié d' "histoire
réelle" - et celui qui a été
rédigé par les gardiens de la mémoire de ce peuple et qui
demeure le plus "vrai"
des deux par ses conséquences, puisque c'est celui qui dirige la
politique de l'Etat qui s'en réclame.
Les travaux des
exégètes permettent aujourd'hui, de déterminer avec une quasi
certitude la manière dont les traditions locales orales les plus
anciennes issues des provinces israélites rivales du Nord et du
Sud ont été assemblées par des lévites compilateurs du temps du
roi Josias qui, au -VIIe siècle, s'étaient auto-proclamés
gardiens et dépositaires de la tradition à la suite de la
conquête et de la destruction du royaume de Samarie par les
Assyriens en -721. C'est ainsi qu'ils sont parvenus à rédiger
une première version d'une saga nationale politico-théologique
romancée, destinée à constituer la mémoire collective glorieuse
commune qui permet à un groupe humain d'exister en tant que
peuple.
Avec Josias, a débarqué dans l'histoire,
pour un court laps de temps seulement , le personnage imaginaire
qui ressuscitera avec fracas au XXè siècle, animé de l'ardent
désir de reconquérir les terres dont il se considère le
propriétaire légitime. En effet, l'antique Royaume de Juda n'a
été indépendant qu'entre les règnes de Sédécias et de Josias,
soit durant à peine plus d'un siècle. Tous les récits qui
précèdent la période de Sédécias sont a-historiques, ceux qui
suivent la mort de Josias concernent une province soumise à des
empires successifs et qui n'était plus maîtresse de son destin.
Voir:
II - L'invention des notions de "peuple
élu" et de "terre promise",
#3
Afin de donner à ce personnage les armes
psychologiques de sa survie dans le temps de l'histoire, les
scribes de Josias avaient conçu une œuvre littéraire et
théologique - le Deutéronome
- dans laquelle ils ont intégré les bribes de récits transmis
oralement durant des décennies et qu'ils ont adaptées à leur
projet théologico-politique. C'est ainsi qu'après cinq siècles
de voyage dans méandres des mémoires, un bourg de quelque cinq
mille habitants environ, dirigé par un chef de bande légendaire,
demeuré dans l'imaginaire populaire pour l'efficacité de ses
rezzous et de ses rapines, est devenu le gigantesque royaume
d'un roi David glorieux et redoutable chef de guerre. La grande
chanson de geste d'Israël pouvait commencer.
Mais il manquait au récit son héros
principal, son dieu. Sa naissance et sa croissance furent lentes
et progressives. Pour ce faire, il a fallu, franchir l'espace
qui séparait les elohim
(pluriel de eloh,
les esprits) sans individuation, de
Elohim (avec
sa majuscule) devenu une sorte de maître de l'univers; il a
fallu ensuite passer par les devins tireurs de sorts qui
agitaient, moyennant finances, les ailes d'une petite machinerie
appelée urim
et tummim.
( «
Tu joindras au pectoral du jugement l'Urim et le Thummim.»
Ex.28:30) Ce petit système articulé servait à l'origine à rendre
les oracles du Dieu . "Cela
s'appelait 'interroger Jahvé' ou
'se rendre devant Javhé'." (Renan,
t. I, p.279) La réponse de Jahvé se faisait de vive voix et
était censée résoudre les litiges compliqués ou les difficultés
politiques. Le roi Ezéchias a mis fin à cette superstition qui
s'était largement dévoyée et répandue entre les mains de
particuliers qui en faisait commerce, en réservant l'exclusivité
aux prêtres.
Il est admis qu'à l'origine, Jahvé était
représenté sous la forme de petites figurines qui tenaient dans
la main et donc facilement transportables par les nomades, mais
les rédacteurs du Deutéronome
du temps de Josias, à une époque où la sédentarisation était un
fait accompli depuis longtemps, et ceux qui ont suivi à
Babylone, ont soigneusement effacé toutes les traces de ce qui
fut considéré comme une idolâtrie abominable. Néanmoins, on
trouve encore des traces de deux divinités - Jahvé pour le
royaume du sud et Elohim dans celui du nord - dans les
appellations du texte actuel, car les doublons concernant le nom
du dieu n'ont pas tous disparu. Comme le Royaume du Nord a
rapidement cessé d'exister, le dieu Jahvé s'est imposé et il est
devenu consubstantiel à la nation et la terre dont il se
proclamait le protecteur.
C'est donc grâce à Josias que ce
personnage historique qui a représenté le Royaume de Juda a
officiellement débarqué dans l'histoire du monde, doté de la
double nature propre à tous les dieux, à la fois physique - la
nation et sa "terre promise"
- et psychique - le dieu Jahvé, représentant et symbole du "peuple
élu" . Mais le mélange entre les
deux natures s'est modifié au fil des siècles en fonction des
vicissitudes politiques auxquelles il s'est trouvé confronté, si
bien que la nature de l'Etat et les attributs du dieu s'en sont
trouvés constamment modifiés par les scripteurs de la saga
nationale.
2 - Petit résumé des chapitres précédents
Je me suis donc
attachée au périlleux projet de remonter aux sources
politico-religieuses de l'apparition de l'idéologie sionisme,
d'en décrire le cheminement et d'essayer de comprendre les
rapports psycho-physiologiques que cette idéologie politique
entretient avec la mythologie religieuse qui la nourrit. Après
avoir énuméré les grands mythes qui peuplent l'arrière-monde de
cet Etat:
Voir :
I - La Bible et
l'invention de l'histoire d'Israël...
5 mars 2010,
j'ai essayé de mettre en évidence les
conditions de l'apparition des deux mythes principaux - celui de
"terre promise"
et celui de "peuple élu"
- qui sont à l'origine du transport des immigrants de leur terre
d'origine vers le Moyen Orient.
Voir :
II - L'invention des notions de "peuple
élu" et de "terre promise",
30 mars 2010
J'ai
ensuite tenté, dans un troisième chapitre, de situer la
mythologie initiale du Royaume de Juda dans une histoire
mondiale des idées de l'époque et de la confronter à la réalité
quotidienne de la politique intérieure de l'Etat qui s'en
réclame de nos jours, afin de mettre en évidence les
conséquences politiques et morales, tant pour l'actuel Etat que
pour le reste du monde, de comportements à l'égard des
populations autochtones qui, au vu et au su de la planète
entière, réduisent les grands principes démocratiques que
l'Occident brandit haut et fort en "embryons
desséchés" et en "préludes
flasques pour un chien",
pour reprendre les titres d'un humour grinçant que le
compositeur Erik Satie a donnés à deux de ses pièces.
[1]
Voir :
III - Israël, du mythe à l'histoire,
27 août 2010
Avant d'aborder l'analyse politique des
conditions dans lesquelles est ressuscité un personnage
historique qui semblait cliniquement mort, mais qui continuait à
manifester une intense activité théologique dans les souterrains
des cerveaux, il m'a semblé important de rappeler le rôle
politique déterminant joué par le scribe Esdras ou Ezra qui,
d'une poigne de fer et secondé par le gouverneur Néhémie, a
bétonné la casemate mentale de ses contemporains et érigé la
triple rangée de barbelés derrière laquelle s'est retranché le
personnage mental qui s'est nommé le "peuple
saint". La féroce purification
ethnique qu'Esdras et Néhémie ont imposée à leurs contemporains
et qui est allée jusqu'à détruire des familles au nom de
principes dits religieux, mais en réalité fondés sur un examen
scrupuleux des généalogies. Cette première épuration radicale
fondée sur une filiation maternelle directe, donc sur la
biologie, a sculpté pour l'éternité les formes et le contenu du
"personnage historique"
devenu l'Israël sioniste. Elle demeure la norme de l'Etat
actuel.
A la fin du XXe siècle, on verra
apparaître un duo semblable formé par le théoricien
austro-hongrois Théodore Herzl,
relayé par l'efficace action sur le terrain, et au jour le jour,
de l'habile politicien d'origine biélorusse,
Chaim Weizmann.
Je vais donc essayer de mettre en lumière
les péripéties historiques, logiques ou accidentelles, qui ont
abouti à la politique de l'Etat sioniste actuel. En effet, le
sionisme n'est nullement une idéologie coloniale autonome; il
est la manifestation d'un judaïsme qui a interprété ses "textes
sacrés" de la manière la plus
concrète et la plus matérielle - c'est-à-dire tels qu'ils
avaient été compris à l'époque de leur rédaction. La "terre
promise" correspondait bel et bien
une étendue géographique précise et le "peuple
élu" se sentait si différent des
autres qu'il n'entretenait avec les populations qualifiées d'"impures"
qui l'environnaient, que des relations de rejet, de prédation,
d'exécration, d'anathème ou d'assassinat dont les écritures
bibliques sont remplies.
C'est pourquoi, à partir du moment où le
personnage historique appelé "Etat
d'Israël", auto-proclamé héritier
du "peuple élu"
et la tête habitée par Jahvé, son double, a pris pied en
Palestine, son comportement était entièrement prévisible. Seuls
les ignorants ont pu croire qu'il s'agissait d'un Etat "démocratique",
comme tous les autres Etat qui se parent de cette dénomination.
La totale bonne conscience de ses habitants et leur
incompréhension sincère devant les réactions d'indignation face
à des exactions jugées révoltantes par le reste du monde, mais
normales à leurs yeux, prouve à quel point les principes énoncés
dans le Deutéronome,
puis définitivement imprimées dans les cervelles par Esdras ,
Néhémie et leurs successeurs, sont devenues une norme quasiment
héréditaire.
Je rappelle pour mémoire la mise scène du
sous-ministre des affaires étrangères Ayalon lors de l'audience
à laquelle il a convoqué l'ambassadeur de Turquie, relégué dans
un coin sur une chaise basse pendant que lui-même trônait
majestueusement dans un fauteuil au milieu de la pièce. L'auteur
et le pays tout entier ont été insensibles au grotesque de cette
matérialisation du psychisme national, et la justification
fournie par ce sous-ministre: "Nous
sommes un peuple supérieur" a été
jugée tout à fait naturelle par la majorité de la population de
cet Etat.
