PCN-TV MOSCOU
Interview de Luc
Michel par Fabrice Beaur

Mardi 15 novembre
2011
A bâtons rompus sur : PCN,
idéologie, praxis, perspectives –
Communautarisme européen –
Résistance libyenne – Comités ELAC &
ALAC – MEDD-MCR – Russie – Belarus –
Transniestrie – Abkhazie –
Grande-Europe – Eurasie – OTAN –
« Révolutions de couleur » –
« printemps arabe » …
En marge d’une Conférence
régionale du MEDD-MCR et
d’ELAC-RUSSIA organisée à Moscou le
14 octobre 2011,
Fabrice BEAUR interviewe Luc
MICHEL pour PCN- TV Moscou.
Verbatim de l’entretien vidéo.
1. Fabrice BEAUR : Tu t’es
exprimé sur l’affaire libyenne. Tu
as pris une part prépondérante dans
la défense de la Libye et critiqué
la position russe officielle. Tu as
écris que « la Russie avait tiré
contre son camp » et qu’elle avait
aussi « perdu un grand allié
géopolitique ».
Tu peux nous en dire plus ?
Luc MICHEL : La Russie a perdu
un grand allié géopolitique en
Libye. Tout à fait ! La politique
étrangère russe dans l’affaire
libyenne est une politique
incohérente et qui va à l’encontre
de tous les intérêts nationaux de la
Russie. C’était l’avis du dernier
ambassadeur de Russie à Tripoli
lorsqu’il est rentré en Russie après
avoir quitté la Libye à la fin du
mois de mars. Venons tout d’abord à
la position de la Libye en faveur de
la Russie. La Jamahiriya de Kadhafi
était le bastion de la Russie en
Méditerranée. Avec la Syrie. Mais la
Syrie est tout à fait dans une
position différente.
Kadhafi était extrêmement
favorable aux intérêts russes. A la
suite de son voyage en Russie en
2009, c’était encore avec Vladimir
POUTINE qu’il avait négocié un
certain nombre de traités. Les
Russes auraient dû disposer d’une
base navale à Benghazi. Ajoutons que
la Russie était devenue le premier
fournisseur d’armes de la Libye et
que les Russes étaient privilégiés
pour de nombreux contrats
pétroliers.
Le problème de la politique
générale de la Russie, c’est que le
coup d’état qui a déstabilisé la
Libye et ensuite agression
occidentale prennent place dans une
série d’événements qui visent en
fait au contrôle par les États-Unis
de l’Eurasie. C’est le programme
défini par Zbigniew Brzezinski dans
« LE GRAND ECHIQUIER ». Et je
rappellerai, parce que c’est quelque
chose qu’on ignore souvent, c’est
qu’au moment de l’élection
présidentielle américaine le
principal conseiller de OBAMA en
politique étrangère était
précisément Brzezinski. Aller
soutenir le renversement du régime
libyen, se comporter avec une
extrême timidité face à l’agression
contre le régime syrien, c’est bien
entendu préparer le terrain à la
future agression contre la Russie
elle-même, qui est le but ultime des
Américains.
2. Fabrice BEAUR : La vague
d’agression contre le monde arabe,
et singulièrement contre la Libye et
la Syrie est de toute évidence une
opération de déstabilisation
occidentale similaire aux
« révolutions de couleurs » opérées
par les USA en Europe de l’Est
depuis 2000 et la chute du Président
Slobodan Milosevic.
Que penses-tu de tout ceci ?
Luc MICHEL : J’ai été le
premier, au début du mois de
février, à attirer l’attention
justement sur les similarités entre
les « révolutions de couleur » et le
soi-disant « printemps arabe ». Ce
qui m’interpellait dès le début,
c’est que non seulement le scénario
est le même que dans les
« révolutions de couleur » en Europe
de l’Est, mais aussi que les acteurs
sont les mêmes. Vous devez savoir
que ce qu’on appelle les
« révolutions de couleur », c’est
une série de coups d’état organisés
généralement à l’occasion
d’élections, mais aussi de troubles
sociaux. Derrière ces opérations, il
y a un ensemble d’organismes qui
sont de soi-disant « O.N.G. », mais
qui en fait sont des organismes
d’État américain camouflés, qui sous
couvert de « promotion de la
démocratie » assurent le financement
des oppositions dans les pays que
les Américains veulent déstabiliser.
Derrière tout ce système, il y
a un groupe international qui
s’appelle OTPOR (en serbe :
« résistance »). C’est le premier
groupe qui a organisé une
« révolution de couleur » avec le
financement des Américains. Ce sont
eux qui ont organisé le coup d’état
contre Milosevic en octobre 2000.
Vous devez savoir que le président
Milosevic se présentait contre
KOSTUNICA, candidat de l’opposition
et de l’Occident, que certains
imbéciles ont appelé le « de Gaulle
serbe » (sic). En fait, MILOSEVIC
avait gagné les élections. Les gens
d’OTPOR se sont répandus dans la
rue, ils ont proclamé la victoire de
KOSTUNICA, qui était à la fois le
candidat de l’Occident mais aussi le
candidat des ultranationalistes
serbes. Et ensuite s’est suivi une
série de journées d’émeutes. La
soi-disant « révolution pacifique »,
puisque OTPOR prétend organiser des
révolutions pacifiques s’est
immédiatement transformée en émeute,
en attaques avec l’occupation du
Parlement serbe, le pillage du siège
de nos camarades du Parti Socialiste
de Serbie, le SPS.
OTPOR ensuite a été transformé
par les Américains, avec d’énormes
moyens de financement, en un
mouvement international. Qui a
organisé à Belgrade, en Serbie, ce
qu’on appelle l’école internationale
CANVAS. Une école où on apprend à
des militants la déstabilisation des
régimes. Les cours sont donnés
depuis 2009 en arabe et la plupart
des activités sur les réseaux
sociaux Internet, mais aussi dans
les émeutes des villes, lors des
soi-disant « révolutions » en Égypte
et en Tunisie, venaient de ce
groupe. Le groupe OTPOR a également
formé et patronné d’autres groupes
similaires, que l’on a vus en
Algérie, au Yémen, au Bahreïn et
aussi dans les tout premiers jours à
Benghazi en Libye.
Comment le sait-on ? Il faut
être aveugle pour ne pas voir !
Parce que la marque de fabrique
d’OTPOR, c’est son logo, un poing
stylisé qui rappelle les emblèmes de
certaines organisations fascistes
dans les années 30. Le drapeau
d’OTPOR, c’est un poing blanc sur
fond noir dans un cercle blanc.
