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Liban
Les présidentielles libanaises ...«Now !»
[1]
Marie Nassif-Debs
12
août 2007
http://www.aloufok.
net/article.
php3?id_article=
4087
Le danger d'une escalade au Liban devient-il imminent ? Une
guerre civile peut-elle éclater à la suite des divisions entre
les différentes communautés confessionnelles qui forment le
pays du Cèdre ou bien ce sera, de nouveau, une agression israélienne
qui l'ensanglantera ?
Toutes ces hypothèses sont plausibles..
.
En effet, et tandis que le président des Etats-Unis, G. W.
Bush, hausse le ton contre le Hezbollah qui -selon lui- « combat
les forces de la tempérance » (lire : les Forces
libanaises, issues du Parti phalangiste néofasciste, et Fouad
Sanioura, président du Conseil et ami inconditionnel de
Washington) grâce à « l'argent iranien », les différentes
instances du gouvernement israélien ont tenu des réunions
dites « spéciales » dans le but d'étudier les
possibilités d'une guerre « pouvant éclater sur le front
nord » avec la Syrie et le Hezbollah...
Au même moment, plusieurs faits significatifs viennent appuyer
ces hypothèses menaçantes :
D'abord, l'insistance des officiels étasuniens, à commencer
par la ministre des Affaires étrangères, à recevoir le chargé
d'affaires libanais Antoine Chédid comme nouvel « ambassadeur »
à Washington, parce que le gouvernement de Fouad Sanioura en a
décidé ainsi et même si cette décision constitue une grave
violation de la Constitution libanaise. D'ailleurs, la ministre
et son porte-parole, Sean Mc Cormack ne se sont pas contentés
d'une violation formelle, puisqu'ils sont allés jusqu'à déclarer
que les Etats-Unis voulaient par cette rencontre discuter de
leur « appui aux efforts du gouvernement de Sanioura dans
le but de renforcer encore plus la souveraineté et l'indépendance
du Liban, d'élargir le processus des réformes politiques et économiques
et d'appuyer le Liban contre les tentatives des forces qui
veulent violer cette souveraineté et cette indépendance »...
En d'autres termes, l'administration Bush ne veut pas seulement
liquider toute résistance à ses projets, mais elle veut aussi
opérer des changements politiques et économiques qui lui
permettent d'asseoir plus encore sa mainmise sur le Liban, dont
la création d'une nouvelle base militaire dans le secteur
Jbeil-Batroun[
2].
Le pétrole encore et toujours...
Ensuite, et en relation avec ce qui précède, on parle beaucoup
dans certains cercles très fermés de la capitale libanaise de
la découverte d'une réserve de pétrole très importante le
long de la côte libanaise entre la ville de Batroun et la
frontière nord du Liban (près du camp palestinien de Nahr
El-Bared). Certains vont même jusqu'à dire que cette découverte
date déjà depuis 2004-2005, et que le gouvernement de Fouad
Sanioura en avait promis la concession à des sociétés étasuniennes
bien connues pour leur appui à l'administration de G. W. Bush,
et particulièrement à l'homme fort de cette administration :
le vice-président Dick Chenney. Mais, n'étant pas le seul décideur
en ces matières, le gouvernement libanais actuel doit avoir
l'aval d'un président de la République « malléable » ;
d'où la nécessité de procéder le plus rapidement possible à
des élections présidentielles, afin de mettre fin à la présence
d'Emile Lahoud, ami de la Syrie, à la tête de la République.
Pour ce faire, et comme la majorité actuelle n'a pas les
conditions nécessaires requises par la Constitution, à savoir
les 2/3 des députés élus, l'ambassadeur étasunien à
Beyrouth se démène pour « trouver une solution »,
aidé en cela par certains ambassadeurs arabes et ministres
occidentaux qui étudient, paraît-il, des projets de solutions
visant à décanter la crise qui sévit depuis neuf mois.
Quatre « solutions »
Commençons par la première « solution » présentée
par le ministre français des Affaires étrangères Bernard
Kouchner qui stipule la tenue possible d'une rencontre
internationale et régionale sur le Liban, afin de mettre en
marche un consensus libano libanais qui aurait pour conséquence
d'éloigner la guerre civile qui se profile à l'horizon et
permettrait d'élire un président reconnu par les deux parties
en présence (la majorité et l'opposition)
. Ce qui veut dire, en réalité, un président « incolore,
inodore et sans saveur », dont le rôle serait de gérer
la crise libanaise, en attendant les échéances internationales
et régionales, à commencer par les élections présidentielles
au Etats-Unis, en novembre 2008 et par l'évolution des
pourparlers avec l'Iran... Cette proposition, qui va dans le
sens de celle déjà présentée par le secrétaire général de
la Ligue arabe, n'est valable que si Georges Bush donne à la
France et, par extension, à l'Union européenne son
consentement clair et net. De plus, il lui faudrait aussi le
consentement de l'Iran et de la Syrie qui forment le second pôle
de l'équation...
