Mercredi 10 novembre 2010
http://www.gilad.co.uk/writings/robert-wyatt-gilad-atzmon-in-haaretz.html
Le quotidien israélien Haaretz a publié une longue interview de
Robert Wyatt et de moi-même. C’est un texte très intéressant. Je
mentionne, par ailleurs, que ce journal israélien ne m’a pas
censuré. Il m’a permis de parler de tout : des juifs, du
judaïsme, de la judéité, de la gauche juive, du sionisme, de la
barbarie collective israélienne, etc, etc.
Hantés par des
fantômes
Yaron
Frid
in Haaretz
http://www.haaretz.com/weekend/magazine/haunted-by-ghosts-1.319263
Le
saxophoniste se revendiquant antisioniste Gilad Atzmon et la
légende du rock progressif Robert Wyatt ont décidé de s’allier
pour produire de la magie musicale et du « bruit politique ».
En 1963 un
bébé nous est né, en Israël. En 1972, un homme est tombé du
troisième étage (ou du quatrième, les opinions divergent), en
Angleterre, en pleine nuit. Tous deux ont décollé sur les ailes
de la musique et la vie allait organiser, un beau jour, une
rencontre étonnante entre eux.
[ Chanson Les Fantômes à
l’intérieur
par Gilad Atzmon
http://soundcloud.com/gilad-atzmon/the-ghosts-within ]
C’est une
histoire triste, accompagnée d’une bande son déchirante composée
de la plainte d’un saxo et du pleur d’une clarinette. C’est
l’histoire de personnes déplacées sans pays de rechange, mettant
en scène des criminels de guerre, des chasseurs de nazis et
Dieu, dans un rôle de camée tempéré par de larges rasades
d’ironie et quelques miettes d’espoir.
Matin.
Pluie. Grève des trains. Soho, Londres.
Qui est ce
gars massif claquant la langue, dans ce café italien, en train
de s’envoyer un sandwich au schnitzel (arrosé de thé), qui
m’accueille avec des compliments du genre : « Alors : toujours
pas de lumière, au bout du tunnel israélien ? » ou encore : « Je
pense qu’il y a quelque chose d’intenable, tout simplement
intenable, dans le fait que les juifs, qui ont tellement
souffert de discrimination raciale, aient été capables de créer
un Etat fondé sur des lois racistes » ? Et, pour faire bonne
mesure : « Je suis à mort contre l’existence de l’Etat juif ».
Le jour
vient de se lever (je le rappelle, juste au cas où…).
Good morning
à vous aussi, Gilad Atzmon !
Le fait que
ce café soit situé en face du célèbre club de jazz de Ronnie
Scott donne un indice subtil au sujet de l’identité d’Atzmon, un
des musiciens de jazz les plus célébrés et les plus demandés au
monde, qui ne cesse de gagner en gloire – ou de la détruire
totalement, cela dépend de celui à qui vous posez la question –
quand sa bouche n’est pas occupée à autre chose, comme, par
exemple, à souffler dans un saxophone (ou à mâcher un schnitzel).
Atzmon
affirme s’occuper non pas de politique, mais d’éthique. Dans son
cas, ce n’est peut-être pas là simple question de sémantique. Ou
de cosmétique.
Mais nous
sommes venus ici pour parler de musique. Et de beauté. « Cette
beauté qui jaillit tout simplement de vous », dit-il, « sans
effort, inconsciemment, dans les instants les plus merveilleux
de créativité et, quand cela se produit, vous comprenez que vous
n’êtes qu’un transmetteur de l’esprit, de quelque chose qui vous
dépasse, sur lequel vous n’avez absolument aucun contrôle. Je
n’ai aucun rapport, personnellement, avec cette beauté. Moi, je
mange des schitzels, c’est tout. Je ne suis que le messager. Je
ne cherche pas la beauté ; c’est la beauté qui me trouve et qui,
à travers moi, trouve son chemin vers le monde… ».
Et il y a
plein de beauté qui trouve son chemin dans le monde, dans « Pour
les Fantômes à l’intérieur de nous », le nouvel album publié par
Atzmon et ses partenaires musicaux, un album qui a d’ores et
déjà fait l’objet de recensions dithyrambiques dans la presse
musicale britannique, qui le saluent comme « la surprise de
l’année », avec des descriptions extatiques d’anges pénétrant
dans le cœur de l’auditeur. Dans cet album, Atzmon a collaboré,
en tant qu’instrumentiste, que compositeur, qu’arrangeur et que
producteur musical, avec Ros Stephen et Robert Wyatt.
Oui, vous
avez bien lu : le grand Robert Wyatt
himself. Un
personnage culte, un des pères et des pionniers du rock
progressif. L’un qualifie l’autre de génie, et réciproquement :
« Nous avons conclu un pacte mutuel de génie », s’amuse Atzmon,
tandis que Wyatt dit : « C’est un énorme honneur pour moi, et ça
n’est absolument pas évident que Gilad ait accepté de travailler
avec moi. Gilad est un musicien étonnant, étonnant ».