C’est exactement le design du
drapeau des SS, qui avaient deux S
runiques exactement dans le même
cercle noir. Nos camarades
yougoslaves en 2000 appelaient les
gens d’OTPOR les « Madleen Jungen »
par référence à Madleen ALBRIGHT qui
était la secrétaire d’État
américaine à l’époque et qui les
finançaient. La caractéristique de
tous les groupes liés à OTPOR est ce
logo commun. Pourquoi le font-ils ?
D’une part entre eux pour montrer
justement leur solidarité. Mais
aussi parce qu’ils doivent justifier
à leur maître américain les sommes
dépensées.
3. Fabrice BEAUR : Tu as
longuement analysé les liens entre
ces « révolutions de couleurs » et
le soi-disant « printemps arabe »,
sujet dont tu es le grand
spécialiste. Début février 2011, tu
as été le seul à discerner
l’opération en cours et annoncé
l’agression contre la Libye dix
jours avant qu’elle se commence.
Peux-tu nous expliquer les
liens entre tous ces évènements en
Europe, puis dans le monde arabe ?
Luc MICHEL : Je viens de vous
expliquer en fait déjà le modus operandi. Lorsque ont commencé ces
événements dans le monde arabe,
c’est-à-dire à la fin de l’année
2010, j’ai immédiatement été frappé,
avant même que n’apparaissent les
emblèmes d’OTPOR par la similitude
du processus. C’est-à-dire que ce
qui s’est passé en Serbie en 2000,
ensuite au Belarus et en Russie (où
ils ont échoué), en Géorgie, en
Ukraine (où ils ont réussi), au
Kirghizstan (où ils ont réussi),
ensuite de nouveau au Belarus. J’ai
discerné ce processus, ce modus
operandi dans la réalisation.
Mais derrière cette
réalisation, il y a un plan, un
scénario. Ce scénario quel est-il ?
C’est le projet américain du « Grand
Moyen-Orient ». De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de créer une vaste zone
géopolitique sous contrôle
américain, avec un maximum de petits
états, de micros états, si possible
confessionnels ou ethniques. Si vous
regardez ce qui se passe en Irak,
les Américains favorisent
l’éclatement de l’Irak. En Syrie, il
ne fait pas de doute que c’est la
même visée. En Libye, on va opposer
la Cyrénaïque au reste de la Libye.
Le système de contrôle, c’est
donc la balkanisation. Celui qui en
politique qui a inventé la
balkanisation, c’est le cardinal de
Richelieu, dans l’Allemagne du XVIIe
siècle. Lorsque la France, la grande
puissance à l’époque du Continent,
était intervenue dans les affaires
allemandes. Ne pouvant ni dominer ni
contrôler l’Allemagne militairement,
les Français, pour rester justement
puissance dominante, en ont organisé
la balkanisation. C’est la Guerre de
30 ans. La Guerre de 30 ans se
termine par le Traité de Westphalie
et l’Allemagne est divisée en 700
micros états. Je fais cette longue
digression parce que vous devez
savoir que le modèle politique de
Kissinger – et Kissinger est
lui-même le mentor de Brzezinski qui
était son collaborateur -, c’est
précisément le cardinal de
Richelieu.
Ces gens appartiennent à
l’Ecole américaine de Géopolitique
et ils appartiennent aussi à une
autre école, également idéologique
qu’on appelle les néo-Machiavéliens
américains. Pour que vous compreniez
la façon dont ces gens conçoivent la
politique, nous sommes, nous, les
néo-Machiavéliens européens. Leur
vision de la politique repose sur la
géopolitique, sur le fondement de la
puissance des états. Il n’y a pas
là-dedans de moralité et de
sentiment mais des rapports de
puissance.
Pour comprendre comment on est
arriver à ces pseudo
« révolutions », je vous ai parlé
des acteurs, je vous ai parlé du
processus. Mais pour réaliser tout
cela, il y avait avant tout un
scénario. Ce scénario, en fait
personne ne s’est rendu compte que
il avait non seulement été écrit
mais publié sous forme de livre au
milieu de cette décennie, en
2004-2005. Les Américains ont lancé,
sous contrôle de la CIA, une grande
série d’études prospectives.
Qu’est-ce que sont ces études
prospectives ? C’est ce que le
fondateur de cette discipline,
Bertrand de Jouvenel, le grand
politologue français, appelait les
« futuribles ». Comment ça marche ?
Et bien on étudie des spécialistes,
on les fait dialoguer, ont fait une
série de symposiums etc. Et à partir
de ça, on tire des scénarios. Parmi
les scénarios qui ont été esquissés
par les Américains, il y a la
balkanisation du Proche-Orient. Il y
a un scénario « du pire » qui
correspond à un succès gigantesque
de nos idées, c’est-à-dire
l’affranchissement de l’Eurasie
devenant une superpuissance prenant
le rang de première puissance
mondiale sur les États-Unis. Il y a
un scénario islamiste, qu’ils
appellent le « nouveau califat ».
Les Américains ont tiré les
conclusions de ces scénarios. Non
pas qu’ils attendent qu’ils se
réalisent, mais ils en tirent des
leçons pour l’action. Le but de ces
« futuribles », c’est de dire
comment il faut réagir. Et c’est
très simple ! Il faudra d’un côté
empêcher l’émergence de l’Eurasie et
de l’autre côté empêcher l’émergence
d’états islamistes radicaux. La
solution est très simple, c’est le
« Grand Moyen-Orient ». C’est-à-dire
que d’un côté on a donc une série de
micros états à créer. On déstabilise
durablement la zone par la politique
de la balkanisation, cette
déstabilisation touche l’Europe
elle-même. Elle la touche de façon
directe parce que sur le flanc sud
de l’Europe, dans le Caucase et dans
les Balkans, une agitation
islamisant va se développer qui va
nuire à la Russie mais aussi à
l’Union Européenne. Et deuxièmement
il va avoir des troubles dans
l’approvisionnement du pétrole.
C’est de nouveau les sources
d’approvisionnement de l’Europe qui
sont frappées. Et la troisième
raison de ce qui va se passer, c’est
que via l’OTAN on implique l’Union
Européenne dans l’agression des pays
arabes. C’est-à-dire que les
pantins, les marionnettes
« européennes », avec des
guillemets, de l’OTAN font la
politique qui va nuire aux intérêts
fondamentaux de la Grande Europe. Et
notamment ils agressent ceux qui
devraient être nos meilleurs alliés.
Dans le cas de la Libye, c’est
particulièrement tragique, puisqu’on
oublie que Mouammar KADHAFI était un
grand Européen. Il a soutenu l’Union
Européenne, il a soutenu son
émergence comme puissance, il a
soutenu l’Euro en 2008. Ce sont les
Fonds souverains libyens qui ont
sauvé l’Euro en France, en Belgique,
en Italie et en Suisse.
