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Les blogs du Diplo
Un été chaud au
Proche-Orient (I)
Alain Gresh
Alain Gresh
Mercredi 28 juillet 2010
A la veille des vacances, je voudrais faire le point sur les
dossiers chauds du Proche-Orient, ceux qui ne risquent pas
d’être réglés dans les prochains mois et qui vont continuer à
peser sur toute la région. Ce billet est consacré à
l’Afghanistan, l’Irak et l’Iran ; je reviendrai dans un autre
envoi sur le Liban et la Palestine). Je suspendrai ensuite ce
blog pendant le mois d’août.
Afghanistan Les révélations du site Wikileaks
sur la guerre américaine et occidentale apportent une
contribution majeure à la compréhension de cette guerre
coloniale qui n’ose pas dire son nom. Ces documents restent
encore à dépouiller et, comme le rappelle Philippe Rivière (« Rapports
explosifs sur la guerre en Afghanistan »), Le Monde
diplomatique s’est associé à l’initiative d’Owni.fr
visant à mettre à la disposition de tous un outil de
consultation de ces rapports. Accessible directement en ligne,
ce dispositif nommé
« War Logs » permet au lecteur d’appréhender le jargon
militaire dans lequel les événements sont décrits, d’effectuer
des recherches dans l’ensemble des documents dévoilés, et
d’ajouter des annotations. La base de données comprend déjà
75 000 documents et sera enrichie rapidement.
Pour ceux qui veulent faire le point sur ce conflit, il faut
lire le numéro de Manière de voir, édité par Le Monde
diplomatique, « Imprenable
Afghanistan ».
Irak D’ici la fin du mois d’août, il ne
restera plus que 50 000 soldats américains en Irak, cantonnés et
n’exerçant plus de fonctions combattantes directes. Rappelons
que l’on avait compté jusqu’à 170 000 soldats au plus fort de
l’engagement de Washington. Le retrait devrait être total d’ici
la fin de l’année 2011. Pourtant, ces bonnes nouvelles ne
doivent tromper personne. Quelle que soit la présence militaire
américaine dans le pays (direct ou indirecte à travers les
nombreuses officines privées), il n’en reste pas moins que le
pays a été durablement détruit (« Où
en est la guerre en Irak ? »). Non seulement des centaines
de milliers d’Irakiens ont péri, non seulement les
infrastructures ont été ravagées, mais la crise politique
demeure profonde et les partis politiques sont incapables de
former un gouvernement depuis les élections générales du 7 mars.
Le Parlement, qui devait se réunir le 27 juillet, a reporté sa
session sine die.
Qui sera jugé pour ce désastre politique et humanitaire (« “Leurs”
crimes et les “nôtres” ») ?
Iran L’Union européenne vient d’adopter une
série de sanctions unilatérales contre l’Iran (« Iran :
les sanctions européennes sont d’une ampleur sans précédent »,
LeMonde.fr, 26 juillet). Ces sanctions s’ajoutent à celles
décidées par Washington. Moscou a protesté contre ces mesures
« inacceptable » qui allaient bien au-delà des sanctions votées
par le conseil de sécurité des Nations unies. Plus inquiétant
encore, Total, compagnie française, a décidé d’arrêter de vendre
de l’essence à l’Iran (alors qu’une telle mesure n’est pas
prévue par l’Union européenne) : ainsi, avec l’aval du
gouvernement français, Total se plie à une injonction d’un pays
étranger qui n’a aucune base légale (« Total
moves to tighten screw on Tehran », par Carola Hoyos et
Javier Blas à Londres et Daniel Dombey à Washington, FT.com,
27 juin). Rappelons que, en 1996, le congrès américain avait
adopté l’Iran-Libya Sanctions Act, qui permettait de prendre des
sanctions contre des sociétés étrangères investissant plus de
20 millions de dollars par an dans le secteur énergétique libyen
ou iranien. A l’époque, la France avait refusé de se soumettre à
ce diktat. Autres temps, autres mœurs...
Tandis que les néoconservateurs américains se préparent à
intensifier leur campagne pour une intervention militaire contre
l’Iran (MJ Rosenberg, « Neocons
Ready Fall Campaing to “Pearl Harbor” Iran », The Huffington
Post, 28 juillet 2010), l’Iran s’est déclaré prêt à des
négociations avec Catherine Ashton (« ministre des affaires
étrangères » de l’Union européenne) après le ramadan ; elle
avait rencontré Manouchehr Mottaki, le ministre des affaires
étrangères iranien, le 22 juillet à Kaboul lors de la conférence
d’aide à l’Afghanistan (c’est le ministre turc Ahmet Davutoğlu
qui avait servi d’intermédiaire).
D’autre part, l’AIEA a confirmé, selon l’AFP (26 juillet),
« avoir reçu la réponse de Téhéran aux interrogations du groupe
de Vienne (Etats-Unis, Russie, France) sur la proposition
d’échange de combustible nucléaire faite par le Brésil, la
Turquie et la République islamique ». Rappelons que la
Turquie et le Brésil avaient servi d’intermédiaire pour une
proposition d’échange d’uranium et que celle-ci avait été
rejetée par les Occidentaux (« Iran,
vers une “communauté internationale” post-occidentale ? »).
Que se passera-t-il en septembre ? Des négociations sérieuses
pourront-elles s’amorcer ? Ou, malgré l’enlisement occidental en
Afghanistan, assistera-t-on à une escalade contre l’Iran ? Dans
un long entretien, John Limbert, un ancien otage américain à
Téhéran, qui a piloté le dossier iranien au département d’Etat
et qui quitte ses fonctions, offre des vues nuancées sur les
perspectives (« Hostage
to Events », entretien réalisé par Barbara Slavin,
Foreign Policy, 27 juillet).
Les analyses d'Alain
Gresh
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