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Les démocrates au Sénat américain
promettent le financement nécessaire à la continuation de la
guerre
Patrick Martin
10 avril 2007
Affirmant leur soutien à
une occupation élargie et de durée indéterminée de
l’occupation américaine de l’Irak, deux sénateurs démocrates
influents ont déclaré à la télévision dimanche qu’en aucun
cas la majorité démocrate au Congrès ne mettrait un terme au
financement de la guerre.
Carl Levin, président
de la commission du Sénat sur les forces armées, était à l’émission
This Week sur la chaîne de télévision ABC alors que
Charles Schumer, président du comité électoral démocrate pour
le Sénat s’exprimait sur Fox News Sunday.
Levin a rejeté la déclaration
du leader de la majorité au Sénat, Harry Reid, qui avait déclaré
qu’il soutiendrait une mesure visant à limiter les crédits de
guerre au-delà de mars 2008 si le président George W. Bush
utilise son veto pour bloquer une résolution actuellement devant
le Congrès américain. Cette résolution veut imposer des critères
de performance au gouvernement irakien et le menace d’un retrait
limité des forces américaines de l’Irak dans le cas où ces
critères ne seraient pas respectés. Reid avait dit qu’il
soutiendrait le projet de loi introduit par le sénateur Russell
Feingold du Wisconsin si Bush opposait son veto comme il en a
l’intention.
Le projet de loi
Feingold-Reid est voué à l’échec, a déclaré Levin. « Harry
Reid a reconnu que ce n’est pas ce qui va se passer. Il a une
position personnelle et il a dit que ce n’est pas celle du
caucus démocrate. Il a été très clair lorsqu’il a apporté
son soutien à une loi qui mettrait fin au financement [de l’armée
en Irak] dans certaines circonstances. »
« Nous n’allons pas
voter pour diminuer le financement, point final, a dit
Levin. Nous allons financer les troupes. Nous l’avons toujours
fait. » Il a ajouté : « Nous sommes
absolument convaincus qu’il faut soutenir les troupes, mais nous
sommes aussi convaincus qu’il faut faire pression sur les
dirigeants irakiens pour qu’ils tiennent leurs engagements. Sans
cet accord de leur part, il n’y a pas de solution militaire. »
Levin a suggéré deux bases
d’entente possibles avec la Maison-Blanche après un veto de
Bush. La loi pourrait conserver les critères de performance
proposés, mais laisser tomber la menace de retrait limité des
troupes prévu pour le 31 mars de l’an prochain. « Si cela
ne marche pas et que le président oppose son veto à la loi à
cause de cela, a-t-il continué, et c’est ce qu’il fera,
alors cet aspect sera retiré, parce que nous allons financer les
troupes. »
Schumer, numéro trois de la
majorité démocrate au Sénat, a dit que les démocrates
chercheront à présenter le veto de Bush comme une attaque envers
les troupes en Irak. Décrivant la soi-disant résolution contre
la guerre en Irak votée selon les lignes de parti par le Sénat
avec 50 en faveur et 48 contre, il a dit : « Avec
cette résolution que nous envoyons au président, nous donnons en
fait même un peu plus d’argent pour les troupes que n’en a réclamé
le président. Et rien — je dis bien, rien — ne fera obstacle
à notre soutien entier aux troupes. Mais, deuxièmement, en même
temps, nous sommes absolument convaincus que nous devons changer
de stratégie en Irak. Nous sommes, dans les faits, en train
d’assurer l’ordre dans une guerre civile. »
Schumer a défendu le projet de loi de
Feingold et Reid en affirmant que celui-ci « n’appelait
pas au retrait de toutes les troupes ». Il a expliqué :
« Il appelle à continuer le financement, même au-delà de
mars 2008, c’est à dire dans un an, pour trois missions :
le contre-terrorisme, qui a toujours été l’objectif de la
mission initiale, protéger nos forces, et former les Irakiens. Et
deuxièmement, nous n’allons tout simplement pas laisser les
troupes en plan, un point c’est tout. Le sénateur Reid l’a
dit. Je l’ai dit. Tous les dirigeants du Parti démocrate
l’ont dit. Mais nous n’allons pas abandonner notre quête
visant à forcer le président à essentiellement changer de stratégie.
Nous ne devrions pas être le service d’ordre dans une guerre
civile. Nous devrions combattre le contre-terrorisme. »
Ces affirmations ne font pas seulement la démonstration
d’une capitulation de la direction du Parti démocrate face à
l’administration Bush ; elles représentent une déclaration
de solidarité avec les objectifs de l’impérialisme américain
en Irak. Levin et Schumer prouvent que toute la position
soi-disant anti-guerre qu’affiche le Congrès démocrate
— résolutions non exécutoires, projets de loi de financement
de la guerre avec calendriers et critères de performance — est
un exercice de duplicité politique.
