Opinion
L'annexion israélienne
de la vallée du Jourdain et du nord de la Mer Morte : un rapport
explosif de B'Tselem
Photo: IRIN
Dimanche 22 mai 2011
L’association israélienne de défense des droits de
l’homme vient de publier un rapport montrant point par point
comment Israël a instauré dans ces territoires palestiniens
un régime qui en exploite intensivement les ressources, à
plus grande échelle que nulle part ailleurs en Cisjordanie,
et a déjà annexé plus des 3/4 de la vallée du Jourdain et du
secteur septentrional de la Mer Morte.
Dépossession et exploitation : la politique israélienne
dans la vallée du Jourdain et au nord de la Mer Morte.
La vallée du Jourdain et le secteur septentrional de la
Mer Morte incluent les plus importantes réserves
territoriales de la Cisjordanie. La zone couvre 1,6 million
de dunams (1 dunam = 1000m2), ce qui constitue 28,8% de la
Cisjordanie. Soixante cinq mille Palestiniens y vivent
répartis dans 29 agglomérations, et environ 15 000 autres
Palestiniens résident dans de petites localités bédouines.
Quelque 9 000 colons vivent dans 37 colonies de la zone (y
compris dans 7 implantations sauvages).
Mainmise sur les terres
Serres des colonies près de ‘Ein
al-Bida, dans la vallée du Jourdain.
Photo : Eyal Hareuveni, B’Tselem, 23 Mars 2011
Israël a eu recours à différents moyens pour prendre le
contrôle de la plus grande partie des terres de la zone :
Des
milliers de dunams ont été confisqués aux réfugiés palestiniens
et utilisés pour construire là les premières colonies, dès 1968
et tout au long des années soixante-dix. Ceci, en violation d’un
ordre militaire.
Par
le biais de manipulations juridiques, Israël a élargi
l’inventaire du « territoire national », de sorte que 53,4% de
la zone, soit quatre fois plus qu’avant 1967, sont désormais
répertoriés comme territoire national.
Israël
a déclaré terrains d’exercices militaires 45,7% de la zone, bien
que ces espaces soient situés à proximité de voies de
communication majeures, le long de secteurs de colonisation
bâtis ou consacrés à l’agriculture, ou encore qu’ils incluent
des terrains de colonisation exploités.
Israël
a enclos environ 20% de la zone en les classant comme réserves
naturelles, alors que seule une petite partie en a été
développée et rendue propre à la visite. Deux tiers des secteurs
classés comme réserves naturelles sont aussi des terrains
d’exercice militaire.
Israël
a confisqué des terres au nord de la vallée du Jourdain pour le
Mur de séparation et a réalisé 64 champs de mines près de la
route du Jourdain. Or l’armée elle-même conteste désormais la
nécessité des mines comme mesures de sécurité.
Par ces procédés, Israël a pris le contrôle de 77,5%
du sol, en empêchant les Palestiniens d’y bâtir, d’y exploiter
la terre ou d’y demeurer. 12% de la zone a été dévolue à la
colonisation, y compris la totalité de la côte septentrionale de
la Mer Morte. La politique israélienne a mis en pièces la sphère
spatiale palestinienne et a isolé les localités palestiniennes.
Au cours des deux dernières années, l’administration civile n’a
eu de cesse de démolir les structures des communautés bédouines
de la zone, bien que plusieurs d’entre elles soient antérieures
à 1967.
Mainmise sur les ressources hydriques.
Ein Uja spring. Photo : Eyal
Hareuveni, B’Tselem, 23 Mars 2011
La plupart des forages israéliens en Cisjordanie – 28 forages
sur 42 – se trouvent dans la vallée du Jourdain. Ces forages
procurent annuellement à Israël quelque 32 millions de mètres
cubes, dont la majeure partie est attribuée aux colonies.
L’attribution annuelle d’eau aux 9 400 colons de la zone, à
partir des forages de la vallée du Jourdain, de recyclage des
eaux usées et de réservoirs artificiels est de 45 millions de
mètres cubes. L’eau allouée aux colonies leur a permis de
développer des procédés d’agriculture intensive et de cultiver
tout au long de l’année, leur production étant pour la plus
grande part exportée. L’eau attribuée aux colonies représente à
peu près le tiers de la quantité d’eau accessible aux 2 millions
et demi de Palestiniens vivant en Cisjordanie.
Le contrôle par Israël des ressources hydriques de la zone a
entraîné le tarissement d’un certain nombre de puits
palestiniens et a conduit à la diminution de la quantité d’eau
que peuvent produire d’autres puits et sources. Par comparaison,
en 2008, les Palestiniens pompaient 31 millions de mètres cubes,
soit 44% de moins que ce qui était produit dans la zone avant
l’agrément intérimaire israélo-palestinien de 1995. A cause de
la pénurie d’eau, des Palestiniens ont été contraints à
délaisser une agriculture qui avait été active et à se rabattre
vers des productions moins rentables.
Dans le gouvernorat de Jéricho, la proportion de terres
consacrées à l’agriculture est la plus faible parmi les
gouvernorats palestiniens de Cisjordanie – 4,7%, comparé à une
moyenne de 25%.
