Oumma.com
Début
du Ramadhan et date de l’Aïd : entre archaïsme et
aspiration
Jamal Mimouni Lundi
8 octobre 2007
L’observation du croissant lunaire
pour la détermination du début et la fin du mois de Ramadan, est
un problème séculaire auquel se trouve confronté le monde
musulman depuis des décennies, et qui ne semble pas vouloir
disparaître malgré toutes les avancées scientifiques.
Ce problème est-il lié à la
difficulté scientifique de trouver une solution adéquate
permettant la prédiction de la visibilité du croissant, ou bien
est-il inhérent à « l’état » présent de la Oumma ?
Est-ce un problème dont les termes sont à la portée des seuls
experts, ou bien est-ce un débat à la portée du commun des
croyants ?
Nous discuterons dans cet article des
termes de ce sempiternel problème qui se trouve posé avec acuité
à la veille de chaque mois de carême, tant dans sa dimension
scientifique que dans sa dimension jurisprudentielle (Fiqh), puis
nous passerons en revue de manière aussi dépassionnée que
possible, les différentes solutions envisageables. Nous prendrons
l’exemple de la scène algérienne que nous connaissons, tout en
nous appuyant sur d’autres pays musulmans, où la situation est
en fait fort similaire.
Il est de notre avis que les termes du
débat sont largement à la portée du musulman moyen et que le
problème est trop sérieux pour être laissé à des comités
d’experts sans remettre en cause leurs bonnes intentions.
Le croissant et la Oumma
Ce problème n’est certes pas
nouveau, citons le Cheikh Mohamed Rachid Ridha le réformateur
bien connu du début du siècle dernier :
« Depuis que nous avons
atteint l’âge de la maturité, jusque notre âge avancé
aujourd’hui, nous entendons les musulmans se lamenter des désagréments
graves qu’occasionnent la détermination du mois de Ramadan et
du premier du Chawwal de l’Aïd. Nous lisons chaque année que
les habitants du Levant ont jeûnés tel jour, tandis que ceux
d’Egypte tel autre jour, et ceux de la Mecque tel autre jour
encore ».
Il finit sa tirade par ces mots de
sagesse au vu de la polémique actuelle sur l’observation
visuelle :
« Le témoignage sur
l’observation [visuelle] du croissant, si elle se limite à une,
deux ou trois personnes, ne peut’ être
qu’équivoque et non contraignant au vu de son caractère
fortement incertain ».
Comment est-on arrivé à cette
situation frisant l’absurde où la société et toutes les
institutions de l’Etat sont tenues en otage par ce croissant facétieux
qui « apparaît quant bon lui semble », nous
conduisant à rester de ce fait dans l’expectative jusqu’à
une heure avancée de la Nuit du Doute pour savoir si le jeûne
sera bien le lendemain ?
Pourquoi les Musulmans doivent-ils
toujours douter
alors que le reste du Monde, bien établi dans leurs certitudes,
planifie une colonisation vigoureuse de l’espace,
par le biais d’un « ballet » de satellites de
communication et de télédétection.
Là où le bât blesse est que malgré
les formidables progrès de la connaissance astronomique devenue
à la portée de tous, la procédure adoptée par les pays
Musulmans est tellement déficiente, que la grande majorité des
observations prétendues du croissant du Ramadan en Algérie sont
basées sur une impossibilité scientifique. Donc non seulement
toute la Oumma, de Nouakchott à Djakarta, reste suspendue à
l’observation d’un fugace croissant lunaire, mais lorsque
l’on prétend voir ledit croissant, il n’y avait en fait le
plus souvent rien à voir !
N’est-ce pas là un signe plus éloquent
de la faiblesse civilisationelle de la Oumma !
Situation tellement « surréelle »,
que certains ont voulu y trouver un charme caché, voire une
mystique, qui contraste avec la routine imposée par la vie
moderne. Nous pensons pour notre part que pour une Nation en passe
d’être marginalisée, cette dimension nostalgique dans
l’incertitude liée à l’attente de communiqué
d’observation est des plus discutable.
N’y a-t-il pas une allégorie
relative à la manière dont ce croissant, emblème glorieux de
l’Islam dans ses jours fastes, est devenu aujourd’hui le
symbole de l’incertitude et de la désunion ?
La Formation du croissant lunaire et son observation
Décrivons brièvement la formation du
croissant lunaire et en quoi consiste son observation. Rappelons
tout d’abord que le calendrier hégirien est un calendrier
lunaire de 12 mois,
où chaque mois débute par l’observation de la nouvelle lune.
Le mois de jeûne débute selon l’injonction coranique bien
connu, par l’observation de l’occurrence de la nouvelle lune
du mois de Ramadan : « …quiconque parmi vous sera
témoin de la naissance de ce mois, se devra de le jeûner… ».
Ceci est précisé dans le fameux
hadith du Prophète : « Jeûner dés l’observation
du croissant, et rompez le jeûne lors de l’observation du
croissant [du mois suivant] ; et si le ciel est couvert,
compléter le mois de Chaabane à trente jours ».