L’essence de la politique du Parti démocrate
est de calibrer ses actions afin d’accorder tout le soutien matériel
nécessaire à l’occupation militaire américaine de l’Irak,
tout en ne soutenant qu’en paroles les sentiments populaires
anti-guerre qui ont donné le contrôle du Congrès aux démocrates
lors des élections de 2006. Ils tentent d’accomplir deux
objectifs cruciaux de l’élite dirigeante américaine :
maintenir l’emprise des Etats-Unis sur l’Irak et ses énormes
richesses pétrolières, et empêcher l’émergence d’un véritable
mouvement contre la guerre, qui devrait nécessairement rompre
avec le système bipartite et adopter une trajectoire politique
indépendante.
Tous les démocrates en vue de la Chambre
des représentants et du Sénat ont même adopté le langage de la
Maison-Blanche dans leurs discussions sur le financement
d’urgence, présentant le fait de voter contre le projet de loi
comme une attaque envers les soldats. Bush, lors de son discours
samedi à la radio, a exigé que le Congrès fournisse aux troupes
« les fonds, les ressources et l’équipement dont ils ont
besoin pour faire leur travail ».
Les démocrates du Sénat, plutôt que de
faire respecter le droit constitutionnel du Congrès de mettre un
terme au financement et forcer l’arrêt de la guerre — sauvant
ainsi la vie des soldats — ont repris les paroles de Bush, et déclaré
par la voix de Schumer, que « nous n’allons tout
simplement pas laisser les troupes en plan, un point c’est tout ».
En rejetant totalement l’arrêt du
financement, Levin et Schumer vont plus loin que certains sénateurs
républicains. Arlen Spector de Pennsylvanie, par exemple, a déclaré
lors d’une émission dimanche qu’il n’était pas prêt à
« arrêter le financement dans l’immédiat ».
Ajoutant : « Mais ma patience, comme celle de beaucoup
d’autres, a des limites. »
Il ne fait aucun doute que la position
ouvertement en faveur de la guerre, des dirigeants démocrates, a
un impact sur la conscience publique. Selon un sondage d’opinion
publié ce week-end, alors que 62 pour cent des personnes interrogées
sont opposées à la façon dont Bush mène la guerre, 57 pour
cent s’opposent également aux actions des démocrates au Congrès,
une indication que le sentiment anti-guerre commence à se
retourner contre les deux partis.
Dans leurs commentaires sur la guerre ces
derniers jours, les démocrates au Sénat aussi bien que la représentante
à la Chambre, Nancy Pelosi, ont une fois de plus repris les
conclusions du rapport déposé par le Groupe d’étude sur l’Irak,
dirigé par l’ancien secrétaire d’Etat, James Baker et
l’ancien congressiste démocrate, Lee Hamilton. Le rapport
Baker-Hamilton a été en grande partie mis de côté après que
ses principales conclusions aient été rejetées par la
Maison-Blanche qui était faveur de l’escalade militaire,
escalade qui a pris la forme d’une « intensification »
de près de 30 000 soldats additionnels à Bagdad et dans la
province d’Anbar.
Mais dans les dernières semaines, Hamilton
et Baker ont tous deux publié des commentaires dans les journaux
à grand tirage, appelant à ce qu’on revienne à leur approche
bipartisane à la guerre. L’article de Baker, publié le 5
avril dans le Washington Post, soulignait les dangers
politiques à l’intérieur du pays et appelait à ce que le
rapport du Groupe d’étude sur l’Irak serve de base pour recréer
un « consensus national » sur la guerre. Baker
insistait dans son commentaire que dans son rapport, les membres
du groupe d’étude avaient rejeté un retrait « prématuré »
des troupes américaines.
Pelosi avait cité le rapport Baker-Hamilton
pour justifier son voyage en Syrie la semaine dernière, qui a été
vertement dénoncé par la Maison-Blanche. Le Groupe d’étude
sur l’Irak avait recommandé une approche diplomatique américaine
envers la Syrie voire même l’Iran, dans le but d’obtenir
l’aide de ces régimes pour éviter l’effondrement total de la
position américaine en Irak.
Les démocrates au Congrès, bien qu’ils
critiquent à l’occasion très vigoureusement la compétence de
l’administration Bush dans la conquête et l’occupation de
l’Irak, ont adopté toutes les suppositions sous-tendant la
justification de la Maison-Blanche pour sa guerre d’agression.
Les « critères de performance » incorporés dans les
législations de la Chambre des représentants et au Sénat,
accordant les crédits d’urgence essentiels pour la poursuite de
la guerre, ont déjà été proposés par l’administration Bush
elle-même. Parmi ceux-ci, on trouve la demande — d’une
importance centrale pour l’élite dirigeante américaine — que
le gouvernement irakien adopte au plus tard le 1er juillet 2007,
une loi nationale permettant la privatisation et la vente des réserves
pétrolières du pays.
(Article original paru le 10 avril 2007)
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