A la
veille de la guerre contre la Syrie
John Kerry
« à la manière de
Colin Powell »
Alex Lantier
Mercredi 28 août 2013
Hier, le secrétaire d’Etat américain
John Kerry est apparu à la télévision
nationale pour prononcer une longue
déclaration mensongère visant à préparer
l’opinion publique à une attaque
imminente des Etats-Unis et de l’OTAN
contre la Syrie. Il nous a fait du John
Kerry « à la manière de Colin Powell. »
Le 5 février 2003, Powell, alors
secrétaire d’Etat dans le gouvernement
Bush, prononçait devant les Nations
unies un discours tristement célèbre.
Pendant deux heures, photos, cartes et
bandes sonores à l’appui, le chef de la
diplomatie américaine avait plaidé en
faveur d’une guerre contre l’Irak. Il
avait affirmé que les preuves qu’il
présentait montraient que l’Irak
disposait d’armes de destruction massive
(ADM) qu’il était sur le point
d’utiliser contre le monde.
Les médias et les politiciens des
deux partis avaient acclamé la
prestation de Powell en déclarant que
l’ancien général avait apporté la preuve
écrasante que l’Irak possédait d’énormes
programmes d’ADM. Six semaines plus
tard, les bombes pleuvaient sur l’Irak
alors que débutait l’invasion
américaine.
Le discours de Powell était un tissu
de mensonges. Pas la moindre de ses
affirmations relatives à un concentré
d’uranium « yellowcake » (gâteau jaune)
du Niger, à des tubes d’aluminium ou à
des laboratoires mobiles d’armes n'était
vraie. A l’époque, le WSWS avait
écrit que le dossier en faveur de la
guerre était « une farce diplomatique
regorgeant de cynisme et de tromperie…
fondée sur un mensonge colossal, à
savoir que l'invasion imminente
concernait des armes de destruction
massive irakiennes et la menace présumée
que Bagdad représentait pour la sécurité
des Etats-Unis et la paix dans le monde.
» Cela s’avéra effectivement être une
farce diplomatique fondée sur un
mensonge colossal.
Le discours prononcé dix ans plus
tard par Kerry n’est pas moins
malhonnête et pas moins cynique. En
effet, en comparaison, la présentation
de Powell était un chef-d’œuvre, riche
en détails.
La totalité du dossier de Kerry
contre le régime syrien consiste en une
dénonciation morale générale des armes
chimiques. En décrivant des « images
bouleversantes » de victimes des
présumées frappes à l'arme chimique
contre Ghouta, il a dit : « Le massacre
aveugle de civils, le meurtre de femmes,
d’enfants et de passants innocents par
des armes chimiques est d'une indécence
morale. »
Le gouvernement des Etats-Unis ainsi
que ses alliés en Grande-Bretagne, en
France et en Allemagne ne sont nullement
en position de faire la leçon au monde
sur « l'indécence morale » de la guerre
chimique ou sur toute autre sujet. Une
documentation complète des crimes de
guerre et des atrocités commises par
l’impérialisme américain et européen
remplirait plusieurs volumes.
Washington a empoisonné des villes
irakiennes entières avec de l’uranium
appauvri et du phosphore blanc. Avant
cela, les Etats-Unis avaient largué sur
le Vietnam 75 millions de litres d’Agent
orange, une arme chimique qui avait
touché des millions de gens. Les
Etats-Unis sont l’unique pays au monde à
avoir utilisé l'arme nucléaire contre
des villes sans défense, pas une fois
mais deux fois, sur Hiroshima et
Nagasaki. Avec les puissances
impérialistes européennes, qui ont été
les premières à utiliser du gaz toxique,
ils sont collectivement responsables de
la mort de millions de personnes.
Bien qu'il invoque l’« indécence
morale » des tueries aveugles à l'arme
chimique, le gouvernement Obama continue
de financer la junte militaire
égyptienne qui a massacré ces derniers
mois des milliers de manifestants non
armés qui étaient descendus dans la rue.