Voir:
II - L'invention des notions de "peuple
élu" et de "terre promise",
#1
On attribue également à Esdras un rôle
théologique capital dans l'histoire religieuse des Judéens
devenus des Jehoudim - c'est-à-dire des Juifs, à partir du
séjour forcé, puis volontaire, à Babylone. En effet, le premier,
Esdras a lu en public les quatre premiers livres du
Pentateuque,
inconnus jusqu'alors, rédigés à Babylone et qui ont relégué le
Deutéronome
en cinquième position, si bien qu' on lui en attribue la
paternité.
3 - Qu'est-ce
qu'un "peuple saint" dans un "Etat juif"?
C'est dans le
Deutéronome
que les Judéens de l'Antiquité ont puisé les principes
politiques par lesquels ils se sont donné le Dieu qui leur avait
permis d'asservir, de spolier et d'éliminer, en les massacrant
purement et simplement, les populations des territoires conquis
afin de s'approprier leurs terres et leurs biens. C'est par ces
moyens radicaux que la "terre
conquise" est devenue la "terre
promise". Le mécanisme
psychologique est simple. Il consiste à transférer à la parole
du dieu sa propre décision ou sa propre action et à la faire
revenir en boomerang sous la forme d'une injonction. Ce détour
vise à apposer le sceau de la volonté du dieu sur une réalité
politique déjà existante ou fortement souhaitée par la
collectivité, ce qui permet au groupe de s'innocenter de ses
meurtres tout en pérennisant et en légitimant ses conquêtes.
En effet, c'est sous le règne du roi
Josias que les notions de "peuple
élu" et de "terre
promise" ont été officiellement
introduites dans le texte du
Deutéronome, mais la rédaction en
a été attribuée à un Moïse censé avoir vécu plus d'un millénaire
auparavant. Il s'agit d'un procédé littéraire classique - la
pseudépigraphie
- par lequel le scribe de la cour de Josias a voulu donner à ses
écrits le poids et la légitimité d'une tradition antique en se
faisant le porte-voix d'un prophète mythique censé s'être
directement entretenu avec la divinité . L'inconvénient de
l'anachronisme est largement compensé par le bénéfice de
l'actualisation des évènements.
Aujourd'hui, le personnage mental appelé
"Etat d'Israël"
se trouve dans une situation parallèle. Il poursuit avec
acharnement et constance la même entreprise, mais avec les
moyens qui sont ceux du monde moderne: démolitions de maisons
palestiniennes à la chaîne, maquis de règlements administratifs
dont la complexité relève du sadisme et cache mal l'objectif
poursuivi. Il s'agit de briser la résistance physique et
psychique des non-juifs et de leur rendre la vie si infernale
qu'ils quitteront d'eux-mêmes les lieux. S'y ajoutent les "lois
sur les absents" qui permettent
une appropriation immédiate par l'Etat des maisons et des terres
des populations indigènes qui ont fui les massacres lors de la
Nakba , mais auxquels on interdit de revenir chez eux.
Indigné par les conclusions du synode des
évêques d'Orient qui s'est tenu à Rome, Israël s'est défendu en
disant que "les gouvernements
israéliens ne se sont jamais servis de la Bible pour justifier
l'occupation ou le contrôle d'un territoire".
Jamais une maladresse politique pareille n'aurait évidemment été
proférée ouvertement. D'ailleurs, ce n'est nullement nécessaire:
la Bible est l'arrière-monde omniprésent qui irradie chaque acte
politique d'un Etat sioniste suffisamment habile pour savoir
que, conformément aux moeurs politiques actuelles, l'invocation
de la "volonté de Javhé"
peut se trouver efficacement remplacée par les lois "démocratiquement"
votées par un parlement" élu au
suffrage universel" c'est-à-dire
par l'instance qui tient lieu de divinité politique et qui vote
les lois conformément à la mentalité nationale...biblique. La
boucle est bouclée, les apparences sont sauves et le résultat "biblique"
est atteint.
Le vernis
démocratique et les draperies des règlements administratifs
tortueux constituent d'excellents systèmes de camouflage d'une
crue réalité coloniale pratiquée au nom de valeurs religieuses
d'un autre temps, mais jamais invoquées ouvertement. Un monde
occidental laïcisé, ignorant des réalités religieuses, tétanisé
par la repentance et les séquelles de la seconde guerre
mondiale, ne comprend pas le sens de la pièce qui se déroule
sous ses yeux. Il se contente de regarder la tragédie d'un œil
de poisson mort et les bras ballants.
La
purification ethnique se poursuit donc inexorablement, mais sous
le déguisement d'un langage adapté aux conventions "démocratiques"
du moment. Les Cananéens, les Jébuséens et autres Madianites des
textes bibliques ont été remplacés par les "Palestiniens
terroristes"
qui "squattent" les terres données par le Dieu à son "peuple
choisi" . Il est donc jugé normal par cet Etat de les
emprisonner, de les affamer et de s'en débarrasser en les tuant
par gros ou par petits paquets à Gaza, de les enfermer derrière
des murailles et de les mâter par tous les moyens imaginables en
Cisjordanie, afin de faire place nette à des colons issus de la
terre entière et convertis au judaïsme à des époques diverses.
[2]
Voir :
De l'illégitimité de l'Etat d'Israël en
droit international public,
6 octobre 2010
C'est pourquoi Benjamin Netanyahou
sillonne régulièrement la planète afin d'obtenir des soutiens au
mythe qu'il caresse de faire reconnaître Israël comme un "Etat
juif" par une "communauté
internationale" éberluée, qui n'a
d'ailleurs rien "d'international",
puisqu'elle ne concerne que les pays anglo-saxons et européens,
tous asservis à l'empire américain, lequel est lui-même colonisé
de l'intérieur. Cependant, aucun Etat n'a, à ce jour, osé donner
son appui officiel à une demande qui donnerait à des écrits
théologiques un statut juridique légitime en droit
international.
Mais avec l'appui financier et médiatique
des innombrables groupes de pression de la puissante diaspora
israélite mondiale, on voit le Premier Ministre déployer tantôt
des trésors de ruses, tantôt proférer des menaces à peine
voilées, afin de faire avaler cette potion à un Mahmoud Abbas
égaré dans le labyrinthe de la collaboration. Réduit à l'état de
molle et baffouillante poupée de son qu'un Obama titubant et
désespérément en quête d'un semblant de succès international, a
contraint de se prêter à la comédie de pseudo "négociations",
il voit les colonies se développer à un train d'enfer sur des
terres palestiniennes accaparées.
Pétrifié
par l'échec d'une stratégie de collaboration avec l'occupant
engagée il y a plus de vingt ans, il découvre, un peu tard,
l'abîme dans lequel lui-même et tout son parti, le Fatah, se
sont rués, à la suite de la décision malencontreuse de Yasser
Arafat de 1988 et les funestes accords d'Oslo de 1993. C'est
pourquoi, ayant enfin pris conscience de l'ampleur du désastre,
il ne sait plus comment reculer, et en même temps, il hésite à
faire ouvertement un pas supplémentaire en direction de la
capitulation et la collaboration. Mais le pire est à craindre.
En effet, la trahison de la cause palestinienne est inscrite
dans l'action de cette "Autorité" lorsque l'un des négociateurs
s'abaisse au point de commencer un échange avec les Israéliens
par ces paroles obséquieuses: "Nous
avons commis des péchés à votre encontre, veuillez nous en
absoudre."
[3]
Sous une
formulation de principe apparemment bénigne, la reconnaissance
de la judéité
d'Israël constituerait, en effet, une légitimation
a posteriori
le nettoyage ethnique passé lors de la Nakba, mais également
celui qui s'effectue jour après jour par petits paquets en
Cisjordanie, ainsi que celui, déjà programmé, des 20% de
Palestiniens qui se sont accrochés à leur sol et à leur maison
en 1947 et qui survivent dans les frontières actuelles d'Israël
sous la dénomination d' "Arabes
israéliens".
[4]
Mais la
confusion est totale lorsqu'un groupe d'habitants d'un Etat qui
se dit officiellement "laïc"
tout en menant sa politique selon les préceptes de son texte
théologique, essaie de présenter au monde une potion plus
gouleyante de la même initiative. Il suffirait, insinuent-ils,
de remplacer le terme "Etat juif",
qui semble à leurs yeux trop ouvertement théocratique, par "Etat
des
Juifs".
[5]
De même que la France est l'Etat des
Français, l'Espagne, celui des Espagnols, la Suède, l'Etat des
Suédois, pour quelles raisons jamais clairement explicitées,
mais semble-t-il impérieuses, les membres auto-proclamés "laïcs"
de ce groupe ne demandent-ils jamais qu'Israël soit "l'Etat
des Israéliens"? On sait que le
créateur du Père Ubu avait fait prophétiser à son personnage que
"s'il n'y avait pas de Pologne, il
n'y aurait pas de Polonais". Mais
une fois encore la réalité dépasse la fiction. La plaisanterie
de Jarry ne ferait plus rire personne, car il existe bel et
bien, en fait, sinon en droit, un Etat dit laïc se dénommant
Israël, mais il n'y a pas d'Israéliens... Et il n'y en aura
jamais, car ce serait nier les fondements et la légitimité, à
leurs yeux, de l'installation en Palestine d'immigrants motivés
par leur imaginaire religieux.
Tout a été écrit sur ce sujet, et même
officiellement; mais comme le dit le proverbe, il n'y a pire
sourd que celui qui ne veut pas entendre. Shimon Agranat,
président de sa plus haute instance judiciaire, la Cour suprême
d'Israël, l'a écrit en toutes lettres :
"On ne peut pas parler de nationalité
israélienne'', car il n'existe pas de ''nation israélienne''
séparée de la nation juive et qu'Israël n'est même pas l'Etat de
ses citoyens juifs, mais celui des juifs du monde ".
Cette cour joue le rôle d'un conseil constitutionnel, d'une cour
d'appel et d'une d'une Haute Cour de Justice.
Mais dès 1975, l'écrivain Israël Shahak,
Professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem et ancien
détenu au camp de concentration de Bergen-Belsen, écrivait dans
son courageux ouvrage intitulé Le
Racisme de l'Etat d'Israël (Guy
Authier, 1975): "L'Etat d'Israël
n'est, ni en principe ni en fait, un Etat israélien, ni un Etat
des Israéliens; c'est un Etat juif (…) Non seulement il n'existe
pas d'Israéliens en Israël, mais les animaux et les plantes
elles-mêmes sont divisés en juifs et non-juifs. Officiellement,
l'Etat d'Israël recense et classifie les vaches et les moutons,
les tomates ou le blé en produits "juifs" et "non-juifs"."
