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Opinion
Féminité vs
féminisme ?
Alexandre Latsa
© Alexandre Latsa
Mercredi 9 février 2011
"Un autre regard sur la Russie" par
Alexandre Latsa
Mon avant dernière tribune intitulée:
"polémiques vestimentaires" a entraîné une avalanche de
mails ainsi que de commentaires sur ma page Facebook.
Visiblement le sujet est pris très au sérieux par nombre de
commentateurs. Posté le 26 janvier sur mon mur, l’article à
entrainé quelques
98 commentaires en moins d’une semaine, de Russes et de
Français, avec une grande majorité de jeunes filles des deux
côtés.
Tout a été abordé: la femme russe, la femme française, une
comparaison entre les deux, l’avis des hommes, la religion, et
le rapport entre les sexes en Russie et en France! Ouf, un
sociologue aurait sans doute pu écrire le début d’une thèse avec
les arguments étayés par les uns et les autres. Beaucoup de
commentaires sont une réflexion sur le sujet du féminisme.
L’article, rappelons-le, traitait de l’appel d’un évêque
orthodoxe pour que les jeunes femmes russes s’habillent plus
décemment, comprenez: cessent de porter des minijupes trop
courtes. L’affaire a été traitée par la presse internationale
comme russe et l’évêque a reçu le soutien des principaux
responsables religieux de Russie. Le
Courrier international (publié en France) nous apprenait
même le 27 janvier dernier qu’en Tchétchénie, dans les rues de
Grozny, on tirait désormais au pistolet à peinture (paint-ball)
sur les filles qui ne s’habillent pas "décemment".
Pour Irina par exemple, qui commentait mon article, la femme
français serait "victime du féminisme, ce qui justifie son
habillement unisexe, puisque la carrière est devenue prioritaire
pour elle sur la famille". La femme française voudrait donc pour
être l’égal de l’homme, avant tout lui ressembler, et surtout ne
plus présenter une apparence qui rappelle au regard de l’homme
qu’elle est une femme. En France, résume parfaitement Irina,
féminisme signifie souvent absence de féminité.
Cet abandon d’une apparence attirante pour le regard a certes
été motivé par des raisons pragmatiques, comme l’insécurité dans
les rues ou le confort, mais pas seulement. Irina a sans doute
raison: cette évolution a été encadrée par une idéologie qui a
finalement fait beaucoup de mal aux relations hommes / femmes:
le féminisme.
Je n’ai pour ma part jamais bien compris ce que souhaitaient les
féministes en France, et surtout leur représentantes, au sein
par exemple de la très célèbre association « chiennes de gardes
». Si on peut imaginer une représentation égalitaire des femmes
dans la politique par exemple, je reste persuadé que l’important
est avant tout d’avoir de bons dirigeants politiques, peu
importe leur sexe. L’égalité dans les salaires hommes-femmes en
France est une bonne idée mais la chasse aux machos ou la
discrimination basée sur un système de quotas sont probablement
de mauvaises idées. Il est certain qu’en France, la lutte pour
l’égalité entre hommes et femmes a rencontré beaucoup de
difficultés pendant tout le 20ème siècle.
Je remarque cela dit que les "chiennes de garde" ne demandent
jamais l’égalité sans dévaloriser les hommes en général. Le
mouvement par son influence politique dans quelques cénacles et
par une réelle représentation médiatique à considérablement
influencé les mentalités en France mais généralement dans le
mauvais sens. Les différences complémentaires entre les sexes ne
sont en rien réductrices, ni synonymes d’une hiérarchie
inter-sexes défavorisant les femmes. Malheureusement pour elles,
la diffusion du féminisme en France s’est accompagnée d’une
déféminisation inutile, sur le plan vestimentaire.
Contraste: depuis que je suis en Russie, je ne crois pas avoir
entendu le terme de féminisme une seule fois alors que pourtant
je vis entouré de femmes russes. Ce petit miracle est à mon sens
beaucoup plus qu’un détail, mais bien la preuve que les femmes
russes n’ont sans doute plus rien à prouver, et c’est dû
notamment à l’histoire de la Russie. Au début du 20ème siècle,
les bolcheviques ont proclamé en Russie l’égalité des sexes,
égalité de fait et de droit. Les femmes ont dès 1918 obtenu le
droit de vote en Russie, alors que les Françaises ont dû elles
attendre jusqu’en 1944.
Les femmes russes ont ensuite participé activement à la Grande
guerre patriotique, et pas seulement en travaillant dans les
usines. Il y a eu plus de 800.000 femmes russes dans les troupes
combattantes, elles ont été médecins, infirmières, pilotes
d’avion de bombardement et snipers au front. Elles ont participé
aux batailles les plus terribles et beaucoup d’entre elles ont
été faites héroïnes de l’Union Soviétique. En Russie, personne
ne l’a oublié. Après la guerre, le manque d’hommes dans la
société a fait que les femmes se sont débrouillées par
elles-mêmes et ont appris à vivre sans le soutien masculin.
Ces difficultés n’ont pourtant pas enlevé leur féminité aux
femmes russes, bien au contraire. Elles n’ont pas oublié
quelques équations essentielles des relations inter-sexes, à
savoir qu’une femme qui plait à un homme à tous les pouvoirs sur
lui. Pour cette raison, il n’est pas question pour une femme
russe, qu’elle réussisse professionnellement ou qu’elle occupe
un travail physique ingrat, de pouvoir oublier de rester
séduisante, bien au contraire.
Je me souviens de la grande surprise qui était la mienne lorsque
je suis arrivé en Russie et que j’observais les hommes qui
portaient les sacs à mains des femmes, et les femmes qui ne
poussaient pas les caddies pour ne pas s’abimer les ongles.
J’observais l’homme qui était là pour veiller au grain, pour
protéger la sainte manucure et acheter des fleurs. On parle
souvent du "panier de la ménagère" pour estimer les niveaux de
vie des pays, mais si on estime la quantité de fleurs achetées
pour les femmes pour établir un "panier des fleurs offertes", il
devient évident que la femme russe n’a aucune concurrente en
Europe.
C’est peut-être pour ces raisons que les mouvements
féministes de type occidental n’ont jamais eu de grand succès en
Russie. Plutôt que d’essayer de satisfaire des revendications
féministes qui n’existent pas, les femmes russes continuent à
soigner leur look, et l’Etat russe se concentre sur les
revendications qui concernent la famille. La femme russe
bénéficie d’un des plus longs congés maternités du monde
(jusqu’à 3 ans avec emploi protégé) mais également depuis
quelques années de très solides allocations (plusieurs milliers
d’euros) dès le second enfant adopté ou procréé. Ce rôle clef de
la femme en tant que mère est jugé tout à fait normal en Russie
puisqu’elle est la clef de voûte de la société. Pour ma part, en
tant qu’homme je trouve cela parfaitement normal.
Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur
français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le
blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
Article publié sur RIA Novosti
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