Maudite Gaza
Oui, nous avons perdu l’estime du monde !
Abd-Al-Bari Atwane
Photo Sindibad.fr
Oui, le Hamas a commis un coup d’état en
renversant une autorité fantomatique, mais l’aile américaine
du Fatah ne s’apprêtait-elle pas à organiser le renversement
du gouvernement légitime du Hamas ? Les américains n’étaient-ils
pas entrain de mettre en place et d’entraîner dans les pays
avoisinants, une force armée palestinienne de 10 000 hommes chargée
de prendre le pouvoir à Gaza et d’en finir avec le Hamas ?
Oui, nous avons perdu l’estime du monde !
[Cet article est la traduction an arabe d’un éditorial
de Abd-Al-Bari Atwane directeur de Al Quds Al arabi, publié le 18
juin 2007.]
Les derniers évènements qui viennent de se dérouler
à Gaza ont montré que les Palestiniens ont perdu la sympathie
que les nations étrangères manifestaient à leurs égards. Aux
yeux du monde, les palestiniens apparaissent désormais comme des
barbares, manquant de toute culture de dialogue ou de débat
politique.
Comment après toute la sauvagerie des crimes
commis à Gaza, pourrions nous défendre notre cause auprès des médias
arabes ou occidentaux et dénoncer les crimes israéliens ?
Qui parmi nous, pouvait imaginer un instant
qu’on verrait des Palestiniens jeter d’autres Palestiniens
vivants du haut d’un vingtième étage ? Qui pouvait
imaginer que des Palestiniens se feront poignarder dans la rue par
d’autres palestiniens qui traîneront, ensuite, leurs cadavres
dans les rues ?
Les valeurs et les enseignements de notre religion
n’ont jamais autorisé que les maisons des autres soient dévastées,
pillées et brûlées, que les photos de Yasser Arafat, notre Président
défunt soient piétinées, que les radios soient fermées, que
les locaux du syndicat de journalistes soit envahis, que les
adversaires soient liquidés, ou dénudés comme l’ont fait les
israéliens avec les gardiens de la prison de Jéricho après
qu’ils l’aient envahie.
Oui, il est vrai qu’une clique de Palestiniens,
corrompue et liée aux israéliens et aux américains, avait pris
possession de certains services de sécurité à Gaza, qu’elle a
commis des assassinats et qu’elle a pratiqué la corruption matérielle
et morale de la pire des façons ; mais tout cela n’excuse
en rien toutes les exactions commises par le Hamas.
Même quand ces despotes corrompus étaient au
pouvoir à Gaza, les radios des différentes factions de la résistance
continuaient à émettre sans problème, les manifestations étaient
autorisées et même protégées, parfois, par le police.
Aujourd’hui, la première décision de ceux qui se sont proclamés
élus légitimes du peuple, après qu’ils aient pris le pouvoir
à Gaza, était de fermer toutes les stations de radio et de télévision
et de pourchasser les journalistes.
La seule chose autorisée, aujourd’hui à Gaza,
est de féliciter la nouvelle junte pour ces réalisations et pour
avoir débarrassé Gaza de ces chefs corrompus.
C’est de notre droit, nous qui avons toujours été
à coté de la résistance palestinienne, nous qui avions dénoncé
la corruption, la politique israélienne et américaine à l’égard
du peuple Palestinien, ainsi que toute atteinte aux droits
historiques de notre peuple ; de dire notre opinion devant ce
triste spectacle que nous regardons sur les écrans de télévision
du monde entier. Les images ne mentent pas.
Nous aurions espéré que les militants du Hamas
se comportent comme les hommes du Hezbollah et son leader
Nasrallah. Ce parti et ses hommes n’ont jamais, même aux pires
moments de la confrontation avec l’ennemi israélien, tué un
opposant, ni pillé sa demeure, ni envahi des bâtiments
officiels, ni arraché le drapeau national. Sans doute cela est du
à une discipline et une éducation religieuse très noble qui
nous manque cruellement à Gaza.
Il est sûr aussi que des exactions ont été
commises, par l’autre partie, en Cisjordanie. Des locaux et des
bâtiments du Hamas ont été brûlés, des militants malmenés.
Mais nous avons vu aussi le vice-président du parlement législatif,
un membre du Hamas, lire devant les caméras de la presse, un
communiqué dénonçant le nouveau gouvernement, qu’il juge illégitime.
