Opinion
France : Les
questions internationales dans
l'élection présidentielle
Alex
Lantier et Johannes Stern
Le siège
de l'OTAN
Jeudi 12 avril 2012
Bien que
le pouvoir le plus notoire de la
présidence française soit son contrôle
sur la politique étrangère, la politique
étrangère est remarquablement absente de
la campagne présidentielle actuelle.
Alexandre Adler du Figaro, l'un
des rares journalistes à écrire sur le
sujet, a fait brièvement remarquer dans
une récente chronique que la « politique
étrangère ne fait pas recette dans la
campagne ».
Ceci est
d'autant plus remarquable que l'Europe
est actuellement impliquée dans une
crise financière qui dure depuis quatre
ans et dans des guerres qui
s'intensifient. La France est en guerre
en Afghanistan et en Libye, elle
soutient des forces de guérilla
mercenaires contre le président syrien
Bashar Al-Assad et fait partie de la
coalition, menée par les États-Unis,
menaçant d'attaquer l'Iran. Quelque 76
pour cent de la population s'opposent au
déploiement de la France en Afghanistan
et 51 pour cent s'opposent à la guerre
en Libye.
Et malgré cela, le
candidat du Parti socialiste (PS)
François Hollande, principal rival de «
gauche » bourgeoise du président sortant
Nicolas Sarkozy, a déclaré le mois
dernier que s'il était élu, il ne
reviendrait pas sur la décision de
Sarkozy en 2009 de réintégrer la France
dans le commandement militaire de
l'OTAN.
Comme le
laissent clairement entendre les
déclarations de Hollande sur la
réintégration de la France dans l'OTAN
et l'absence de critiques de la part des
partis de « gauche » bourgeois ou
petits-bourgeois à l'égard des guerres
de Sarkozy, l'élite dirigeante entend
poursuivre la politique de Sarkozy
malgré l'opposition de masse de la
classe ouvrière. Elle signale tacitement
son soutien au changement radical de
politique étrangère opérée par Sarkozy
par rapport à la politique de son
prédécesseur, le président conservateur
Jacques Chirac.
La
présidence de Chirac de 1995 à 2007,
première présidence à se dérouler
entièrement après la chute en 1991 de
l'URSS, fut marquée par la fin de la
politique de Guerre froide de la France.
Les appels de la France à un ordre
mondial « multi-polaire », reflétés dans
la critique des États-Unis, faite en
1998 par le ministre des Affaires
étrangères Védrine, comme étant une «
hyper-puissance », conduisirent à des
heurts avec Washington, tout d'abord
concernant les activités françaises en
Iran, puis plus sérieusement, au moment
où la France rejoignit l'Allemagne et la
Russie contre l'invasion américaine de
l'Irak en 2003.
La tentative de Chirac
de développer la politique française en
Europe échoua. Bien que la France fût
l'un des douze pays à adopter la monnaie
commune (euro) lors de son lancement en
2002, elle connut aussi une opposition
croissante de la classe ouvrière à
l'Union européenne (UE). Chirac fut
stupéfait lorsque l'opposition à un
projet de Constitution européenne, sur
fond de craintes justifiées que cela
conduirait à un nivellement par le bas
des salaires et des droits sociaux à
travers toute l'Europe, mena à la
défaite de ce projet lors d'un
référendum en 2005 en France.
Le gouvernement Sarkozy
qui lui succéda rétablit rapidement les
relations avec Washington en envoyant
des représentants visiter l'Irak sous
occupation américaine et en menaçant
l'Iran de guerre en 2007 avant de
rejoindre pleinement l'OTAN en 2009.
Mais la France rétablit des liens avec
Washington au moment où les Etats-Unis
eux-mêmes entraient dans une crise
sociale profonde et durable.
Le krach financier
américain de 2008 transforma les
relations au sein de l'Europe. Tandis
que l'Allemagne et la France
s'unissaient pour imposer des mesures
d'austérité féroces aux travailleurs de
Grèce, d'Espagne, du Portugal et
d'Italie, leurs relations se tendaient
de plus en plus. En 2010, Sarkozy menaça
de retirer la France de la zone euro
pour contraindre l'Allemagne à financer
des plans de sauvetage visant à
renflouer les banques françaises qui
avaient prêté de l'argent à la Grèce en
proie à une crise grave. La France mit
ensuite en place une alliance militaire
avec la Grande-Bretagne, excluant
l'Allemagne.
