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Une attaque
israélienne de l'Iran « n'est plus qu'une question de temps »
Stefan Steinberg
Photo RIA Novosti
25 juin 2008
Selon le magazine allemand Der Spiegel
une frappe militaire israélienne de l’Iran n’est plus qu’une
question de temps. Cet hebdomadaire d’information publie en
effet dans sa dernière édition un article de quatre pages
intitulé « Plans pour une attaque » et consacré aux préparatifs
entrepris actuellement en Israël pour des attaques aériennes
contre l’Iran.
L’article commence par la remarque que le
gouvernement israélien a rejeté des sanctions économiques comme
moyen d’empêcher l’Iran de construire l’arme nucléaire. Il dit
ensuite qu’un « large consensus commence à se dessiner (en
Israël) en faveur d’une attaque militaire des installations
nucléaires de Téhéran, et si nécessaire, sans les Américains ».
Celui qui fait le plus ouvertement campagne
en faveur d’une frappe militaire contre l’Iran est l’actuel
ministre des Transports et ancien ministre israélien de la
Défense Shaul Mofaz qui a dit qu’une action militaire contre
l’Iran était « inévitable » et dont les paroles ont été citées
abondamment. Mofaz a dit cela pour la première fois suite à de
récentes discussions avec de hauts responsables américains à
Washington.
Il répéta ses commentaires pas plus tard
que vendredi dernier dans une interview donnée au journal
Yedioth Ahronoth. Faisant allusion à des menaces proférées à
l’encontre d’Israël il y a quelque temps par le président
iranien Mahmoud Ahmadinejad, Mofaz a déclaré que c’était
« l’Iran [qui] disparaîtrait avant Israël ».
Il poursuit ainsi : « Si l’Iran continue
son programme de développement de l’arme nucléaire, nous
l’attaquerons. Les sanctions sont inefficaces…Une attaque de
l’Iran afin d’arrêter ses préparatifs nucléaires sera
inévitable ».
Mofaz, qui est lié étroitement à l’establishment
militaire israélien est connu pour préconiser une ligne dure
vis-à-vis de l’Iran. Illustrant le « large consensus » qui
existe en Israël en faveur d’une attaque militaire de l’Iran,
Der Spiegel rapporte aussi l’opinion de Dani Yatom, général
de division en retraite et député du Parti travailliste qui
déclare : « Nous ne croyons plus à l’efficacité des sanctions…
une opération militaire est nécessaire si le monde veut arrêter
l’Iran ».
L’article cite ensuite l’historien
israélien Bebby Morris, qui est lui aussi en faveur d’une
solution militaire : « si la question est de savoir qui de
l’Iran ou d’Israël doit périr, alors ce sera l’Iran ».
Et Der Spiegel de conclure :
« En vérité… il y a maintenant un consensus au sein du
gouvernement israélien sur le fait qu’une attaque aérienne des
installations nucléaires iraniennes est devenue inévitable ».
L’article explique encore qu’il existe un
accord pratiquement unanime dans le cabinet israélien sur une
frappe militaire de l’Iran. La seule question qui se pose
encore est le moment de l’attaque : « En Israël, il ne s’agit
plus de savoir si l’attaque aura lieu ou non, mais quand elle
aura lieu. »
Selon Der Spiegel : « Les colombes
expliquent que les efforts diplomatiques des Nations unies
doivent se poursuivre jusqu’au moment où l’Iran sera en passe
d’obtenir la bombe. De cette manière, Israël pourrait au moins
expliquer de façon convaincante que toutes les options non
militaires ont été épuisées. »
« Les faucons en revanche croient que le
temps presse. Ils insistent sur le fait qu’il y a maintenant une
"occasion propice" qui n’existera plus une fois arrivée
l’élection présidentielle américaine en novembre et qu’Israël ne
peut compter sur le soutien américain que tant que l’actuel
président américain, George W. Bush, restera en place à
Washington. »
L’article aborde ensuite la faisabilité
d’une attaque aérienne israélienne et inclut une carte de l’Iran
montrant des cibles potentielles pour les avions israéliens. Il
note que l’aviation israélienne a déjà effectué avec succès un
raid aérien contre le réacteur nucléaire irakien d’Osirak en
1981 et que plus récemment, en septembre 2007, elle a détruit
une cible identifiée par les services de renseignement
israéliens comme un site nucléaire suspect dans l’est de la
Syrie.
