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Sous la burqa, le
Niger
Alain Gresh
Alain Gresh
Jeudi 23 septembre 2010 « Vouloir chasser les Français du
Niger va bien plus loin qu’une simple opération de
représailles : c’est non seulement vouloir priver la France de
sa production d’électricité, mais aussi l’empêcher d’exporter
ses réacteurs, et de moderniser ses armes. C’est toucher au cœur
de son indépendance et de son influence. À moins, naturellement,
que la France accepte, au lieu de s’y opposer, que l’Iran se
dote à son tour de missiles nucléaires. Or l’Iran se situe au
cœur de l’arc de crise. »
Ainsi François d’Orcival, dans un éditorial de Valeurs
actuelles (23 septembre 2010), « Chantage
dans le désert », explique-t-il
l’enlèvement par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) de
plusieurs techniciens, en majorité français, travaillant pour
Areva.
On relit et on essaie de comprendre. Quel rapport existe-t-il
entre l’Iran et Al-Qaida, dont le discours et les actions
anti-chiites sont innombrables ? L’éditorialiste pense-t-il
vraiment que la stratégie d’AQMI est d’aider Téhéran à se doter
de l’arme nucléaire ?
Eh bien oui, il le pense et il l’écrit : il ne voit aucune
différence entre tous les islamistes qui s’attaquent à
l’Occident dans le monde, et qui seraient relayés par cette
« cinquième colonne », cet ennemi de l’intérieur qui peuple nos
banlieues et dont les quelques centaines de femmes qui portent
la burqa sont l’avant-garde. Car l’éditorial s’ouvre sur le vote
unanime par le Sénat (à une voix près, celle de la sénatrice de
la Réunion) de la loi interdisant la burqa – en attendant que le
Conseil constitutionnel se prononce.
Et d’Orcival explique :
« En fait devant l’islamisme, le front intérieur est
inséparable du front extérieur. L’enlèvement d’Arlit a eu lieu
parce qu’il s’agit de faire chanter la France. Ou bien elle
tolère la lente et persévérante pénétration souterraine du
fondamentalisme sur son sol en fermant les yeux, ou bien elle
doit s’attendre à des représailles. »
« Le terrorisme ne s’embarrasse pas de frontières. La
burqa, le foulard et le combat de nos soldats en Afghanistan,
c’est la même chose : pour nous français, comme pour nos
adversaires islamistes radicaux. Le jour où les Occidentaux
feraient le choix de se replier d’Afghanistan en abandonnant le
pays aux talibans, ce jour-là, il y aurait aussi le feu dans nos
banlieues. Si l’on avait admis la burqa, il fallait rapatrier
nos soldats. Leur combat n’avait plus de sens. La menace
terroriste suit désormais un arc incendiaire qui va du désert
sahélien aux vallées afghanes, en passant par la corne de
l’Afrique et les rives du Yémen. Sur cet arc, les Français sont
partout : au Sahel, au Tchad, à Djibouti, dans le Golfe, à
Kaboul. La guerre s’y conduit sous des formes et des modes
opératoires différents, mais c’est la même guerre. Les bandes
d’insurgés n’ont d’autre but que de chasser la France de là où
elle est. »
On pourrait lui faire remarquer que la France est dans
beaucoup d’endroits où, peut-être, elle ne devrait pas être.
Notre présence en Afghanistan est-elle vraiment justifiée ?
Peut-on s’étonner que la présence de militaires français dans
des zones de combats si loin de nos frontières ne soit pas
accueillie avec enthousiasme ? D’Orcival, il est vrai, écrit
dans un hebdomadaire proche de la droite extrême, nostalgique de
la période coloniale et du « joli temps des colonies ».
Mais on aurait tort de penser que l’influence de ces idées
soit limitée à un petit cercle, ou même à la droite. Ce type
d’analyse
d’une nouvelle guerre mondiale qui opposerait l’Occident à
l’islamisme a été très en vogue sous l’administration Bush,
un peu moins aujourd’hui avec le président Obama, mais elle est
reprise en France par des intellectuels et largement popularisée
par les médias. L’appel de douze célébrités, dont Bernard-Henri
Lévy, Philippe Val, Caroline Fourest, Salman Rushdie, Antoine
Sfeir..., intitulé « Ensemble contre un nouveau totalitarisme »
et publié dans L’Express du 2 mars 2006, résumait bien
l’esprit de l’union sacrée prônée. Comme durant la guerre contre
le nazisme, il faut que droite et gauche enterrent leurs
divergences et s’unissent contre le péril sur notre identité.
Les quelques centaines de milliers de manifestants contre la
loi sur les retraites ont, à leur manière, répondu à ces
tentatives de se détourner du combat social au nom de l’union
sacrée.
P.-S. Le même hebdomadaire publie un autre
article qui est un petit bijou, « Les
nouveaux insoumis » (10 juin 2010), à la gloire d’Eric
Zemmour, d’Elizabeth Lévy, et autres personnalités stigmatisées
par la pensée dominante et comparées aux dissidents soviétiques
pour leur courage... Car bien sûr, comme les dissidents
soviétiques, leur voix est inaudible dans les grands médias et
c’est clandestinement qu’ils diffusent leurs idées.
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