La problématique de la détermination
des mois de Ramadhan et du Chaoual tourne en fait autour de la
question de la vision du croissant. L’interprétation
majoritaire des Fuqaha exige une observation visuelle de la
nouvelle lune.
Du point de vue astronomique, la Lune
dans son déplacement mensuel autour de la Terre va apparaître
sous différentes phases (portions de surface éclairée par le
Soleil), en raison des différences de perspective d’observation
de la Lune relativement à un observateur terrestre. Chaque fois
que la Lune s’intercale précisément entre la Terre et le
Soleil
constituant la conjonction, elle sera invisible pour une durée
variable (appelée « mahaq ») s’étendant sur un
jour avant et après la conjonction. C’est la période entre la
disparition du croissant du matin et l’apparition de celui du
soir.
L’instant exact de la conjonction (ou
nouvelle Lune) peut être calculé de manière très précise. Par
ces calculs, on peut ainsi déterminer la conjonction du Ramadan
2025 par exemple à quelques dizaines de secondes près. Ce qui
est demandé du point de vue jurisprudentiel est l’observation
visuelle du croissant et non sa simple naissance. Ce croissant est
observable juste après le coucher du Soleil et suivant la période
écoulée depuis la conjonction. Il pourra être vu à ce moment-là,
comme il pourra ne pas l’être.
Ainsi donc, si la conjonction est un phénomène
universel c’est-à-dire se produisant à un même instant pour
tous les lieux de la Terre, l’observation du croissant par
contre est locale et liée à la position géographique de
l’observateur, son acuité visuelle, la météo locale etc. Il découle
de tout cela, que la science ne peut donc prédire à l’avance
quand le croissant sera observable !
Elle peut cependant préciser les
conditions qui vont rendre possible son observation, et de fait,
différents critères ont été développés tant par les anciens
astronomes que par ceux de la période moderne.
Rappelons en particulier celui de
l’astronome français André Danjon appelé critère de Danjon
qui se base sur l’observation : le croissant ne peut se
former (donc avoir une partie éclairée visible) que si l’angle
de séparation entre la Lune et le Soleil dépasse 7° (dit élongation
lunaire). En deçà de cet angle, il n’y a aucune partie éclairée
visible de la Terre et donc pas de croissant.
Ceci correspond à un âge d’environ
de 8h30 à 15h selon la saison durant laquelle se déroule la
lunaison.
Il y a bien sûr le cas trivial où la Lune se trouve sous
l’horizon lors du coucher du Soleil et pour lequel
l’observation du croissant ne se pose pas en principe.
D’autres critères astronomiques plus
fins intègrent les paramètres locaux et permettent de préciser
quand le croissant peut indubitablement être vu. Ces critères
constituent en quelque sorte un droit de veto sur son observation
potentielle. Son utilisation est incorporée dans ce que l’on
appelle « Imkan al-Ru’yah » développé par les
astronomes et adopté par les jurisconsultes contemporains comme
garde-fous contre des observations visuelles erronées.
Ce critère est réaffirmé
religieusement durant les différentes conférences sur le sujet
qui rassemblent les Fouqaha et les scientifiques musulmans. Il
figure par ailleurs de manière proéminente dans la liste des
critères utilisés par le Comité National des Croissants
Lunaires du ministère des Affaires Religieuses Algérien pour émettre
ses fatwas au début à la fin du Ramadan.
Il est clair que Imkan al-Ru’yah ne
peut être utilisé pour décider de la date du premier du mois,
car du point de vue du Fiqh usuel, le fait que le croissant peut
être vu est insuffisant. Il faut qu’il soit effectivement vu.
Contradictions avec des Vérités Cosmiques
En pratique, le critère d’« Imkan
al-Ru’yah », qui est poutant présenté comme un cas d’école
de l’harmonie entre la science et la religion en Islam, n’est
jamais appliqué. Aussi se retrouve-t-on dans des situations
incongrues où le début et la fin du mois de jeûne est en
contradiction totale avec les données scientifiques. Cette
situation est-elle anecdotique ?
Que nenni, cela se déroule
malheureusement chaque année dans une grande partie des pays
musulmans. Ainsi dans une étude novatrice, plusieurs
scientifiques
ont montré après avoir épluché 40 années de données du
Ministère des Affaires Religieuses d’Algérie au sujet des
dates du mois de Ramadan et de l’Aïd, que 75% des cas
d’observations présumées du croissant se trouvaient être en
contradiction avec les données scientifiques, et que 14% des cas
était dans une situation de contradiction « absolue »,
car la Lune était sous l’horizon lorsque le Comité des
Croissants Lunaires (CCL) avait entériné ces prétendues
observations.
Cela a continué de plus belle depuis.
Pour notre part nous avons comptabilisé bon an mal an au moins un
cas de contradiction entre l’observation présumée et
l’impossibilité de fait.
Le taux d’erreur devrait approcher les
100% pour un pays comme l’Arabie Saoudite connu pour être
chaque année le « précurseur » parmi les pays
musulmans, et ce malgré sa position géographique défavorable
pour l’observation par rapport aux pays situés plus à
l’Ouest. Notons que le Maroc au fil des années semble être le
plus rigoureux dans l’observation visuelle, faisant ainsi débuter
le mois de Ramadhan un jour après les autres pays Arabes, malgré
leur position plus à l’Ouest.