Le contrôle israélien de la plupart des terres empêche par
ailleurs une distribution équitable des ressources hydriques aux
agglomérations palestiniennes de la zone, mais aussi le
transfert d’eau vers des localités palestiniennes qui lui sont
extérieures. La consommation d’eau dans les localités bédouines
correspond à la quantité que les Nations Unies ont fixée comme
étant le minimum pour survivre dans les secteurs de désastre
humanitaire.
Restrictions de mouvement
Tayasir Checkpoint, Jordan Valley.
Photo : Keren Manor, 26
December 2010, Activestills.org.
Dans le cadre de l’assouplissement des restrictions de
circulation en Cisjordanie lancé en 2009, Israël n’a pas
supprimé les restrictions de mouvement dans la vallée du
Jourdain, et ce malgré l’absence de menaces contre la sécurité
dans cette zone. Israël maintient en fonctionnement quatre
postes de contrôle dans la vallée du Jourdain - Tayasir, Hamra,
Ma’ale, Efrayim, et Yitav. A ces postes de contrôle, ne sont
autorisés à passer que les véhicules appartenant à des
Palestiniens qu’Israël reconnaît comme résidents du secteur..
Ces restrictions à la circulation obèrent considérablement la
vie des Palestiniens, dès lors que la plupart des structures
éducatives et médicales supposées ouvertes aux résidents locaux
sont situées hors de la zone.
Restrictions sur la construction.
Cabanes démolies par l’
Administration Civile à al-Farsiya
- Vallée du Jourdain.
Photo : Atef Abu a-Rub, B’Tselem, 19 July
2010.
La politique planificatrice d’Israël dans la vallée du
Jourdain rend impossible aux Palestiniens de bâtir et de
développer leurs agglomérations.
L’administration civile n’a préparé des plans que pour une
fraction minuscule des localités palestiniennes. En outre, ces
plans ne sont rien d’autres que des projets de démarcation, qui
n’allouent pas d’espace pour de nouvelles constructions ni des
expansions. A titre d’exemple, le plan concernant Al-Jiftlik, la
plus grande localité de la Zone C (placée sous contrôle
israélien intégral), a laissé hors de ses limites 40% de
l’espace constructible du village ; en conséquence de quoi, les
maisons de nombreuses familles sont en péril de démolition. Le
plan concernant Al-Jiftlik est plus restreint en surface que
celui qui a été élaboré pour la colonie de Maskiyyot, bien que
Al-Jiftlik compte 26 fois plus d’habitants.
Mainmise sur les sites touristiques.
La plage de bains de mer
israélienne, Bianqini, au nord de
la Mer Morte.
Photo : Keren Manor, 13 March 2011,
Activestills.org.
Israël a pris le contrôle de la plupart des principaux sites
touristiques de la zone – la côte septentrionale de la Mer
Morte, Wadi Qelt, les grottes de Qumran, les sources de la
réserve de ‘Ein Fashkha, et le site de Qasr Alyahud (là où Jean
Baptiste a baptisé Jésus). Des organismes israéliens
administrent ces sites. Israël limite par ailleurs l’accès des
touristes à Jéricho, en les canalisant vers l’entrée sud de la
ville. La conséquence étant que peu de touristes en visite à
Jéricho y passent la nuit, ce qui entraîne de lourdes pertes
pour l’industrie touristique de la ville.
Exploitation des ressources naturelles.
Salle de production à AHAVA, qui
produit des cosmétiques à base de boue de la Mer Morte ‘high-mineral-content’. Photo :
Keren Manor, 13 Mars 2011, Activestills.org.
Israël autorise des entrepreneurs israéliens à exploiter les
ressources de la zone.
La firme de cosmétiques Ahava, dans le kibboutz Mizpe Shalem,
élabore ses produits à partir des boues à haute teneur minérale
de la Mer Morte septentrionale. Une carrière israélienne proche
de la colonie Kokhav Hashahar produit des matériaux de
construction. Israël a également mis en place dans la vallée du
Jourdain des installations pour le traitement de l’eau et
l’enfouissement des ordures en provenance d’Israël et des
colonies.
Le droit international prohibe l’établissement de colonies
dans des territoires occupés et l’exploitation de leurs
ressources.
B’Tselem appelle Israël à évacuer les colonies, à donner aux
Palestiniens accès à toutes les terres qui leur ont été fermées
et à leur permettre d’utiliser à leur usage les ressources
hydriques. En outre, Israël doit fermer les entreprises qui
profitent des ressources minérales et des autres ressources
naturelles dans la zone, et démembrer les dispositifs de dépôt
des ordures.
Source :
http://www.btselem.org/English/Publ...
Centre israélien d’information sur les droits de l’homme dans
les Territoires Occupés. Rapport exhaustif, mai 2012
Dépossession et exploitation : la politique israélienne dans la
vallée du Jourdain et au nord de la Mer Morte.
(Traduit de l’anglais par Anne-Marie PERRIN pour
CAPJPO-EuroPalestine)
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