Mais, à en
juger par les gens avec lesquels Wyatt a travaillé – Jimi
Hendrix, Mike Oldfield, David Gilmour, Paul Weller, Syd Barrett,
Brian Eno, Bjork (une « créature céleste », a soupiré Wyatt)
entre autres, il est évident que l’honneur est également, à n’en
pas douter, pour Atzmon.
Celui-ci a
joué avec Paul McCartney, mais sa collaboration avec Wyatt,
soixante-cinq ans, unique objet de son admiration qui traverse
les goûts musicaux, les générations et les catégories sociales
(tout juste à l’instar de Thom Yorke, de Radiohead), c’est
quelque chose, dans le genre promotion et certificat d’honneur,
qui ne fait que bétonner encore davantage le prestige d’Atzmon
dans l’industrie musicale britannique.
Wyatt est
cet enfant terrible hippie qui est aujourd’hui un gourou à barbe
blanche, une sorte de trésor national secret, un authentique
survivant, quasi inclassable. Percussionniste du groupe Soft
Machine (d’où il s’est fait jeter – jusqu’à ce jour il affirme
qu’ « il n’y a rien de pire, dans l’existence, que
l’humiliation ») et dans le groupe Matching Mole, il est né pour
la seconde fois en tant que chanteur créateur de chansons après
être tombé de cette fameuse fenêtre, à Londres, durant une
biture qui avait échappé à tout contrôle (Pink Floyd avait
immédiatement rallié sa cause, organisant un concert de charité
afin de l’aider). Cette chute vertigineuse l’a condamné au
fauteuil roulant à vie.
Rares sont
les musiciens à avoir connu un tel cursus : psychédélique, punk,
post-punk, avant-garde, fusion et, aujourd’hui, jazz « clean »,
avec ses propres figures de style.
Wyatt a
épousé Alfreda (Alfie) Benge, qui est venue de Pologne en
Angleterre en tant qu’enfant réfugiée de guerre. Elle crée les
illustrations ornant ses albums et elle a jadis écrit une
chanson au vitriol au sujet de l’alcoolisme de son compagnon
(qui se serait défait de son addiction, mais ça n’est pas
vraiment sûr) qu’elle appelle « son grand bébé », alors que lui,
il l’appelle « la face sombre de ma Lune ». Il enregistre ses
albums, qui ne sont comparables à rien, et qui sont toujours
accueillis comme des « événements », dans un studio aménagé chez
lui. Il a une voix au vibrato particulier (une sorte de marque
de fabrique) que le compositeur et musicien Ryuichi Sakamoto a
qualifié « de son le plus triste qui soit au monde ». Wyatt a
survécu à des périodes de dépression sans fond, suicidaire et
durant des décennies entières, il a fait tout son possible pour
ne pas jouer ‘live’. (« A mon avis, il a le trac », dit Atzmon).
Au cours
d’une interview accordée au Guardian en juin 2009, Wyatt a
distingué Atzmon, qu’il a qualifié de « plus grand artiste
vivant », notant que celui-ci est « né en Israël, que,
personnellement, je préfère appeler la Palestine occupée ».
Atzmon,
quant à lui, dit que Wyatt est « un génie du genre de ceux que
Kant décrit si bien : un génie qui, apparemment, n’y est pour
rien dans son propre génie, un génie qui crée, apparemment, de
la beauté à partir de rien, ex nihilo. Il est totalement
transparent. Alors, à travers lui, vous voyez la lumière… »
La tranquillité avant l’orage
Leur
histoire d’amour a commencé « il y a environ dix ans », dit
Atzmon. « Lors d’un festival, une femme du nom d’Alfie est venue
me voir et m’a dit que son mari était musicien, qu’il aimait ma
musique, mais qu’étant très timide, il n’osait pas venir me
parler.
« Mais
qu’il vienne, il n’y a pas de problème », lui répondis-je.
Robert s’approcha alors de moi, il me dit qu’il était musicien
amateur (ou qu’il pianotait, quelque chose dans ce genre, car il
est extrêmement modeste) et il m’a donné sa carte de visite. Je
n’avais pas la moindre idée de qui il était et j’ai mis cette
carte de visite dans ma poche, sans même l’examiner. Peu après,
quelqu’un m’a demandé de quoi j’avais parlé avec Robert Wyatt…
Je me suis
exclamé : « La vache, sans déconner ? C’était Robert Wyatt ?!!