Il est un cas récent particulièrement
parlant du début du mois Ramadan 2005 qui coïncide comme on le
sait avec une éclipse annulaire du Soleil en fin de matinée du 3
Octobre. L’élongation angulaire de la Lune était de moins de 3°
lors du coucher du Soleil ce jour-là, bien loin de la limite inférieure
de Danjon, et la Lune se couchait quasiment avec le Soleil.
Pourtant trois cas séparés de prétendue observation furent
acceptés par le comité des croissants en Algérie, faisant fi de
l’impossibilité absolue d’une telle observation.
Et pourtant le responsable de
l’observatoire astronomique de Bouzaréah près d’Alger (CRAAG),
représenté au niveau du comité des croissants, les avait informés
de cette impossibilité. Mais là encore, « l’adorable »
critère d’ « Imkan al-Ru’yah » ne fut pas invoqué.
Même situation au Machreq, où plusieurs témoignages fusèrent
firent débuter le Ramadan le lendemain même de la conjonction
sur la base « d’observations du croissant ».
Au Nigeria, des groupes de fidèles ont
« vu » le croissant la veille de la conjonction. Sur
ce témoignage, les musulmans de ce pays ont débuté le jeûne le
jour de l’éclipse ! Là encore, l’observation visuelle
d’un quelconque citoyen semble plus crédible que la science,
qui permet de faire alunir des cosmonautes et prédire les éclipses
des siècles à l’avance. En fait, les cas ce type sont légion.
Nous nous sommes attardés sur le Ramadan 2005, car l’éclipse
solaire concomitante en fin de matinée rend encore plus patente
l’absurdité de la situation.
Que dire d’une méthodologie qui se
trompe au moins trois fois sur quatre ! L’observation
visuelle du croissant nous a menée irrémédiablement vers une
impasse.
Comment peut-on accepter que la
visibilité du croissant malgré la simplicité astronomique du phénomène
puisse être en contradiction avec des données scientifiques
certaines ? Comment peut-on concevoir que des millions de
musulmans puissent accomplir un des piliers de leur religion en
contradiction flagrante avec des vérités cosmiques ?
Comment ose-t-on encore se décrire
potentiellement comme la Oumma de la science (Oumatul-ilm )
alors que l’évocation de ces chiffres terribles témoigne d’
un Waterloo de la raison ?
Rumeur de « Fitna » et cas de fétichisme
Plus grave encore, on ne semble rien
apprendre de nos erreurs. Comment le pourrait-on ? Alors que
le croissant qui « a été aperçu » entre en
contradiction avec les déclarations des astronomes. Aucune
commission d’enquête n’a été formée à aucun niveau pour
percer le mystère de ces croissants, qui sont scientifiquement
invisibles, surtout lorsqu’ils s’avèrent être en dessous de
l’horizon lors de l’observation présumée.
Rappelons également que le grand
public n’est même pas tenu au courant de cette controverse. Il
ne faut pas semble-t-il créer de « fitna » (sédition)
ou de « balbala » (confusion) dans la société Encore
une fois, on infantilise les citoyens sous prétexte qu’il en va
de l’intérêt de la cohésion sociale. Alors que certains parmi
nous qui mis au courant de cette situation, n’hésitent pas à
affirmer qu’il suffit d’avoir la « niyya ».
Pourtant un hadith bien connu précise :
« Ma Oumma ne s’accordera jamais sur une erreur »,
ce qui suggère comme règle de conduite la poursuite de la vérité
au dépend d’éphémères petits gains terrestres. Un aphorisme
bien connu de l’Islam affirme également que « La vérité
est toujours préférable à suivre [que l’erreur] » érigeant
ainsi la poursuite de la vérité comme règle générale de
conduite.
L’Islam ne se définit-il pas
« Din al-Haqq » (La religion de la Vérité). Le Dieu
que nous adorons n’a-t-il pas pour attribut « la Vérité ».
Aussi comment peut-on se complaire dans ces petits mensonges en
invoquant l’excuse puérile de rechercher la concorde sociale ?
Pourquoi fait-on si peu de cas de ce
critère d’« Imkan al-Ru’yah », malgré le support
universel des instances religieuses pour ce principe ? En
pratique, on l’invoque lorsqu’il n‘y a pas de problème, et
on l’escamote dans le cas contraire.
La réponse la plus plausible est
qu’au-delà d’un manque de confiance envers la science que
cela révèle, l’observation visuelle est tenue pour absolue et
la science relative. Ce qui dénote un esprit « primitif »
qui donne une prééminence au jugement des sens aux dépens dépend
de l’analyse et de la raison. En fait la science n’a pas pénétré
les consciences et ne sert souvent dans les discours officiels,
surtout religieux, que de faire-valoir.
Cette insistance sur l’observation
directe pour valider l’entrée du mois, semble transformer cette
observation qui était à l’époque du Prophète le seul moyen
disponible, en un acte d’adoration. Alors que l’acte en tant
que tel est un moyen (wasila) pour s’assurer de l’entrée du
nouveau mois et non une fin en soi.