Israël a récemment signé un accord avec
Washington portant sur l’achat de bombardiers F-22 Stealth,
idéaux pour le genre de raids préparés par le commandement de
l’aviation israélienne. L’actuelle flotte d’avions de chasse
F-15 pourrait, elle aussi, être utilisée pour lancer une attaque
à plusieurs niveaux sur les installations d’enrichissement
d’uranium de l’Iran.
L’article se termine avec une citation de
Bruce Riedel, expert du Moyen-Orient et ancien agent de la CIA,
qui déclare qu’alors qu’un président américain devait s’attendre
à une opposition en cas d’attaque par les Etats-Unis, « la
situation est différente vue depuis Israël… Il y a un risque
qu’Israël pense qu’il n’a pas le temps d’agir et qu’il a
[encore] le feu vert de certains hommes politiques américains. »
Lorsqu’on lui demanda quelles seraient les
conséquences d’une telle attaque, Riedel insista sur le fait
qu’elle serait vue comme une attaque américaine et que les
représailles iraniennes seraient dirigées « tant contre Israël
que contre les Etats-Unis ». Les conséquences en seront
funestes. « Nous verrons le Moyen-Orient en flammes. »
Plans de guerre israéliens et activité diplomatique fébrile
au Moyen-Orient
Il ne se passe guère de jour sans que ne
paraissent des articles parlant de nouvelles initiatives
diplomatiques au Moyen-Orient et dans lesquelles le gouvernement
israélien est directement ou indirectement impliqué. Le jour
même (jeudi 19 juin) où le gouvernement de Jérusalem annonçait
un cessez-le-feu avec le mouvement Hamas dans la Bande de Gaza,
le premier ministre israélien Ehoud Olmert déclarait que son
gouvernement était prêt à des négociations de paix avec le
Liban. Israël conduit depuis longtemps des opérations militaires
régulières contre les Palestiniens dans la bande de Gaza et a
mené en 2006 une guerre de frontière acharnée avec les milices
du Hezbollah, situées à l’intérieur du Liban.
D’autres pays comme la France, l’Allemagne
et la Turquie ont eux aussi fait la promotion active d’une
amélioration des relations internationales avec le régime
syrien, qui fut longtemps traité de « paria » tant par Israël
que par les Etats-Unis et devait à l’origine figurer sur la
liste des pays constituant « l’Axe du mal » de Washington. Le
président français Nicolas Sarkozy a récemment visité Beyrouth à
la tête d’une nombreuse délégation et il a invité le président
syrien Bachar al-Assad à assister aux célébrations du 14 Juillet
à Paris. Sarkozy y a aussi invité le premier ministre israélien
et espère que les deux ennemis jurés pourront être persuadés de
se réconcilier.
Un examen attentif des différentes
« initiatives de paix » rivales montre que les gouvernements
israéliens et européens suivent des stratégies différentes.
Israël se sert de la campagne de propagande menée par Washington
et visant à diaboliser le régime iranien afin de préparer sa
propre attaque de l’Iran. Jérusalem cherche en même temps à
neutraliser un certain nombre d’alliés traditionnels de l’Iran
comme le mouvement Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban et le
gouvernement syrien dirigé par Assad, afin de réduire le risque
de représailles de leur part suite à une attaque militaire de
l’Iran.
Les gouvernements européens comme la France
et l’Allemagne sont certainement très conscients de la menace
d’une attaque militaire de l’Iran, soit de la part d’Israël soit
de la part des Etats-Unis, et qui mettrait en danger leurs
intérêts économiques et politiques au Moyen-Orient qui sont
considérables. Des avertissements pressants quant aux
conséquences d’une telle attaque ont déjà été lancés en novembre
2007 en Allemagne par le président de la commission
parlementaire des Affaires étrangères, le chrétien-démocrate
Ruprecht Polenz et, il y a tout juste deux semaines, par
l’ex-ministre des Affaires étrangères allemand Joschka Fischer.