Dire que j’ai grandi avec sa musique !! »
Ils se sont
mutuellement invités en tant qu’artistes dans leurs albums
respectifs, y compris ceux
de Wyatt, qui firent un tabac, en 2003,
‘Cockooland’ et ‘For
the Ghosts Within »
(la chanson « The Ghost
Within » comporte plus d’une allusion à des Palestiniens se
tenant assis sous des oliviers, attendant la rédemption sur les
rives de la Rivière de la Honte). L’album est sous le label très
tendance Domino, l’orchestre inclut les
Arctic Monkeys. Wyatt
y adopte le rôle du chanteur maison, il y exécute des
interprétations bouleversantes de standards jazzistiques tels
que dans « In a
Sentimental Mood », ainsi que de nouveaux morceaux composés
et arrangés par Atzmon et le violoniste Ros Stephen. Le résultat
est quasiment une affaire familiale (l’épouse de Gilad, Tali,
chante un solo merveilleux et celle de Bob, Alfie, a écrit une
partition puissante, tandis que la compagne de Ross fait partie
des musiciens). Tendre et mélancolique, cet album n’est qu’une
partie de la panoplie des contradictions illusoires et élusives
d’Atzmon, lequel est à la fois hanté par des fantômes et des
démons et rempli de gentillesse et de rage, de naïveté et de
profondeur, d’entêtement et d’ouverture, d’irascibilité et de
tranquillité.
« La
première fois où je l’ai invité à jouer sur un de mes albums »,
se rappelle Wyatt, « Gilad m’a mis en garde sur le fait que cela
risquait de poser problème. Je ne pense pas qu’il recherche
délibérément les anicroches : c’est elles qui finissent par le
trouver… Mais cela ne m’a pas dissuadé. J’ai déjà été traité de
« stalinien » ou de « traître », voire pire, simplement parce
que je n’étais pas d’accord avec la politique étrangère du
gouvernement britannique. Mais ça n’est rien, comparé à
l’assassinat en règle dont est victime Gilad. Il prend
énormément de risques avec ses remarques, dont la plupart sont
extraites de leur contexte ou présentées de manière biaisée, si
bien que son intention réelle ne peut être comprise
correctement.
« Personnellement, je ressens parfois le besoin de protéger
Gilad », poursuit Wyatt » ; « c’est presque de l’instinct
paternel – après tout, Gilad pourrait être mon fils. Mon amitié
pour lui est une des choses les plus importantes et les plus
chargées de sens qui me soient arrivées dans la vie. Je l’aime
vraiment. Et j’admire son courage. D’aucuns le qualifieront de
brouillon et de désinhibé, mais il ose dire des choses que
personne d’autre que lui n’oserait dire. Personnellement, j’en
mourrais de trouille. Il reçoit des menaces de mort, mais
j’espère que cela n’est pas sérieux. Il n’apprécie pas les
manifestations de haine à son encontre, mais s’il cause de la
peine ou de la haine, il n’en a rien à cirer, parce que c’est sa
vérité et, contrairement aux hommes politiques ou aux
diplomates, Gilad est engagé vis-à-vis de sa vérité. C’est
quelqu’un de tellement doux, vraiment : il ne ferait pas de mal
à une mouche… et j’apprécie sa chutzpah, je la trouve
fantastique. Il y a chez lui quelque chose de la tradition des
grands comiques juifs, comme Lenny Bruce, qui n’ont jamais peur
de heurter les gens. »
Ce serait
une grossière erreur que de croire que la musique d’Atzmon
serait marginale et négligeable en comparaison de tout le bruit
qu’il s’arrange pour créer vingt-quatre heures sur vingt-quatre
en tant que militant pro-palestinien antisioniste populaire et
célèbre. Sa musique est importante, superbe, incomparablement
sublime et reconnue pour telle par plusieurs grands prix
internationaux.
« Je joue
toujours à guichet fermé, où que ce soit dans le monde entier »,
explique le jazzman le plus occupé de Grande-Bretagne, presque
sèchement. Mais ne nous y trompons pas. Même quand Robert Wyatt
chante « At Last I Am
Free » (Enfin, je suis libre), dans le nouvel album, pour ne
pas mentionner le rab arabe :
« People dying of thirst/
People are dying of hunger/ We haven’t forgotten/ And we won’t
forget until the day we return » (Des gens mourant de soif/
Des gens mourant de faim/ Nous n’avons pas oublié/ Et nous
n’oublierons pas, jusqu’au jour de notre retour »), ou cette
« flûte de berger palestinienne », un des instruments dont
Atzmon joue dans cet album, d’après le fascicule qui
l’accompagne, le bruit finit toujours par pénétrer, si ce n’est
par la porte, alors, par la fenêtre, et Atzmon ne se fatigue pas
beaucoup, c’est le moins que l’on puisse en dire, pour l’en
chasser.
Pathétique et absurde
Gilad
Atzmon, qui est né à Tel Aviv en 1963, a grandi à Jérusalem.
« J’ai eu une enfance laïque normale », dit-il, « avec un
grand-père de droite, tendance Jabotinsky. Je n’avais pas honte
de lui, absolument pas. Je comprenais d’où il venait. Je savais
d’où je venais, moi aussi ». Il effectua le plus gros de son
service militaire dans l’orchestre de l’armée de l’air, après
une courte période où il fut médecin militaire. « Durant la
première semaine de la guerre au Liban, en 1982, j’ai vu
beaucoup de soldats blessés, mais contrairement aux rumeurs qui
courent ici ou là, cela ne fut pas le tournant de ma vie. Je
pense que le grand changement, en réalité, a commencé à se faire
en moi quand j’étais dans l’orchestre ; nous étions allés à
Ansar, ce camp de concentration » - une prison construite par
l’armée israélienne au Liban –, « c’est alors que j’ai pris
conscience du fait que je ne me trouvais pas dans la bonne
armée »…
En Israël,
il jouait de la musique et il fut le producteur musical des
chanteurs et chanteuses Yardena Arazi (tu parles d’une
diversité : chapitre I : Arazi ; chapitre II : Wyatt !...) – Si
Himan et Hehuda Poliker, entre autres.