On attend donc avec impatience la
définition officielle d'un "juif"
par l'actuel Etat d'Israël qui s'est glissé dans la mentalité et
le vocabulairedu pays de ses rêves; et, en corollaire, celle
d'un "juif
laïc"?
Face à la subtile scolastique des tenants de cette invention
théologico-politique, la perplexité est de mise. En effet,
comment définir le statut de cet oxymore si le premier terme ne
se réfère pas à la religion?
Le 10
octobre 2010, le cabinet israélien a tranché. Dominé par une
coalition dans laquelle les amis du Ministre des affaires
étrangères Liebermann, chef d'une parti ultra religieux, jouent
un rôle décisif, ce cabinet a approuvé un projet d'amendement
législatif contraignant les candidats non juifs à la citoyenneté
israélienne à prêter allégeance à "l'Etat
juif et démocratique d'Israël". Le
mythe est cette fois bel et bien sorti des têtes, mais il a
pointé son nez en catimini, d'une manière quelque peu honteuse,
sous la forme d'un nouvel oxymoron politique. Mélangeant la
démocratie à l'indéfinissable "Etat
juif" - qui est, par définition,
son contraire - il rejoint sur les étagères des absurdités
sémantiques de l'histoire le Parti
révolutionnaire
institutionnel
du Mexique ou les fameux "pays
frères" de
l'ex-URSS.
[6]
C'est pourquoi il est important de
comprendre par quels obscurs cheminements psychologiques et
politiques des notions théologiques issues d'un récit rédigé il
y a deux millénaires et demi par les employés du dieu
particulier d'un temple local, ont retrouvé une vigueur
politique nouvelle en plein XXe siècle, comment elles se sont
incrustées dans la politique contemporaine, comment il se fait
que les représentants politiques d'une "communauté
internationale" qui prêche
urbi et orbi
la démocratie et des lois éthiques universelles, semblent
finalement s'accommoder de ce saut vertigineux dans la
préhistoire et dans une théocratie archaïque mâtinée d'un
colonialisme né à la fin du XIXe siècle.
Bien que l'ONU
ait officiellement condamné le colonialisme en 1960, la
quasi-totalité des Etats se contentent de molles admonestations
face à l'appropriation coloniale continue du territoire d'un
peuple autochtone et à l'expulsion des habitants légitimes de
leurs maisons et de leurs propriétés.
4 - Petit retour en arrière : défaite de Megiddo et exil des
Judéens
Je reprends donc mon jeu de piste
historique là où je m'étais arrêtée à la fin du texte précédent
afin d'essayer de mettre en évidence les cheminements
psychologiques et les cataclysmes historiques qui ont conduit au
Picrochole insatiable qu'est devenu aujourd'hui l'Etat d'Israël.
Le règne de Josias, le grand initiateur
d'une première rédaction du
Deutéronome, se termina
tragiquement: il fut tué à Megiddo en -609 par l'armée
égyptienne commandée par le pharaon Nechao II auquel il voulait
couper le passage à travers la Palestine. Son ancien allié
venait de changer de camp et courait au secours des Assyriens
menacés par l'empire montant les Babyloniens.
La défaite et la blessure mortelle du roi
Josias aux gorges de Megiddo
contre Néchao II fit l'effet d'un coup de tonnerre dévastateur
dans le petit royaume de Juda. Elle fut ressentie comme une
catastrophe si incompréhensible qu'elle est symboliquement
passée à la postérité sous la dénomination araméenne
d'Armageddon (Ar-Megiddo, Ar-Mageddo, la
montagne de Megiddo). Sept siècles
plus tard, le souvenir de cette légendaire bataille, synonyme de
cataclysme militaro-théologique cosmique se retrouve dans le
texte de l'Apocalypse
des Evangiles
chrétiens:
"Puis le sixième Ange versa sa fiole sur
le grand fleuve d'Euphrate, et l'eau de ce [fleuve] tarit, afin
que la voie des Rois de devers le soleil levant fût ouverte. Et
je vis sortir de la gueule du dragon, et de la gueule de la
bête, et de la bouche du faux prophète, trois esprits immondes,
semblables à des grenouilles ; car ce sont des esprits
diaboliques, faisant des prodiges, et qui s'en vont vers les
Rois de la terre et du monde universel, pour les assembler pour
le combat de ce grand jour du Dieu tout-puissant. Voici, je
viens comme le larron ; bienheureux est celui qui veille, et qui
garde ses vêtements, afin de ne marcher point nu, et qu'on ne
voie point sa honte. Et il les assembla au lieu qui est appelé
en hébreu Armageddon."
(Apocalypse,
16, 16)
Mais la
défaite de l'armée de Josias fut considérée par les Israélites
comme étant avant tout la défaite du dieu Jahvé. Ainsi donc ce
dieu était moins puissant que les dieux égyptiens! Ce roi qui
avait tant fait pour imposer le culte national de ce dieu
jusqu'à en avoir fait le nouveau suzerain du royaume, avait été
lâché par lui au milieu de la bataille! En effet, Josias avait
conclu une alliance personnelle avec son dieu et entraîné le
peuple à sa suite - "Le roi conclut devant le Seigneur
l'alliance qui oblige à garder ses commandements. (…) Tout le
peuple s'engagea dans l'alliance." (2 Rois,
23, 1-3) - bien que le Deutéronome attribue
l'origine de cette alliance à Moïse selon le procédé classique
de pseudépigraphie déjà rencontré ci-dessus.
A la suite du désastre de
Megiddo, la population en conclut que l'abandon des dieux locaux
avait été une erreur, si bien que sous les règnes brouillons et
éphémères des trois fils de Josias les cultes locaux - et donc
le polythéisme - revinrent en force.
Le Royaume
de Juda devint pour une courte période un protectorat égyptien.
Mais battu par le Babylonien Nabuchodonosor en -605 à la suite
d'un nouveau renversement des alliances, le Pharaon Nechao se
replia définitivement sur son royaume, laissant le champ libre à
la puissance montante de Babylone.
Cependant, un parti égyptien
demeurait actif à l'intérieur de Juda et des petites
principautés environnantes. Il incita les fils de Josias, des
roitelets incapables, à la révolte contre la nouvelle puissance,
si bien que Nabuchodonosor décida de réduire les troubles qui
agitaient les marches de son empire. Il assiégea et prit la
ville de Jérusalem en -597. Le Temple fut mis à sac et son
trésor prit le chemin de Babylone. Une déportation s'ensuivit.
Ce fut la seconde déportation d'Hébreux hors de leur territoire,
mais la première que mentionnent les textes bibliques, puisque
la première déportation d'Hébreux vers la Mésopotamie assyrienne
concernait le royaume rival et honni de Samarie.
La déportation de -597 ne toucha
que la famille royale, les hauts fonctionnaires et les artisans
spécialistes des métaux dont le nouvel empire avait un impérieux
besoin pour équiper son armée. Dix ans plus tard, en -587, le
troisième fils de Josias, plus présomptueux encore que les deux
précédents et trop sensible aux promesses de soutien des
Egyptiens, prit la tête d'une nouvelle révolte contre Babylone.
Du coup, la riposte de Nabuchodonosor ne se fit pas attendre.
Elle fut violente et radicale: le roi est exécuté, le temple et
les murailles de Jérusalem sont détruits, la ville est
entièrement ravagée et une partie assez importante de la
population - et notamment toute l'élite - est déportée et
quasiment réduite en esclavage en Babylonie, astreinte à de
lourds travaux de construction à la gloire de l'empereur.
Empire babylonien
Une petite proportion des habitants de
Juda se réfugia en Egypte, protégée par le pharaon Apriès, le
petit fils de Néchao II, le vainqueur de Josias. Elle rejoignit
une immigration volontaire déjà importante qui s'y était
installée. On retrouvera une communauté juive très active au
moment où l'Egypte et tout le Moyen Orient seront conquis par
Alexandre le Grand (- 356-323). Plus tard encore, soixante-douze
sages juifs - chiffre arrondi à soixante-dix et connus sous le
nom de Septante - traduisirent les cinq Livres de la
Thora en
grec, à la demande du roi Ptolémée II Philadelphe (-285-246).
"On
raconte que cinq anciens traduisirent la Torah en grec pour le
roi Ptolémée, et ce jour fut aussi grave pour Israël que le jour
du veau d'or, car la Torah ne put être traduite convenablement.
On raconte également que le roi Ptolémée rassembla 72 anciens,
il les plaça dans 72 maisons, sans leur révéler l'objet de ce
rassemblement. Il vint voir chacun et leur dit: "Ecrivez-moi la
Torah de Moïse votre maître (en grec)". L'Omniprésent inspira
chacun, et ils traduisirent de la même manière".
( Talmud ,Traité Scribes
chap.1, lois 7)
Mais même
durant les pires déportations, une partie de la population
réussit toujours à s'accrocher à son lopin. Il en est ainsi
aujourd'hui des Palestiniens appelés "Arabes
israéliens"
par les immigrants principalement européens. Tels les crabes de
l'île de Clipperton, elle résiste contre vents et marées à
l'intérieur même des frontières d'un Israël violemment hostile
et qui multiplie contre eux des lois discriminatoires.
[7] En dépit des
massacres répétés de villages entiers au début de
l'établissement du nouvel Etat, de la féroce purification
ethnique dont ils continuent d'être l'objet, des innombrables
assassinats, des emprisonnements sans jugement et des brimades
quotidiennes qu'ils subissent, des habitants originels
continuent de survivre dans leurs maisons et dans leurs
villages. Il en fut également ainsi des Judéens les plus pauvres
et les moins qualifiés de l'Antiquité qui ne présentaient aucun
intérêt pour Nabuchodonosor et qui sont tout simplement restés
sur place. Les Palestiniens d'aujourd'hui sont logiquement les
descendants, convertis à un autre Dieu, des paysans et des
petites gens de l'antique Royaume de Juda, qui n'ont jamais
bougé de leur terre.
