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Les blogs du Diplo
Gaza-Berlin
Alain Gresh
Alain Gresh
Doha, 23 mai 2010
Le cinquième forum de la télévision Al-Jazeera vient de
s’ouvrir à Doha, Qatar. Ici, les nouvelles principales
concernent le départ pour Gaza d’une flottille de neuf bateaux
afin de briser le blocus et d’apporter du matériel pour aider à
la reconstruction, ainsi que du matériel médical et scolaire, à
ce petit territoire où s’entassent 1,5 million de Palestiniens,
étranglés depuis plusieurs années. Les navires les plus grands
viennent de Turquie, mais ils devraient être rejoints par
d’autres vaisseaux qui partiront d’Athènes et de Crète (« Aid
convoy sets off for Gaza », Al-Jazeera English, 23 mai).
L’opération se place sous l’égide de « The
European Campaign to end The Siege on Gaza », sur le site
duquel on trouvera tous les détails et le suivi de l’action en
cours.
Un des éléments importants est évidemment l’implication des
autorités turques dans cette opération. Le premier ministre turc
Recip Erdogan s’est personnellement engagé dans cette action. La
volonté israélienne d’interdire à la flottille l’accès à Gaza
risque de détériorer encore plus les relations entre Israël et
un pays musulman qui était, jusqu’à ces dernières années, un de
ses principaux alliés.
Le blocus de Gaza dure depuis au moins juin 2007, date qui a
marqué la rupture entre le Fatah et le Hamas.
Quoi qu’on pense de ces événements, pourquoi la population
civile devrait-elle en payer le prix ? Il s’agit, ni plus ni
moins, d’une prise d’otage par les autorités israéliennes.
Les destructions commises lors de l’agression israélienne de
décembre 2008 ont rendu la situation encore plus
insupportable, forçant même l’Union européenne et les Etats-Unis
à demander la levée du blocus. Mais comme ces déclarations n’ont
été suivies d’aucune action, d’aucune sanction, le gouvernement
israélien poursuit une politique qui relève du
crime de guerre.
Les preuves en sont multiples, notamment un rapport, encore
un, des Nations unies (« Un
rapport de l’ONU dénonce le blocus israélien dans la bande de
Gaza », LeMonde.fr, 23 mai) : « Selon un rapport de
l’ONU, le blocus qu’Israël impose à la bande de Gaza continue
d’entraver gravement la reconstruction des bâtiments et
infrastructures détruits lors de l’offensive israélienne de
décembre 2008-janvier 2009. A ce jour, seuls 25 % des dégâts ont
pu être réparés, plus d’un an et demi après l’offensive
dévastatrice “plomb durci”. »
Cette tentative de briser le blocus fait la Une d’Al-Jazeera,
alors qu’il y a fort à parier que les télévisions françaises ou
américaines ne lui accordent aucune place. Il ne s’agit pas
seulement de différence de perspective ; ici, on y voit une
preuve de plus de ce que le discours de l’Europe et des
Etats-Unis sur les droits humains n’est que pure propagande.
Pour en revenir au cinquième forum d’Al-Jazira, il a
été ouvert par une longue intervention de Robert Fisk,
journaliste au quotidien The Independent (Londres), l’un
des meilleurs et des plus courageux journalistes couvrant le
Proche-Orient. Son allocution est disponible sur l’une des
chaînes d’Al-Jazira, mais je n’ai pas été capable de la
retrouver, je laisse le soin à un lecteur de le faire et
j’ajouterai le lien.
Il intervenait sur les liens entre médias et pouvoir et a
surtout développé une analyse des termes que les journalistes
emploient et qui, en réalité, sont déjà des prises de position :
« processus de paix » pour parler des négociations
israélo-palestiniennes ; « combattants étrangers » (en
Afghanistan et en Irak), alors que l’on oublie que les
principales forces étrangères sont américaines et occidentales ;
« parties en conflit », pour occulter que l’on a affaire à un
occupant et un occupé.
Sur Gaza, il a dressé une intéressante comparaison. Il fut un
temps, dit-il, où il existait un territoire encerclé, soumis à
un blocus, menacé par des troupes étrangères et où l’on
s’apprêtait à édifier un mur. Il s’agissait de Berlin, en
1948-1949, et le blocus avait été imposé par l’armée soviétique.
A l’époque, les Occidentaux étaient intervenus au nom de la
démocratie, de la libre circulation des gens, du droit des
populations à vivre dignement. Ils avaient même organisé un pont
aérien... Il s’agissait alors de défendre « le monde libre ».
Mais les Palestiniens ne sont pas des Berlinois, ils ne sont
même pas des « Blancs », alors leur sort nous importe bien
peu...
PS Selon le quotidien Haaretz,
« Israel to Europe : Stop your citizens from sailing to Gaza
with aid » (Jack Khoury et Barak Ravid, 17 mai), le
gouvernement israélien a demandé aux gouvernements européens
d’empêcher leurs citoyens de participer à la tentative de briser
le blocus de Gaza. Selon le journal, certains des diplomates ont
dit que leur gouvernement s’y emploierait !
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