La contestation en Syrie vue par des
journalistes arabes
Syrie :
Des forces politiques marginales sous la coupe de bandes
armées ?
Bashar al Assad -
Photo: Sana
Vendredi 9 mai 2011
Des formations et des
personnalités libérales et gauchistes syriennes, qui
participent au mouvement de contestation contre le régime,
veulent faire croire qu’elles ont une influence déterminante
sur les événements en cours et réclament, par conséquent, un
soutien extérieur à leur action. En réalité, les mouvements
lancés par des opposants de l’intérieur et de l’extérieur se
sont transformés en ombrelle pour des attaques sanglantes
contre l’armée et les forces de sécurité, qui ont déjà fait
des dizaines de morts et des centaines de blessés dans les
rangs des militaires. Des centaines de victimes civiles sont
également tombées à cause de ces formations qui ont entrainé
les citoyens dans des rassemblements dans lesquels se sont
faufilés des extrémistes armés.
Tout groupe ou personnalité
qui ne prend pas une position claire au sujet de la présence
d’hommes armés et ne se distingue pas en refusant de participer
à des rassemblements qui servent de paravents à des activités
armées contre l’Etat et ses institutions, est complice et
responsable des conséquences de l’insurrection militaire contre
sa patrie. Ce qui se passe actuellement n’a rien à voir avec les
slogans de réforme brandis par des libéraux et des gauchistes
utilisés comme barricades par des extrémistes-takfiristes [1],
responsables de tueries organisées et de la destruction
systématique des administrations et des institutions de l’Etat.
Cette opposition qui se
prétend démocratique et patriotique ne peut pas fermer les yeux
sur la réalité de ce qui se passe en Syrie. C’est-à-dire qu’elle
ne peut pas ignorer le poids central des Frères musulmans,
soutenus par les Etats-Unis, l’Europe, l’Arabie saoudite et le
Qatar, pour miner le rôle national et résistant de la Syrie au
Moyen-Orient.
Toute atteinte à l’équilibre
interne en Syrie à cause des événements en cours aura des
répercussions à deux nivaux : affaiblir la position de la Syrie
dans le conflit israélo-arabe ; permettre aux Frères musulmans
d’en cueillir les dividendes politiques. C’est là le secret de
l’insistance de l’Occident auprès du régime syrien afin qu’il
entame un dialogue avec les « Frères » et avec les personnalités
dissidentes qui ont formé en 2005 un front financé et soutenu
par Saad Hariri et le prince Bandar Ben Sultan.
Ces libéraux et ces
gauchistes devraient savoir que le but de ce front, après
l’affaiblissement de l’Etat, est de se débarrasser d’eux, si,
entretemps, la Syrie n’est pas déchirée par une guerre civile en
raison du démantèlement du pouvoir central. Une guerre qui peut
durer des années sinon des décennies, et qui relèguera aux
calendes grecques les rêves de réformes et de modernisation du
pays. Un peu comme cela s’est passé au Liban dans les années 70
du siècle dernier, lorsque la guerre civile a enterrée avec ses
dizaines de milliers de morts les rêves de réformes politiques
et constitutionnelles de la gauche, pour déboucher, à la fin de
la guerre en 1990, sur un régime encore plus confessionnel,
rétrograde et archaïque que celui qui existait avant 1975.
Pourtant, il n’y a pas lieu de comparer entre la gauche
libanaise des années 70, qui représentait la majorité de la
population, et les démocrates, libéraux et gauchistes syriens,
qui, malgré l’apport de la mouvance islamiste, n’ont pas réussi
à mobiliser dans toute la Syrie, vendredi 6 mai, plus de 50
mille manifestants. Des millions de syriens ont préféré rester
chez eux après les discours sectaires venus de l’étranger et
l’assassinat d’une centaine de militaires par les extrémistes
« démocrates ».
Les personnalités libérales
et gauchistes ressemblent à un petite chorale dirigée par des
chefs sanguinaires des Frères musulmans et des cheikhs
takfiristes et wahhabites. L’uléma saoudien Saleh El-Haidane
n’a-t-il pas émis une fatwa autorisant le massacre « du tiers du
peuple syrien afin que vivent les deux tiers » ? Et le
prédicateur égypto-qatari Youssef el-Kardaoui n’a-t-il pas émis
une fatwa pour précipiter la Syrie dans les affres de la guerre
civile. Aucune de ces personnalités « libérales » et
« démocratiques » n’a osé émettre la moindre critique.
Pourquoi ?
Aujourd’hui, l’heure de
vérité est venue. Au nom des réformes et de la démocratie,
l’Occident veut arracher à la Syrie des concessions concernant
ses constantes nationales dans le conflit israélo-arabe. Les
extrémistes takfiristes veulent, eux, accéder au pouvoir même
s’il faut pour cela démanteler l’Etat et tuer le tiers des
Syriens. D’autres enfin, veulent de véritables réformes… que le
président Bachar el-Assad s’est dit déterminé à mener jusqu’au
bout. Maintenant que les jeux sont faits, à chacun de choisir sa
voie. Le régime, lui, a choisi la sienne : la simultanéité entre
les réformes et la défense de l’unité de la patrie contre ceux
qui veulent la détruire.
[1]
En islam, le « Takfirisme » est une forme d’intolérance
extrêmement violente qui se caractérise par sa propension à
jeter l’anathème non seulement contre des non-musulmans, mais
aussi —voire prioritairement— contre d’autres musulmans. En
Syrie, le takfirisme s’est cristalli sé contre les Allaouites
(qui sont sur-représentés dans les instances politiques et
militaires) et contre les Chiites, particulièrement contre le
cheikh Mohammad Hussein Fadlallah (1935-2010) leader spirituel
du Hezbollah, assimilant son humanisme et son ouverture d’esprit
en matière de démocratie ou de mœurs à de l’apostasie. Ndlr.
New
Orient News (Liban)
Tendances de l’Orient No 30, 9 mai 2011.
Source :
http://www.neworientnews.com/news/fullnews.php ?news_id=30429
Le dossier
Syrie
Les
interviews et analyses de Silvia Cattori
Dernières mises à
jour
|