Rien de tel, malheureusement, ne s’est produit à Gaza.
Oui nous le disons haut et fort, le gouvernement
d’urgence que le Président Abbas vient de mettre en place est
complètement illégitime, c’est une catastrophe pour le peuple
Palestinien. Il ne fera qu’aggraver le gouffre actuel en
consacrant la division du peuple entre deux gouvernements qui
s’affrontent. Ce gouvernement d’urgence ne fera que renforcer
le projet américain dans la région.
Certes les américains qui se sont rangés derrière
ce gouvernement illégitime et non démocratique ont déjà annoncé
qu’ils lèveraient les sanctions économiques qui frappent les
territoires palestiniens depuis vingt mois, mais ce qu’ils
souhaitent surtout, c’est d’y trouver, enfin un Karzaï ou un
Maliki palestinien qu’ils pourront fournir en dollars et en
armes.
On aurait mieux compris les intentions de
l’administration américaine et des régimes arabes alliés, si
le modèle américain qu’ils expérimentent en Afghanistan, en
Irak ou au Liban, avait produit les effets escomptés. Or qu’est
ce qu’on constate : un chaos généralisé, des états
absents ou affaiblis, des guerres confessionnelles et un
terrorisme triomphant qui attire tous les groupes extrémistes de
la terre.
Ce qui se passe actuellement en Palestine est le résultat
d’abord de la non reconnaissance américaine des résultats des
élections démocratiques, des veto pro-israéliens, des sanctions
humiliantes prises contre un peuple dont le seul tort est
d’avoir élu démocratiquement, des représentants dont ni les
israéliens, ni les américains ne veulent entendre parler.
Le Hamas a remporté sans aucune discussion, des
élections propres et libres. Il fallait les laisser gouverner,
les aider et les soutenir, mais c’est exactement le contraire
qui s’est passé. Même si nous continuons à penser qu’un
gouvernement sous occupation n’a aucune légitimité et que le
Hamas a commis une erreur historique en entrant dans le jeu
politique, car il n’y pas de démocratie sous l’occupation.
Nous pensions qu’une chance existait pour que
les deux parties reprennent le dialogue et essayent de limiter les
dégâts, hélas ceux du Fatah, qui ont déclaré qu’il n’est
plus possible de reprendre le contact avec le Hamas, se sont
rendus responsables d’une grave erreur qui démontre une étroitesse
d’esprit, l’absence de raison et le triomphe des haines.
Oui, le Hamas a commis un coup d’état en
renversant une autorité fantomatique, mais l’aile américaine
du Fatah ne s’apprêtait-elle pas à organiser le renversement
du gouvernement légitime du Hamas ? Les américains n’étaient-ils
pas entrain de mettre en place et d’entraîner dans les pays
avoisinants, une force armée palestinienne de 10 000 hommes chargée
de prendre le pouvoir à Gaza et d’en finir avec le Hamas ?
Ce qui vient de se passer à Gaza est finalement
une bonne chose pour le Fatah, car ces tristes évènements ont dévoilé
les plans de certains dirigeants qui promettaient aux américains,
contre des millions de dollars, que les heures du Hamas étaient
comptées. Finalement, leurs armées se sont effondrées en
quelques heures face aux attaques des militants du Hamas.
Refuser la victoire du Hamas à Gaza, ne signifie
pas, pour autant, qu’on accepte le dictat américano-israélien,
ni qu’on accepte une nouvelle invasion de Gaza, ni qu’on se résigne
devant le siège imposés aux Palestiniens de Gaza, qui vise à
les affamer en les privant de gaz, de nourritures et d’eau.
Répondre à cette débâcle veut dire examiner et
voir ce qui s’est réellement passé et ce qui l’a provoqué
afin d’en tirer les conclusions qui s’imposent : c’est-à-dire
nettoyer la résistance de tous les éléments responsables de
cette catastrophe et qui ont sali l’image de ce mouvement qui
porte le poids de la cause palestinienne depuis plus de quarante
ans. Un mouvement qui a offert à la Palestine la vie de milliers
de ses militants.
Le mouvement du Fatah ne doit compter que sur
lui-même. Il doit engager un renouvellement de ces cadres et
faire émerger une nouvelle direction nationale qui considère que
l’ennemi du peuple Palestiniens n’est pas le Hamas, mais Israël
qui occupe les terres, commet les massacres et humilie notre
peuple.
Article traduit de l’arabe par Sindibad
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