Le statut matériel et moral de cette
population dans un pays ravagé, privé de ses élites, de ses
artisans, de ses guides religieux, fut misérable sous
administration babylonienne directe. Il n'y avait plus ni
temple, ni prêtres, ni sacrifices, ni aucune autre autorité
morale et politique capable d'encadrer le peuple. Plus que toute
autre réalité humaine, la politique a horreur du vide, si bien
que des immigrants originaires des étaticules voisins vinrent
rapidement occuper la place laissée vacante par les déportés et
se mélangèrent à la population autochtone. Les mariages mixtes
furent nombreux. Le culte de Jahvé sans disparaître totalement
fut largement modifié et prit place à côté des cultes pratiqués
par les nouveaux venus.
5 - Les Judéens à
Babylone
Séduits par la
richesse et la beauté de leur terre d'exil, les Judéens exilés
s'acclimatèrent d'autant mieux à leur nouvelle condition
qu'assez rapidement leur statut s'allégea considérablement. Il
faut garder présent à l'esprit que c'est l'élite et non le
peuple de base, qui a été déplacée et que sa capacité
d'adaptation et d'organisation est bien supérieure. On trouve en
effet très rapidement des noms juifs dans de grandes entreprises
commerciales et même à des postes de responsabilité politique.
Les merveilles
des palais royaux, la splendeur des temples dédiés à Mardouk et
aux dieux cosmiques babyloniens, l'aménagement ingénieux des
rives de l'Euphrate par la construction d'un promontoire en
briques afin de briser la force du courant et de contraindre le
fleuve à faire un coude, ont émerveillé les voyageurs de
l'époque et pétrifié d'admiration les exilés originaires d'une
petite principauté pauvre et rustique. Un pont en briques, le
seul pont en dur du Moyen Orient, reliait les deux rives et la
réputation des célèbres "jardins suspendus" est demeurée dans
l'imaginaire mythologique des peuples de l'antiquité comme l'une
des sept merveilles du monde.
Entrée reconstituée d'un
palais babylonien
De nombreux
exilés des déportations de -597 et de -587, séduits par la
richesse et la vie brillante de Babylone s'assimilèrent purement
et simplement. Un autre groupe continuait à vivre dans la
nostalgie du passé et se regroupa autour du roi Joiakîn, le
survivant de la première déportation, que les Chaldéens
reconnaissaient comme "roi de Juda". La frange des exilés qui
évitait de se mélanger aux populations autochtones constitua
très rapidement un noyau hermétique. Ils se mariaient entre eux
et respectaient tous les préceptes religieux qui ne dépendaient
pas du temple, comme le sabbat, la circoncision ou les lois
alimentaires. Ils jouirent assez rapidement d'une autonomie
suffisante pour réorganiser un culte qui donna naissance à ce
qui devint la Synagogue. En effet, le culte ancien reposait sur
les sacrifices d'animaux qui ne pouvaient s'opérer que par la
main du grand prêtre dans le temple de Jérusalem. Or, le temple
était en ruines.
6 - L'ascension de
Cyrus
Un guerrier et un souverain habile a
conquis l'empire babylonien avec une aisance déconcertante. Il
faut dire que les inaptes successeurs de Nabuchonosor avaient
grandement facilité la tâche du grand Cyrus en s'aliénant la
caste sacerdotale du dieu local, Mardouk, auquel ils avaient
préféré Sin, le dieu de la lune. Quelques trahisons de
gouverneurs de province ont fait le reste, si bien qu'après
avoir écrasé l'armée babylonienne en -539, le souverain perse
entra dans Babylone en libérateur, acclamé par la foule,
accompagné du clergé du dieu Mardouk rétabli dans son temple.
Cyrus le grand
Les cultes traditionnels
babyloniens de Baal, de Mardouk et de Nabo furent officiellement
rétablis.
Autant l'unité du contenu des
cerveaux était indispensable au gouvernement d'une petite
province, comme ce fut le cas lors de la réforme religieuse du
roi Josias en Judée, autant la coexistence de peuples divers
dans le plus vaste empire qui ait jamais existé à l'époque, ne
pouvait reposer que sur le respect des particularismes religieux
et administratifs des provinces conquises. C'est ce sage
principe que Cyrus a su appliquer avec intelligence et qui lui a
concilié la bienveillance des tout puissants clergés locaux en
Babylonie. Ce sont ses qualités personnelles qui lui ont permis
de gérer un monde diversifié et de léguer à ses successeurs un
empire apaisé.
Le dieu Mardouk et son dragon
La légende d'un souverain magnanime,
généreux, intelligent, fin stratège et homme politique avisé
s'était propagée comme une traînée de poudre dans tout le Moyen
Orient de l'époque. On en trouve la trace dans
La Cyropédie
de Xénophon ou le dialogue sur les
Lois de
Platon; et le grand conquérant macédonien, Alexandre le Grand,
qui, deux siècles plus tard, réussit à écraser ce même empire
perse, fit restaurer sa tombe à Pasargades, laissée à l'abandon
et pillée.
Si l'on se réfère aux récits bibliques,
notamment Isaïe
44.23-45.8; Esdras
1.1-6, 6.1-5; 2 Chronique
36.22-23, le conquérant perse aurait été rien de moins que le
messager de Jahvé. C'était le Dieu Jahvé qui avait pris Cyrus
par la main et l'avait conduit selon sa volonté. C'était
uniquement afin d'en faire le libérateur de Jehoudim exilés en
Babylonie que le dieu de Juda avait aidé le conquérant perse
dans ses conquêtes: "Ainsi parle
l'Eternel à son oint, à Cyrus, qu'il tient par la main, pour
terrasser les nations devant lui, et pour relâcher la ceinture
des rois, pour lui ouvrir les portes, afin qu'elles ne soient
plus fermées; je marcherai devant toi, j'aplanirai les chemins
montueux, je romprai les portes d'airain, et je briserai les
verrous de fer. " Is, 45,1
Ce verset
constitue un bel exemple de la poétique hébraïque, qui se
caractérise par la répétition prosodique de tous les arguments,
dans laquelle on redit deux fois la même chose sous une forme un
peu différente ou avec des synonymes, ce qui crée l'effet de
balancement rythmique commun à de nombreux textes bibliques:
"terrasser
les nations"… et … "relâcher
la ceinture des rois"
"ouvrir les portes"…et
… "afin qu'elles ne soient pas
fermées"
"je romprai les portes
d'airain"… et … "je
briserai les verrous de fer".
C'est dans le même tempo
poético-prophétique que le scribe Esdras (Ezra) présente un
tableau qui semble particulièrement explicite quant aux faveurs
accordées par Cyrus aux exilés juifs: "Or
la première année de Cyrus, roi de Perse, (…)Jahvé éveilla
l'esprit de Cyrus, roi de Perse, qui fit proclamer et même
afficher dans tout son royaume . Ainsi parle Cyrus, roi de
Perse: Jahvé, le Dieu du ciel, m'a remis tous les royaumes de la
terre, c'est lui qui m'a chargé de lui bâtir un Temple à
Jérusalem, en Juda. Quiconque, parmi vous, fait partie de tout
son peuple, que son Dieu soit avec lui! Qu'il monte à Jérusalem,
en Juda, et bâtisse le Temple de Yahvé, le Dieu d'Israël c'est
le Dieu qui est à Jérusalem. Qu'à tous les rescapés, partout, la
population des lieux où ils résident apporte une aide en argent,
en or, en équipement et en montures, en même temps que des
offrandes de dévotion pour le Temple de Dieu qui est à Jérusalem."
(Esdras, 1,1-5)
Les Israéliens qui se prétendent les
héritiers des Judéens devraient donc être reconnaissants aux
Iraniens puisque, par une de ces ironies dont l'histoire a le
secret, le judaïsme existe aujourd'hui grâce à la générosité de
l'empire perse, l'ancien nom de l'Iran actuel, le pays démonisé
jour après jour par les ingrats qui se proclament les
co-religionnaires des Judéens alors qu'ils rêvent aujourd'hui de
réduire cette ancienne civilisation à un tas de ruines et d'en
vitrifier les habitants - à l'instar de ce qui vient d'être
réalisé avec un si éclatant succès en Irak, comme viennent
encore de le prouver les milliers d'images mises en ligne par
Wikileaks.
Car c'est sous la domination des Perses -
qui arrivent avec leur propre religion, le
mazdéisme,
un livre saint, l'Avesta,
et leur prophète, Zoroastre
- que les Yehoudim exilés qui le souhaitaient purent regagner
leurs anciennes pénates.
En effet, le royaume de Juda était devenu
la province perse de Yehoud
selon la terminologie araméenne et les Judéens devinrent les
Yehoudim,
les Juifs.
7 - L'édit de Cyrus
A l'instar des récits romancés du
Deutéronome,
les textes d'Esdras ont longtemps été considérés comme
historiques. Or, en 1879 fut découvert le plus célèbre texte en
langue akkadienne cunéiforme gravé sur un cylindre d'argile et
attribué à Cyrus le Grand. Grâce à un efficace lobbying de
l'ancien Shah Pahlavi, l'ONU a même diffusé, en 1971, une
traduction du texte connu aujourd'hui sous le nom d'Edit
de Cyrus dans les langues
officielles de l'institution. Or, il s'agit d'une version sinon
complètement falsifiée, du moins suffisamment biaisée et
romancée afin de faire coller autant que faire se pouvait le
véritable Edit tel qu'il figure sur le cylindre d'argile, avec
la version biblique et pour donner du royaume du dernier Shah
d'Iran l'image d'une nation enracinée dans un passé modèle et de
guide de la civilisation depuis la plus haute antiquité, et cela
précisément au moment de la grandiose célébration du 2500e
anniversaire de la dynastie Achéménide à laquelle le souverain
iranien s'identifiait.
Cylindre d'argile portant l'Edit de
Cyrus le Grand
Si l'on en
croit l'ONU, Cyrus était censé avoir rédigé la "première
charte des droits de l'homme" dans laquelle il proclamait la
"liberté de religion" dans l'ensemble de son empire et "interdisait
l'esclavage", pourtant universellement admis dans
l'antiquité, y compris en Perse.
La
véritable traduction est quelque peu différente et infiniment
plus sobre, plus vague et plus conforme à ce qu'on connaît des
mentalités de l'époque. Il s'agit d'un décret royal classique,
semblable à ceux que tous les souverains rédigeaient au début de
leur règne. Il est dit dans la traduction anglaise considérée
comme la plus fiable du verset 32: "I returned the images
of the gods, who had resided there [i.e., in Babylon], to their
places and I let them dwell in eternal abodes. I gathered all
their inhabitants and returned to them their dwellings."