« Poliker
m’a ouvert les oreilles à la musique grecque et il m’a
influencé, musicalement. Ma musique est populaire, en Grèce –
plus que la sienne, je dois bien le dire – mais la Grèce, comme
le monde entier, d’ailleurs, est en train de se déliter, si bien
qu’elle ne pourra pas m’être d’une bien grande aide… »
En 1994,
Atzmon forma le projet d’aller étudier à l’étranger, à New York
ou à Chicago, mais il finit par se décider pour une université
anglaise qui proposait un programme intéressant combinant la
psychanalyse, la philosophie et l’histoire de l’art. « Je
n’avais l’intention de quitter le pays pour cinq ou six ans,
rien de la sorte », se remémore-t-il. « La vérité, c’est que
j’en avais ma claque de tout : d’Israël, de la musique, de la
vie. Tout me pompait, littéralement. Je ne voulais plus jouer ni
produire quoi que ce fût. J’envisageais d’entreprendre une
nouvelle carrière en tant que pilote de ligne. Je voulais être
comme les pilotes d’El Al, qui font la révérence aux passagers
qui applaudissent leurs atterrissages réussis [il se marre] ;
j’adorais piloter des avions, mais je n’étais pas assez bon.
« J’avais
trente ans, et je pensais que j’allais m’investir dans une
carrière universitaire. Et puis je suis tombé amoureux de
Londres, qui était comme un petit village – Londres a
complètement changé depuis lors, et pas en mieux – et la scène
musicale locale m’a apporté tellement d’amour. Alors je me suis
dit : Nous allons jouer du jazz pour l’amour du jazz, nous
allons vivre pour l’art. Nous n’avons pas besoin de beaucoup
d’argent, nous avons tout ce que nous pouvons désirer. Alors,
nous allons rester. Et c’est ce que nous avons fait… »
Ce
« nous », c’est Atzmon et son épouse Tali, une bonne chanteuse
et une actrice talentueuse à la carrière prometteuse. Ils se
sont rencontrés (ne vous avais-je pas promis de l’ironie : je
tiens parole) lors d’un Festival de Chants Hassidiques, en
Israël. « Je n’aimais pas Israël et ce qui se passait dans ce
festival, mais je n’étais pas politisé, pas le moins du monde.
Par ailleurs, je ne comprenais pas la cause palestinienne, toute
la véritable histoire m’échappait. D’une certaine façon, les
choses sont arrivées et je me suis mis à parler et à écrire dans
toutes sortes de forums et, du jour au lendemain, on parlait de
moi partout. J’étais une personne privée, avec toutes sortes
d’opinions privées, qui était devenue soudainement un personnage
public parce que des gens voulaient entendre ce que j’avais à
dire. Je pense que les gens sentent que je dis la vérité, que je
ne suis pas en train de réécrire l’histoire au service de qui
que ce soit, que je n’ai pas besoin de mentir, parce que je
n’appartiens à aucun cénacle politique. Je suis tout simplement
Gilad Atzmon, qui ne représente que Gilad Atzmon, point barre.
Au début, j’étais perçu comme un gentil juif qui disait ses
quatre vérités à Israël, ce que les goyim adoraient. Mais il ne
m’a pas fallu bien longtemps pour comprendre que je ne suis pas
un gentil juif, parce que je ne veux plus être juif, parce que
les valeurs juives ne me font pas vraiment bander et parce que
tous ces trucs à base de « Déverse Ta colère sur les nations »
ne m’impressionnent absolument pas.
Alors, du coup, vous déversez
votre colère sur les juifs ?...
« J’ai vu ‘Metzitzim’,
il y a quelques jours. Vous savez où se situe Uri Zohar,
aujourd’hui ? [Zohar, le metteur en scène, acteur et scénariste,
est aujourd’hui un enseignant et rabbin ultra-orthodoxe] ; à
l’époque, c’était le laïc ultra, le laïc par excellence.