Avant
tout, la France a réagi aux
déclenchements des luttes
révolutionnaires de la classe ouvrière
en Egypte et en Tunisie l'an dernier en
se lançant dans une série de guerres et
d'interventions en Libye, en Côte
d'Ivoire et maintenant en Syrie et
peut-être au Mali. Sarkozy a clairement
fait entendre que ce serait une
politique persistante de l'impérialisme
français. En se lançant dans la guerre
contre la Libye, une guerre qui s'est
terminée par l'assassinat du chef d'Etat
libyen Muammar Kadhafi, il a ouvertement
dit : «
Chaque dirigeant,
et notamment (chaque)
dirigeant arabe,
doit
comprendre
que la
réaction de
la
communauté internationale
et de l'Europe
sera
désormais
chaque fois
la
même. »
Le fait que des aspects
fondamentaux de politique économique et
militaire internationale ne soient pas
traités durant la campagne électorale
souligne le caractère frauduleux de
cette campagne électorale. La classe
ouvrière a été politiquement privée de
représentativité par les candidats du PS
et de la « gauche » petite-bourgeoise
(Front de Gauche conduit par les
staliniens, Nouveau Parti
anticapitaliste et Lutte ouvrière) qui
soutiennent ces guerres.
La politique étrangère
toujours plus agressive de la
bourgeoisie française menace non
seulement les peuples du Moyen-Orient,
mais aussi la classe ouvrière française
et européenne. Tout comme aux
États-Unis, les guerres à l'extérieur du
pays seront utilisées pour attaquer les
droits démocratiques dans le pays et
pour mettre en place des attaques encore
plus dures contre le niveau de vie des
travailleurs, au motif de budgets de la
Défense en hausse. Le coût pour les
États-Unis des guerres en Irak,
Afghanistan et Pakistan est estimé entre
3,7 et 4,4 mille milliards de dollars,
soit un montant plus élevé que les
dettes de la Grèce et de l'Espagne
réunies.
Lors d'une conférence de
presse à Paris le 5 avril, le président
Sarkozy a déclaré que certains pays sont
« Au bord d'un précipice... Nous ne
pouvons pas refuser de faire le choix
historique, compétitivité, innovation,
investissement, réduction des dépenses
publiques. La situation que connaissent
aujourd'hui nos amis espagnols après
celle qu'ont connue nos amis grecs, nous
rappelle à des réalités. »
La déclaration de
Sarkozy, largement passée sous silence,
est une menace signifiant que si le
président élu n'applique pas une
politique suffisamment droitière, la
France subira le traitement imposé par
les banques à la Grèce et à l'Espagne,
où la moitié des jeunes sont sans
emploi, où les salaires ont été diminués
de 30 à 50 pour cent, où le nombre de
sans domicile fixe a grimpé en flèche et
où les soins médicaux deviennent de plus
en plus inaccessibles.
Le
Financial Times a cité un économiste
de la Bank of America Merill Lynch : «
Je pense que le nouveau gouvernement
français se verra accorder très peu de
temps pour convaincre les marchés sur
ses projets. »
Durant
ces dix dernières années, l'économie
française a perdu du terrain par rapport
à l'Allemagne, son principal rival en
Europe. En 2000, le coût du travail
horaire en France était 8 pour cent plus
bas qu'en Allemagne ; en 2012, il est 10
pour cent plus élevé. De 1999 à 2008, le
coût unitaire de main-d'oeuvre allemand
a été réduit de 20 à 30 pour cent par
rapport à d'autres pays de la zone euro,
et les exportations allemandes ont
explosé.
L'Allemagne a accompli
sa supériorité économique en perpétrant
les plus dures attaques contre la classe
ouvrière depuis la Deuxième Guerre
mondiale. Le gouvernement
social-démocrate (SPD)-Vert de Gerhard
Schröder, en collaboration étroite avec
les syndicats, a réduit de façon
draconienne les dépenses sociales et les
salaires, libéralisé les marchés du
travail et réduit les taxes des
entreprises et des riches. La
bourgeoisie française regarde avec
convoitise de l'autre côté du Rhin. Elle
veut imposer de pareilles coupes
sociales en France. Les banques montent
les uns contre les autres les
travailleurs de toute l'Europe dans une
course vers le bas en termes de salaires
et de niveau de vie.
La classe ouvrière
française est à la veille d'énormes
batailles de classes où les travailleurs
vont devoir se battre pour établir
l'unité politique de la classe ouvrière
européenne et internationale dans une
lutte contre la guerre et l'austérité
sociale.
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Publié le 12 avril 2012 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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