Site d'information sur la Palestine et le Moyen-Orient

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Accueil  Sommaire A. Gresh  -   Originaux  Dernières dépêches  -  Analyses  Ressources  -  Mises à jour



Carnets du diplo

Le Liban sauvé par l’argent ?
Alain Gresh

Le quotidien Le Monde du 25 janvier,« Conférence sur le Liban : près de six milliards d’euros d’aide promis » écrit : « Le montant des aides au Liban obtenues lors de la conférence internationale de Paris s’élève à plus de 7,6 milliards de dollars, soit 5,85 milliards d’euros, a annoncé, jeudi 25 janvier, le président français, Jacques Chirac. Se félicitant des annonces "particulièrement fortes faites par les uns et les autres", il a salué "cette réponse rapide et substantielle apportée par la communauté internationale aux engagements du gouvernement libanais". Les montants promis dépassent largement les 4,2 milliards de dollars qu’avait obtenus le Liban lors de la précédente conférence de ce type à Paris, en 2002. »

Les Etats-Unis ont mis la main au portefeuille. Selon un article de Thierry Oberlé dans Le Figaro du 26 janvier, « Des milliards pour soutenir Beyrouth », « Condoleezza Rice a suivi ce mouvement de générosité bien ordonné avec une promesse 770 millions de dollars à entériner par le Congrès à majorité démocrate. L’essentiel étant à ses yeux de marquer au "lendemain des événements de Beyrouth un soutien au gouvernement démocratiquement élu" ». Tout le monde a pu mesurer, au lendemain des élections palestiniennes de janvier 2006, le soutien de Washington aux « gouvernements démocratiquement élus ».

Cette vision un peu idyllique, qui ne voit les obstacles à la reconstruction du pays que dans l’action de l’opposition soi-disant "pro-syrienne", oublie un fait fondamental, l’origine de la dette actuelle. Comme le rappelle Gilles Paris dans Le Monde du 25 janvier, « Une dette en progression en dépit des plans d’urgence » :

« Elle a progressé depuis à un rythme régulier indépendant de celui de la reconstruction alors qu’elle avait été présentée au départ comme le prix à payer pour celle-ci par le gouvernement libanais dirigé par Rafic Hariri de 1992 à 1998 puis de 2000 à 2004. Ce sont d’ailleurs les mêmes hommes qui gèrent ce dossier depuis plus d’une décennie comme l’atteste le parcours de l’actuel premier ministre Fouad Siniora, formé dans le secteur bancaire, proche de Rafic Hariri, devenu successivement ministre d’Etat chargé des finances puis ministre des finances. »

« Fouad Siniora fut ainsi l’un des principaux artisans, côté libanais, de la conférence de Paris-2, en 2002. Cette dernière devait permettre, par paliers, de réduire le taux d’endettement à un niveau plus supportable pour les finances publiques qui accumulent mécaniquement du déficit (le service de la dette absorbe plus de 80 % des recettes de l’Etat) : la dette publique est ainsi passée de 3 milliards de dollars en 1990 à 41 milliards en 2006 après la guerre entre Israël et le Hezbollah. »

C’est que le pays a été pillé, certes avec l’aide de dignitaires syriens du temps de l’occupation, mais avec la participation active de la classe politique libanaise qui est était aux commandes du temps de Rafic Hariri et qui est restée aux affaires après son assassinat. « Les vieux parrains du nouveau Liban », écrivions-nous en juin 2005 dans un article du Monde diplomatique. La situation n’a pas changé et l’on a du mal à croire à l’intégrité de ceux qui dirigent le pays aujourd’hui.

D’autre part, la soi-disant communauté internationale, qui a laissé Israël détruire les infrastructures libanaises durant la guerre dite des 33 jours est sans doute mal placée pour prétendre vouloir reconstruire le Liban sans arrière-pensées.

Enfin, comme le souligne le correspondant de L’Humanité (25 janvier), Pierre Barbancey à Beyrouth, « L’onde de choc de la crise libanaise » :

« De nombreux Libanais, qui étaient dans les rues mardi, regrettent que les partis d’opposition ne se démarquent pas plus nettement du programme économique du gouvernement qui prévoit notamment (lire ci-dessous) des privatisations et l’augmentation des taxes les plus injustes, comme la TVA. D’autant que le Hezbollah et le Amal ont toujours fait savoir qu’ils ne s’opposaient pas à la conférence de Paris si aucunes conditions politiques n’étaient imposées. Le Parti communiste libanais estime pour sa part que "le plan de "réforme" politique et économique, présenté devant la conférence de Paris, est très dangereux, parce qu’il constitue une menace pour l’unité du pays. Sa mise à exécution aura pour conséquence la paupérisation à outrance, l’émigration des jeunes et, surtout, la soumission au projet états-unien pour la région qui n’a donné que des crises et des dissensions" ». Cette analyse est confortée par le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde qui « s’oppose aux fausses solutions de la conférence de Paris ».

Il est peu probable que cette « aide » massive au Liban ait un impact direct sur la situation sur le terrain qui ne cesse de se détériorer et mette un terme au bras de fer entre l’opposition et la majorité. Les affrontements de jeudi, qui ont fait au moins quatre morts, ont montré que le pays peut rapidement sombrer dans la guerre civile. Si on peut regretter les ingérences iraniennes ou syriennes dans les affaires du pays, on peut tout autant dénoncer celles des Etats-Unis et de la communauté internationale, ainsi que les incohérences de la politique française, qui, au lieu de pousser à la seule sortie de crise possible (c’est-à-dire la création d’un gouvernement d’union nationale libanais) encourage le gouvernement de Fouad Siniora à l’intransigeance. Jeudi, lors des heurts qui ont mis aux prises des partisans du Hezbollah à des membres du Courant du Futur (les partisans de Saïd Hariri), ces derniers brandissaient des portraits de... Saddam Hussein, un des Hitler dénoncé par les Etats-Unis mais célébré par leurs alliés au Liban !

 


Source : Blog Monde diplo
http://blog.mondediplo.net/...


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Moyen-Orient.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.  
Pour contacter le webmaster, cliquez < ici >

Retour  -  Accueil Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Originaux