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L'Iran et les Etats-Unis : entre la guerre et la paix
Piotr Gontcharov
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Le 23 février, le directeur général de l'AIEA doit soumettre
au Conseil de sécurité de l'ONU un rapport sur la façon dont
l'Iran remplit les exigences de la résolution 1737 adoptée par
le Conseil en décembre de l'année dernière. La résolution
prescrit à l'Iran de suspendre les travaux d'enrichissement
d'uranium avant le 21 février 2007. Si le rapport stipule que Téhéran
n'a pas rempli ces exigences, le Conseil de sécurité prendra des
mesures supplémentaires visant à durcir les sanctions.
Cependant, la situation qui se crée actuellement autour de
l'Iran dépasse nettement le cadre de son programme nucléaire.
Les Etats-Unis accélèrent les événements. Selon la revue
britannique New Statesman, les forces et les moyens qui se
trouvent dans le Nord-Ouest de l'océan Indien et dans le golfe
Persique permettent d'ores et déjà au président américain de détruire
en quelques heures l'infrastructure politique, économique et
militaire de l'Iran.
Il est déjà évident que le nucléaire iranien n'est pas,
pour les Etats-Unis, le problème principal, loin s'en faut, dans
leurs rapports avec l'Iran. Washington a laissé entendre à Téhéran
que l'Iran ne dominerait pas au Proche-Orient, qu'il ne contrôlerait
pas le golfe Persique et que les Etats-Unis défendraient leurs
intérêts dans la région qu'ils ne quitteront en aucun cas.
Washington a également laissé entendre à Téhéran sans ambiguïté
qu'il n'avait plus l'intention de tolérer la politique de l'Iran
à l'égard de l'Irak. Tout cela est exposé dans la
"nouvelle stratégie de George Bush".
Il devient de plus en plus évident que l'élément principal
de la "nouvelle stratégie" n'est pas l'envoi en Irak de
deux bataillons de marines et de cinq brigades terrestres, mais la
création dans le golfe Persique de deux groupes de choc de
porte-avions et le déploiement dans cette région du nouveau système
américain de défense antimissile Patriot PAC-3. Il est vrai
qu'on ignore si tout ce puissant potentiel militaire sera utilisé
ou si les Etats-Unis se borneront à jouer des muscles et à
manifester leur détermination. Il ne faut pas exclure que le
refus de Téhéran d'arrêter l'enrichissement d'uranium soit un
prétexte valable aux yeux des Etats-Unis pour venir à bout d'un
adversaire qui prétend jouer le rôle principal dans la région
et qui les empêche d'appliquer leur "nouvelle stratégie".
Pour l'instant, le président George Bush qualifie les propos
sur les frappes militaires éventuelles contre l'Iran de "spéculations
politiques typiques de Washington". Le chef du Pentagone
Robert Gates lui fait écho en affirmant que la création d'un
puissant groupement de porte-avions dans le golfe Persique doit être
considérée comme un "mécanisme solide" destiné à
faire entendre raison à l'Iran. A faire comprendre que les
Etats-Unis sont un acteur incontournable, même s'ils se sont
enlisés en Irak. Robert Gates et George Bush reconnaissent que
"l'emploi de la force est l'ultime moyen de régler les problèmes",
si l'Iran ne saisit pas qu'il faut compter avec les Etats-Unis en
toutes circonstances.
A en juger par les signes extérieurs, Téhéran ne se presse
pas de suivre les conseils de la Maison Blanche et se montre opiniâtre.
L'Iran effectue des exercices engageant 20 brigades terrestres.
Ces exercices ne sont pas seulement les plus importants de ces
dernières années, ils ont aussi une particularité : des armes
de DCA récemment acquises ont été employées à cette occasion.
En même temps, Téhéran fait savoir à la dernière minute,
selon la manière qui lui est propre, sa volonté de reprendre les
pourparlers sur le programme nucléaire iranien afin de
"lever les appréhensions et les inquiétudes" de la
communauté internationale. A cette fin, le Secrétaire du Conseil
suprême de la sécurité nationale de l'Iran Ali Larijani
rencontre à Vienne le directeur général de l'AIEA. La prochaine
session du Conseil des gouverneurs de l'AIEA sur le dossier nucléaire
iranien est prévue pour les 5-6 mars.
Comme l'a déclaré à la veille de cette rencontre Mohamed
ElBaradei, il fera tout son possible pour persuader l'Iran qu'il
est dans son intérêt de rechercher les moyens de poursuivre les
négociations. Si ses efforts échouent, il sera vain de faire un
pronostic sur "ce qui pourra arriver demain".
Mais même si ses efforts sont couronnés de succès, il est
peu probable que cela conduise à des changements radicaux. Le président
iranien a déclaré que Téhéran n'avait pas l'intention de
suspendre l'enrichissement d'uranium et que les unités d'élite
des forces armées du Corps des gardiens de la révolution ont
repoussé, au cours des exercices, "une attaque d'avions, d'hélicoptères
et de missiles d'un adversaire conventionnel, en utilisant 620
missiles et armes de DCA".
L'Iran montre qu'il est prêt à se défendre.
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