Tunisie
Tunisie: La
félonne imposture de Moncef Marzouki
Ali
Guidara
Samedi 26 janvier
2013
M. Marzouki, en
choisissant d'être docile et sans réel
pouvoir, s'est montré apte à encaisser
toutes les humiliations des islamistes
et des autres sans jamais se plaindre,
défendant même ce qu'il condamnait
jadis.
Par Ali
Guidara*
Militant de longue date en
faveur des droits humains et s'étant
fait connaître en son temps comme un
partisan inconditionnel de la démocratie
et des libertés, respecté alors pour ces
faits d'armes, Moncef Marzouki a
décroché le poste de président de la
république provisoire au lendemain des
élections du 23 octobre 2011, grâce à un
marchandage secret et déloyal avec le
parti islamiste Ennahdha. Ce faisant, il
réalisait peut-être un vieux rêve, mais
il échouait du même coup partout
ailleurs, hypothéquant définitivement
son avenir politique, ce qui est
finalement le moindre des maux.
Avant les
élections
Nul n'ignore que le Congrès pour la
République (CpR), fondé par Marzouki et
quelques militants rapprochés, n'a pas
été un véritable parti avec une assise
populaire jusqu'après la chute de la
dictature en janvier 2011. Grâce à ses
prises de position passées, il s'est
cependant taillé une réputation d'un
mouvement progressiste de la gauche
laïque et a rassemblé virtuellement
autour de ses idéaux un bon nombre de
citoyens et d'intellectuels, dont le
rêve était de se débarrasser
pacifiquement de la dictature et de
bâtir une Tunisie véritablement
démocratique, moderne et ouverte.
Marzouki -
Ghannouchi: devinez qui est le chef?
Dès la reconnaissance officielle du
parti dirigé par M. Marzouki en mars
2011, ceux et celles qui avaient le
souci de l'avenir du pays, tout en
adhérant aux principes et valeurs du CpR,
ont mis les bouchées doubles pour créer
du néant une plateforme politique
élargie et élaborer un programme
électoral en un temps record, en
associant toutes les expertises qui
avaient un grand espoir dans le
changement qui se profilait.
Toutes les erreurs de Marzouki et ses
manquements dans la gestion du parti
étaient minimisés par la plupart des
militants, qui les mettaient sur le coup
de l'inexpérience politique. Tout le
monde lui faisait alors confiance sur la
question d'un éventuel gouvernement
d'union nationale. Il ne cessait de
répéter dans tous les médias qu'il n'y
aurait pas de coalition avec Ennahdha,
mais que le CpR envisageait la formation
d'un gouvernement d'union nationale
incluant toutes les tendances ayant été
élues par la population. Les membres de
son parti ne pensaient sans doute pas
que le succès aux élections allait être
significatif et que Marzouki, avant même
d'assoir les bases solides de son parti,
serait propulsé à la tête de l'Etat,
sans crier gare.
Après les
élections
Effectivement, alors qu'on
s'attendait à ce que le CpR réalise ses
promesses et profite de ce succès pour
rassembler les forces progressistes et
construire un grand parti séculier de
centre gauche, avec des mécanismes
rigoureux de gouvernance, de
planification et de communication grâce
aux multiples compétences engagées,
Marzouki a perdu totalement toute vision
politique et même patriotique en
s'alliant inconditionnellement aux
islamistes et en inaugurant, avec
quelques membres et élus du CpR, un long
chapitre de compromissions indignes de
tout militant soucieux de l'avenir
démocratique de son pays.
Les
dirigeants salafistes reçus au Palais de
Carthage par le président Marzouki.
Selon son entourage proche, M.
Marzouki a exigé de ses partenaires
d'une troïka contre-nature, le poste de
président avec en contrepartie, du moins
le déduit-on avec le recul, l'abandon de
toute contestation du projet rétrograde
du parti Ennahdha, qui lui a bien su
comment lui accorder ce privilège: le
parti islamiste ne l'associe à aucune
prise de décision, le manipule comme bon
lui semble et ne confère à ce poste
aucune véritable prérogative.
M. Marzouki, en choisissant d'être
docile et sans réel pouvoir, s'est
montré apte à encaisser toutes les
humiliations des islamistes et des
autres sans jamais se plaindre,
défendant même ce qu'il condamnait
jadis. Il a totalement vendu son âme et
a dévoilé une nature opportuniste et
mensongère.
M. Marzouki, en bénéficiant des
avantages strictement matériels de la
présidence et sans assumer les
obligations de contre-pouvoir, s'est
révélé, par ses choix, un acteur
efficient dans l'entreprise de
démolition de l'Etat tunisien et de
l'échec de la transition démocratique.
Sa cupidité a remplacé sa lucidité et,
sachant qu'il doit son poste provisoire
aux islamistes, il couvre, sans trop de
subtilité, leurs coups les plus tordus
en les défendant en toutes
circonstances, ou encore récemment en
recevant au palais de Carthage des
représentants d'une ligue autoproclamée
de protection de la révolution qui n'est
composée en fait que des miliciens du
parti islamiste, agissant en dehors du
cadre de la Loi. Quelle décadence pour
un ex-militant des droits et des
institutions républicaines!
Que
reste-t-il de Marzouki?
Le
prédicateur salafiste wahhabite Béchir
Ben Hassen reçu par Marzouki à Carthage.
L'ombre de lui-même. Et encore...
L'ex-militant est déjà proche de la
sortie de l'histoire contemporaine de la
Tunisie. Alors que les Tunisiens
s'attendent à ce qu'un président défende
leurs revendications issues de la
révolution et agisse, tel qu'il s'en est
publiquement engagé, comme le garant de
la modernité en Tunisie, Marzouki, en
brodant avec difficulté lors
d'entretiens télévisés et ayant perdu
toute éloquence dans les deux langues
qu'il maniait jadis avec verve, demande
encore à la population de faire preuve
de patience car, dit-il, le gouvernement
ne dispose pas de bouton pour changer la
situation. Une situation qui empire de
jour en jour mais qui n'a pas empêché M.
Marzouki de demander une augmentation du
budget du palais de Carthage, dont
certains soupçonnent l'utilisation dans
sa future campagne électorale. Surtout,
M. Marzouki veut ignorer que le
gouvernement, dominé par les islamistes,
n'a cessé, depuis qu'il est en place,
d'enfoncer le pays dans un climat
d'obscurantisme et un marasme
économique, politique et social. Un
gouvernement qui n'a cessé de confisquer
le pouvoir et de détruire,
volontairement et sans reddition de
comptes, l'Etat et ses institutions,
avec sa bénédiction aveugle et sa
compromission félonne. Ce, au mépris des
réalisations du pays durant des
décennies et en ignorant totalement les
attentes du peuple et les exigences
d'une révolution faite pour la liberté
et la dignité.
* Conseiller scientifique,
chercheur en analyse de politique
étrangère.
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Publié le 26 janvier 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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