Mais s’ils conduisent vigoureusement leur
propre diplomatie au Moyen-Orient, les gouvernements européens
ne sont pas prêts à s’opposer publiquement à la propagande
belliciste anti-iranienne d’Israël et des Etats-Unis.
Ce fut le sens de la récente tournée des
pays européens entreprise par le président américain. Dans
chaque pays où il fut reçu, George W. Bush put répéter ses
menaces contre l’Iran sans qu’aucun leader européen ne s’y
oppose.
L’article du Spiegel note ce fait et
il remarque que le point de vue des faucons israéliens qui
demandent une action militaire rapide contre l’Iran a été
renforcé par le récent voyage de Bush en Europe.
« Le président Bush a cependant envoyé
récemment des signaux qui rappellent de façon suspecte les
semaines qui ont précédé la guerre contre l’Irak. Car à l’époque
comme aujourd’hui, il insistait sur le fait que "toutes les
options restaient envisageables". Et comme aujourd’hui, il
essayait alors d’apaiser les européens en disant qu’on
épuiserait d’abord toutes les possibilités diplomatiques. Mais
durant sa récente visite en Slovénie, Bush a dit : "Il y a un
tas de choses pressantes lorsqu’il s’agit de l’Iran, et les
Israéliens qui sont politiques…, si vous allez en Israël et que
vous [les] écoutez attentivement, vous entendrez cette urgence
dans leur voix." »
Le rapprochement fait par Der Spiegel
entre la période actuelle et celle qui a précédé la guerre
contre l’Irak est tout à fait approprié. Avant de lancer
l’invasion militaire de 2003, des leaders européens sans courage
ont soutenu docilement les sanctions imposées au régime de
Saddam Hussein et qui ont coûté la vie à des centaines de
milliers d’Irakiens. Ensuite, ils restèrent soit silencieux
(comme la France et l’Allemagne) ou se firent les complices de
Washington (comme la Grande-Bretagne) alors que le gouvernement
Bush débitait un chapelet de mensonges pour justifier son
invasion destructrice de l’Irak.
Le silence actuel des gouvernements (et de
la plupart des médias) européens devant le danger d’une attaque
militaire israélienne soutenue par les Etats-Unis est tout aussi
assourdissant qu’alors. Après les évènements d’Irak, personne
parmi les gens politiquement conscients ne peut affirmer que les
conséquences d’une « frappe préventive » contre l’Iran ne sont
pas encore visibles. On prépare sous le nez des élites
dirigeantes européennes un nouveau crime de guerre
catastrophique et pas un seul gouvernement du continent n’est
prêt à s’opposer aux gouvernements de Jérusalem et de
Washington.
Au contraire, ces élites sont déjà en train
de lancer des signaux disant qu’ils seront du côté du régime
israélien dans l’éventualité d’une guerre contre l’Iran. Le même
homme politique allemand qui en novembre dernier a fait avec
tant d’emphase cette mise en garde quant aux conséquences d’une
attaque israélienne de l’Iran, dit clairement dans le dernier
article du Spiegel que l’Allemagne serait à coup sûr du
côté d’Israël dans le cas d’hostilités ouvertes.
Ruprecht Polenz résume le rôle joué par les
européens dans l’encouragement de sanctions plus sévères
vis-à-vis de l’Iran comme étant celui d’une possible dissuasion
à l’action militaire, une stratégie qui, en même temps, lie plus
encore les nations européennes à Israël.
« En lançant cet avertissement, nous
prenons plus encore la responsabilité de (garantir que) notre
approche préférée apportera des résultats » dit Polenz. En
d’autres mots, si l’Iran continue de poursuivre son programme
nucléaire, l’Occident devra resserrer les rangs autour de
Jérusalem. « En aucune circonstance, on ne peut donner
l’impression qu’on abandonnerait Israël face à la possibilité
d’une bombe atomique iranienne ».
(Article original anglais paru le 20 juin
2008)
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Publié le 25 juin 2008 avec l'aimable autorisation du WSWS
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