- Vous accusez les
services de l’Etat, la police et la
justice, d’organiser la situation de
chaos que connait la Corse ?
- Absolument. Certains
fonctionnaires de l’Etat. Nous avons
les preuves que, lors de gardes à
vue, ces fonctionnaires de police
ont prononcé des noms, donné des
explications de situation qui sont,
pour la plupart, les unes plus
farfelues que les autres, annoncé
des morts, fait des montages et des
manipulations extraordinaires, même
à des membres de notre exécutif. A
chaque garde à vue, c’est
systématique, les policiers vous
annoncent qui va vous tuer, qui va
tuer un tel, pourquoi il va le
faire… C’est une situation
insupportable, qui ne peut plus
durer.
- Dans quel but, selon
vous ?
- Le but est clair. Même si
celui, qui sort de garde à vue, ne
donne pas de crédit à ce qui a été
dit, il est obligé de craindre ce
qui peut arriver. Il est confronté
au poids de l’information, juste ou
pas, qui concerne un ami ou une
personne connue. Cette information,
doit-il la partager et participer à
la démarche d’intoxication et de
manipulation ? Les services de
l’Etat ont une façon de faire
barbouze, terriblement mortelle et
mortifère.
- Insinuez-vous qu’ils
insufflent la peur de l’entourage et
arment les bras des assassins ?
- C’est exactement ça. Et c’est
clair pour la grande majorité de
l’opinion publique corse. C’est le
fait de certains fonctionnaires et
services de police que l’on
pourraient changer. On a changé le
chef de la police corse tout
simplement parce que des individus
avaient piétiné une pelouse. Là,
malgré des résultats terriblement
mauvais et décevants, on ne change
pas et on ne modifie pas la méthode.
Au contraire, on continue à
maintenir un climat de suspicion
avec des informations et des
montages abracadabrants qui plongent
notre société dans le chaos et la
déstructure. Faites un tour dans
certains villages, vous verrez la
peur et des gens qui se méfient les
uns des autres parce que tout et son
contraire ont été dit sur leur
compte.
- Changer les
fonctionnaires servira-t-il à
quelque chose si c’est la politique
de l’Etat qui est en cause ?
- Changer de fonctionnaire, nous
ne sommes pas à même. Changer de
politique, nous pouvons l’insuffler,
c’est de notre ressort, c’est même
de notre devoir. J’espère que le
peuple corse, dans son entier, va
prendre conscience que ce qui se
passe ici n’est pas une fatalité,
pas plus que n’est une fatalité ce
qui se passe dans les banlieues Nord
de Marseille avec les tirs à la
kalachnikov et le trafic de drogue.
C’est l’Etat qui délaisse certains
pans du territoires.
- Demandez-vous plus
d’Etat ?
- Pour nous, nationalistes, c’est
difficile de demander plus d’Etat,
de cet Etat qui, justement,
participe à la déstructuration de
notre peuple depuis notamment 40 ans
avec ce qui s’est passé dans
l’agriculture, la culture, la langue
corse, etc. Le PADDUC était le
pilier, le pont avant de la
politique de l’Etat en Corse,
c’est-à-dire d’un développement
spéculatif fait pour la grande
finance au détriment du peuple
corse. Cette stratégie-là a été
bloquée démocratiquement. L’Etat y
répond par une tentative, à travers
des bandes organisées, d’imposer sa
politique, notamment avec la
récupération du foncier en créant
des zones urbanisables et
constructibles. Il livre en pâture
notre territoire.
- Vous prétendez qu’à
cause du PADDUC et de cet enjeu de
spéculation foncière, l’Etat
organiserait la violence ?
- Exactement. L’Etat fait d’une
pierre, deux coups. Son idée est de
détruire ce ciment qui existe encore
entre les Corses en jetant la peur
et la suspicion de l’un à l’autre,
et de nous empêcher de monter un
projet fiable et commun. En même
temps, il met en avant son projet de
développement qui sert ses amis, les
grands groupes financiers qui vont
pouvoir spéculer librement,
notamment au niveau touristique.
- Réagissez-vous aussi en
tant qu’agriculteur ?
- En effet. Nous sommes les
premiers à pâtir de la spéculation
immobilière, mais nous ne sommes pas
les seuls. Il y aussi les ménages
qui n’arrivent pas à se loger, des
entreprises qui n’arrivent pas à se
monter ou qui ne sont pas
concurrentielles à cause du loyer du
foncier, des emplois qui ne sont pas
créés. La Corse est plongée dans une
ambiance d’argent facile et de peur
généralisée.
- Les Corses ont-ils peur
?
- Oui. Quand des voitures de
premier adjoint brûlent, des mairies
sont plastiquées, des tirs à
chevrotines sont effectués sur des
voitures d’un maire ou de sa
famille… C’est la peur qu’on
installe en Corse. Combien
faudra-t-il encore de morts pour que
les gens, qui sont les plus
conscients dans notre société
c’est-à-dire les nationalistes,
réagissent de manière globale en
entraînant toute la population corse
afin de mettre en avant ce vrai
projet et dire NON à la manipulation
de l’Etat ? C’est notre rôle de dire
: nous voulons la paix, travailler,
avoir un projet où chaque Corse a sa
place, puisse s’épanouir, vivre,
élever sa famille en paix,
simplement et honnêtement.
- Certains services de
police et de justice estiment que
derrière les assassinats liés à la
spéculation foncière, il y a aussi
des nationalistes. Que répondez-vous
?
- Il ne faut pas confondre la
spéculation immobilière et la
construction de logements. La
spéculation est d’acheter à un et de
revendre à 10. Ce jackpot, ce
rendement n’existe nulle part
ailleurs qu’en Corse, notamment sur
l’immobilier. Je ne vois pas comment
les nationalistes, qui ont toujours
combattu cette spéculation,
notamment en protégeant le littoral,
peuvent être accusés d’être les
premiers spéculateurs. En inventant
des choses abracadabresques, l’Etat
se défend d’un bilan lourd : plus de
150 assassinats et tentatives
d’assassinats. C’est lui qui a la
compétence régalienne de gérer ce
problème, de mettre un frein à tout
ça. Il ne le fera pas car il a
d’autres projets pour ce peuple.
- Des représentants de
l’Etat et des candidats à la
présidentielle pointent du doigt la
responsabilité des Corses et
affirment que c’est à nous de régler
la violence ?
- Cela veut dire que moi, vous,
n’importe quel père de famille
sommes responsables de la violence !
C’est choquant ! La Corse n’est pas
indépendante. Si elle l’était, ce
serait à la CTC d’exercer les
compétences régaliennes de la
justice et de la police et d’être
jugée sur sa capacité à les assumer.
Mais, aujourd’hui, ceux qui doivent
être jugés pour ne pas mettre en
oeuvre leurs responsabilités, c’est
Paris et l’Etat français. Ce n’est
pas l’Etat corse qui n’existe pas !
Propos recueillis par Nicole MARI