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CLÔTURANT
SA VISITE PAR UN GRAND DISCOURS À CONSTANTINE
Sarkozy se
rattrape à l’oral
Zouhir Mebarki
Nicolas Sarkozy et Abdel Aziz Bouteflika
Photo amb-dz
6 décembre 2007 Le
discours du président de la République française à Constantine
est important à plus d’un titre. C’est
un discours au contenu très dense qu’a prononcé hier le président
français, Nicolas Sarkozy, à l’université Mentouri de
Constantine. D’abord pourquoi le choix de Constantine?
«Je n’ai pas choisi Constantine par hasard, je l’ai
choisie parce qu’elle est considérée comme la "Jérusalem
du Maghreb" c’est-à-dire la ville où ont coexisté les
peuples des trois religions du Livre.» Justement, Sarkozy
s’est, au cours de ce discours, longuement étalé sur la
religion au point qu’un commentateur de la chaîne LCI a eu
cette appréciation: «J’ai cru entendre un prédicateur.»
Sur ce chapitre, le président français a fait l’éloge de l’Islam
des lumières, de l’Islam religion d’amour et non de haine, de
l’Islam du progrès, de l’Islam de la tolérance tout comme
d’ailleurs le Christianisme et le Judaïsme. Un passage très
applaudi aussi quand il s’attaque à tous les fanatismes et à
tous les extrémismes. D’ailleurs «le terrorisme déforme et
ternit l’image de l’Islam», a-t-il ajouté. Il a également
rappelé «la bravoure dans la solitude des Algériens lors de
leur lutte contre le terrorisme». Un des moments forts aura
été ce rappel: «Si l’Algérie n’avait pas réussi à
vaincre le terrorisme, je ne serais pas là aujourd’hui à
parler devant vous.» L’évocation de l’Emir Abdelkader et
ses actions pour un Islam tolérant illustrées par l’épisode
syrien de l’Emir qui a sauvé des chrétiens d’une mort
certaine, aura été également un fort moment. Evoquant le
conflit israélo-palestinien, le chef de l’Etat français lance
«un appel pressant à l’Occident pour qu’il se dépouille
de toute volonté de domination et qu’il cesse de croire qu’il
est à lui seul toute la civilisation mondiale». Tout en
demandant à «tous ceux qui se reconnaissent dans un Islam de
progrès, de reconnaître au peuple d’Israël qui a tant
souffert le droit de vivre libre». Sans oublier de
s’adresser «au peuple d’Israël pour qu’il n’inflige
pas au peuple palestinien la même injustice que celle qu’il a
subie lui-même pendant tant de siècles». Et d’enchaîner
naturellement sur le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie
qui doivent être combattus avec toute la rigueur, a-t-il souligné.
L’importance du discours sur les religions peut s’expliquer
par les fondements que compte donner Sarkozy à son projet d’Union
méditerranéenne. Il le veut comme un projet porteur d’une
civilisation forte de cette richesse qu’offrent la diversité et
le métissage. Pour mieux faire passer le message, Nicolas Sarkozy
fait des comparaisons: «Comme la France offrit jadis à l’Allemagne
de construire l’Union de l’Europe sur l’amitié
franco-allemande, la France est venue aujourd’hui proposer à
l’Algérie de bâtir l’Union méditerranéenne sur l’amitié
franco-algérienne», a-t-il insisté. Sur les crimes commis
en Algérie par le colonialisme, le président français dédouane
les colons qui sont venus, de bonne foi, pour travailler et non
asservir ou exploiter quiconque. Il endosse toute la responsabilité
au système colonial. Là, rien de nouveau. La position de Sarkozy
sur le sujet reste inchangée. Un nouveau grand sujet intègre les
relations franco-algériennes depuis cette visite et qui est
l’accord sur le nucléaire civil. Cet accord est, selon le président
français, une «marque de confiance de la France envers l’Algérie».
Et il souligne: «Je le dis au nom de la France, le partage du
nucléaire civil sera l’un des fondements du pacte de confiance
que l’Occident doit passer avec le monde musulman.» Voilà
pour le premier accord du genre de la France avec un pays arabe.
Ce discours du président de la République française à
Constantine est important à plus d’un titre. D’abord, il dévoile
des aspects non avoués jusque-là du projet d’Union méditerranéenne,
comme l’importance de l’axe Paris-Alger qui s’avère
fondamental pour sa réalisation, comme l’a été l’axe
franco-allemand pour l’Union européenne. Sur la période
coloniale et en défendant les colons et en accusant exclusivement
le système qui n’est autre que l’Etat français, il n’est
pas étonnant que le président français s’achemine vers des
excuses officielles aux deux parties: colonisés et colons.
D’autre part, Sarkozy, par ce discours, recadre sa position
pro-israélienne en y intégrant les droits des Palestiniens
jouant ainsi l’équité. Quant au nucléaire civil, et bien que
le président français veuille en faire une «marque de confiance»,
une autre lecture permet de penser au contraire à la meilleure façon
d’en contrôler l’utilisation. On aura enfin remarqué que le
président Sarkozy n’a pas dit un mot sur le Sahara occidental
alors qu’il s’est targué dans ce même discours d’aborder
tous les sujets qui fâchent.
Au-delà de tous ces points, globalement le discours de
Constantine ouvre la voie à des perspectives bien plus
prometteuses qu’elles ne l’ont été durant les six mois de présidence
de Nicolas Sarkozy. Mais il faut savoir raison garder et ne pas
donner aux mots plus d’importance qu’ils ne peuvent en avoir.
Les Algériens ont pris acte du nouveau ton dans le discours français
et demeurent en attente des suites qui lui seront données. Droits de
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Publié le 6 décembre avec l'aimable autorisation de l'Expression
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