Le scénario de ce que je vous
dis ici à été publié dans un livre
qu’on appelle le « Rapport de la
CIA ». Pas secret du tout puisque
publié en français sous le titre
« LE RAPPORT DE LA CIA. COMMENT SERA
LE MONDE EN 2020 ? » Tout cela n’a
donc rien de confidentiel ou de
secret. Il y a même une édition de
poche en langue française qui est
préfacée par le journaliste sioniste
Alexandre ADLER, où il décrit ce qui
se passe au Moyen-Orient et qui est
annoncé dans ce rapport de la CIA.
technique c’est quoi ? Le
procédé général c’est d’organiser
des troubles dans les états, de
déstabiliser le système que l’on
veut renverser. C’est ce que les
gauchistes n’ont pas compris ! Peu
importe que ces états soient
antiaméricains comme la Libye ou
pro-américains comme la Tunisie ou
l’Égypte. Au sein de ces états, les
Américains veulent voir émerger
d’une part des militaires
pro-américains. Ceux qui sont déjà
au pouvoir en Tunisie et en Égypte,
et ceux qu’ils essayent d’amener au
pouvoir en Libye. Et face à eux, les
Américains souhaitent organiser la
montée de partis islamistes, autour
des Frères Musulmans qui sont de
vieux alliés. Ce sont des alliés de
40 ans des Américains. Le pouvoir
sera alors partagé entre des partis
islamistes comme les Frères
Musulmans, qui vont dominer les
parlements. Mais qui pour rester au
pouvoir vont devoir composer avec
l’armée, qui, elle, va continuer à
contrôler la vie publique, les
forces militaires et l’économie.
C’est un plan particulièrement
vicieux. Pour tous ceux qui ont des
illusions sur le soi-disant
« printemps arabe » (sic), sur la
spontanéité des peuples, sur la
« révolution de la jeunesse » (resic),
il faut savoir regarder ce qui s’est
passé en huit mois en Égypte ou en
Tunisie. En Égypte, c’est toujours
un maréchal qui a remplacé le
général Moubarak. C’est l’armée qui
contrôle et les islamistes qui
s’apprêtent à gagner les élections
en accord avec les militaires. Ce
qui se passe en Tunisie c’est la
même chose. Ce sont toujours en fait
les militaires qui étaient derrière
le régime du général Ben Ali et ceux
qui s’apprêtent à gagner les
élections, c’est la version
tunisienne des Frères Musulmans, le
parti Ennahda. C’est encore le même
scénario que les Américains essayent
d’imposer en Syrie. Toujours avec
les Frères Musulmans.
4. Fabrice BEAUR : Il y a des
élections législatives en Russie le
4 décembre, on annonce précisément
sur les Réseaux sociaux une
« révolution de couleur » au même
moment. Sur un mode opératoire
similaire à ce qui se fait au
Proche-Orient depuis la fin 2010.
Qu’en penses-tu ?
Luc MICHEL : Je dois dire que
c’est mon analyse depuis longtemps.
J’ai toujours dit que l’Europe
serait un jour avec la Russie une
des cibles du mouvement et je l’ai
dit particulièrement lorsque
Medvedev a trahi son allié libyen à
l’ONU. Et ensuite au mois de juin
encore, lorsqu’il a reconnu le
soi-disant « Conseil National de
Transition » libyen.
L’actualité confirme mon
analyse. Parce que il s’agit pas
seulement d’annoncer une
« révolution de couleur », des
événements insurrectionnels en
Russie à l’occasion des
législatives. Il s’agit de quelque
chose qui va beaucoup plus loin
parce qu’il y a une volonté
d’organiser une insurrection armée,
comme en Libye !
Il y a quelques jours, le
sénateur américain McCain se
trouvait à Tripoli. Il faut tout
d’abord savoir qui est McCain. La
plupart des gens en Europe le
présentent comme un « sénateur
américain » ou un « ancien
candidat » à la présidence. Ce qu’il
est effectivement ! Mais McCAIN a
tout à fait une autre casquette.
C’est en fait un des hommes qui
contrôlent justement ce groupe
d’O.N.G. dont nous avons parlé tout
à l’heure, pro-américaines, qui
dépendent des organismes d’État US.
c’est ce financement notamment qui
fait vivre les associations ou les
O.N.G. dépendant de McCAIN et de la
CIA. Directement, il faut voir leurs
budgets ! C’est McCAIN qui les
contrôle donc. McCAIN est allé à
Tripoli je dirais recevoir le
rapport de ses subordonnés.
Et de là-bas il a lancé un
appel. Cet appel n’est pas pour une
« révolution de couleur ». Il a
appelé à une insurrection armée en
Russie ! Qu’a dit McCAIN ?
Simplement que ce qui s’est passé en
Libye est un « exemple » et qu’il
espère que « les Russes vont saisir
l’occasion pour faire à Moscou ce
que les Libyen ont fait » On est
donc maintenant dans un processus
qui n’est pas seulement celui du
« révolution de couleur », mais qui
est celui d’un appel à la guerre
civile.
Pourquoi cette escalade ? Pour
diverses raisons. Mais d’un point de
vue américain – je veux dire par là
que les Européens et en particulier
les Français participent à la même
opération mais ont un autre agenda
et d’autres buts que ceux des
Américains – c’est que l’Amérique
est en crise économique profonde.
C’est maintenant une puissance
économique de deuxième plan. Ils
n’ont plus les moyens d’assurer la
domination du Monde. Donc les
Américains maintenant sont pressés,
le temps joue contre eux, et ils
souhaitent organiser rapidement la
déstabilisation de l’Eurasie et du
Proche-Orient.
Les Américains aussi savent
que leur procédé des « révolutions
de couleur » en Europe de l’Est, en
Europe orientale, est très bien
connu des régimes qui en sont les
cibles. Et qu’ils ont organisé des
contre-feux. Leurs dirigeants
possèdent les mêmes grilles
d’analyse que moi.
Je donnais un congrès avec le
MEDD-MCR, le « VIe congrès européen
du MEDD » à Zawiah, près de Tripoli,
en Libye, les 5 et 7 février 2011.
Et j’ai à la tribune, et ensuite
dans plusieurs interviews attiré
l’attention des frères libyens sur
tout ceci. Et je dois vous dire
honnêtement que j’ai été accueilli
avec des sourires polis. Certains se
sont dit que je devenais fou.
