La délicieuse Rama Yade, que Nicolas Sarkozy
envisage de dégager vers un job de député européen et on se
demande bien pourquoi, vient d’ajouter une bourde à sa
collection. Questionnée par Jean-Claude Lefort, un ancien
député du PCF, sur le sort de Salah Hamouri, un jeune
français emprisonné en Israël depuis trois ans, Rama répond
avec pleins, déliés et autorité :
« …Lors de l’audience le 10
avril dernier, Monsieur Hamouri a reconnu avoir été en
compagnie de Monsieur Moussa Darwish, accusé d’avoir voulu
assassiner le rabbin Obadia Yossef et condamné pour cette
tentative d’assassinat à 12 ans de prison. Monsieur Hamouri
a reconnu qu’il avait essayé d’expliquer à son camarade
qu’il valait mieux reporter cette tentative par manque
d’armes et de munitions. Le juge a alors accusé le prévenu
de tentative d’assassinat avec préméditation. Monsieur
Hamouri a déclaré être en accord avec l’énoncé des faits et
n’avoir rien à ajouter. Le 17 avril dernier, le juge a
relevé que Monsieur Salah Hamouri n’a exprimé aucun regret
et l’a condamné à une peine de réclusion assortie d’une
peine probatoire de 3 ans à sa libération… »
Circulez député Lefort, il n’y a plus rien à
voir. Le manque de chance, pour Rama, c’est de trop faire
confiance à ses conseillers qui, en la matière, l’ont
expédiée dans les gravillons de l’échappatoire.
Revenons au début de l’histoire. Denise
Hamouri, une professeure originaire de Bourg-en-Bresse à un
fils avec un palestinien, Salah. Une affaire, donc, qui
commence bien mal. A Jérusalem, c’est en tant que français
que Salah grandit puisque « l’identité » palestinienne
n’existe pas. Le gamin parle, lit, écrit et dit des gros
mots en langue de Bresse comme un gosse hexagonal. A 16 ans
il est arrêté pour avoir manifesté contre l’occupation de ce
qui est aussi son pays. Celui qui a ordonné la lecture de la
lettre de Guy Mocquet dans les écoles nous dira sûrement ce
qu’il en pense. A 20 ans, au prétexte qu’avec un pote il est
passé en voiture, trois mois plus tôt, devant la maison du
rabbin d’extrême droite Yossef Ovadia, chef du parti Shas,
Hamouri est arrêté avec son coéquipier Moussa Darwich. Bien
fait.
Dans ce territoire occupé, Hamouri est
maintenu en prison. Pendant plus de deux ans, un tribunal
militaire va se réunir 20 fois sans être capable d’étayer
une accusation cohérente contre ce jeune. Ces officiers
oubliant que Bourg-en-Bresse est aussi connue pour ses
poulardes que pour ses liens avec Al-Qaïda. Hamouri a pour
avocate Léa Tsemel, une israélienne qui milite pour la paix.
En avril 2008, lors d’une nouvelle audience
du tribunal, les juges militaires préviennent Hamouri :
« Cette fois, ou tu plaides coupable, ou tu
en prends pour 14 ans… ». Il se trouve que le « député
honoraire » Lefort, alors dans la salle, a été le témoin de
ce marchandage. Et l’avocate Tsemel conseille à son client,
« pour en finir et préserver l’avenir »,
de plaider « coupable ». Il est donc entendu qu’Hamouri et
son copain ont voulu tuer le rabbin… Tarif : sept ans pour
Salah, 12 ans pour Moussa. Tout est en ordre.
Dans sa lettre imprudente, Rama Yade
recopie, avec application, le contenu de ce juste jugement.
Et c’est alors qu’elle loupe la marche. Jamais cette dame,
la préservatrice de nos Droits de l’homme, ne remarque que
le tribunal qui a condamné Hamouri est un tribunal
« militaire ». Et qu’il siège en territoire « occupé ». Deux
choses que les défenseurs des droits de l’homme détestent.
Rama est-elle trop jeune ou trop pressée pour savoir qui est
Georges Clemenceau ? Un vieux con à moustaches qui gagné la
Guerre de 14, puis fait innocenter Dreyfus. Que disait ce
grincheux, justement à propos des juges du capitaine :
« La justice militaire est à la justice ce
que la musique militaire est à la musique ». Musique.
Sans être tordu, aucun amoureux du droit ne
peut défendre une décision prise par une juridiction
militaire, c’est-à-dire, par définition, d’exception.
N’est-ce pas un tribunal du même métal qui a condamné De
Gaulle à mort lors de son départ à Londres. Circonstance
aggravante, disent en chœur les juristes debout sur la
Convention de Genève, un tribunal d’occupants ne peut se
réunir et juger sur une terre occupée. On se demande si,
pour Rama Yade, le mot « Convention », fut-elle de Genève,
n’est rien d’autre que le nom d’une station de métro. Et
voilà bien la bourde qui embarrasse les juristes. Après une
lettre comme celle-ci, allez gueuler, par exemple, contre
les activités sportives des « juges militaires » de
Rangoon !
Si elle a juridiquement tord, Rama n’a pas
politiquement raison. Voilà que des mal-élevés, venus de son
propre parti, l’UMP, signent une pétition pour la
« libération de Salah Hamouri » ! Et
Jack Lang aussi, qui n’est pas encore UMP bien qu’il ait
voté la réforme de la Constitution. Le casting de ceux qui
défendent ce jeune automobiliste ayant audacieusement roulé
devant l’immeuble d’un rabbin prend chaque jour de
l’ampleur. Outre des députés ou sénateurs de droite et de
gauche, on y croise Henri Alleg, Rony Brauman, Albert
Jaquard, Monique Chemillier-Gendreau, monseigneur Gaillot,
Marcel-Francis Khan, Michèle Sibona (présidente des Juifs de
France pour la Paix), Stéphane Hessel… Autant d’énergumènes
connus pour leur soutien à Ben Laden. Sur ce coup là, le
show- biz est frileux. Seul François Cluzet est monté au
front. Il devrait téléphoner à sa collègue Juliette Binoche
qui, la folle, après avoir naguère manifesté pour la liberté
en Palestine l’a regretté longtemps.
Bref, ce français en prison militaire
n’intéresse ni le président de la République, ni son dévoué
Kouchner et, par voie de garage, sa sous ministre aux Droits
de l’Homme, Rama Yade. Peut- être que, dans sa taule, Salah
Hamouri pourrait monter une petite « assoce » et la baptiser
« Arche de Zoé » ? Ah ! Le nom est déjà pris…