Opinion
L'antiterrorisme
tient sa nouvelle victime
La prison
de Fresnes
Mardi 20
septembre 2011
Malgré l’absence d’éléments
matériels, le physicien
Adlène Hicheur devrait voir son
mandat de dépôt prolongé par le juge des
libertés, lors d’une audition prévue ce
mardi 20 septembre. Le chercheur
entamera donc prochainement sa troisième
année de prison.
Arrêté le 8 octobre 2009, ce
physicien de l’Organisation européenne
pour la recherche nucléaire, le CERN,
est mis en examen pour association de
malfaiteurs en relation avec une
entreprise terroriste. Il est accusé
d’avoir échangé des messages sur
Internet avec un membre supposé d’Al
Qaida au Maghreb Islamique. Deux ans
après, personne d’autre n’a été mis en
examen dans cette affaire. Celui qui est
présenté par l’accusation comme son
interlocuteur, Mustapha Debchi, a été
arrêté début février en Algérie. Aucun
élément nouveau n’a été versé au dossier
depuis.
Nouveau
renouvellement
Ses avocats et ses proches ne se font
aucune illusion quant à la décision de
demain. Le prolongement de son mandat de
dépôt rythme la détention d’Adlène
Hicheur tous les quatre mois depuis deux
ans. Le débat contradictoire en présence
du juge des libertés, du prévenu et de
ses défenseurs devrait aboutir, demain,
à un renouvellement malgré les
alternatives envisagées et un état de
santé dégradé.
“Il est affaibli, il marche avec
une canne”, nous a confié Me
Baudouin, l’un de ses avocats. Avant son
arrestation, au printemps 2009, il avait
été hospitalisé plusieurs mois en vue
d’une intervention chirurgicale,
finalement annulée. Pendant sa garde à
vue, il n’avait pu porter la ceinture
lombaire et avait effectué son transfert
à Paris, 500 km assis dans un véhicule,
quand les médecins lui recommandaient la
position debout ou couché. Et c’est
couché au sol dans sa cellule qu’il
avait fini sa garde à vue rappelle son
frère, Halim.
Une première expertise médicale
conclut le 17 décembre 2009, deux mois
après son arrestation, à la
compatibilité de son état de santé avec
une incarcération. Ce que ses avocats
ont contesté, jusque devant la Cour de
Cassation. Dans les arrêts
du 15 mars et
du 15 juin 2011, les magistrats de
la plus haute juridiction de l’ordre
judiciaire rappellent les arguments de
la chambre de l’instruction :
Sur l’état de santé de M. X
(Adlène Hicheur), l’intéressé est
suivi régulièrement en détention et
y reçoit les soins appropriés à son
état (…) il est pris en charge par
les médecins intervenants dans les
établissements pénitentiaires et ne
produit aucun certificat médical
révélant un changement de sa
situation.
Le 3 mai 2011, un certificat médical
établissait que “les pathologies
chroniques ont un retentissement
psychologique accentué par la détention”.
Vingt
demandes refusées
Plus de vingt demandes ont été
déposées par ses avocat. Toutes ont été
refusées, y compris le placement sous
bracelet électronique alors que les
conditions étaient réunies. En juin
2010, le service pénitentiaire
d’insertion et de probation (SPIP) a
mené une enquête en vue d’un placement
en liberté conditionnelle sous bracelet
électronique. Adlène Hicheur pouvait
être hébergé par un membre de sa famille
en Seine-Saint-Denis, à proximité d’un
lieu de soins.
Réalisée en lien avec les forces de
police dont le domicile dépend,
l’enquête a conclu à la possibilité
technique de mettre en place un tel
dispositif. Mais la question des
horaires de pointage au commissariat n’a
pas été traitée. Et c’est ce point qui a
justifié le refus du juge des libertés,
en juillet 2010, de mettre fin à la
détention à la centrale de Fresnes.
La chambre de l’instruction a
justifié ses rejets de remise en liberté
par des motifs généraux comme le montre
l’arrêt de la Cour de Cassation du
15 juin 2011. Le maintien en détention
vise à “mettre fin à l’infraction et
[à] empêcher son renouvellement”, à
“garantir son maintien à la
disposition de la justice” et
prévenir toute fuite à l’étranger
“compte tenu de la double nationalité du
mis en examen [et] “du fait qu’il soit
coutumier des voyages à l’étranger”.
Son maintien enfin vise à “empêcher
une concertation frauduleuse avec les
co-auteurs ou les complices”.
Crédits photo CC Wikimedia Commons by-sa
Lionel Allorge / FlickR CC by
Vectorportal
Le dossier Adlène Hicheur
Les dernières mises à jour
|