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Tensions aiguës entre l’armée
américaine et le premier ministre irakien
James Cogan
Nouri Al-Maliki
3 août 2007
Les relations sont quasiment rompues entre le général David
Petraeus, commandant militaire de l’armée américaine en Irak,
et le premier ministre irakien, Nouri al-maliki. Depuis plus
d’un bon mois, il y a fuite de rumeurs de disputes féroces
entre les deux hommes. Selon des politiciens irakiens qui ont parlé
le week-end dernier à Associated Press, les tensions sont telles
que Maliki a dit à Petraeus : « Je ne peux plus négocier
avec vous. Je vais demander à ce qu’on vous remplace. »
La raison de cette animosité est l’opposition du premier
ministre chiite à l’une des tactiques clé du général pour
tenter de refréner les insurrections principalement arabes
sunnites organisées contre l’armée américaine et le
gouvernement fantoche soutenu par les Etats-Unis à Bagdad.
Petraeus a encouragé ses subordonnés à proposer une amnistie,
de l’argent et le pouvoir politique local aux combattants de la
guérilla sunnite et aux combattants tribaux qui acceptent de
renoncer à la résistance à l’occupation américaine.
Maliki voit dans les amnisties aux insurgés sunnites une
menace mortelle à l’encontre de son gouvernement. Les
groupements sunnites impliqués ne cachent pas leur hostilité à
l’égard des partis chiites. La plupart d’entre eux sont
constitués d’anciens membres nationalistes arabes ou
sympathisants du Parti Baas de Saddam Hussein dont le gros du
soutien découle de la population sunnite. Ils considèrent les
organisations fondamentalistes chiites qui dominent le régime de
Bagdad soutenu par les Américains, tel le Parti Da’wa de Maliki
et le Conseil suprême islamique en Irak (SCII) comme rien moins
que des agents de l’Iran voisin.
Maliki et l’establishment chiite irakien s’inquiètent et
s’agitent de plus en plus tandis que Petraeus avance son plan. A
l’origine, cette politique avait commencé comme une tentative
pragmatique de réduire les attaques à l’encontre des troupes
américaines dans la province occidentale explosive d’Al Anbar.
Un contrôle effectif sur la ville irakienne de Ramadi fut accordé
à un conseil tribal sunnite en contrepartie de l’aide apportée
aux opérations américaines contre des insurgés encore plus
durs, et que l’armée américaine qualifie comme étant « d’Al
Qaïda ».
Les ouvertures faites aux tribus et aux groupes de résistance
sunnites se sont faites depuis à une plus grande échelle. Des
accords sont conclus avec des groupes des banlieues de Bagdad et
des régions à majorité sunnite des alentours des provinces de
Diyala, Saladhuddin et de Babil. Des milliers d’hommes qui ont
probablement combattu les troupes américaines et les troupes
gouvernementales irakiennes à un moment ou à un autre au cours
des quatre dernières années sont à présent payés par les
officiers américains pour faire fonction de « vigiles de
proximité », de « police provisoire » ou d’« unités
de réaction d’urgence ».
En procédant de la sorte, l’armée américaine a fait peu
cas des craintes du gouvernement irakien, en tournant en dérision
les affirmations de la Maison Blanche selon lesquelles Maliki
dirige un gouvernement démocratiquement élu et un Etat
souverain. La réalité est que Maliki est totalement impuissant
à empêcher que Petraeus ne remette de vastes régions du pays
entre les mains des forces sunnites qui rejettent son autorité et
qui sont engagées à renverser son régime. Ses objections ont été
balayées à grands cris par le général américain et repoussées
d’emblée par le gouvernement Bush.
Des tensions sectaires entre Sunnites et Chiites qui ont déjà
causé la mort de milliers de personnes et qui ont poussé des
centaines de milliers d’Irakiens à quitter leurs maisons sont
à présent attisées en conséquence. Sami Askari, un assistant
de Maliki, a dit la semaine dernière au Los Angeles Times
que la politique américaine à l’égard des insurgés sunnites
était « le germe de la guerre civile ».
Lors d’une conférence vidéo avec Bush, le mois dernier, le
ministre irakien frustré aurait à plusieurs reprises menacé
d’armer la milice chiite si Petraeus continuait à aider les
opposants sunnites de son gouvernement. La réponse méprisante de
Bush fut de dire à Maliki de « se calmer ». L’armée
américaine a ordonné aux unités à dominante chiite de se tenir
à l’écart des régions où opéraient ses forces sunnites
nouvellement recrutées mais des affrontements ont déjà failli
avoir lieu. Le New York Times a rapporté le 16 juillet que
des troupes américaines avaient fait appel à des hélicoptères
armés pour le combat au sol et avaient pointé leurs armes sur
des soldats chiites pour empêcher qu’ils ne s’attaquent à
d’anciennes guérillas sunnites dans une banlieue de Bagdad.