Quant à la seconde « solution », présentée par
l'Arabie Saoudite[3], elle est composée d'un plan en quatre
points : L'entente sur le nom d'un président « de
consensus », puis sur celui du président du Conseil (qui
sera nommé à la suite de l'élection du nouveau président).
Suivront la composition du nouveau gouvernement (répartition
des portefeuilles, noms, équilibre des forces...) et le contenu
de la déclaration ministérielle, compte tenu des résolutions
internationales sur le Liban et, en premier lieu les résolutions
1559, 1701[4] et celle concernant le « tribunal à caractère
international » pour juger ceux qui ont perpétré le
crime contre l'ex Premier ministre Rafic Hariri.
La troisième solution, présentée par les Etats-Unis, se résume
dans la nécessité d'aller directement aux présidentielles et,
s'il le faut, de changer les articles de la Constitution qui précisent
le quorum, afin de supprimer la majorité requise (2/3 des voix)
pour la remplacer, sans plus tarder, par une majorité simple
(51% des voix).
D'où le mot d'ordre « now » qui fuse de nouveau, à
deux ans d'intervalle. En effet, en 2005, les Etats-Unis ont
donné l'ordre de procéder sans tarder aux élections législatives
et d'utiliser, pour gagner du temps, la loi électorale préparée,
en 2000, par le général syrien Ghazi Kanaan pour permettre la
formation d'une nouvelle majorité, sur la base d'une entente
quadripartite entre les sunnites de Saad Hariri, les chiites de
Nabih Berri et du Hezbollah et les druzes de Walid Joumblat et
obtenir, ainsi, une majorité de 78 députés (sur 128). En
2007, cette majorité, à la base insuffisante, s'est effritée,
ce qui nécessite, une fois de plus, des acrobaties sur le plan
des lois et de la Constitution.
Ces trois solutions ne pouvant aboutir, reste la quatrième, la
scission du pouvoir, par la création de deux gouvernements :
l'un dirigé par Sanioura et l'autre par un membre de
l'opposition. Une telle solution sera, sans aucun doute, le
point de départ d'une nouvelle guerre civile encore plus
meurtrière que celle que le Liban a déjà vécue à la suite
de la formation, de1988 à 1990, de deux gouvernements.
Le chaos menace, donc, à nouveau le Liban. Un chaos dû à l'internationalisat
ion et à la régionalisation à outrance de la crise qu'il vit.
Tous les conflits s'entrecroisent dans ce petit pays, à
commencer par celui qui oppose les Etats-Unis à la Syrie et à
l'Iran, à propos de l'Irak, des armes du Hezbollah, de la
situation en Palestine. Sans oublier la nouvelle donne : la
présence d'Al Qaëda et des autres groupes terroristes, pro étasuniens
ou autres...
Marie Nassif-Debs
Beyrouth, le 12 août 2007
Notes
[1]Mot d'ordre lancé par Condoleeza Rice à
ses amis libanais à la suite de l'assassinat de Rafic Hariri,
ex président de conseil, au printemps 2005, pour les pousser
à refuser tout retard des élections législatives.
[2]Ce secteur compris entre les villes de Jbeil,
ou Byblos, et de Batroun se trouve à 35-60 kilomètres au
nord de Beyrouth. Les Etats-Unis avaient déjà projeté de
construire dans ce secteur une « ville » pour les
familles de leurs officiers œuvrant en Irak...
[3] Une tentative fut faite dans ce sens avec
l'Iran ; et on dit au Liban que le retour de
l'ambassadeur saoudien à Beyrouth, avant la fin de ses
vacances, n'a pour autre but que de faire de la propagande à
cette proposition.
[4] La résolution 1559 considère la résistance
contre l'occupation israélienne comme une milice parmi
d'autres et, à ce titre, elle doit se dessaisir de ses armes.
Quant à la résolution 1701, elle donne à Israël les
possibilités d'attaquer le Liban, puisqu'elle ne contient pas
un véritable cessez-le feu.
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