Pourquoi les Israéliens laïcs ont-ils peur d’Uri Zohar ? Parce
qu’il les a laissés seuls dans le noir à se colleter avec des
questions du genre « Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi est-ce que
je vis sur des terres qui ne m’appartiennent pas, sur les terres
volées à un autre peuple, des terres sur lesquelles leurs
propriétaires légitimes veulent retourner, mais ne le peuvent
pas ? Pourquoi est-ce que j’envoie mes enfants tuer et se faire
tuer, après avoir été moi-même soldat ? Pourquoi est-ce que je
crois à toutes ces conneries à base de « parce que c’est la
terre de nos ancêtres » et « c’est notre patrimoine », alors que
je ne suis même pas croyant ? Putain, qu’est-ce qu’on en a à
foutre ? C’est quelque chose que les juifs laïcs sont infoutus
d’assumer. Ils ont une trouille mortelle, devant ces
questionnements. Je vois davantage de vérité chez les colons que
chez les juifs les plus laïcs de ce pays. »
« Les
Israéliens peuvent mettre un terme au conflit en deux putains
de minutes. Netanyahu se lève, demain matin ; il rend aux
Palestiniens les territoires qui leur appartiennent, il leur
rend leurs champs et leurs maisons, et voilà. Les réfugiés
rentreront chez eux et les juifs seront, eux aussi, enfin,
libérés. Ils seront libres dans leur pays et ils pourront vivre
comme tous les peuples, poursuivre leur existence et même
arranger la mauvaise réputation qu’ils ont acquise au cours des
deux mille ans écoulés. Mais pour pouvoir faire cela, Netanyahu
et les Israéliens doivent être déjudaïsés et admettre le fait
qu’ils sont comme tout le monde, et non pas le peuple élu.
Aussi, à mon avis, il ne s’agit pas d’un problème politique,
sociopolitique ni socioéconomique, mais de quelque chose de
fondamental, qui a trait à l’identité juive ».
« Réfléchissez un instant à la dialectique de l’identité juive,
au « Tu aimeras ton voisin comme toi-même ». « Qui est votre
voisin ? » Un autre juif, bien entendu. Autrement dit, dès lors
que vous avez été choisi pour faire partie du « peuple élu »,
vous avez perdu totalement le respect pour les autres peuples et
pour l’Autre en tant que tel.
« Prenez,
par exemple, la manière dont les gays sont traités en Israël.
Cela a un tel air de « Regardez un peu comme nous sommes
libéraux ; nous avons des homosexuels, en Israël » ; Max Nordau
[leader sioniste né en 1849 et mort
en 1923] a écrit sur l’émancipation des juifs, sur la
manière dont les Européens n’aiment pas réellement les juifs,
mais s’aiment bien eux-mêmes parce que, soi-disant, ils
aimeraient les juifs. Je trouve beaucoup de similarité entre les
juifs et les gays en termes de philosophies séparatistes et
marginales ; c’est très intéressant.
« Dans le
judaïsme, il y a des valeurs très intéressantes, j’en veux pour
preuve le fait que les plus grands soutiens des Palestiniens
sont les juifs de la Torah, les
Neturei Karta [une
secte juive ultra-orthodoxe]. Notre problème – et il m’a fallu
pas mal de temps pour le comprendre – est inhérent aux juifs
laïcs, et plus encore aux juifs de gauche. L’idée que des juifs
puissent être de gauche est fondamentalement répugnante.
Absolument répugnante. Elle contient une contradiction interne
absolue. Si vous êtes de gauche, peu importe que vous soyez juif
ou non ; donc, par principe, quand vous vous présentez en tant
que juif de gauche, cela signifie que vous admettez l’idée du
national-socialisme. Du nazisme. C’est pathétique. C’est la
raison pour laquelle la gauche israélienne n’a jamais réussi à
faire quoi que ce soit en faveur des Palestiniens. L’absurdité
absolue est atteinte dès lors que c’est, de fait, la droite qui
est en train d’acheminer le pays vers une solution à un seul
Etat et à un accord définitif… »
Illogisme et perplexité
Atzmon a
apporté de l’eau au moulin d’hommes politiques tels que le
Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan, qui l’a nommément
cité lors d’un débat houleux avec le président israélien Shimon
Peres, déclarant : « La barbarie d’Israël est pire que la simple
cruauté ». Atzmon a été accusé par toutes les plateformes
possibles et imaginables de diffuser du vitriol contre les
juifs. En revanche, il maintient qu’il « hait tout le monde de
manière équitable ». Il est également accusé de haine de soi,
mais il est le premier à le reconnaître et il se compare à Otto
Weininger – un philosophe juif autrichien converti au
christianisme, à propos duquel Hitler aimait à répéter : « Il
n’y avait qu’un seul juif valable en Allemagne ;
malheureusement, il s’est suicidé… » -, il en est même fier.
« Otto et moi, nous sommes de bons amis ».
Vous êtes sérieux, là ?
« Comment
cela : sérieux ? J’ai épousé une juive, je travaille et je joue
dans un orchestre avec des juifs. J’ai adopté l’identité
palestinienne, c’est vrai, mais m’accuser d’antisémitisme est
ridicule. Mon succès provient pour partie du fait que je
reconnais être « de là-bas ». Je ne cherche pas à le cacher, ni
à le maquiller, ni à le dénier. Je ressemble à quelqu’un de
là-bas, je parle comme quelqu’un de là-bas et je me comporte
comme quelqu’un de là-bas ».
C’est en
hébreu que je m’adresse à lui, et lui, il me répond, avec un
fort accent israélien, dans un anglais persillé de mots hébreux.
Parfois, il s’étonne lui-même de certains des termes choisis qui
lui viennent en hébreu.