« Qu’est-ce qu’il lui prend ? »
Parce que les Libyens n’avaient
aucune des clés d’analyse, ni la
connaissance pour comprendre ce qui
se passait.
En Europe de l’Est, ce n’était
pas le cas !
Le premier qui a mis un coup
d’arrêt aux « révolutions de
couleur », c’est le président
Lukashenko, à plusieurs reprises, à
partir de 2001. Comment a-t-il
fait ? Il l’a fait très simplement
c’est-à-dire en tenant la rue par un
mouvement de jeunesse, qui est
l’Union de la Jeunesse Républicaine
du Belarus. C’est un mouvement qui
n’est pas très loin des thèses du
PCN, par ailleurs, notamment parce
qu’ils prônent le développement
d’une « civilisation eurasienne »
dans un État fort et socialiste. Il
a également utilisé des moyens de
propagande, des médias de
contre-propagande, par rapport à ce
que font contre lui les Américains
et les Européens. Et ceux qui ont
suivi son exemple, c’est évidemment
le régime de Poutine. L’idée d’une
« révolution de couleur » en Russie
remonte à plusieurs années. Les
Américains organisaient un mouvement
d’opposition tout à fait artificiel,
mais qui dispose de grands moyens
financiers. Nous reviendrons
là-dessus si nous en avons le temps.
Ce mouvement séditieux a tenté à
plusieurs reprises des émeutes, des
insurrections, des occupations de
bâtiments officiels. La réponse de
Poutine a été de s’inspirer de
Lukashenko et de créer un grand
mouvement de jeunesse antifasciste
démocratique, capable de tenir la
rue. C’est le mouvement NASHI « les
nôtres », qui sont par ailleurs des
amis du PCN.
Les Américains, connaissant
cela et sachant donc qu’une
« révolution de couleur » simplement
au départ d’activistes en
insurrection ne marche pas ou plus,
songent évidemment à plonger les
pays qu’ils attaquent dans la guerre
civile.
5. Fabrice BEAUR : La
soi-disant « opposition russe » est
un conglomérat hétéroclite qui
regroupe libéraux comme Kasparov et Kassianov, trotskystes, néofascistes
comme Limonov…
Comment expliques-tu
ceci ?Qu’est-ce qui réunit tous ces
traîtres ? L’argent versé par
l’occident est-il un facteur
déterminant ?
Luc MICHEL : Il y a entre ces
gens trois liens puissants. Le
premier lien c’est le ressentiment.
Le ressentiment parce que ces gens
sont des ratés de la politique. Ils
savent que les Russes ne les
suivront pas. Vous devez savoir que
la politique nationale que fait
Poutine, et qui est soutenue
d’ailleurs par une opposition
véritable, qui est celle de nos
camarades du Parti Communiste de la
Fédération de Russie de Ziouganov,
le KPRF. Ziouganov n’est pas
d’accord économiquement avec
Poutine, mais il est d’accord avec
les grands axes du redressement
patriotique et eurasien de la
Russie. Car c’est son programme !
Comment Poutine a-t-il défini ses
grands axes ? En reprenant purement
et simplement le programme du KPRF,
qui s’inspire des thèses de Jean
THIRIART adoptées par les
Nationaux-patriotes russes en 1992.
La deuxième chose qui unit
tous ces gens, c’est une volonté de
revanche, une volonté de puissance
négative, nihiliste. C’est-à-dire
que ces ratés de la politique
voudraient cependant dominer la
Russie. Ou la détruire !
La troisième chose qui les
unit, elle est claire et nette,
c’est l’argent ! C’est-à-dire que –
et je vais être honnête dans ma
réponse – dans le cas de KASPAROV ou
KASSIANOV c’est de l’argent à titre
personnel. Dans le cas de LIMONOV,
sur lequel je vais m’étendre plus
longuement, ce n’est pas pour mettre
cet argent dans sa poche, mais cet
argent est là pour financer son
mouvement et ses entreprises
culturelles.
Evidemment cette coalition
qu’on appelle « l’autre Russie »
(sic) est un attelage hétéroclite,
pour employer le bon terme français.
Il y a tout d’abord dedans des
libéraux purs et durs. Kasparov,
Kassianov qui est un ancien
ministre, d’autres encore issus des
rangs libéraux de l’ère Eltsine.
Ces gens évidemment rêvent d’une
Russie qui soit une grande
« Amérique », intégrée au Système
mondial. Le deuxième élément ce sont
des éléments d’une certaine
extrême-gauche trotskiste ultra
minoritaire. Le troisième élément
c’est effectivement le mouvement de
Limonov. Limonov, et il faut dire
les choses clairement, a appelé son
mouvement « national-bolchevique ».
Vous savez que la version moderne du
National- bolchevisme a été créée
par le PCN au début des années 80. A
cette époque LIMONOV était un
dissident antisoviétique, qui va
longuement vivre aux Etats-Unis,
dans la prostitution comme le
révèlent ses romans. Il faut lire la
biographie que vient de lui
consacrer que le fils de Hélène
Carrère d’Encausse, Emmanuel Carrère.
Le mouvement de Limonov c’est un
mouvement qui n’est ni «national»
ni «bolchevique». C’est un
mouvement de type purement
néofasciste, dont le mode d’action
est l’activisme violent et dont la
base n’est pas une base sociale,
mais une masse qui regroupe en fait
les milieux les plus marginaux
culturellement. Le mouvement de
LIMONOV, ce n’est pas un mouvement
politique mais un mouvement de
jeunes qui a le culte de la violence
pour la violence. Ce qui était
d’ailleurs une des caractéristiques
du Fascisme mussolinien. Comment
LIMONOV développe-t-il tout cela ?
Il développe tout cela dans une
politique permanente de
confrontation avec les autorités. Et
c’est là que je vais employer un
terme fort, c’est là qu’il se révèle
particulièrement ,dans le sens très
dur que le Français donne à
« crapule ». Pourquoi ? Parce qu’il
engage à longueur d’année des
centaines et des centaines de jeunes
gens, qui sacrifient leur vie, qui
sont exclus des universités, qui
font des peines de prison. Tout cela
pour satisfaire une carrière
littéraire personnelle et un ego
personnel d’artiste raté.