Ce renversement de l’ordre des choses
a permis une sacralisation de la vision du croissant. Cette méthode
d’observation a été littéralement tournée en rituel. Or
sacraliser des objets, des actes, des procédures, sont autant de
marques de fétichisme, ce qui est abhorré par l’ Islam.
Archaïsme des Institutions de l’Etat
Revenons sur l’ampleur de la « catastrophe ».
Comment des Etats modernes peuvent-il accepter quasiment, que
chaque année le début du jeûne soit en contradiction avec les
données astronomiques les plus élémentaires,
Le Ministère des Affaires religieuses
(MAR) à travers son CCL (Comité des Croissants Lunaires) est le
seul habilité à décider de ces dates. Mais que faire lorsque
l’erreur est patente et que d’autres institutions de l’Etat
et de la société civile en mesure de corriger ces erreurs ne
jouent pas le jeu ?
Prenons toujours le cas de l’Algérie.
Le CRAAG tout d’abord qui est un
centre de recherche en astronomie et géophysique dépendant du
ministère de l’intérieur, (la seule instance liée
directement à l’astronomie qui existe en Algérie) est
parfaitement habilité à dire si oui ou non le croissant sera
visible et donc d’inférer son observabilité potentielle.
Il produit chaque année un rapport
à ce sujet qui malheureusement n’est guère pris en compte par
le CCL.
De même que l’astronome présent en tant que consultant et non
membre du CCL n’est là que pour être un faire-valoir, son avis
n’étant guère pris en compte et son intervention en direct se
limite à des généralités sur le Ramadhan et non sur
l’astronomie du croissant. Interrogé sur cette question, son
directeur invoquera candidement le devoir de réserve du CRAAG.
Il y a de fait un embargo médiatique
sur toutes les informations concernant la Lune et sa visibilité,
comme si parler de ces choses serait marché sur les plates-formes
du CCL.
Nous considérons pour notre part que
la Lune ne leur appartient certainement pas. Ils sont seulement
habilités à émettre une fatwa sur le début du mois de jeûne,
et non sur le mouvement de la Lune.
Le Ministère de l’Enseignement Supérieur
(MES) en tant qu’institution scientifique possède en son sein
des centaines de chercheurs en physique, sciences de la Terre…
Il pourrait à travers ses différents comités scientifiques,
informer et corriger les informations qui circulent. Il s’agit
bien de la science d’un Ibn Haitham, Galilée, Newton, Einstein
qui s’applique à l’Univers matériel, à moins qu’on
abdique en considérant que ces lois s’appliquent partout, dans
le monde musulman particulièrement à la veille du Ramadhan et de
l’Aïd.
La Société Algérienne de Physique,
qui est une association professionnelle nationale comptent dans
ses rangs des centaines de physiciens. Mais atteinte d’aphasie
et de sclérose depuis sa création il y a plusieurs décennies,
elle est notoirement absente de tous les débats d’idées
relatifs à la science et à la société. Sa devise semble être
le silence est d’or… Pourtant l’astronomie du croissant
lunaire relève de la physique de base.
Il y a aussi le CTS (Centre des
techniques Spatiales) d’Arzew, ainsi que ces dizaines de
laboratoires de recherche
rattachés aux différentes universités, et spécialisés en
physique, engineering, sciences spatiales, autant de voix à faire
entendre sur le sujet.
L’Office Nationale de la Météorologie
qui diffuse un bulletin quotidien sur l’état de la météo
repris par les différents médias y compris par la télévision
nationale, bulletin qui inclue des données astronomiques tels que
les levers et couchers du Soleil et de la Lune. Pendant plusieurs
années consécutives, le bulletin de météo du journal de 20h à
la télévision nationale oblitéra les informations sur l’heure
du lever et du coucher de la Lune la veille du Ramadhan.
S’agissait-il d’autocensure ou de l’exercice d’un droit de
réserve poussé à l’extrême ?
Il est vrai qu’il manque une voix
d’autorité sur le sujet, comme celle d’une Académie des
Sciences, mais malheureusement cette institution après 45 ans
d’indépendance de l’Algérie n’existe toujours pas.
La presse quant à elle, a un rôle éminemment
positif à jouer, en allant chercher l’information à la source
sans se satisfaire de communiqués d’experts autoproclamés.
Cela implique qu’elle sache
distinguer l’ivraie du bon grain, et elle ne charlatanise pas la
science en créant « des monsieurs » Science à partir
de personnalités douteuses ayant des accointances avec les
milieux astrologiques, spécialistes autoproclamés en astronomie,
géophysique, séismologie, météorologie, tsunamis, armes non
conventionnelles, et j’en passe…
Les Carl Sagan, Hubert Reeves, Haroun
Tazieff, ont été des scientifiques émérites avant de devenir
des figures de proue de la vulgarisation scientifique et non
l’inverse ! Cela implique aussi qu’elle ait en son sein
de véritables reporters scientifiques et non pas des « colporteurs »
d’information ou des spécialistes du copier/coller.