Voici le
verset 32 dans sa totalité en français: "De Babylone à
Aššur et de Suse, Agade, Ešnunna, Zamban, Me-Turnu, Der, aussi
loin que la région de Gutium, dans les centres sacrés de l'autre
coté du Tigre, dont les sanctuaires ont été abandonnés depuis
longtemps, j'ai renvoyé en leur lieu d'origine les
représentations des dieux, qui ont résidé ici [à
Babylone] et je leur ai permis de retrouver leurs demeures
éternelles. J'ai rassemblé tous les habitants et je les ai
autorisés à retourner dans leurs maisons. De plus, sur l'ordre
de Marduk, le grand seigneur, j'ai rétabli dans leurs
habitations, dans des demeures agréables, les dieux de Sumer et
d'Akkad, que Nabonide [le roi babylonien vaincu]
avait apportés à Babylone, provoquant la colère du seigneur des
dieux [le dieu babylonien Mardouk]."
Ni les
Yehoudim, ni le dieu Jahvé ne sont aucunement mentionnés dans
cet édit. Cette petite communauté noyée au milieu des nombreux
autres peuples du vaste empire perse, originaire d'une province
marginale, et adorant, comme tous les autres peuples, son dieu
particulier, n'étaient pas suffisamment importante pour figurer
dans un édit royal inaugural. Les Juifs sont simplement compris
dans la masse des "habitants" étrangers autorisés à
retourner dans leur province au même titre que toutes les autres
ethnies qui le souhaitaient.
Cyrus n'a ni aboli l'esclavage,
ni prôné la liberté religieuse. Ainsi, le seul culte autorisé à
Babylone était celui de Mardouk, dieu national de la province.
La projection d'une grille idéologique moderne fait dire aux
textes le contraire de ce qui est écrit.
Le premier
empire perse était multiculturel tout en ayant une religion
exclusive, mais à vocation universelle - la religion
Zoroastrienne. De son "Dieu Lumière", Ahura Mazda, Zoroastre
était le prophète et les Perses son "peuple élu". C'est
pourquoi son message n'était pas accessible dans sa plénitude
aux étrangers. Bien que Cyrus fût persuadé que son Dieu était
supérieur aux autres dieux, il lui aurait semblé inconcevable de
l'imposer à d'autres peuples qu'il jugeait inaptes à le
recevoir. Ainsi plusieurs dieux, chacun se proclamant "universel",
pouvaient coexister simultanément. Nietzsche a redonné à
Zoroastre une existence "nietzschénne" dans son Ainsi
parlait Zarathoustra.
Ahura-Mazda
Les Judéens exilés ont été profondément
impressionnés par la religion Zoroastrienne et ils s'en sont
inspirés dans leur manière de concevoir et d'approfondir leur
propre divinité. En effet, le dieu exclusivement tribal est
devenu à cette époque le créateur du monde tel qu'il est
présenté dans la Genèse
et d'importantes parties des textes des prophètes de l'époque
ont été écrites ou révisées après avoir subi l'influence du
zoroastrisme. Ainsi, les quatre premiers livres de la
Thora
furent rédigés à Babylone, puis à Suse, où beaucoup de Judéens,
notamment les plus riches et les plus influents, avaient suivi
la cour lorsque cette ville est devenue la capitale de l'empire
perse.
La lutte
apocalyptique entre le Bien et le Mal (Dieu et le Démon),
adoptée plus tard par le christianisme et l'islam trouve
également sa source dans le zoroastrisme.
Cependant les
Judéens ne sont pas allés jusqu'à ouvrir leur Dieu et leur
religion à l'universalité telle qu'elle est comprise aujourd'hui
à partir du christianisme et de l'islam. Conformément à leur
mentalité à l'époque, Jahvé est demeuré le Dieu unique des juifs
et la création du monde à laquelle il aurait procédé a été
réalisée au bénéfice des seuls juifs.
Comme les dieux étaient
censés habiter dans leurs statues, ils étaient faits prisonniers
en même temps que les populations. L'édit de Cyrus libère donc à
la fois les hommes et les dieux. Les Judéens exilés n'avaient ni
statues, ni images, il est donc possible que l'édit leur ait
rendu le matériel cultuel du temple qui avait été confisqué
comme butin de guerre, mais il s'agit d'une simple supposition,
car le texte du cylindre n'en fait pas état.
[8]
Dans son ouvrage
La Bible et l'invention de l'histoire,
Mario Liverani confirme que la liste des bienfaits attribués à
Cyrus sont une pure invention des rédacteurs du texte biblique
et notamment d'Esdras: "Deux
siècles plus tard, on s'imagina que Cyrus avait promulgué
immédiatement, dès la première année de son règne à Babylone, un
édit permettant le retour des exilés et la reconstruction du
temple de Jahvé. L'édit en question (dont Esdras 1,2-4 rapporte
le texte) est certainement un faux.
" (p. 342).
La tolérance de
Cyrus à l'égard des grands dieux étrangers peut, théologiquement
parlant, sembler illogique tellement nous sommes enclins à
projeter sur le passé notre jugement présent qui nous fait
imaginer qu'un dieu unique, réputé universel et vénéré comme le
seul Dieu véritable ne pouvait être qu'exclusiviste et faire
naître un comportement fanatique à l'encontre des adorateurs
d'autres dieux locaux. Mais outre que le grand conquérant était
assez grand politique pour avoir compris qu'il était impossible
pour les Persans d'imposer leur dieu et leur religion aux
peuples nombreux et divers d'un immense empire et qu'il était
sage et de bonne administration de respecter les conventions
sociales et religieuses des civilisations qui avaient été
soumises, une situation similaire a existé en Angleterre, par
exemple. L'immense empire britannique du temps de la pieuse
reine Victoria n'a pas imposé le christianisme en Inde ou dans
d'autres contrées colonisées. Il est même probable que les
Anglais auraient trouvé "shocking" qu'un fils de Maharadja
faisant ses études à Londres se convertisse à l'anglicanisme.
8 - Le retour des
exilés
Dans un premier
temps, les exilés judéens ne se bousculèrent pas pour retourner
en Judée. Un grand nombre manquait si bien d'enthousiasme à
l'idée de se retrouver dans un pays pauvre et dans une ville
ravagée alors qu'ils s'étaient adaptés à une vie luxueuse à
Babylone et que certains s'étaient même considérablement
enrichis, qu'ils y renoncèrent définitivement. Ceux qui sont
demeurés en Perse sont à l'origine des communautés juives
contemporaines d'Iran et de celles d'Irak qui vécurent en tout
sécurité et prospérité dans cette région, avant que la
destruction de la Mésopotamie par les hordes
américano-occidentales les ait poussés à l'émigration. Les juifs
d'Iran, parfaitement intégrés et respectés par tous les
gouvernements successifs, ont toujours refusé avec énergie les
incitations financières alléchantes que l'Etat sioniste leur
présentait afin de les encourager à émigrer en Palestine.
C'est parmi ces groupes délocalisés que
s'est développé un judaïsme dématérialisé et détaché du mythe
d'une "terre sacrée"
concrète. Moins ils avaient l'intention de retourner en Judée,
plus ils étaient fanatiquement attachés à une forme rigoriste et
épurée de la religion et plus ils manifestaient un enthousiasme
spectaculaire pour la restauration d'un Etat judaïque auquel ils
contribuaient par de riches offrandes et de bruyants
encouragements. On retrouve le même phénomène aujourd'hui avec
les riches mécènes des diverses "communautés"
américaines et européennes, dont le flot financier irrigue
grassement l'Etat et les colonies illégales en Cisjordanie
occupée. Ce sont les mêmes qui cotisent généreusement aux
campagnes organisées au nom du "confort
du soldat israélien" dans tous les
pays du monde afin de lui permettre d'attaquer "confortablement"
les civils palestiniens ou les Etats voisins, pendant
qu'eux-mêmes demeurent "confortablement"
installés dans les "patries"
d'adoption dans lesquelles ils prospèrent.
Quant au petit groupe qui prit le chemin
du retour dès la première des trois vagues qui s'échelonnèrent
sur près d'un siècle, elle se heurta à l'hostilité des Judéens
et des Samaritains qui étaient demeurés sur place et qui se
considéraient les légitimes propriétaires de la terre sur
laquelle ils vivaient , à l'instar des Palestiniens
d'aujourd'hui face aux vagues d'immigrants européens, américains
ou asiatiques. "Le rapport
entre "peuple" et "terre" posait inévitablement la question de
savoir qui était l'occupant légitime de la terre, et
à quel titre, humain ou divin, il
l'occupait."
(Liverani, p. 347)
La Palestine d'aujourd'hui se trouve
confrontée au même dilemme et au même conflit. Des colons issus
de partout et de nulle part brandissent la Bible comme titre de
"propriété divine"
face à des paysans dont les ancêtres ont cultivé leurs terres
depuis toujours et à des citadins qui ont bâti les villes et les
villages de génération en génération depuis des millénaires. La
différence avec la situation qui a existé dans la haute
antiquité provient de ce la population originaire s'est
majoritairement convertie à d'autres grandes religions - au
christianisme et à l'islam.
D'éminents
représentants du culte chrétien - mais non encore officiellement
le Saint Siège - viennent de sortir d'un silence prudent de
soixante-deux ans pour déclarer au Vatican, lors d'un synode des
évêques d'Orient qui s'est tenu à Rome en présence du pape
Benoît XVI, samedi 23 octobre 2010, qu'"Israël
ne peut pas s'appuyer sur le terme de
Terre promise
pour justifier un retour des juifs en Israël et l'expatriation
des Palestiniens". Et
l'archevêque américain, Mgr Cyrille Salim Bustros a ajouté
qu'Israël "ne peut pas s'appuyer
sur la Bible pour justifier l'occupation",
car la "Terre promise étant le
royaume de Dieu", elle couvre la
terre entière et qu'il n'existe donc pas de "peuple
élu".
[9]
Synode des évêques d'Orient, 23
octobre 2010. Le pape Benoît XVI entouré par les évêques
orientaux
Voilà qui
n'est pas du tout du goût des juifs les plus rigoristes,
puisque, d'une manière quasiment concomittante, le rabin Yatsaq
Chabira vient de proclamer que, "conformément
au rite juif authentique, la vie des Israéliens est plus
précieuse que celle d'autres ennemis".