Son langage
hybride est parfois amusant. A la question de savoir si,
parfois, Israël lui manque, il répond : « La
medina [l’Etat] ne me
manque pas ; ce qui me manque, c’est l’eretz
[la terre, le paysage, le pays] et il développe : « quand le
pays, les paysages, les odeurs ont commencé à me manquer, j’ai
compris que ce qui me manque, en réalité, c’est la Palestine. La
Palestine, c’est le pays ; Israël, c’est l’Etat. Il m’a fallu du
temps pour prendre conscience du fait qu’Israël n’a jamais été
ma patrie, mais seulement un fantasme saturé de sang et de
sueur. »
Il dit
« sueur », mais en réalité, il veut dire « larmes ». C’est une
triste histoire, nous l’avons déjà indiqué.
Ses
enfants, Mai (quatorze ans) et Yan (dix ans) n’ont aucun ami
juif. Yan n’a pas été circoncis et les bar-mitzvahs ou les
bat-mitzvahs sont hors de question. L’ordi d’Atzmon n’a pas de
caractères hébreux. Atzmon dit qu’il écrit, qu’il pense et qu’il
rêve en anglais. Il ne mettra jamais les pieds en Israël, dès
lors que celui-ci est, rappelons-le, en réalité, la Palestine.
Cela ne
vous fait pas du mal, de vous couper de tout, comme vous le
faites ? De brûler tous les ponts ?
« Non, mais
ce que disaient toutes mes copines avant Tal, quand elles me
laissaient tomber, était vrai, finalement… »
Que
disaient-elles ?
« Elles
disaient que je suis un handicapé émotionnel ».
Et c’est
exact ?
« Peut-être, mais je ne me suis pas laissé tomber moi-même. Je
vis en paix avec moi-même ».
Apparemment, il réserve son intelligence émotionnelle à son art.
Il n'y a aucun handicap que ce soit dans son morceau « For
the Ghosts Within » [Pour les fantômes qui nous hantent].
Dans cette musique, tous les fantômes flottent vers les cieux
les plus élevés qui soient, atteignant sans doute au divin. Le
talent authentique, comme la passion, ne saurait être simulé. Le
seul problème qui demeure, par conséquent, ce sont ces bruits
irritants – c’est ainsi que beaucoup de gens les perçoivent, en
tous les cas – que cet homme hanté par des fantômes produit en
dehors des studios d’enregistrement…
Wyatt, qui
se la joue Dalai Lama, exprime son émerveillement devant « la
lutte de Gilad contre le racisme et les oppressions en tout
genre, ainsi que devant l’œuvre de sa vie, sa quête de la
signification de l’identité juive. Gilad est une exemplification
traumatisante mais incitant à l’optimisme d’un phénomène très
répandu, celui de migrants qui s’efforcent de mettre de côté
leur contexte tribal et tentent de se reconnecter au monde et à
l’humanité. C’est ce que les juifs, dans la diaspora, ont
toujours fait. Regardez leur apport à la culture mondiale.
Ronnie Scott était d’une famille juive ayant immigré depuis la
Russie, et puis il y a aussi les frères Gershwin, Bob Dylan,
Leonard Cohen, Noam Chomsky et Naomi Klein, pour ne pas
mentionner Jésus et Karl Marx, deux sympathiques juifs qui ont
semé un bordel indéniable dans le monde.
« Le point
de départ de Gilad est l’humanitaire ; ça n’est pas
l’immobilier. Grâce à lui, j’ai appris à être plus tolérant au
sujet de la religion, de toutes les religions, et à les
respecter. Grâce à lui, par exemple, je n’ai pas de problème
avec le fait qu’Evyatar Banai, un musicien sensationnel que j’ai
rencontré voici de cela quelques années, est devenu très
observant religieusement parlant, et exactement de la même
manière, j’espère que celui-ci n’a rien contre mes opinions
politiques. Gilad pense que la religion est affaire de
spiritualité et certainement pas un permis de saccager des
oliveraies qui ne vous appartiennent pas, et c’est là quelque
chose que je suis en mesure de comprendre.
« Le
problème », poursuit Wyatt, « surgit lorsque l’illogisme de la
religion devient le fondement de la politique. La religion est
fondée sur des légendes illogiques : la mère de Jésus était une
vierge et le Père Noël descend par la cheminée pour apporter des
jouets. C’est charmant, mais cela ne saurait constituer un
fondement sérieux pour une politique censée faire que le monde
fonctionne. Il est impensable de confisquer des terres qui ne
vous appartiennent en rien, simplement parce qu’il est écrit,
dans la Bible – comprendre dans l’Ancien Testament, lequel est
fondé sur un tribalisme impitoyable – que Dieu aurait dit que
ces terres sont à vous. Qu’en est-il des autres peuples ? Que
leur a-t-on dit ? Quelles terres Dieu leur a-t-il distribuées ?
Et puis, après tout, s’ils lisent un autre livre que le vôtre ?
On n’en sort pas.
« Les gens
ont recours à toutes les excuses pour baiser le Moyen-Orient,
plaquer des sentiments de culpabilité colonialiste sur les
Palestiniens et les comparer aux nazis, ce qui est outrageant.