Au sein du parlement irakien, les partis sunnites ont été
encouragés à rompre avec le gouvernement Maliki. Après avoir
boycotté le parlement pendant plus d’un mois, le principal bloc
sunnite, le Iraqi Accordance Front (IAF), a annoncé mercredi
qu’il retirait ses ministres du gouvernement après que Maliki
ait rejeté une liste de revendications comprenant onze points. On
trouve dans ces points, la revendications d’une influence
sunnite plus grande sur les forces de sécurité irakiennes, une
purge dans la nouvelle armée irakienne des loyalistes chiites
fondamentalistes et la libération de milliers de Sunnites détenus
pour avoir, paraît-il, participé ou soutenu l’insurrection
anti-occupation. En coulisses, l’IAF s’efforce de former une
coalition avec des partis kurdes, avec des formations séculaires
et des opposants chiites de Maliki, une alliance qui pourrait
potentiellement renverser le gouvernement.
Les motifs américains
La situation devenant chaque jour de plus en plus explosive,
les médias américains évitent assidûment d’examiner les
contradictions qui entourent les tractations de l’armée américaine
avec les tribus sunnites et les mouvements de résistance ou leurs
implications plus générales.
Petraeus a affirmé que de telles organisations collaboraient
avec ses forces parce qu’elles avaient réalisé que les extrémistes
sunnites inspirés par Al Qaïda représentaient un obstacle plus
direct à leurs intérêts que l’occupation américaine. Des
ex-baasistes et des milices tribales engagées dans une lutte pour
le pouvoir avec des groupements sunnites religieux ont accepté de
l’argent américain et une aide logistique et militaire dans le
but de détruire leurs rivaux.
Le conflit entre les factions sunnites sert à mettre
l’accent sur l’absurdité des affirmations américaines selon
lesquelles Al Qaïda a été le principal protagoniste durant les
quatre années que dure la guerre de guérilla anti-occupation. Le
type de réaction islamique d’Al Qaïda est vu avec hostilité
par les principales organisation de résistance irakiennes dont la
perspective n’est pas la mise en place d’un califat sunnite
islamique, comme Bush ne cesse de l’affirmer, mais de se débarrasser
de l’occupation américaine. Il n’y a aucune garantie à ce
que les alliés sunnites ostensibles de l’armée américaine ne
retournent à nouveau leurs armes contre les troupes américaines.
L’attitude de ces factions sunnites dépendra de la poursuite
ou non du soutien du gouvernement Bush au gouvernement Maliki
qu’elles considèrent être une menace encore plus grande que
les extrémistes religieux sunnites. Le général Rick Lynch,
l’un des commandants de Petraeus, a rapporté en juin que des
chefs de tribus sunnites de la province d’Al Anbar lui disaient
carrément : « Nous vous haïssons parce que vous êtes
des occupants, mais nous haïssons Al Qaïda encore plus et nous
haïssons plus encore les Perses [c’est-à-dire les partis
chiites iraniens et irakiens]. »
Le fait que l’occupation américaine facilite la montée des
milices sunnites laisse supposer que la Maison Blanche a abandonné
son objectif avoué d’établir un gouvernement central fort en
Irak et pourrait bien préférer voir le pays se désagréger en régions
se faisant la guerre. Du point de vue des objectifs américains de
dominer le Proche-Orient et ses ressources, le présent
arrangement politique n’est pas tenable. Maliki dirige un régime
qui est dominé par les partis fondamentalistes chiites qui sont
en désaccord avec des factions rivales sunnites, kurdes et
chiites. La conséquence en a été la paralysie du parlement. Le
gouvernement de Maliki s’est révélé incapable de faire face
à la moindre demande américaine, notamment d’une loi sur le pétrole
qui légaliserait l’ouverture de l’industrie pétrolière
irakienne aux investisseurs étrangers et sa prise de contrôle.
Une inquiétude d’égale ou plus grande importance pour
Washington est le fait que les partis chiites irakiens continuent
de maintenir leurs liens politiques de longue date et leurs
affinités religieuses avec le régime iranien. Compte tenu du
fait que dans la région des Etats dominés par les Sunnites, tels
l’Arabie saoudite, la Jordanie et l’Egypte, cachent à peine
leur hostilité à l’égard de Maliki et leur sympathie vis-à-vis
des insurgés sunnites, l’Iran se présente comme le seul allié
régional vers lequel le gouvernement Maliki peut se tourner. Dans
une situation où le gouvernement Bush est engagé dans un conflit
diplomatique voire peut-être militaire avec Téhéran, des doutes
existent au sein des milieux politiques américains quant à la
sagesse de laisser l’Etat irakien entre les mains de Maliki. En
cas de guerre avec l’Iran, les analystes de l’armée américaine
ont exprimé leurs craintes que les troupes américaines et les
lignes d’approvisionnement en Irak pourraient être attaquées
par la milice chiite ou par des unités chiites de l’armée et
de la police armées par les Etats-Unis.
Il est indéniable que de tels calculs se cachent derrière la
promotion de la milice chiite tout comme derrière les exigences
américaines incessantes pour qu’un rôle plus important soit
confié aux personnalités sunnites au sein du gouvernement et des
forces de sécurité irakiennes. Petraeus et ses officiers sont en
train de rassembler un contrepoids à la force armée chiite alors
que la Maison Blanche cherche à cultiver une potentielle
alternative à la dominance politique chiite. Ce faisant, les
Etats-Unis ne font qu’attiser la guerre sectaire qui a déjà coûté
la vie à un grand nombre de personnes et causé une immense
destruction.
(Article original paru le 3 août 2007)
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Publié le 11 août 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS
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