Il leur est donc recommandé d'utiliser les Palestiniens comme
boucliers humains dans toutes les opérations de l'armée, y
compris de maintien de l'ordre, car "les
juifs ont l'interdiction de mettre en danger leur vie".
[10]
L'armée "morale" n'a pas attendu le feu
vert de ce rabbin. Cette pratique est banale et quotidienne
depuis des lustres, y compris celle de kidnapper une toute
petite écolière et de l'obliger à marcher devant la troupe.
[11]
L'actuelle
guerre de conquête coloniale de la Palestine se double donc
d'une guerre de religion.
C'est pourquoi que les colons
s'acharnent, partout où ils le peuvent, à détruire les traces de
la présence millénaire des chrétiens et des musulmans sur la
terre palestinienne. Ils effacent au bulldozer des villages
entiers pour planter des forêt sur un terrain complètement
nivelé. Plus de quatre cents villages ont été entièrement rasés.
Ils dévastent des cimetières musulmans, vandalisent des
mosquées, abattent des églises et tels des termites grignotent
des galeries sous la célèbre mosquée Al Aqsa de Jérusalem sous
le prétexte de recherches archéologiques, mais surtout dans
l'espoir de provoquer son écroulement, le tout sous l'oeil
goguenard de l'armée.
Ce sont donc bien les directives
inspirées par sa religion qui dictent à cet Etat son objectif
politique et ses méthodes militaires. Quand Avigdor Lieberman,
Ministre des affaires étrangères affirme qu'Israël obéit à une "autre
loi" qu'à celle de l'ONU, il se
situe dans la même problématique que celle des exilés du Ve
siècle avant notre ère et le monde assiste pétrifié et comme
tétanisé à la résurgence de la mentalité et de la forme de
raisonnement des Jehoudim babyloniens du temps de Nabuchodonosor
et de Cyrus.
9 - Le "peuple de la terre" face au
"peuple du livre"
L'histoire bégaie: à l'époque, déjà, les
exilés qui revinrent en Judée constituaient une populaire riche,
fanatique, organisée et cultivée. Ils s'établirent
principalement à Jérusalem et dans quelques villes et
introduisirent en Palestine l'écriture araméenne en remplacement
de l'écriture phénicienne utilisée précédemment, alors que ceux
qui étaient restés en Judée et qui se dénommaient le "peuple
de la terre" étaient "incultes,
analphabètes, dispersés, sans chefs ; ils étaient pauvres et
sans espérance, sans projet et sans Dieu
". (Liverani, p. 347).
Il est étonnant de voir comme les
évènements de cette période de l'histoire de la Judée semblent,
à plus de deux millénaires d'intervalle, une répétition de la
situation actuelle en Palestine, à cette différence près que la
société palestinienne du temps de l'empire ottoman était
prospère, éclairée, instruite et que les croyants de diverses
religions y vivaient en harmonie avant que le tsunami d'un
afflux d'immigrants fanatiques vienne la ravager.
En effet, le "peuple
de la terre" du temps des Judéens
fut très rapidement considéré comme l'ennemi de l'intérieur,
celui qui entravait la restauration d'une religion yahviste pure
et dure conçue et mise au point en Babylonie. Mais l'expérience
de l'exil avait métamorphosé la société, donc la psychologie des
Judéens. Bien que devenue le modeste district d'une satrapie de
l'empire perse - et précisément à cause de la perte de toute
autonomie politique - la Judée s'était repliée sur des
frontières religieuses strictes et un patriotisme lié aux rites
et aux règles. Le culte fut le
ciment du groupe et le temple de Jérusalem, sa capitale.
En même temps,
le contact avec une civilisation brillante avait incité de
nombreux juifs à s'expatrier et à suivre successivement les
conquérants perses, puis grecs et romains; et c'est à partir de
cette date et de l'expérience de l'exil qu'une société autrefois
sédentaire, principalement composée d'agriculteurs et de
fonctionnaires du temple et du palais, comme ce fut le cas du
temps de Josias et de Sédécias, subit parmi ses élites la mue
radicale qui en fit la société éclatée dans le monde entier que
nous connaissons aujourd'hui.
En effet c'est à partir de l'expérience
de l'exil en Babylonie que des Jehoudim en grand nombre, ayant
découvert les possibilités d'enrichissement offertes par des
activités commerciales dans des sociétés plus riches et plus
avancées que celle de la petite province de Judée, se
répandirent dans les grands centres urbains du bassin de la
Méditerranée pour y constituer une puissante diaspora d'abord
volontaire puis alimentée par des habitants de Jérusalem chassés
lors de la destruction de la ville et du temple par les armées
romaines de Titus en 70 . Les émigrants s'adonnèrent alors à
l'activité plus lucrative du commerce et du prêt à intérêt,
comme il est décrit dans l'ouvrage de Jacques Attali,
Les Juifs, le monde et l'argent.
Mais les Romains n'ont évidemment pas vidé la totalité de la
province de ses habitants, si bien que ce sont les mêmes couches
sociales pauvres d'agriculteurs, de petites gens et de citadins
des bourgades de province, qui demeurèrent sur place aussi bien
en l'an 70 qu'en -598 et en - 589. En effet, les paysans sont
par nature les humains les plus sédentaires de tout l'univers.
Ils sont donc, au sens propre une "annexe
physique de la terre". Ces paysans
judéens étaient d'ailleurs aussi méprisés par les riches
Jehoudims revenus de leur exil babylonien que le sont les
Palestiniens, leurs descendants, par les nouveaux immigrants
européens.
Mais durant les soixante-dix ans
d'absence de l'élite des Jehoudim en Babylonie, c'est-à-dire
durant trois générations, le rapport des forces à l'intérieur de
la province s'était inversé et la Samarie avait retrouvé un rôle
prééminent. Son gouverneur s'est donc opposé avec vigueur à la
restauration du temple de Jérusalem qui ne sera achevée que
dix-sept ans après le retour des premiers exilés. Un temple
rival, déclaré hérétique par les prêtres de Jérusalem sera
d'ailleurs construit en Samarie sur le Mont Garizim. De plus,
les conflits au sujet de la propriété des terres entre les
anciens et les nouveaux propriétaires furent innombrables dès le
début.
La rupture entre
les exilés revenus en Judée et la population demeurée sur place
ira en s'exacerbant et éclatera avec violence sous l'influence
de deux personnages-clés, dont le rôle fut déterminant dans
l'histoire politique et religieuse des Judéens de l'époque. Ses
effets continuent à se faire sentir dans la politique de
l'actuel Etat israélien. C'est à cette époque-là que l'identité
religieuse et politique de ce groupe humain a acquis la
structure mentale et l'identité qui ne s'effacèrent plus jamais.
C'est avec cette identité-là qu'un nouvel acteur de l'histoire a
débarqué sur la scène du monde au XXe siècle après une
hibernation de près de deux millénaires dans les steppes de
Russie, les montagnes de l'Atlas, les villes et les plaines
d'Europe.
10 - Esdras,
Néhémie, des initiateurs de la purification ethnique
Esdras arriva en
Judée en -458, soit quatre-vingts ans après le retour du premier
groupe d'exilés. Bien qu'il fût un descendant d'un grand prêtre
sacrificateur du temps de Josias, ce délai prouve que sa famille
et lui-même se sont hâtés lentement avant de programmer leur
retour.
A son arrivée à Jérusalem, il était
porteur de deux documents importants: un texte religieux connu
sous le nom de "Thora de Moïse"
et une lettre de l'empereur perse de l'époque, Artaxerxès II,
qui lui reconnaissait un pouvoir absolu en Judée. Le zèle et la
piété enflammée d'Esdras étaient en effet devenus célèbres en
Babylonie parmi ses co-religionnaires. Les riches Judéens exilés
qui ne s'étaient pas assimilés à la société environnante
formaient un groupe homogène, une sorte de colonie close sur
elle-même; ils se mariaient entre eux et respectaient
scrupuleusement le sabbat, les rites, les fêtes et toutes les
lois alimentaires et vestimentaires de leur terre d'origine
comme il est dit ci-dessus. Mais leur patriotisme religieux
n'allait pas jusqu'à retourner en Judée et sacrifier une
situation lucrative en Perse.
Néanmoins
certains n'hésitaient pas à effectuer des pèlerinages à
Jérusalem chargés de dons destinés à la fois à conforter leur
foi, à aider matériellement à rebâtir le temple et à se faire en
retour les porteurs des doléances à l'encontre de
l'administration perse sur place, tout en se donnant bonne
conscience de continuer à vivre luxueusement au milieu d' une
nation prospère, si bien que des relations à la fois de soutien
financier et d'influence politique s'établirent entre la
province de Judée et de riches mécènes restés en Babylonie.
On voit qu'il y
aurait peu de choses à changer afin pour faire coïncider le
tableau ci-dessus avec la situation actuellement en vigueur aux
Etats-Unis et dans une mesure à peine moindre, en Europe,
notamment en Angleterre et en France. Les riches donateurs à
l'intérieur des innombrables groupes de pression maintiennent de
puissants liens financiers avec la patrie de leur cœur. Ils
fonctionnent toujours sur le modèle de la diaspora babylonienne
et sont les principaux soutiens de la colonisation en
Cisjordanie.
Esdras était devenu une autorité
religieuse à la fois respectée et redoutée, si bien qu'il
parvint à convaincre mille six cents riches compagnons de se
joindre à lui lors de son voyage de retour. Secrétaire du roi
Artaxerxès II, il avait réussi non seulement à obtenir une
délégation de pouvoir impériale, mais également des
sauf-conduits pour les satrapes et les gouverneurs des provinces
traversées, si bien que son voyage présentait tous les
caractères d'un déplacement officiel.
Le scribe Esdras (Ezra)
De plus, le document précisait qu'il
était chargé, en tant qu'envoyé de l'empereur en Judée,
"d'enseigner et d'imposer la loi du
Dieu qui est décrite dans le document qui se trouve entre vos
mains". Ce pouvoir allait
jusqu'au pouvoir d'imposer aux récalcitrants des amendes, des
peines d'emprisonnement et même de prononcer des sentences de
mort.
Qu'en était-il du fameux "Livre
des lois du Dieu" évoqué dans le
décret d'ArtaxerxèsII et dont Esdras était porteur? Le livre
qu'Esdras apportait de Babylone en Judée était la totalité de la
Thora,
à savoir les cinq livres connus sous le nom de
Livres de Moïse
: Genèse,
Exode,
Lévitique,
Nombres, Deutéronome.