Le conflit israélo-palestinien est le nœud gordien le plus
difficile à trancher qui soit, mais des gens comme Gilad rêvent
réellement à une solution et ils se battent pour la voir se
réaliser de leur vivant ».
Vous
l’appelâtes, une fois, « Don Quichotte ». Pensez-vous qu’il soit
en train de livrer un combat perdu d’avance ?
« Quand je
l’ai appelé Don Quichotte, c’était de l’humour, et je sais que
Gilad a un grand sens de l’humour. Je savais qu’il n’allait pas
en prendre ombrage. Il est possible que sa bataille soit perdue,
mais la guerre contre le crime, par exemple, est elle aussi
perdue, et pourtant, je veux que la police continue à la mener.
Gilad est un artiste qui s’efforce de trouver du sens dans un
monde chaotique et insensé. Pour lui, comme pour moi-même, la
politique est la chose la plus personnelle qui soit. Lui et moi,
nous ne saurions rester silencieux devant des torts, des
injustices et des inégalités. Tous les artistes ne ressentent
pas le besoin de s’exprimer ou d’agir politiquement et l’on ne
saurait forcer quiconque à le faire. Durant la Deuxième guerre
mondiale, Picasso a choisi de faire entendre sa voix et Matisse
a choisi de rester silencieux et de disparaître, or, tous deux
ont été et demeurent de grands artistes qui ont enrichi le
monde. Gilad aime choquer et surprendre en tout ce qu’il fait,
et son existence elle-même enrichit le monde ».
Et ce
monde, aussi brisé, ruiné et compliqué soit-il, est le même
monde qui scintille dans le chant qui conclut « For
the Ghosts Within », ainsi que les concerts d’Atzmon : « What
a Wonderful World ! » (« Quel monde merveilleux ! »)
« Les
informations ne font état que de catastrophes et de guerres, et
c’est normal », relève Wyatt. « Je suis né à la fin de la
Deuxième guerre mondiale, et depuis lors le monde n’a jamais
cessé de se faire la guerre et de se désagréger sous nos yeux.
Mais si nous oublions l’existence de la beauté, de la joie, de
l’amour et de tout le reste, à quoi bon rester vivants, tout
simplement ? Dire que le monde est promis à la destruction,
c’est insulter ceux qui vont au travail, jour après jour, ceux
qui construisent des maisons pour leurs enfants et qui préparent
de bons petits plats pour leurs amis. Il est important de
chanter cette chanson avec une totale intentionnalité et le plus
grand des sérieux. Je ne puis la chanter autrement. La chanter,
c’est nous souvenir de ce que nous fichons, en réalité, sur
Terre. »
En hommage à l’étincelle
Atzmon, que
l’on a vu sur scène et qui a enregistré aux côtés d’artistes
tels que Sinead O’Connor, Ian Dury et Robbie Williams, lance
aussi, ce mois-ci, « The
Tide Has Changed », le dernier album de son groupe de jazz,
The Orient House Ensemble,
qui célèbre actuellement son dixième anniversaire (ses autres
musiciens sont Frank Harrison, Eddie Hick et Yaron Stavi, fils
de Zissi Stavi, l’ex-éditrice légendaire du supplément
littéraire du Yedioth Ahronoth). Parmi les morceaux enregistrés,
mentionnons « Londres-Gaza » et « Nous pleurons ». Surprenant,
non ?
Atzmon a même été accusé de
négationnisme
« C’est
très imprécis », dit-il. « Mais je me bas contre toutes les lois
et persécutions infâmes de ceux que l’on qualifie de
négationnistes de l’Holocauste – une catégorisation que je
n’accepte pas. Je pense que l’Holocauste, comme tout épisode
historique, doit être ouvert à la recherche, à l’examen, à la
discussion et au débat. Je déplore qu’Hitler n’ait pas survécu
pour écrire un résumé des événements avec ses propres mots. Et
je ne regrette pas que les gens lancent des œufs au criminel de
guerre Tony Blair, qui sera traîné devant le tribunal de
Nuremberg des crimes de guerre en Irak, in-shâ’Allâh, aux côtés
de tous ceux qui ont fomenté et financé cette guerre odieuse et
inutile. Et par la même occasion, cela serait une bonne chose si
les chasseurs de nazis abattaient Shaul Mofaz et Ehud Barak, par
exemple, et non pas tous ces papys de quatre-vingt-seize ans,
qui sont presque déjà morts. C’est pathétique ».
Atzmon peut
être cassant, concentré et tranchant et, en même temps, absurde
et diffus, tellement « pro », mais aussi tellement « contre »,
grossier et raffiné, rogue et soumis, pédant et professionnel à
l’extrême, faisant des déclarations du genre : « Je n’ai jamais
travaillé à la maison. J’ai écrit mes deux romans chacun en
quinze jours ; je les ai vomis sur le papier, et le premier
était une blague, au départ ».