Les Solutions Possibles
Trouver une solution adéquate au problème
du début et de la fin du mois de jeûne est actuellement d’une
grande complexité. Cette questiona éte rendue encore plus
complexe, avec l’existence de « couches de fatwas »
sur le sujet émises à des périodes diverses et émanant
d’instances souvent hétérogènes, d’écoles
jurisprudentielles (Madhahib) différentes, et à partir de pays
aux régimes très différents, sans omettre l’avancée
technologique qui a rendu obsolète nombre de ces jugements sans
pour autant qu’ils soient invalidés.
Nous allons désormais tenter dé dégager
une typologie simplifiée des solutions possibles en vue de sortir
du chaos actuel. A ce titre, nous distinguerons trois solutions.
La primauté absolue à
l’observation visuelle :
La première solution consiste à
continuer avec la règle implicite actuelle qui confère à
l’observation visuelle directe la primauté absolue, donnant
ainsi à un berger de la ville d’El Oued ou des Némenchas, le
pouvoir de décider de la date du Ramadhan pour l’Algérie. Même
si comme c’est trop souvent le cas, son observation est en
contradiction avec les données astronomiques, ce qui constitue
une porte ouverte au chaos.
Quand bien même aucune observation
locale n’a été rapportée, on peut vous tirer le joker
que d’autres pays du Machrek l’on vu, créant ainsi une
situation d’incertitude complète.
Cette règle est en général appliquée
en conformité avec le principe de « Tawhid el-Matali’ »
prenant la Terre comme un « horizon unique », et qui déclare
que l’observation du croissant dans un lieu donné impose le jeûne
à tous les pays avoisinants qui partagent une partie de la nuit
avec ce lieu.
Ce principe généreux en soi et
unificateur, constituait dans le passé une solution admirable
mais le morcellement de la Oumma conjugué au manque de rigueur et
de cohérence des instances officielles chargées du suivi, l’on
transformé en cauchemar.
Une critique plus radicale de la
visibilité à l’oeil nu est, comme nous allons le démontrer
assez facilement, expose des situations qui mènent à des mois de
28 jours, voire même de 31 jours , qu’il s’agira ensuite de
« rattraper ».
Solution d’harmonisation avec
considération d’ « Imkan al-Ru’yah »
Cette solution dite « tawfiqi »
ou d’harmonisation consiste à prendre en considération l’« Imkan
al-Ru’yah ». Ainsi se base t-on sur l’observation
visuelle du croissant en adoptant comme garde fou la condition de
sa visibilité potentielle telle que déterminé astronomiquement.
Cette solution a fait au fil des années
l’objet de nombre de congrès associant fuqaha et astronomes.
Elle constitue la solution la plus consensuelle actuellement.
Ainsi aurait-on le meilleur des deux mondes, elle s’avère
malheureusement en pratique difficile à mettre en œuvre.
D’abord, ainsi que nous l’avons vu, il suffit d’un conflit
entre une observation reportée et la possibilité d’observation
pour que les comités officiels se rabattent sur l’observation
visuelle annulant de fait l’ « harmonisation »
escomptée.
Si cette règle est associée avec le
principe de l’ « horizon unique », la confusion
demeure, surtout lorsque l’on prend en considération les contrées
éloignées. Si de plus, les pays musulmans ont la Nuit du Doute
(le 29 du Chaabane) en des jours différents, le problème devient
alors ingérable.
La règle de la conjonction
Cette règle qui dispense totalement de
l’observation directe du croissant, est basée sur
l’occurrence de la conjonction du 29 du Chaabane avant le
coucher du Soleil à la Mecque, auquel est ajouté la pré-condition
que la Lune se couche après le Soleil en ce lieu.
L’implémentation de cette règle est
pleinement adaptée aux conditions des communautés musulmanes en
Occident ou le caractère « nationalitaire » rend
particulièrement difficile le suivi d’un pays musulman. De
plus, elle permet de s’affranchir des aléas d’un jour
flottant pour l’Aïd el-Fitr : les musulmans pourront alors
demander à leur employeurs une journée d’absence, la réservation
de salles de prière (gymnasium et autre) pourra se faire à
l’avance pour un jour déterminé, alors qu’ils sont souvent
astreints actuellement à réserver deux jours de suite.
Mieux encore, elle permettrait que les
fêtes musulmanes soient reconnues officiellement par les autorités
de chaque pays, ce qui n’est pas le cas actuellement. Aussi
a-t-il été adopté par un plusieurs organisations islamiques en
Occident. C’est le cas de la plus grande organisation musulmane
aux Etats-Unis, ISNA (Islamic Society of North America), ainsi que
pour l’Europe de l’European Council of Fatwa and Research présidé
par Cheikh el- Qardhaoui, qui ont sur cette base décrétée le
1er Ramadhan 1428, le Jeudi 13 Septembre, et le 13 Octobre pour
l’Aïd el-Fitr.
Le morcellement des instances
islamiques en France est tel que le consensus doit être réactualisé
chaque année. Le CFCM est cependant devenu au cours des dernières
années une instance reconnue par l’Etat Français et dont les décisions
sont assez largement suivies par les Mosquées et organisations
islamiques de France. L’ISNA a quant à elle, publiée les dates
du début du Ramadhan et de l’Aïd pour les cinq prochaines années.