Kerry n’a pas été capable d’avancer
le moindre fait, en dehors de ses
propres allégations atroces, pour
justifier l’affirmation que les forces
du président syrien Bachar al-Assad
avaient perpétré une attaque chimique à
Ghouta.
Au lieu de cela, il a dit: « Notre
compréhension de ce qui s’est déjà
produit en Syrie repose sur des faits,
informée par la conscience et guidée par
le bon sens… Des armes chimiques ont été
utilisées en Syrie. De plus, nous savons
que le régime détient ces armes. Nous
savons que le régime à la capacité de le
faire au moyen de roquettes. »
De tels arguments ne prouvent rien du
tout. Bien que Kerry ait préféré le
taire, ce n'est un secret pour personne
que les milices de l'opposition qui sont
soutenues par les Etats-Unis ont accès à
des armes chimiques et qu'elles les ont
utilisées. Des groupes de l’opposition
ont affiché sur YouTube des
videos où ils se vantent de leur
capacité à fabriquer du gaz toxique. Des
responsables de l’ONU ont déclaré à
maintes reprises que des enquêtes menées
en Syrie avaient montré que c'était des
forces d’opposition et non le régime d'Assad
qui étaient responsables des précédentes
attaques chimiques.
La CIA, qui a été transformée en une
organisation paramilitaire mondiale
lourdement armée, a accès à de telles
armes et pourrait facilement les rendre
accessibles à l’opposition.
L’affirmation de Kerry selon laquelle
les accusations qu’il porte contre la
Syrie sont fondées sur « le bon sens »
est fausse : le bon sens, appliqué à la
situation en Syrie, laisse précisément
penser le contraire.
L’opposition est en déroute
car elle est en train de perdre
la guerre ; son unique espoir est une
intervention militaire massive de la
part de ses partisans aux Etats-Unis, en
Europe et au Moyen-Orient. L’attaque aux
armes chimiques, précédemment décrite
par le gouvernement Obama comme une «
ligne rouge » à ne pas franchir, fournit
le prétexte souhaité pour cette
intervention.
Dans une autre déclaration
remarquable, Kerry a reconnu par voie
détournée que Washington n’a pas
l’intention de fournir des preuves pour
concrétiser les allégations proférées
contre Assad. Il a déclaré, « comme Ban
Ki-moon l’a dit la semaine passée,
l’enquête de l’ONU ne déterminera pas
qui a utilisé les armes chimiques, mais
seulement si de telles armes ont été
utilisées, une estimation qui est d’ores
et déjà claire et nette pour le monde
entier. » Ceci revient à dire,
qu’indépendamment de ce que l’enquête
apportera quant à l’identité des
assaillants, Washington s'en servira
comme prétexte pour attaquer le
gouvernement syrien.
Après avoir exigé que la Syrie
accorde un accès « illimité » pour
enquêter sur la présumée attaque, Kerry
répond à l’acceptation de cette demande
par le gouvernement syrien en déclarant
que cela n’a, de toute manière, pas
d’importance vu que c’est arrivé « trop
tard pour être crédible. » Toutes les
demandes ne visent qu’à ouvrir la voie à
la guerre. A part ouvrir le pays à
l'occupation étrangère, il n'y a rien
que le gouvernement syrien puisse faire
pour satisfaire les ultimatums de
l’impérialisme américain.
Quelques mois seulement après son
discours de 2003 sur l’Irak, il était
clairement apparu que Powell avait menti
effrontément. Dans les mois à venir,
Kerry, le manifestant d’antan contre la
guerre du Vietnam, sera lui aussi pris
dans le tissu de mensonges qui sous-tend
la politique guerrière des Etats-Unis à
l’encontre de la Syrie.
(Article original paru le 27 août
2013)
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Publié le 28 août 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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