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Quand la France
laisse entrer les produits des colonies et poursuit ceux qui s'y
opposent
Alain Gresh
Alain Gresh
Jeudi 18 mars 2010 La Cour de justice de l’Union européenne
vient d’adopter une importante résolution dont témoigne un
communiqué de presse du 25 février, « Des
produits originaires de Cisjordanie ne peuvent bénéficier du
régime douanier préférentiel de l’accord CE-Israël ».
« La Cour statue que les produits originaires de
Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’application territorial
de l’accord CE-Israël et ne sauraient donc bénéficier du régime
préférentiel instauré par celui-ci [1].
Il s’ensuit que les autorités douanières allemandes pouvaient
refuser d’accorder le traitement préférentiel prévu par cet
accord aux marchandises concernées au motif que celles-ci
étaient originaires de Cisjordanie. »
« La Cour rejette également l’hypothèse selon laquelle le
bénéfice du régime préférentiel devrait être, en tout état de
cause, octroyé aux producteurs israéliens installés en
territoires occupés soit en vertu de l’accord CE-Israël soit sur
la base de l’accord CE-OLP. La Cour relève que des marchandises
certifiées par les autorités israéliennes comme étant
originaires d’Israël peuvent bénéficier d’un traitement
préférentiel uniquement en vertu de l’accord CE-Israël, pourvu
qu’elles aient été fabriquées en Israël. »
Pourtant, malgré cette résolution, qui confirme bien d’autres
déclarations, le gouvernement français se garde bien de toute
action contre ces importations illégales qui contribuent à
l’extension des colonies que, par ailleurs, verbalement, il
condamne.
En revanche, il a décidé de poursuivre ceux qui, exaspérés
par la paralysie de la communauté internationale, se battent
pour que ces produits n’entrent pas en France et pour que les
entreprises françaises
désinvestissent – faisant par exemple campagne contre
Veolia et Alstom qui construisent un tramway à Jérusalem.
Depuis plusieurs semaines déjà, le gouvernement français a
développé une campagne calomnieuse contre ceux qui s’élèvent
contre l’entrée des produits des colonies, prétendant qu’ils
veulent boycotter les produits casher ! Mme Michèle
Alliot-Marie, ministre de la justice, a, quant à elle, effectué
un virage à 180 degrés sur cette question (lire Dominique Vidal,
« Boycott :
la contre-offensive d’Israël et de ses amis », La valise
diplomatique, 22 février 2010).
Avec le zèle des nouveaux convertis, elle a entériné le
12 février une « dépêche » de la direction des affaires
criminelles et des grâces aux procureurs généraux près les cours
d’appel. Ce texte confidentiel, que l’on trouvera ci-dessous
(PDF), confirme d’abord ce que nous écrivions dans Le Monde
diplomatique au mois de juin 2009, à savoir que « l’indépendance
de la justice n’est plus un dogme ».
M. Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des
grâces, écrit :
« Depuis le mois de mars 2009, plusieurs procédures
faisant suite à des appels au boycott de produits israéliens
(...) ont été portées à la connaissance de la direction des
affaires criminelles et des grâces. (...) Il apparaît
impératif d’assurer de la part du ministère public une réponse
cohérente et ferme à ces agissements. A cette fin et dans la
perspective éventuelle d’un regroupement des procédures
(...) j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir porter à
la connaissance de la direction des affaires criminelles et des
grâces tous les faits de cette nature dont les parquets de votre
ressort ont été saisis. »
Et, au cas où les procureurs n’auraient pas compris leur
devoir :
« Si certaines procédures ont déjà fait l’objet de
classements sans suite, vous prendrez soin d’exposer de manière
détaillée les faits et de préciser les éléments d’analyse ayant
conduit à cette décision. »
Ce que l’on attend avec intérêt, c’est la dépêche du
ministère demandant aux procureurs de poursuivre les magasins
qui vendent des produits israéliens entrés illégalement dans le
pays, car sans mention du fait qu’ils ont été fabriqués dans des
territoires que la France continue de considérer comme occupés.
Dépêche de la direction
des affaires criminelles et des grâces
[1]
La faible taxation des produits israéliens est l’objet principal
de l’accord d’association avec Israël, signé en 1995 et entré en
vigueur en 2000. De nombreuses organisations dans le monde
demandent la suspension de cet accord. Pour en savoir plus, voir
le site de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions
(BDS)-France.
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