Vous devez savoir que nous
sommes intervenus à une reprise au
moins pour aider une jeune militante
« nationale-bolchevique ». C’est
Alina LEBEDEVA, une jeune militante
russe de Riga en Lettonie. Qui avait
été poussée par LIMONOV à faire un
acte public lors d’une visite du
prince Charles (d’Angleterre) à
Riga. Je vous parle ici des années
2001. Elle avait giflé le prince
avec une rose rouge et la Lettonie,
qui est un État dont les organes
répressifs sont de type quasi
fasciste, s’apprêtait à la condamner
à cinq ans de prison ! Limonov n’a
rien fait pour l’aider, parce que
son but c’est justement cela, pour
satisfaire la publicité de son
mouvement. Cette publicité passe par
une répression médiatisée. Cela
suscite chez moi le dégoût, parce
que je pense qu’on ne joue pas avec
la vie de jeunes gens. Donc ça
l’arrangeait que cette fille prenne
5 ans. Le PCN a fait une grande
campagne. C’était les débuts
d’Internet. Nous avons contacté
notamment tous les parlementaires
lettons et européens, tous les
journalistes, nous avons fait faxer
et téléphoner au gouvernement
letton. Et finalement elle a eu un
mois de prison avec sursis. Et je
vous dis franchement que c’est un
des actes dont je suis le plus
content dans ma carrière politique !
Donc cette coalition « l’autre
Russie », c’est le fer de lance de
la déstabilisation, ce sont des gens
qui sont prêts à détruire leur pays,
à le livrer aux Américains,
simplement pour renverser un régime.
Il n’y a pas d’idéologie là dedans !
Et dans le cas de LIMONOV,
expliquez-moi comment soi-disant ce
mouvement pouvait être « pour
l’Eurasie ». Ce mouvement qui
s’affirmait pour la « grandeur
stalinienne »… Expliquez-moi comment
il peut être dans une coalition
financée directement par l’argent de
la CIA, par les Américains, et dont
le but final est le démembrement de
la Russie. Parce que vous devez
savoir que le projet américain de
destruction de la Russie, c’est un
projet qui était en 1940 celui des
nazis. C’est le projet de Brzezinski,
c’est le projet de Madeleine
Albright. C’est de diviser la Russie
en trois états un État moscovite, un
État sibérien et un État caucasien.
Et c’est-à-dire que la Russie ne
deviendrait même pas une puissance
régionale. Elle ne serait plus
rien !
Voilà les gens que les
États-Unis utilisent pour
déstabiliser la Russie, voilà les
gens que l’on va mettre en action
d’ici quelques semaines au mois de
décembre en Russie. Et nous espérons
que nos camarades de NASHI
évidemment feront leur devoir
patriotique avec fermeté.
6. Fabrice BEAUR : Le PCN est
actif dans de nombreux pays
européens, tant à l’Est qu’à
l’Ouest, ainsi qu’en Afrique. Tu as
particulièrement combattu les
« révolutions de couleurs »,
soutenant la Yougoslavie de
Milosevic dès 1996. Puis des pays
directement agressés comme le
Belarus, la Transdniestrie,
l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la
Libye ou encore la Côte d’Ivoire.
Le PCN ressemble en fait à un
« anti-OTPOR », le bras armé des
« révolutions de couleurs ». Cette
analyse, que font plusieurs
observateurs, te semble-t-elle
exacte ?
Luc MICHEL : Cette analyse que
font plusieurs observateurs de notre
action est peut-être un peu
caricaturale, mais réelle, et n’est
pas éloignée de la vérité. En fait
je pense que pour les gens qui vont
nous écouter, il faut donner plus de
précisions. Donc il y a des études
récentes, parce qu’on étudie
beaucoup le PCN en ce moment. Parmi
nos adversaires, il y a un militant
politique qui joue au «chercheur»
dans une Université du sud de la
France, et qui explique que « le PCN
est une internationale en
lui-même ». Il a raison bien
entendu. La façon dont nous
travaillons, la manière dont nous
nous sommes organisés, la façon dont
nos cadres peuvent militer, parfois
très loin de leur pays d’origine ou
même militer sur plusieurs pays,
tout ça rappelle ce qu’était le
KOMINTERN dans les années 20-30.
La comparaison est aussi
développée par Kornel SAWINSKI,
doctorant de l’Université de
Cracovie, en Pologne. C’est un
chercheur sérieux, contrairement au
plumitif français, qui travaille
beaucoup pour le moment sur une
thèse de doctorat sur Jean THIRIART
et le PCN, sur nos idées. Et à
l’occasion donc de ses recherches,
il a été frappé évidemment par le
fait que non seulement nous
intervenions dans beaucoup de pays
où nous sommes actifs, mais que nous
jouions un peu évidemment le rôle
d’un « anti-OTPOR ». Pas tant que
nous le voudrions, parce que nous
n’avons pas évidemment été financés
ni par la CIA ni par aucun état
d’ailleurs, parce que ça nous
intéresse pas. Nous faisons pas de
la politique pour l’argent, nous
avons donc des moyens limités. Mais
dans la mesure où nous agissons dans
un certain nombre de pays,
effectivement nous sommes à la fois
un mouvement qui forme des gens,
nous sommes un mouvement activiste,
nous sommes extrêmement présents sur
les réseaux sociaux.
Et je vais dire qu’au niveau
des réseaux sociaux, parce que cela
demande moins de moyens, nous
faisons souvent jeu égal avec nos
adversaires. Vous savez que nous
sommes intervenus dans toute
l’Europe et en Afrique pour soutenir
la Jamahiriya libyenne agressée avec
les comités ELAC/Euro-Libyan Action
Committees et l’association-sœur
africaine que nous avons ensuite
créée, lorsque Tripoli me l’a
demandé après la grande Conférence
d’avril 2011 de soutien à la
Jamahiriya, à Tripoli. Donc nous
avons créé une association-sœur qui
est ALAC/African-Libyan Action
Committees, avec des camarades
africains. Nous avons donc développé
une très grande action sur les
réseaux sociaux. Il faut savoir que
les réseaux sociaux sont un des
enjeux, un des terrains d’action
principaux. Précisément parce que
notre mouvement est coordonné via
les réseaux sociaux. Mais aussi
parce que, notamment, les agents de
l’Occident les utilisent pour lancer
une « révolution de couleur » en
Russie pour les prochaines
législatives. C’est sur Internet en
Libye que démarra le coup d’état du
15 février 2011. Sur Internet encore
en Egypte, en Tunisie, en Algérie
etc. Sur les réseaux sociaux nous
faisons donc souvent jeu égal. Ce
n’est pas nous qui le disons, ce
sont nos adversaires. Au mois de
juillet 2011, il y a eu une grande
campagne contre les Comités ELAC et
contre moi personnellement, faite
par e-mails et sur tous les réseaux
sociaux. Et ils expliquaient « qu’en
Europe et particulièrement dans
l’Espace francophone » (Belgique,
France, Canada, etc.) ce qu’ils
appelaient « les pages de soutien
aux dictateurs » (sic)
« regroupaient plus de gens que ceux
qui les attaquaient ».