Une telle solution pourrait-elle être
adoptée par les pays musulmans eux mêmes à l’avenir ?
Cela permettrait d’en finir avec cette monstruosité d’Etats
en suspens jusqu’à une heure tardive de la Nuit du Doute, ne
sachant pas sur quel critère, ils fonctionneront le lendemain, ou
si ce jour sera déclaré jour férié. On s’habituera ainsi à
connaître à l’avance le début du mois de jeûne et la fête
de l’Aïd comme on s’est habitué à ne plus scruter le ciel
pour repérer la position du Soleil afin de déterminer les heures
de prière, mais d’utiliser la table des horaires de prières.
Si la solution d’harmonisation continue à ne pas marcher,
l’utilisation du critère de la conjonction par rapport à un
point de référence, telle que la Mecque qui pourrait constituer
la seule solution viable pour la Oumma. Il ne restera que la
nostalgie de l’observation visuelle pratiquée durant plus de
quatorze siècles…
Notons que même si cette solution est
déconsidérée par les instances officielles de plusieurs pays
musulmans (le fait qu’elle ne se réfère plus à
l’observation visuelle), elle a déjà été appliquée en Algérie
dans les années soixante-dix et vigoureusement défendue par le
président du Haut Conseil Islamique de l’époque, le feu Cheikh
Ahmed Hamani.
Une fausse solution
D’autres idées ont été proposées
pour résoudre le problème du croissant lunaire. La palme de
l’incongruité va certainement à l’idée de lancer un
satellite « islamique » pour observer le croissant
depuis l’espace. Cette idée d’une extrême naïveté semble
avoir été soutenue par la Ligue Islamique Mondiale et par
certaines universités égyptiennes, et même paraît-il par
certains universitaires français liés aux milieux industriels.
L’absurdité de la proposition est
patente quand on discute des senseurs à utiliser pour détecter
le croissant. Si cela s’effectue avec des moyens optiques, il va
falloir décider quelle longueur d’onde utiliser. Si c’est
dans le visible, il va falloir brider leur sensibilité au risque
de voir systématiquement le croissant, à moins que l’on
n’envoie un astronaute musulman sur orbite, auquel cas il
s’agira de prévoir une navette « islamique » prête
à être lancée pour le début et la fin du Ramadhan.
Si on utilise les ondes radio, la Lune
est déjà visible au radar situé sur Terre, donc retour à la
case départ, on reste sur Terre en utilisant des radiotélescopes.
Persistant dans cette escalade de
l’absurde, il est clair que la solution ultime (qui a
d’ailleurs été envisagée dans certains milieux) consisterait
à envoyer à chaque début du mois de Ramadhan des astronautes
(des « islamonautes ») sur la Lune, précisément dans
la région de formation du croissant. Là, après avoir passé un
certain temps dans l’obscurité la plus complète et à des températures
proches du zéro absolu (nous rappelons au lecteur que la Lune est
dépourvu d’atmosphère), ils verront graduellement se répandre
sous incidence ultra rasante la lumière solaire qui formera éventuellement
la région illuminée du croissant, et pourront alors contacter la
Terre pour annoncer la bonne nouvelle.
Voilà où nous mène une lecture littérale
sans utiliser le jugement critique. En fait, et comme le souligne
fort à propos les tenants du calcul, le hadith sur
l’observation visuelle du croissant précité n’implique
nullement que cela soit l’unique solution pour s’assurer de
l’entrée du nouveau mois, mais seulement la seule solution
disponible du temps du Prophète.
Les aspirations du Musulman du XXI ième Siècle
Le musulman de ce début du XXI ème,
aspire à être un citoyen du monde tout en préservant ses
valeurs spirituelles et morales. Cette harmonisation entre la
rationalité et l’authenticité, il l’appelle de ses vœux les
plus chers. Son engouement, malheureusement déplacé, pour ce qui
est communément appelé l’I’jaz ilmi du Coran
n’est-il pas à la mesure de son désir ardent de réconciliation
entre les valeurs de ces deux mondes ?
Aussi, l’archaïsme de l’Etat et de
ses institutions qui le font jeûner de manière aléatoire et en
contradiction avec la science contemporaine doit cesser. C’est
un Etat moderne inséré dans les valeurs de l’Islam auquel
aspire le Musulman, et non un Etat aux institutions moyenâgeuses
travaillant en autarcie. La crédibilité et la cohérence d’un
Etat impliquent que ses instances parlent d’une seule voix, et
non qu’elles se complaisent dans l’incohérence, la
contradiction et un silence coupable.
Ce problème concerne la Oumma toute
entière. Il est lié à la crise civilisationnelle, voire
existentielle aigue auquel elle est confrontéevoire
existentielle s instances de rechercher un consensust est observésolution
viable pour la Oumma Affaires Religieuses..