Personne n'est réellement en mesure de
dire comment Esdras a réalisé en Babylonie cette synthèse de la
foi des croyants au dieu Jahvé et comment fut modifié le texte
du Deutéronome
rédigé deux siècles auparavant du temps du roi Josias. Je laisse
aux biblistes le soin de démêler les sources et les inspirateurs
de ces textes. L'important sur le plan politique fut que la
Thora
dite "de Moïse",
fut sinon totalement rédigée, du moins compilée et assemblée par
le scribe Esdras à partir de diverses sources comme en
témoignent les contradictions ou les doublons qui continuent de
figurer dans le texte. Avec l'appui de l'empereur Artaxerxès II,
cette Thora
dite de Moïse fut proclamée la loi officielle de la province de
Judée, celle que "Jahvé, le dieu
d'Israël, a donnée à son peuple"
dixit Esdras7,6.
Dans le récit qui figure actuellement
dans le livre dit d'Esdras, il est clair que c'est la délégation
de pouvoir d'Artaxerxès qui été baptisée "édit
de Cyrus" et que le scribe l'a
opportunément attribuée au grand empereur perse afin de lui
conférer le prestige attaché à cet empereur célèbre dans tout le
monde antique, et cela en vertu de la méthode classique de
pseudépigraphie
utilisée dans la quasi-totalité des textes bibliques.
Comme la province de Juda n'est plus
jamais devenue un Etat indépendant et que la royauté a été
abolie, c'est autour du temple - qui venait péniblement d'être
reconstruit - que s'organisa le culte rénové du Dieu Jahvé et
que le premier prêtre du temple prit le titre de
Grand Prêtre.
Imitant Esdras, il s'arrogera à l'avenir sur l'ensemble de la
communauté, des pouvoirs religieux et civils considérables.
Comme juge suprême, il pouvait prononcer des sentences de mort
contre les contrevenants à la loi juive, mais sans le pouvoir de
les faire exécuter - ce pouvoir était réservé au représentant du
pouvoir politique qui fut successivement perse, grec et romain.
Ainsi, c'est au nom d'une sentence de ce genre que le sanhédrin
- tribunal composé de prêtres du temple - présidé par le grand
prêtre Caïphe, exigea du Préfet romain de Judée, Ponce Pilate,
de faire procéder à la mise à mort de Jésus-Christ, déclaré
coupable de blasphème, selon la méthode en usage à l'époque pour
ce genre de délit: la crucifixion.
11 - Esdras en
Judée
L'arrivée de caravane conduite par
Esdras, chargée de riches présents et munie de la recommandation
impériale, produisit une grosse sensation à Jérusalem.
Immédiatement furent déférées à sa justice les dénonciations,
par les rigoristes, des mésalliances contractées par des Judéens
avec les peuples voisins, notamment avec les Moabites et les
Ammonites. Le mélange de la "race
sainte" des Israélites avec des
étrangers était à ses yeux une abomination impardonnable, le
crime racial absolu qui polluait d'autant plus gravement la
terre de Jahvé qu'il s'accompagnait d'un retour à un polythéisme
larvé.
Esdras se livre alors sur le parvis du
temple à une scène grandiloquente magistrale, destinée à frapper
les imaginations - il pleure, déchire ses vêtements, s'arrache
les cheveux, confesse les péchés du peuple d'une voix forte. La
contagion gagne la foule. Profitant de cette émotion universelle
il fait approuver par toute la communauté
l'engagement d'épurer les couples mixtes
de toute la province de Juda, c'est-à-dire d'en chasser les
épouses étrangères ainsi que leurs enfants, même si elles
s'étaient converties au judaïsme,
car aux yeux de la doctrine juive, elles demeuraient impures.
(Esdras , 5, 88-92)
Esdras présente la "Thora de
Moïse", gravure de Gustave Doré
L'exécution de
la sentence de la première épuration ethnique radicale à
laquelle se sont livrés les adorateurs de Jahvé sous la poigne
de fer d'Esdras était assortie de sanctions draconiennes si elle
n'était pas exécutée dans les trois jours: confiscation de tous
les biens du contrevenant et exclusion de la communauté,
autrement dit un bannissement qui équivalait à une mort sociale.
Des sortes d'inquisiteurs parcouraient la province afin de
débusquer tous les couples mixtes.
Le zèle d'Esdras n'était pas du goût de
tous. De nombreux juifs refusèrent de répudier leurs femmes et
de se séparer de leurs enfants. Les Samaritains, considérés
comme insuffisamment "d'ascendance
juive pure" furent chassés de
Jérusalem et se révoltèrent. Des émeutes s'ensuivirent.
Jérusalem fut de nouveau mise à sac, mais cette fois, par une
révolte intérieure. Les portes de la ville furent brûlées, les
remparts éventrés.
12 - Intervention
musclée de Néhémie
De même de Benjamin Netanyahou se
précipite régulièrement à Washington ou en Europe afin d'activer
les puissants réseaux israéliens à l'étranger, des notables
jerusalémites se ruèrent à Suse, la capitale de l'empire perse,
où ils avaient un homme à eux, bien placé à la cour d'Artaxerxès.
Ils convainquirent Néhémie, un favori du roi qui, grâce à sa
fonction d'échanson, avait des entrées directes auprès du
souverain, de soutenir leur cause. Néhémie obtint non seulement
d'être nommé gouverneur de la province de Judée, mais se vit
gratifié d'une escorte à cheval et de riches présents.
Néhémie arrive dans une ville
dévastée, gravure de Gustave Doré
En gestionnaire scrupuleux, intègre et
désintéressé, il rétablit l'ordre dans la capitale, finança sur
ses deniers la reconstruction des murs, fit achever les
réparations du temple, invita des provinciaux à venir repeupler
la capitale. Mais il n'en demeurait pas moins un religieux de la
même trempe qu'Esdras. C'est à ce moment-là que la théologie la
plus rigoriste prit le dessus sur les qualités du gestionnaire.
En effet, imitant son collègue Esdras, il se livra à une
épuration féroce des candidats au séjour dans la "ville
sainte", examina les filiations une
et une et écarta tous ceux qui étaient nés de couples mixtes ou
qui ne pouvaient présenter un arbre généalogique irréfutable, y
compris quelques prêtres du temple dont l'arbre généalogique
n'était pas parfaitement cachère à ses yeux.
Benjamin Netanyahou et Avigdor Liberman
qui rêvent d'expulser 20% de la population jugée impure du
territoire qu'ils se sont approprié, se situent dans la
postérité directe des deux personnages-pivots de la religion du
dieu Jahvé.
Le scribe
Esdras et le gouverneur Néhémie Esdras avaient tracé, au
cinquième siècle avant notre ère, la voie d'une racialisation de
la religion de Jahvé à laquelle les Jehoudim sont demeurés
scrupuleusement fidèles depuis lors. Quand un rabbin peut, sans
soulever la moindre indignation à l'intérieur du pays, clamer
dans son prêche du samedi 16 octobre 2010 que "les
Goyim ne sont nés que pour nous servir. Hors cela, ils n'ont
aucune place dans ce monde - sauf pour servir le peuple d'Israël"
(...) et qu'il continue de jubiler en ces termes: "Pourquoi
a-t-on besoin des Gentils? Ils vont travailler, ils vont
labourer, ils vont récolter. Nous nous assiérons comme un
effendi (un maître)
pour manger. C'est pour ça que les Gentils ont été créés",
on voit que les théories d'Esdras et de Néhémie fondées sur la
séparation entre le "peuple saint"
et la masse "impure"
et contaminante qui barbotte autour de lui, sont toujours aussi
vivantes dans les cervelles et qu'elles sont propagées
aujourd'hui encore dans les prêches des synagogues.
[12]
Voilà donc théorisée le plus clairement du monde la relation
entre le maître et les esclaves.
Dans son ouvrage
Sur la question juive,
le théoricien du capitalisme, juif lui-même
et connaisseur de l'intérieur de la psychologie de ses anciens
co-religionnaires et de leur idéologie, ait pu écrire: "C'est
l'humanité (les Chrétiens et les
Juifs) qui doit s'émanciper du
judaïsme".
Au centre, le rabbin Ovadia Yossef,
à droite, le Premier Ministre Netanyahou
Il est vraisemblable que le nonagénaire
rabbin Ovadia Yossef, chef du Conseil des Sages de la Torah du
parti Shass et jurisconsulte séfarade et qui continue de sévir
publiquement, se contente d'expliciter à haute et intelligible
voix, et avec la chuzpah radoteuse propre au très grand âge, ce
qui est implicitement contenu dans la formulation plus vague et
plus "sexy" "d'Etat juif".
Comme le prouve l'attitude vénératrice du Premier Ministre
Netanyahou et du collègue de gauche sur la photo ci-dessus , on
voit que ce vieillard qui, dans n'importe quelle societé normale
serait jugé atteint d'une forme de sénilité, est un oracle très
écouté.
Le sionisme a donc simplement ajouté la
dimension politique du colonialisme à un arrière-monde
religieux, fondé sur la biologie et un suprématisme racial
ouvertement proclamé. Par leur récente décision, MM. Netanyahou
et Lieberman jugent qu'ils sont maintenant assez puissants pour
imposer au monde moderne l'acceptation officielle d'un Etat
fondé sur la "judéité"
dont personne ne sait au juste ce qu'elle signifie. C'est
pourquoi il est puéril de prétendre que le sionisme n'a rien à
voir avec le judaïsme, bien que tout le judaïsme ne soit pas
contenu dans le sionisme. Je laisse aux spécialistes des
religions le soin d'effectuer le tri. Mon objectif politique,
clairement affiché, consiste uniquement à mettre en évidence les
points de la doctrine qui ont permis la dérive vers le sionisme
et sur lesquels cette idéologie continue de se fonder.
Mais, il demeure
acquis, aujourd'hui encore, qu'à part de rares cas de
conversions individuelles, très difficilement acceptées par un
rabbinat plus que réticent, la doctrine raciale du scribe et du
gouverneur de l'antiquité perse demeure la norme. Elle stipule
que la judéité continue d'être officiellement transmise par la
parturition. Le ventre de la mère juive est le réceptacle de la
judéité.