Donc je pense que cette
comparaison était audacieuse mais
pas inexacte. Elle correspond aussi
à notre projet. C’est-à-dire que
pour nous la politique est quelque
chose de concret. Nous sommes des
gens qui aimons l’idéologie, la
doctrine politique, la géopolitique.
Mais ça c’est la théorie. Vous savez
que je cite souvent cette citation
de Goethe parce qu’elle me plaît.
C’est celle qui disait que « la
théorie est grise mais que l’arbre
de la vie est vert ». Je pense que
l’idéologie doit être mise en
action. Qu’est-ce que c’est notre
Communautarisme européen ? Qu’est-ce
que c’est le PCN ? C’est une praxis,
c’est-à-dire c’est une vision du
monde, une idéologie mise en action.
Donc il faut faire des choses
concrètes.
La différence entre le PCN et
d’autres organisations, ce qui nous
différencie de la plupart des
mouvements dits « extrémistes » ou
« radicaux », c’est que ce sont des
mouvements qui sont dans l’inaction.
Ils sont dans un théâtre politique,
ne font pas d’action sur le concret,
rien du tout. Le PCN depuis qu’il
existe mène des campagnes concrètes,
agit avec des états, notamment la
Libye qui en est un très bon
exemple. Le PCN participe à des
combats et s’engage dans des choses
concrètes avec des succès réels !
C’est l’une de nos caractéristiques
et c’est ce qui fait par ailleurs
que beaucoup de militants nous
rejoignent parce qu’ils ne veulent
plus vivre dans un ghetto politique.
7. Fabrice BEAUR : Nashi aussi
est un bel exemple de réponse
militante à l’interventionnisme
occidental. Que penses-tu de Nashi,
de son développement, de sa
présentation actuelle ?
Luc MICHEL : NASHI c’est le
grand mouvement de jeunesse qui
soutient Poutine. Comme nous l’avons
déjà dit, ce mouvement s’inspire des
anciens KOMSOMOLS, les jeunesses
communistes, dont ils ont repris
notamment la couleur rouge comme
emblème. NASHI est un mouvement qui
tourne très bien et c’est un
mouvement qui a le soutien de l’État
russe. Le chef de NASHI Vasily
YUKAMENKO est ministre d’État en
charge de la jeunesse depuis
quelques années. Nous l’avons
rencontré à Seliger en 2007. Et donc
NASHI est surtout ce que pourrait
être le PCN s’il avait les moyens
financiers de ses ambitions. C’est
un grand mouvement, qui a fait
beaucoup de travail, qui entretient
un grand sentiment patriotique dans
la jeunesse russe.
Nous avons vécu de l’intérieur
son travail. C’est un privilège et
une belle aventure humaine. Nous
avons participé en juillet 2007 au
camp d’été de NASHI « Seliger », sur
le lac Seliger, près de la ville de
Tver à 400 km de Moscou. C’est un
grand camp de jeunesse sous la
tente, qui regroupe entre 10.000 et
20.000 jeunes venus de tout l’ancien
Espace soviétique. Ils viennent
là-bas faire du sport, suivre des
conférences idéologiques, voir leur
force regroupée. Les meilleurs du
camp ont le privilège de rencontrer
Poutine lui-même. En 2007 nous avons
eu l’honneur de participer comme
formateurs à ce camp. Nous avons
envoyé une délégation de cadres
wallons, français et moldaves à ce
camp, où nous avons donné des
conférences. Notamment par moi sur
la géopolitique de la
« Grande-Europe ». Nous y avons vu
une jeunesse extrêmement saine, nous
y avons vu des gens intéressants,
pas du tout cette jeunesse fatiguée
d’Occident, qui sombre dans la
drogue et dans l’alcool. A propos
d’alcool, vous devez savoir que dans
ce camp l’alcool est banni, dans un
pays comme la Russie ou l’alcoolisme
est un grand problème. Ils ont pris
à bras-le-corps ce problème.
Donc je considère NASHI comme
un mouvement-frère ! Ca ne s’arrête
pas là évidemment. Au-delà de ça, il
y a une mouvance en Europe de
mouvements de jeunesse qui
s’inscrivent dans le même
prolongement. Il y a NASHI en
Russie, il y a nos camarades de
PRORIV (Прорыв) en PMR (« Breakthrough »
en anglais, ça veut dire briser le
mouvement et c’est très difficile à
traduire en français). PRORIV c’est
un genre de NASHI beaucoup plus
idéologique d’ailleurs, beaucoup
plus politisé, placé sous le
patronage du Che Guevara. Ils ont
une école de cadres du même nom à
Tiraspol, en République Moldave de
Transdniestrie, qui a aussi pour
emblème Che Guevara. C’est
l’ « Ecole Che Guevara pour le haut
cadre politique ». On revient avec
PRORIV par ailleurs à la réaction
aux « révolutions de couleur »,
puisque PRORIV a été créé pour
empêcher un coup d’état rampant
pro-occidental en République Moldave
de Transdniestrie, pour empêcher
justement une révolution de couleur
là- bas. D’autres mouvements
existent évidemment encore.
Notamment l’Union de la Jeunesse
Républicaine du Belarus, pro-Lukashenko.
Et s’inscrit aussi dans cette
mouvance un peu partout et pas
seulement en Europe de l’Ouest, le
PCN-J, le « PCN jeunesse », notre
organisation de jeunesse. Pourquoi
je dis un peu partout ? Parce que
nous sommes en train de réorganiser
profondément le mouvement. A la
branche du PCN-J actuelle, qui
existe principalement dans l’Espace
francophone, va s’ajouter dans
quelques semaines une branche
turque, une branche pour l’Europe
centrale et les Balkans, et un
bureau de liaison en Russie. Là il
n’est pas question d’aller doubler
NASHI, par exemple, ce qui ne serait
pas productif. Nous souhaitons de
plus en plus travailler avec eux
aussi sur le plan pratique.
Parce que, j’insiste
là-dessus, le PCN ce ne sont pas des
rêveurs, ce ne sont pas des gens qui
jouent aux « journalistes
indépendants ». Ce sont des
militants qui agissent
politiquement. Nous faisons de la
politique, nous ne faisons pas du
journalisme. Nous menons des actions
concrètes comme en Libye. Il y a
déjà eu des actions de cadres du PCN
qui ont encadré les actions de
jeunes de NASHI à Strasbourg et à
Bruxelles, sur la question du
fascisme et des droits des minorités
russes en Estonie, dans les pays
baltes. Nous avons fait campagne
avec NASHI dans les pays baltes. Là
on les a précédé de presque 10 ans,
puisque la première grande campagne
européenne qui a été faite pour
défendre les droits des Russes des
pays baltes, c’est-à-dire des gens
qui sont des citoyens de seconde
zone sans droits civils et
politiques depuis le démembrement de
l’Union soviétique, a été faite par
le PCN dès 1998.