L’interprétation littéraliste des
textes, le problème de méthodologie, la manière dont
l’observation du croissant est entérinée dans les différents
pays musulmans, le peu d’intérêt des différentes instances
dans la recherche d’un consensus, n’en sont que des symptômes.
Le Musulman de ce début du XXIème siècle
et ses institutions sont comme tétanisés par leur lamentable
situation socio-économique et géopolitique. Il ignore comment
mettre en œuvre des mécanismes cohérents et efficaces à même
de répondre aux défis présents, tout en préservant son
authenticité et ses aspirations pour une religion ouverte sur
l’universel.
Le Début du Ramadan cette année et sa fin
Le début du Ramadhan pour l’année
2007 ne pouvait être que le jeudi 13 septembre du fait que le
croissant, le soir du mardi 11 Septembre ( correspondant à la
nuit du doute en Algérie) n’était pas formé. Pire, la Lune
s’est couchée avant le Soleil ce jour-là, ce qui demande que
l’on complète le mois de Chaabane à 30 jours.
Quant à la fête de l’Aïd, la Nuit
du Doute étant le Jeudi 11 Octobre pour les pays ayant débuté
le jeûne le jeudi 13 septembre, Lune se couchant avant le Soleil
ce jour-là, comme ce fut le cas au début du mois, elle ne pourra
donc être vue. Ce qui implique un mois de Ramadhan de 30 jours et
une fête de l’Aïd le samedi 13 octobre à la grâce de Dieu.
Il est de notre avis que les fatwas sur
le début et la fin du mois de Ramadhan émises par l’instance
religieuse de chaque pays se doivent d’être suivies par les
musulmans. Une mauvaise fatwa qui ne touche pas à l’essentiel
est préférable à une « fitna » potentielle, surtout
au vu de la fragilité de nos sociétés. Après tout,
l’exactitude dans la performance du jeûne du mois de Ramadhan a
une valeur fortement symbolique, en plus de constituer en soi un
acte de taqwa, cette obéissance à Dieu qui nous pousse au
respect de nos devoirs envers Lui.
Nous nous empressons d’ajouter
qu’une fatwa n’a de valeur en tant que jugement légal que
lorsqu’elle n’est pas en contradiction avec des faits
introvertibles , ce qui serait tourner l’Islam en dérision. Et
c’est ce contre quoi, en tant qu’intellectuels musulmans nous
nous insurgeons.
De plus, le CCL a un devoir de
transparence et de cohérence. Les termes du débat concernant
l’observation du croissant sont simples et accessibles au grand
public pour que ces fatwas ne soient pas émises comme on émettrait
des firmans.
Un débat pédagogique serait le
bienvenu lors de la veillée en direct au lieu des généralités
sur le jeûne et les échanges de vœux et d’amabilité qui
prennent place habituellement.
Nous espérons que les instances
religieuses officielles des pays musulmans auront cette année la
sagesse de prendre au sérieux le critère d’ « Imkan
al-Ru’yah ». Et qu’elles ne valident pas des
observations de croissant qui lui parviendraient la Nuit du Doute,
de même que pour l’Aïd, nous permettant ainsi de jeûner
sereinement les jours que Dieu nous a prescrit, sans ponction ni
addition.
Notes :
En fait si le problème a toujours existé, mais à un niveau
« sous critique », les prodigieux progrès
scientifique , notamment au niveau des communications modernes,
l’a exacerbé au point qu’il est vécu chaque année comme
une source sérieuse de division, voire une « fitna »
pour la Oumma.
C’est bien dans le Monde Arabe que le doute sur l’alunissage
des premiers astronautes a fait le plus d’émules, le tout basé
sur un Cdrom à grande diffusion repiqué d’une émission
insignifiante sur le plan scientifiquement produite par la chaîne
Américaine câblée Fox TV.
Les plans futurs la NASA parlent de missions humaines vers Mars
en passant par l’établissement d’une base lunaire à moyen
terme.
C’est la relation entre les célébrations religieuses liées
à certaines apparences de la Lune qui fait que l’adoption
d’un calendrier lunaire par les musulmans est « naturel »,
quoique stricto sensu pas nécessaire. L’élaboration du
calendrier hégirien est, comme il est bien connu, le fruit
d’un Ijtihad des compagnons du Prophète.
Empressons d’ajouter que l’intercalation n’est jamais très
précise, sinon cela donnerait lieu à une éclipse solaire à
chaque conjonction, éclipse qui est de ce fait relativement
rare.
En fait, l’âge du croissant est un bien mauvais critère pris
de manière isolé vu que la visibilité du croissant ne dépend
pas seulement de la longitude géographique du lieu (donc de
l’âge proprement dit de la Lune), mais aussi de la latitude
et de la période de l’année. Le record mondial de
l’observation d’un croissant précoce est de quelque 13h30
pour l’observation avec des instruments optiques et de quelque
15h à l’œil nu.
Ceci est dû au fait que la Lune en raison de son relief n’est
pas parfaitement lisse, donc la lumière du Soleil arrivant sous
incidence fortement rasante au tout début du mois lunaire ne se
réfléchit pas en surface mais y est totalement absorbée,
alors même que la conjonction a eu lieu.