13 - Les
conséquences politiques catastrophiques de l'action d'Esdras et
de Néhémie
Néhémie et Esdras engagèrent la province
de Judée, pourtant intégrée à la satrapie perse de
Transeuphratène d'un empire multiculturel, dirigée par un
satrape nommé par l'empereur, dans la voie ségrégationniste et
ethnopurificatrice qui se manifeste de nouveau à grande échelle
en Palestine. Alors qu'à l'époque de Josias, c'est sur
l'ensemble de ce qui constituait "le
peuple de la terre", par
opposition aux fonctionnaires du palais et du temple, que
reposait "l'alliance"
de la nation avec son Dieu, lors du retour des exilés
babyloniens, un basculement décisif se produisit qui, au fil du
temps, prit la forme d'un séisme qui remodela la religion
israélite et lui donna ses formes définitives. Les répliques de
ce bouleversement se sont manifestées durant deux millénaires.
La dernière d'entre elles, la plus meurtrière, se produisit en
1947. Depuis lors, la terre de Palestine n'a plus cessé de
trembler et de saigner.
La masse pauvre et non éduquée de paysans
judéens demeurés sur place depuis les origines, auxquels
s'étaient ajoutés des Samaritains, des Ammonites et des
immigrants d'autres provinces, fut considérée par les
descendants des exilés babyloniens "comme
une sorte d'annexe physique de la terre, sans voix ni droit"
(Liverani). Cet ensemble à la fois uniforme par la pauvreté et
composite par les origines continua d'être désigné sous le
vocable de "peuples de la terre",
mais la même expression, cette fois au pluriel, revêtait un tout
autre sens. En effet, ce terme prit rapidement une signification
discriminante à l'égard d'une population jugée impure par le "peuple
divin", parce susceptible de
s'être mélangée avec des non-juifs. De plus, aux yeux des
nouveaux-venus, les indigènes, bien que demeurés nominalement
yahvistes, ne pratiquaient pas le judaïsme rigoureux qui venait
d'être mis au point à Babylone, si bien que ces derniers les
considérèrent rapidement comme des étrangers sur leurs propres
terres, des "goyim",
des intrus qui "occupaient des
parties du territoire qui auraient dû être israélites".
(Liverani, p.349 )
Quand le
Ministre des affaires étrangères russophone Avigdor Lieberman,
originaire de Moldavie et immigrant récent domicilié dans une
colonie illégale de Cisjordanie, propose de modifier les
frontières d'Israël et de transférer les "arabes
israéliens" ailleurs que sur les "parties
du territoire qui auraient dû être israélites",
ce n'est pas par hasard qu'il reprend mot à mot la formule
énoncée il y a deux mille cinq cents ans par un scribe judéen.
Le cerveau de M. Lieberman et celui de tous les sionistes,
fonctionne exactement sur le même modèle que celui des
descendants des exilés babyloniens du Vè siècle avant notre ère,
parce que le béton idéologique coulé dans leurs neurones s'est
tellement durci au fil des siècles qu'il a fini par transformer
leur matière grise en un bloc indestructible qui les rend
inaccessibles à tout argument fondé sur une rationalité
universelle. Tous les sionistes sont nourris du lait de
l'idéologie raciale née de la réforme d'Esdras et de Néhémie.
Aussi, seule l'étude de la véritable histoire du peuple juif -
et non l'histoire romancée de la Bible - permet-elle de
comprendre le fonctionnement et les buts de l'actuel Etat
israélien.
[13]
C'est pourquoi les sempiternels
vieillards de l'OLP - et notamment du Fatah - qui "négocient"
depuis plus de vingt ans au nom d'un peuple palestiniens dont la
moitié a moins de quinze ans, sont victimes à la fois de leurs
rhumatismes physiques et intellectuels, du désenchantement et du
pessimisme de collaborateurs repus arrivés à la fin de leur vie.
Définitivement tombés dans les tentations de la corruption, d'un
clientélisme quasi maffieux et du lâche soulagement de ceux qui
veulent jouir de l'opulence avant de finir sous terre, ils sont
devenus les supplétifs des occupants et consacrent ce qui leur
reste d'énergie à traquer les opposants pour le compte de leurs
bailleurs de fonds américains et européens et ils n'hésitent pas
à soumettre les résistants et même les simples manifestants, à
la torture la plus féroce allant jusqu'à l'assassinat .
Mais plus que de tout le reste, ces
collaborateurs de l'occupant sont les otages de leur sidérale
ignorance. Incapables de comprendre le noeud politique de la
question et la manière dont fonctionne la cervelle de leurs
adversaires, ils se sont laissés piéger dans l'enclos marécageux
de "discussions"
sans fin. Comme ils sont en position de faiblesse, plus ils
bougent, plus ils s'enfoncent. Plus ils "négocient"
plus ils perdent du terrain et de crédibilité et plus la
situation des Palestiniens empire. "Connais
ton adversaire" écrivait déjà le
grand stratège chinois
SUN TZU, au
VIe siècle avant notre ère dans
son célèbre Art de la guerre.
14 - Conclusion
Dans le prochain chapitre, je montrerai
comment le malthusianisme démographico-religieux a été contraint
de s'adapter à la nouvelle catastrophe politique que fut la
défaite militaire des juifs révoltés contre l'empire romain au
premier siècle de notre ère; et dans quelles circonstances le
temple fut détruit une nouvelle fois. Une nouvelle fois la ville
de Jérusalem fut rasée et vit ses murailles abattues. Une partie
de sa population, notamment de la ville de Jérusalem, fut
emmenée en esclavage à Rome, une autre, fuyant la servitude, se
répandit dans les bourgades environnantes, une petite proportion
s'exila, rejoignant les nombreux émigrés déjà sur place depuis
des dizaines d'années tout autour du bassin de la Méditerranée.
Grâce au
prosélytisme de ces émigrés des royaumes entiers et des tribus
dans leur totalité se convertiront au judaïsme en Europe de
l'Est et dans les régions du Maghreb.
L'expérience politique et religieuse d'un
"exil"
d'un nouveau genre commençait, puisqu'elle devint
majoritairement le fait de populations qui n'avaient jamais eu
de lien concret avec la Judée et pour lesquelles "Jérusalem"
était un lieu mythique.
A suivre
NOTES
[1] Gidéon Lévy,
C'est l'heure de s'en prendre une nouvelle fois aux Arabes
Ha'aretz
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9558
[2]
Les colons sionistes : une longue histoire de terrorisme
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9391 Photo
: Colons juifs fous-furieux s'excitant devant la Torah - Photo :
AFP)
[3]
Netanyahu presse les Palestiniens de "reconnaître Israël comme
un Etat juif"
http://fr.rian.ru/world/20100913/187419465.html )
[4] Mounir Shafiq (chercheur dans les
affaires stratégiques), A
propos de la judéité de l'Etat " d'Israël "
Source: al Jazeera.net Traduction: Fadwa Nassar
http://french.moqawama.org/essaydetails.php?eid=2000&cid=281 )
Alain Gresh,
Juifs ou Israéliens ?
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Alain_Gresh.170910.htm
)
[5] Robert Bibeau,
Pourparlers directs et réconciliation
nationale palestinienne
http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito15-09-2010.html
[6]Gidéon Lévy,
The Jewish Republic of Israël, La
république juive d'Israël
http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/the-jewish-republic-of-israel-1.318135
[7]
Israël : 10 lois discriminatoires contre les Palestiniens
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9299
La majorité des
jeunes juifs contre l'égalité des droits avec les Arabes
http://www.almanar.com.lb/NewsSite/NewsDetails.aspx?id=153076&language=fr
[8]
La traduction anglaise intégrale du texte du Cylindre de Cyrus
http://www.livius.org/ct-cz/cyrus_I/cyrus_cylinder2.html#TEXT
[9]
Le synode des évêques chrétiens d'Orient
http://www.rfi.fr/europe/20101023-le-vatican-tance-israel-avoir-detourne-ecrits-bible
"Israël" ne peut s'appuyer sur la Bible
pour justifier l'occupation
http://www.almanar.com.lb/NewsSite/NewsDetails.aspx?id=159306&language=fr
[10]
Un rabbin autorise d’utiliser les Palestiniens comme bouclier
humain
http://www.almanar.com.lb/NewsSite/NewsDetails.aspx?id=159293&language=fr
[11]
Chahid Slimani, La Marche
de la Résistance et de la Dignité
http://chahidslimani.over-blog.com/article-la-marche-de-la-resistance-et-de-la-dignite-49049543.html
[12] Mireille Delamare,
« Les non juifs n’existent que pour
servir les juifs », Paroles du rabbin Ovadia Yossef - gourou des
juifs sefarades israéliens…et français.
http://www.planetenonviolence.org/Les-Non-Juifs-N-existent-Que-Pour-Servir-Les-Juifs-Paroles-d-Ovadia-Yossef-Rabbin-Gourou-Des-Juifs-Sefarades-Israeliens_a2301.html
[13] Alain Gresh,
A quoi sert Avigdor Lieberman
?
http://blog.mondediplo.net/2010-09-29-A-quoi-sert-Avigdor-Lieberman)
Bibliographie
Mario
Liverani,
La Bible et l'invention de l'histoire, 2003,
trad. Ed. Bayard 2008
Israël
Finkelstein et Neil Asher Silberman,La Bible dévoilée. Les
nouvelles révélations de l'archéologie, 2001 ,trad. Ed.
Bayard 2002
Israël
Finkelstein et Neil Asher Silberman,
Les rois
sacrés de la Bible, trad.Ed.Bayard
2006
Ernest Renan,
Histoire du peuple d'Israël, 5 tomes,
Calmann-Lévy
1887
Douglas Reed ,
La Controverse de Sion
Shlomo Sand,
Comment le peuple juif fut inventé, Fayard 2008,
coll. Champs Flammarion 2010
Avraham Burg,
Vaincre Hitler : Pour un judaïsme plus humaniste et
universaliste , Fayard 2008
Jorge Luis
Borges, Fictions
Oscar Wilde,
Le Portrait de Dorian Gray
Jean
de La Fontaine, Fables
Israël Shahak,
Le Racisme de l'Etat d'Israël
, Guy Authier, 1975
Karl
Marx, Sur la question juive
SUN
TZU, L'art de la guerre
Jacques Attali:
Les Juifs, le monde et l'argent, Histoire
économique du peuple juif. Fayard, 2002
Publié le 3
novembre 2010 avec l'aimable autorisation de Aline de Diéguez
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