Tout simplement parce que je
connaissais ces pays, Je me suis
marié en 1998 à Riga avec une Russe
et donc je vivais le problème
directement. C’est aussi le cas
personnel de notre camarade Fabrice
lui-même, puisque lui vit maintenant
en Russie où il a épousé une cadre
dirigeante de NASHI, rencontrée à
Seliger en 2007.
8. Fabrice BEAUR : Tu as
théorisé dès le milieu des années
80, avec Jean Thiriart et votre
école « Euro-Soviétique de
Géopolitique » une vision eurasienne
de la Grande-Europe. En 2006, tu as
théorisé le concept des « deux
Europe ».
Ma question sera double :
Peux-tu résumer brièvement ces
concepts géopolitiques ? Et
considères-tu que nos idées ont
gagné du terrain et que les thèses
eurasistes de Vladimir Poutine
s’inscrivent dans la même vision ?
En effet Poutine vient de prendre
publiquement position pour
l’intégration renforcée de
l’Eurasie. Partages-tu sa vision
géopolitique ?
Luc MICHEL : C’est une vaste
question. Mais je vais la résumer
rapidement. Tout d’abord au départ
des concepts. Qu’est-ce que c’était
l’ « Ecole euro-soviétique de
Géopolitique » ? Le nom défini le
contenu, c’est-à-dire que nous
prônions à l’époque, en 1983-1990,
une Grande-Europe de Vladivostok à
Reykjavik. Nous pensions, nous
pensons toujours, que le « Piémont »
de la Grande-Europe ce sera la
Russie ou l’Union soviétique à
l’époque. C’est une Grande-Europe de
type eurasiatique, puisqu’elle
comprend le Caucase et dans notre
vision très large de l’Eurasie les
deux rives de la Méditerranée.
Lorsque l’Union soviétique s’est
effondrée, nous avons transformé ce
concept en prenant dans la réalité
de ce qui existait encore,
c’est-à-dire la Fédération de
Russie, qui est encore une grande
partie de l’Union soviétique.
Comment nous voyons cela ? Nous
voyons une union progressive de
l’Union Européenne, de la Communauté
économique européenne, et de
l’ancienne – j’insiste bien de
l’ancienne – Union soviétique, parce
que ça ne concerne pas seulement la
Russie mais ça concerne aussi toutes
les républiques qui en sont issues,
y compris dans le Caucase.
La clé de ce concept, c’est
donc de comprendre que l’Union
Européenne ce n’est pas uniquement
ou seulement l’Europe. Je vous parle
ici de comment nous l’exprimions
entre 1983 et en 2000. Non seulement
ce n’est pas toute l’Europe mais que
ce n’est pas une Europe qui peut
prétendre légitimement représenter
l’Europe. Tout simplement parce
qu’elle a accepté, et c’est la
trahison interne de l’Union
Européenne, de se placer sous la
sujétion des États-Unis, sujétion
qui est assurée par l’OTAN. L’OTAN,
comme le disait Jean THIRIART, « ce
n’est pas le bouclier de l’Europe,
c’est son harnais », un harnais
comme pour tenir un chien ou un
cheval.
Lorsque la Russie a commencé à
se redresser avec Vladimir Poutine,
le redressement de la Russie s’est
fait au moment où précisément l’UE
elle s’effondrait. Pourquoi l’Union
Européenne s’effondre-t-elle face à
la crise économique ? Elle
s’effondre parce qu’elle a une
contradiction interne, qui est ici
aussi à nouveau la sujétion aux
États-Unis. C’est-à-dire que l’Union
Européenne, c’est un géant
économique et c’est le principal
ennemi économique des États-Unis. Il
y a une guerre économique
Europe-USA. Mais parallèlement à
cela, l’OTAN fait de l’UE la
première des colonies américaines.
Et les pays européens fournissent
aux États-Unis via l’OTAN les moyens
de sa puissance militaire. Nous en
avons l’exemple encore avec la
Libye. Les États-Unis n’ont pas les
moyens actuellement, dans une crise
économique, d’organiser l’attaque de
la Libye et l’ont donc fait par les
pays de l’OTAN.
Lorsque la Russie a commencé à
se redresser, cela s’est fait aussi
avec une vision idéologique de
l’Eurasie, qui est la nôtre, qui a
commencé à se développer au sein de
l’élite politique et militaire.
Je voudrais faire une
parenthèse pour signaler que la
première manifestation moderne des
thèses eurasistes ont été faites par
le PCN en 1986. Nous avons dans la
revue CONSCIENCE EUROPEENNE pour la
première fois parlé des Eurasistes
russes, des Nationaux-bolcheviks
russes d’Oustrialov. Nous avons
développé ces concepts à une époque,
et je vais parler directement parce
que nous ne pratiquons pas la langue
de bois, où certains, comme Douguine,
qui ont ensuite édifié une version
russe de l’Eurasisme, qui est
différente pour beaucoup de la
nôtre, ceux-là fréquentaient les
milieux d’extrême droite classique.
Ils étaient liés au mouvement PAMIAT
et ils ne pratiquaient absolument
pas ces thèses.
Lorsque POUTINE est intervenu,
les thèses eurasistes se sont
développées, elles sont arrivées au
sein du système de POUTINE. Pas
seulement d’ailleurs via Douguine,
comme l’écrivent des spécialistes
comme Marlène LARUELLE, mais par un
canal qui est un peu différent.
C’est-à-dire qu’au début des années
90, le Parti Communiste de la
Fédération de Russie de Guenady
ZIOUGANOV a adopté les thèses
eurasistes et grand-européennes et
il les a adoptées tout simplement
suite au voyage de Jean THIRIART à
Moscou en août 1992, quelques
semaines avant sa mort. Dans la
préface de l’édition italienne du
livre de ZIOUGANOV « STATO E
POTENZA », on rend hommage à
THIRIART. Ces idées se sont
développées aussi dans un autre
secteur de la politique, via
toujours le parti de ZIOUGANOV,
c’est le parti de JIRINOVSKI.
DOUGUINE joue un rôle utile,
parce qu’il faut être honnête, c’est
un grand intellectuel polyglotte.
Nous sommes pas d’accord avec lui en
dehors de la géopolitique, mais nous
sommes d’accord sur la géopolitique.
