Rafah, Egypte Medhi Fedouach
Depuis la nouvelle fermeture le
5 février du terminal par les autorités égyptiennes, les
familles palestiniennes sont contraintes chaque jour de venir
tenter le passage de la frontière pour rejoindre maisons et
familles laissées dans la bande de Gaza.
Elles ont fui pendant
l'offensive israélienne du 27 décembre au 18 janvier.
Sans aucun soutien moral ou
financier, femmes, enfants et personnes âgées errent entre les
grilles fermées de la frontière et les petits hôtels situés à
plus de 40 km.
"Je suis arrivé la nuit du 5
février dernier après avoir entendu que la frontière allait être
fermée", explique Ali Houssein Diab, 48 ans, avant de
s'indigner : "J'ai quitté le plus vite possible les Etats-Unis,
après avoir entendu que ça fermait. J'ai ma femme et mes huit
enfants de l'autre côté. Je suis palestinien et je veux rentrer
chez moi. C'est honteux de la part des Egyptiens de nous traiter
ainsi".
"On est pris au piège sans
aucune aide financière, ni même un bout de pain et de plus on
est obligé de se payer chaque jour une chambre d'hôtel. Je veux
que le président Moubarak m'explique pourquoi il nous garde
ici", s'étonne encore cet homme qui travaillait aux Etats-Unis.
Sous un soleil de plomb, au
milieu des familles clouées sur le trottoir au milieu de leurs
valises, Abira Habid 36 ans, replace son voile mauve sur de
grosses lunettes de soleil, avant de raconter avoir quitté Gaza
au milieu des bombardements le 8 janvier grâce à son second
passeport canadien pour se réfugier en Jordanie.
"On est à Rafah depuis une
semaine et chaque jour on nous fait revenir. On peut aller au
Canada, mais notre vie est dans notre pays. De quel droit on
nous garde prisonnier en Egypte. On fera comment quand on aura
plus un sou", explique-t-elle avant d'aller à la rencontre d'un
officier de police.
"Monsieur, ma famille et moi
attendons depuis des jours. On veut rentrer chez nous", souligne
cette mère de trois enfants au policier qui esquisse de la tête
sa compréhension, avant d'expliquer son impuissance face un
problème qui le dépasse.
Les négociations entre le Hamas
et Israël sous l'égide de l'Egypte qui ont lieu depuis plusieurs
jours ont notamment pour objet la réouverture du terminal de
Rafah, entre la Bande de Gaza et l'Egypte.
Les Palestiniens qui veulent
revenir dans leur pays ont le sentiment d'être les otages de
cette négociation. "On sait que les Egyptiens font pression sur
le Hamas pour signer cette trêve (avec Israël). Mais ce n'est
pas notre problème, on veut simplement retrouver notre maison et
nos familles", indique Ali Houssein Diab 48 ans.
"Dans tous les conflits du
monde, les réfugiés peuvent revenir chez eux après la guerre.
Mais nous non ! J'ai ma femme et mes enfants que je fatigue
chaque jour en venant ici avec nos bagages pour rien. On ne nous
respecte pas", renchérit un homme à la barbe grisonnante de
plusieurs jours sous un regard bleu cerné.
Des ambulances orange arrivent
au compte goutte entre les taxis chargés de montagnes d'effets
personnels de Palestiniens tentant le passage.
Après de longues heures
d'attente les blessés palestiniens de l'offensive israélienne et
qui ont fini leur soins dans les hôpitaux Egyptiens sont enfin
autorisés à rentrer chez eux.
Aucune délégation humanitaire,
même Help-Doctors, la seule ONG française présente dans la Bande
de Gaza durant l' offensive israélienne, n'a pu entrer depuis
plusieurs jours alors qu' elle revenait ouvrir un dispensaire
pour maladies chroniques à Rafah.
Des centaines de tonnes de vivre
et matériel humanitaire envoyés de nombreux pays comme la
France, le Maghreb et les Emirats ont arrêté leur course dans la
ville égyptienne d' Al Arish située à 40 km de la frontière de
Rafah pour être entassé dans le stade de la ville.
Devant la frontière la patience
ne suffit plus, une voiture d'officiers de police arrive près du
portail noir fixé sur l'énorme édifice de béton jaune qui marque
la frontière. Iman Abou Daka, une institutrice palestinienne de
52 ans interpelle le gradé installé à l'arrière : "Laissez-nous
rentrer chez nous s'il vous plait", supplie-t-elle avant que le
véhicule ne s'échappe sans réponse.
Devant une centaine de policiers
impassibles, des femmes au long tchador noir assises en tailleur
ont étalé sur le goudron des sacs de dattes, d'huile d'olive et
du lait à vendre.
Ali Houssein Diab regarde vers
la Bande de Gaza : "Vous voyez ces arbres devant. Ma maison est
juste derrière".