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Al-Ahram Hebdo
Le rapport de la honte
Abir Taleb
Photo: Al-Ahram
Hebdo
Mercredi 27 octobre 2010
Iraq.
La
publication par le site
WikiLeaks de
400 000 documents confidentiels révélant de mauvais traitements
commis et couverts par l’armée américaine embarrasse les
Etats-Unis et les autorités iraqiennes,
alors que le pays est en pleine crise politique.
400
000 documents ou 400 000 scandales ?
WikiLeaks a levé le voile cette semaine sur l’une des
affaires les plus embarrassantes pour l’armée américaine,
révélant les cas de mauvais traitements commis ou couverts par
l’armée américaine lors de la guerre en Iraq. Après des semaines
de suspense, le site spécialisé dans les renseignements a
commencé à diffuser vendredi soir 391 831 documents qu’il a
présentés comme « la plus grosse fuite de documents militaires
secrets de l’Histoire ». Les documents mettent en évidence « de
nombreux cas de crimes de guerre qui semblent manifestes de la
part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de
personnes qui tentaient de se rendre », accuse le site dans un
communiqué. WikiLeaks évoque aussi
le comportement de soldats américains « faisant sauter des
bâtiments entiers, parce qu’un tireur se trouve sur le toit ».
Les documents révèlent « plus de 300 cas de tortures et de
violences commis par les forces de la coalition sur des
prisonniers », ajoute WikiLeaks, qui
a aussi dénombré plus d’un millier d’exactions de la part des
forces iraqiennes.
«
Ces documents révèlent six années de conflit avec des détails en
provenance du terrain — les troupes sur place, leurs rapports,
ce qu’elles voyaient, ce qu’elles disaient et ce qu’elles
faisaient », a déclaré sur CNN le fondateur de
WikiLeaks, Julian
Assange. Les dossiers
iraqiens détaillent la mort de
quelque 104 000 personnes en 6 ans, à comparer aux 20 000 morts
du conflit en Afghanistan révélés par les précédents documents
dévoilés par WikiLeaks. « On parle
de cinq fois plus de morts en Iraq, un vrai bain de sang comparé
à l’Afghanistan », a-t-il ajouté, jugeant que « le message de
ces dossiers est puissant et peut-être un peu plus facile à
comprendre que la complexe situation en Afghanistan ».
Les
dossiers révélés par WikiLeaks
dévoilent aussi des détails d’une guerre de l’ombre menée sur le
sol iraqien entre les forces
américaines et l’Iran, notamment l’utilisation par Téhéran de
milices pour tuer ou enlever des
Américains. Les allégations selon lesquelles l’Iran entraînerait
et armerait des milices chiites en Iraq ne sont cependant pas
nouvelles, et les responsables américains, dont des commandants
militaires, accusent depuis longtemps Téhéran de tenter de
diffuser la violence pour saper l’influence des Etats-Unis et
affaiblir leurs alliés à Bagdad. Les documents décrivent aussi
la manière dont l’Iran a armé et a entraîné des escadrons de la
mort formés d’Iraqiens, pour qu’ils
mènent des attaques contre les troupes de la coalition et des
responsables gouvernementaux. Le corps iranien d’élite des
Gardiens de la révolution est soupçonné d’y avoir joué un rôle
crucial, selon les journaux, citant les documents.
Depuis ces révélations, la pression ne cesse de s’accentuer sur
les Etats-Unis. Le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) a
appelé, lundi, Washington à enquêter sur d’éventuels « crimes
contre l’humanité » en Iraq, à la suite de la publication par
WikiLeaks de documents secrets
américains. Le rapporteur spécial de l’Onu sur la torture,
Manfred Nowak, a appelé le président
américain Barack
Obama à lancer une enquête. « Je me
serais attendu à ce que (ce genre d’enquête) soit lancée depuis
déjà longtemps, car le président Obama
est arrivé au pouvoir en promettant le changement ... Le
président Obama a l’obligation de
traiter les cas passés », a-t-il estimé samedi sur la BBC.
Amnesty International a elle aussi
appelé Washington à lancer une enquête, évoquant « une grave
violation du droit international ».
La
secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, tout en refusant
d’entrer dans les détails de ces révélations, a condamné la
fuite de tout document pouvant mettre en danger « la vie des
soldats et des civils des Etats-Unis et de leurs alliés ». Côté
iraqien, les autorités ont
simplement affirmé samedi que les documents secrets américains
sur de nombreux cas de torture et de meurtres de civils durant
la guerre en Iraq ne contenaient « pas de surprise ».
Maliki
dans de beaux draps
Si
ces révélations embarrassent les Etats-Unis, elles risquent
aussi d’avoir un effet négatif sur le premier ministre sortant
Nouri Al-Maliki.
Car le premier ministre est, selon la Constitution, commandant
en chef des forces armées. Pire encore, selon des documents
cités par Al-Jazeera,
Nouri Al-Maliki
aurait eu des liens avec des « escadrons de la mort » qui
semaient la terreur au début du conflit. Les partisans de M.
Maliki sont convaincus que les
révélations visent à déstabiliser l’actuel chef du gouvernement
qui se bat pour se maintenir au pouvoir pour un second mandat. «
Il s’agit d’une campagne médiatique contre l’Etat, et le
processus politique menée par plusieurs groupes comme les
baassistes, des forces régionales et
certains qui ont été lésés par la nouvelle donne politique »,
depuis 2003, a affirmé à l’AFP le député Hassan Al-Sinaïd,
un proche du premier ministre. Le bureau de
Maliki avait réagi dès samedi en déclarant qu’il « y
avait des objectifs politiques derrière cette campagne
médiatique ». « Certains cherchent à utiliser ces documents
contre les dirigeants nationaux, notamment le premier ministre
», avait-il souligné.
Les
opposants de M. Maliki l’accusent
depuis longtemps d’avoir créé, au sein des forces de sécurité,
après sa nomination comme chef du gouvernement en 2006, en plein
conflit confessionnel, des unités chargées de faire les sales
besognes, notamment des liquidations.
Suite à ces développements, la Cour suprême
iraqienne a ordonné dimanche de désigner au plus vite les
plus hauts responsables de l’Etat, près de huit mois après les
élections législatives et au moment où la crise politique
s’approfondit avec les révélations de
WikiLeaks. « La Cour suprême, dans une décision prise
aujourd’hui, enjoint le Parlement de tenir des réunions
régulières et d’accomplir son travail normal. Il doit commencer
par choisir son président et ses deux adjoints, puis procéder,
étape par étape, aux autres nominations », a affirmé à l’AFP son
porte-parole Abdel-Sattar
Bereqdar.
Une
décision qui intervient alors que la crise s’éternise. M.
Maliki et son adversaire
Iyad Allawi
sont toujours en compétition pour former un gouvernement. Le
premier a obtenu 89 sièges et le second 91 dans un Parlement qui
compte 325 députés.
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 27 octobre 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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