Son mouvement a soutenu notre action
d’aide à la Jamahiriya libyenne et
je pense que c’est un geste qu’il
faut saluer ! Et DOUGUINE a fait
aussi pénétrer ces idées dans les
milieux militaires, dans les
académies militaires, etc.
Le résultat, maintenant j’en
reviens à votre question en plus
général, c’est qu’au milieu de cette
décennie nous étions devant une
situation donc d’une Russie qui se
redressait et parallèlement d’une
Union Européenne qui s’effondrait.
Nous sommes de ceux pour qui l’échec
de l’Union Européenne a toujours été
pris en compte, déjà au début des
années 60. Comment voyions-nous le
processus européen ? Nous voyions
soit un processus positif
harmonieux, c’est-à-dire que
l’Europe, la Communauté européenne
(qui est le sens de notre
« Communautarisme européen » et pas
celui qu’on donne à ce terme aux
USA), l’Union Européenne serait
passée au stade d’un État
fédéraliste puis d’un État
supranational. Les bases de cet
Etat, c’était la monnaie unique ce
qui a été fait, mais c’était aussi
une diplomatie et une armée
indépendantes, un gouvernement
indépendant. Et ça, soyons clairs,
ils ne le feront jamais à cause de
l’OTAN ! A cause de cela, l’Union
Européenne c’est un échec programmé.
J’ai été frappé en 2005-2006
par les prises de position de
Vladimir POUTINE, mais aussi par
certains des idéologues du régime,
comme SOURKOV, par exemple. Qu’elle
était cette position ? C’est que de
plus en plus la Russie visait à
créer une autre Europe. Ce que j’ai,
moi, théorisé sous le nom des « deux
Europe ». Il s’agissait de
reconstituer au départ des pays de
l’ancienne Union soviétique une
série d’unions. Il y a notamment
l’Union Economique Eurasiatique,
c’est de ça que POUTINE vient de
parler en la renforçant, c’est une
espèce de Communauté économique
européenne. C’est comme ça que
l’Union Européenne a démarré, mais
il y a également une Union politique
et une Union douanière entre le
Belarus et le Kazakhstan. Il y a
aussi une union militaire qui est
l’OTSC, l’Organisation du Traité de
Sécurité Collective, qu’on appelle
aussi le « groupe de Shanghai ». Et
là, c’est clairement une anti-OTAN,
c’est-à-dire que c’est un groupe qui
vise à s’opposer à l’OTAN. En outre,
en terme de puissance militaire, il
faut savoir que ce « Groupe de
Shanghai » militairement parlant a
des moyens supérieurs à ceux des
États-Unis et de l’OTAN.
Et ceux qui font des rêves sur
« un XXIe siècle américain » se font
beaucoup d’illusions. Parce que dans
le « Groupe de Shanghai » il n’y a
pas seulement la Russie mais aussi
la Chine. Les Américains ont perdu
la guerre en Irak, ils l’ont perdue
en Afghanistan. Et la toute petite
Jamahiriya libyenne, avec ses 6
millions d’habitants, elle résiste
vigoureusement. Et je vous dis que
c’est pas fini ! Dans toute la
Libye, des villes résistent
maintenant depuis six mois à toutes
les puissances occidentales, y
compris ces grandes puissances
militaires que sont les États-Unis,
la France et la Grande-Bretagne.
Dès lors qu’elle concerne les
deux Europe, c’est assez simple de
dire qu’une « seconde Europe »
existe. Et nous pensons, nous, que
c’est cette Europe-là qui incarne la
légitimité. Parce que cette seconde
Europe est indépendante. Il n’y a
aucune légitimité en Europe de
l’Ouest avec l’Union Européenne.
Parce que c’est quoi l’Union
Européenne ? Ce sont les Kollabos
des Américains, exactement comme la
France de Pétain face au IIIe Reich
n’avait aucune indépendance. Cette
« seconde Europe » va aller en se
développant de plus en plus, elle
couvre une immense surface
territoriale, quasiment l’ex Union
soviétique moins les Pays baltes et
la Moldavie. Il y a là d’immenses
réserves matérielles. Et dont elle
est appelée à se développer. Elle
est appelée aussi à être un
contre-modèle au fur et à mesure que
s’affirmera l’échec de l’Union
Européenne.
J’ajouterai que cette thèse
des « deux Europe », c’est un
concept qui remonte encore plus
loin. Au milieu des années 30,
certains théoriciens politiques, en
France et en Belgique notamment, ont
à l’époque eux aussi parlé de « deux
Europe ». Ils parlaient alors peu de
la Russie, mais de l’Europe
occidentale et de l’Europe centrale,
Hongrie, Roumanie et Pologne etc.
Qu’ils voulaient réunir déjà à
l’époque dans une Europe unie.
L’idée pan-européenne n’est pas
nouvelle, c’est alors que le jeune
Jean THIRIART – il est né en 1922 –
fait l’acquisition de sa conscience
européenne. Alors comme aujourd’hui,
ces « deux Europe » sont
économiquement complémentaires. Et
le but évidemment c’est que de ces
deux Europe on passe à une Europe et
à un État supranational.
J’ajouterai deux choses
directes. Et on en revient à la
praxis politique. C’est-à-dire que
nous considérons que le PCN et notre
idéologie, le Communautarisme
européen, ont un rôle central à
jouer, en étant une réserve d’idées
et un Think-Tank comme disent les
Américains, en fournissant des
concepts. Vous devez savoir que la
seconde Europe eurasiatique c’est en
grande partie beaucoup de nos
concepts. Ceux qui refusent de le
voir et de le constater sont
malhonnêtes et veulent nous nuire.
Nous pensons qu’il y a la
place dans ce processus pour un
mouvement activiste, et pas
seulement dans la défense des pays
de la seconde Europe : la Russie, le
Belarus, les Etats de ce qu’ on
appèle, la « CEI-Bis », c’est-à-dire
la Transdniestrie, l’Abkhazie,
l’Ossétie du Sud. Nous nous sommes
engagés sur le terrain, nous avons
participé directement en 2006-2008
lorsque ces républiques ont mené le
combat capital pour l’existence de
leurs états, nous sommes allés sur
place, nous les avons aidé. Nous
avons apporté logistiques, une aide
médiatique. Nous avons participé à
l’organisation notamment de leurs
référendums d’indépendance.
Et nous nous sommes bien
entendu décidés à continuer en
apportant au service de l’idée de la
Grande- Europe un mouvement à la
fois idéologique et activiste,
transnational, unitaire, organisé.
C’est la définition même du PCN !
Fabrice BEAUR, pour PCN-TV,
Moscou.
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