Ces deux
romans, « A Guide to the
Perplexed » (2001)(campé, en 2052, dans l’Etat palestinien
censé avoir succédé à Israël) et
« My One and Only Love »
(2005, mettant en scène un trompettiste qui décide de ne plus
jouer qu’une seule note et des chasseurs de nazis ; vous avez
repéré l’obsession ?), ont été traduits en vingt-sept langues.
Il y a quelque chose d’enfantin, sinon d’infantile, dans le
guide pour le perplexe, s’agissant de quelqu’un qui est lui-même
perdu, à l’occasion, qui irradie son charme personnel, qui se
gausse fréquemment, joue le fort en thème et les provocateurs,
avec une capacité prouvée à électrifier et à hypnotiser son
auditoire.
« Il y a
chez Gilad du brillant, une passion et une joie naturelle du
genre de celle que l’on trouve chez les enfants », résume Robert
Wyatt. « Sa joie de créer est d’une pureté absolue. Picasso
disait qu’il avait essayé durant toute sa vie de peindre de la
manière dont il peignait étant enfant. Gilad n’a pas perdu cela,
je pense. Il reste plein de curiosité, plein de vie, de la
manière la plus positive et la plus délicieuse qui soit ».
« Permettez-moi d’être parfaitement clair », dit Atzmon. « Il y
a une manière de libérer le peuple palestinien et cette manière,
je la soutiens sans aucune réserve. Moi aussi, j’ai des
sentiments de culpabilité. J’ai essayé de communiquer avec des
Israéliens, et j’ai échoué, et il est important que cela soit
dit ; je ne sais plus comment communiquer avec des Israéliens… »
Pour
quelqu’un d’aussi coupé de tout le monde que lui, Atzmon (« Je
suis volontairement en exil, mais je suis aussi un prisonnier à
vie et un réfugié de ma patrie ») paraît très branché. Ne vous
arrêtez pas à « Metitzim » ; il a aussi appris, par exemple, que
Poliker était sorti du placard et que Miri Aloni joue de la
musique dans les rues
(bien qu’il aimerait savoir si c’est pour des raisons
idéologiques ou « seulement pour le fric »).
Pourquoi ne
faites-vous aucune différence entre les individus et le
gouvernement ? Par exemple, ce qui s’est passé, avec la
flottille de Gaza, ça n’était pas « nous ».
« Si,
c’était vous ! »
« Pas moi,
en tous les cas… »
« C’est
vous. Sans équivoque. Dès lors que vous vivez dans une
démocratie, tout crime perpétré par votre gouvernement est un
crime que vous avez perpétré vous-même ! »
« Ah bon ;
même si je n’ai pas voté pour ledit gouvernement ? »
« Absolument. Dans une dictature, le dictateur endosse la
responsabilité ; dans une démocratie, tous les citoyens sont
également responsables ».
Alors, que
devons-nous faire ? Comment recoller les pots cassés ?
« C’est la
question à mille balles ».
Que
voulez-vous que je fasse ? Que je flingue Netanyahu ?
« C’est
vous qui le dites ; ça n’est pas moi ! D’ailleurs, Netanyahu est
bien préférable, pour les Palestiniens, à Barak ou
à Peres. Moi aussi, en tant que citoyen britannique, je
suis complice du crime de la guerre contre l’Irak. Mais le
peuple britannique a, lui, au moins, manifesté son opposition à
la guerre depuis le début, alors qu’en Israël, 94 % de la nation
a soutenu l’Opération Plomb Fondu. D’un côté, vous voulez vous
comporter comme un pays post-lumières et vous me parlez
d’individualisme, mais, de l’autre, vous vous entourez d’une
muraille et vous restez attaché à votre identité tribale. Ce
gâteau, vous ne pouvez pas à la fois le manger et le garder ! Il
y a un prix à payer et tout le monde le paie, moi y compris ».
Le prix
inclut les pertes d’emplois aux Etats-Unis et les annulations de
concerts en Europe dues à ses opinions, sous la pression
d’organisations juives musclées. Mais Atzmon, qui a été couronné
successeur de Charlie Perker, n’en a rien à cirer.
« Parfois,
je me demande pourquoi je me colle toutes ces migraines ? Et
Tali me dit qu’elle a épousé un musicien, alors qu’elle a
l’impression de vivre avec un Premier ministre… »
Vous n’êtes
peut-être pas attristé de nous avoir perdus, mais moi, je suis
triste que nous vous ayons perdu…
« C’est OK.
Il y a une place, dans le monde, pour les gens sentimentaux. Je
sais que j’ai beaucoup de lecteurs en Israël, et ils savent
comment me contacter. »
Je pense à
Gilad Atzmon de la manière dont Arik Einstein pensait à cette
fille qu’il avait vue, sur le chemin de l’école, dans sa chanson
iconique, à savoir que, pour nous, il est perdu. La diplomatie
publique israélienne a perdu quelqu’un qui aurait pu être l’un
de ses plus précieux porte-parole : clair, charismatique,
brillant.
Pour
l’instant, score de 1 à 0.
C’est la
Palestine qui mène.
www.gilad.co.uk
www.myspace.com/giladatzmon
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