Notons que le critère de Danjon qui porte sur la formation même
du croissant, joue le rôle d’un super critère. Il donne des
estimations très libérales assez loin d’être réalisées en
pratique.
“Visibility of the thin lunar crescent : the sociology of
an astronomical problem”, N.Guessoum & K.Meziane,
Journal of Astronomical History and Heritage,
Vol. 4, No. 1, p. 1-14 (2001). Voir aussi des mêmes auteurs :
« La visibilité du croissant lunaire et le ramadan »,
La Recherche, N316. Janvier 1999. D’autres études similaires
touchant d’autres pays dans le Monde Arabe ont été publiées
depuis, allant toutes dans le même sens, 90% d’erreur sur 50
ans pour la Jordanie, 86% pour l’Arabie Saoudite (très
conservateurs comme chiffres).
L’Association Sirius d’Astronomie basée à Constantine,
diffuse chaque année un communiqué sur le sujet, et tient sur
son site des archives de l’observation durant la dernière décennie,
documentant les cas litigieux. Voir : http://www.siriusalgeria.org/ram07.htm
J’apporte mon humble témoignage sur un fait vécu qui
illustre parfaitement cette politique que nos bureaucrates
« fitnaphobes » doivent probablement considérer
comme gagnant/ –gagnant. C’était dans les années 90 en Algérie
lorsque j’étais consultant auprès dudit comité, il nous a
été clairement signifié que les informations sur la visibilité
du croissant ne devaient pas être divulguées aux téléspectateurs,
ces données pourraient en effet contredire les rapports de
visibilité qui émaneraient des comités de wilaya
d’observation du croissant. Dans un cas où je devais apparaître
à la TV et donner une explication détaillée, posters à
l’appui, sur le phénomène de lunaison, j’ai été « déprogrammé »
illico lorsqu’il leur est apparu que les données sur la
visibilité préemptaient en quelque sorte les résultats
potentiels de la campagne d’observation de cette nuit là.
Ce bulletin était largement diffusé dans les média, il y a de
cela un peu plus d’une décennie, mais depuis, il est devenu
à diffusion restreinte.
Plus exactement, il est pris en compte a posteriori lorsqu’il
n’y a pas eu d’observation visuelle préalable !
Les médias officiels tels que l’Algérie Press Service (APS),
la télévision publique s’imposent de même ce « devoir
de réserve » et ne répercutent jamais les informations
sur la visibilité du croissant.
Dans une veine plus légère, il y aurait aussi le Ministère de
la Santé Publique qui pourrait réagir, lorsque des rapports de
visibilité de croissant sont validés alors que la Lune est
positivement en dessous de l’horizon.
Voir notamment « Le syndrome Bonatiro, ou le
disfonctionnement de la science en Algérie », Le
Quotidien d’Oran, 22&23 Juillet 2003
Ce fut le cas lors du Ramadhan 2003 en Algérie où une bataille
par médias interposés se déclencha entre le Ministère des
Affaires religieuses et l’Association Sirius d’Astronomie
pour ce « coup bas ». Ou lorsque rien ne fut observé
localement, on invoqua une observation qui s’avéra par la
suite être erronée en Arabie Saoudite pour déclarer l’Aïd,
changeant les règles du jeu de manière impromptu.
Cette règle cache en fait un problème difficile à résoudre,
lié à l’existence nécessaire d’une ligne de changement de
date (IDL). En général, le Moyen- Orient et l’Afrique sont
pris comme bloc unique pour son application. Les pays de l’Asie
situés plus à l’Est, et malgré le fait qu’ils constituent
le centre de gravité démographique de la Oumma, sont de facto
déconnectés du premier ensemble et d’ailleurs célèbrent
l’Aïd souvent un à deux jours après nous.
La Turquie l’a adoptée dans une forme plus locale, et la
Libye a une règle similaire, modulo une définition différente
du jour islamique qui commence à l’aube et non au crépuscule.
De ce fait, elle est plus prompt à commencer avant les autres
pays.
Si on garde en mémoire les déboires de la navette spatiale
construite par la plus grande nation industrielle actuelle, et
dont chaque lancement est une ordalie, on voit dans quels beaux
draps on risque de se mettre.
La ligne rouge est lorsqu’il nous est demandé de jeûner sur
la base d’une Lune qui n’est pas encore née, c’est-à-dire
avant l’occurrence de la conjonction. Dans ce cas, qui est
bien plus grave qu’une simple question d’observabilité du
croissant basée sur la période écoulée depuis la
conjonction, et qui est arrivé à plusieurs reprises ces deux
dernières décennies. Nous sommes en contradiction flagrante
avec le verset coranique qui institue le jeûne, puisque nous
pouvons affirmer que le mois n’est pas encore né. Il est de
notre avis que dans ce cas, tous ceux qui ont connaissance de ce
fait ne doivent pas suivre la fatwa.
Jamal Mimouni, Professeur de Physique à l’Université
Mentouri, Constantine. Membre du Bureau Exécutif de l’Union
Arabe de l’Astronomie et des Sciences de l’Espace (AUASS),
et président de l’Association Sirius d’Astronomie basée à
Constantine
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