L’Assemblée générale
des Nations unies a déclaré le
27 janvier, date à laquelle les
troupes soviétiques ont libéré
le camp de concentration
d’Auschwitz en 1945, Journée
internationale du souvenir de
l’Holocauste.
Discours au Musée
juif et Centre de la tolérance
de Moscou
LE PRÉSIDENT DE LA RUSSIE
VLADIMIR POUTINE :
Mes amis,
Il y a 70 ans, les troupes
soviétiques ont libéré le camp
de concentration d’Auschwitz, où
les nazis ont massacré des
millions de personnes. Par la
décision de l’Organisation des
Nations unies, ce jour, le 27
janvier, a été déclaré Journée
internationale du souvenir de
l’Holocauste. L’Holocauste, l’un
des crimes les plus meurtriers
contre l’humanité, est devenu un
symbole de deuil et de douleur
contre la cruauté déchaînée et
le mépris de la vie humaine.
Il est difficile d’imaginer
que dans ces usines de la mort,
les fusillades de masse et les
déportations ont été une réalité
du XXe siècle ; elles furent
organisées de sang-froid dans ce
qui semblait alors être une
Europe civilisée. Oui, elles ont
été planifiées et organisées de
sang-froid. Nous avons vu
l’exposition – que vous avez vue
aussi –, c’était prévu, une
opération délibérée
d’extermination.
Incroyablement simple.
Cependant, comme l’Histoire
l’a montré, là où les idées de
l’origine ethnique ou de la
suprématie raciale sont
inculquées aux individus, là où
les graines de la haine
inter-ethnique sont semées, là
où les valeurs traditionnelles
humaines sont détruites et
foulées au pied, la civilisation
cède inexorablement et
rapidement sa place à la
barbarie, et la paix cède
elle-même la place à des
conflits cruels, à la guerre et
à l’agression.
Les nazis ont menacé de
réduire en esclavage les peuples
de notre État multi-ethnique.
Ceux-ci devaient être assimilés
par la force ou réduits au rang
d’esclaves, sinon ils étaient
éliminés afin de créer un espace
vital pour la soi-disant race
supérieure.
Selon les documents du procès
de Nuremberg, six millions de
juifs ont été tués en Europe
durant la Shoah. L’horreur de
ces chiffres est insondable. Ils
ne sont pas morts au combat,
mais ont été tout simplement
exterminés, gazés puis brûlés
dans les fours ou abattus. Parmi
ces millions, il y avait des
centaines de milliers de nos
compatriotes.
Ces crimes ne sont pas et ne
devront jamais être prescrits.
Ils ne peuvent être ni
pardonnés, ni oubliés. Toutes
les tentatives pour faire taire
ces événements, les déformer ou
réécrire l’Histoire sont
inacceptables et immorales.
Souvent, ces tentatives
masquent le désir de dissimuler
un comportement honteux -– de
lâcheté, d’hypocrisie et de
trahison –, afin de justifier
une collusion silencieuse,
directe ou indirecte, avec les
nazis dans la mise en œuvre de
leur politique criminelle.
Cependant, les faits
historiques sont irréfutables.
Ainsi, ils montrent que les
Banderistes [disciples de
Bandera, leader nazi en Ukraine
dans les années 40, NdT] et
d’autres collaborateurs et
sbires d’Hitler étaient
eux-mêmes impliqués dans la
destruction du peuple juif, dans
la destruction des juifs de
Lvov, d’Odessa, de Kiev et
d’autres villes et villages
ukrainiens, pendant que les
nazis conduisaient dans les
États baltes le nettoyage
ethnique de Vilnius, Riga et
Tallinn [capitales des États
baltes, NdT].
En cette tragique journée,
nous rendons hommage à la
mémoire de tous ceux qui ont été
torturés par les nazis et leurs
complices dans les camps de
concentration et les ghettos.
Nous pleurons pour les millions
de personnes qui sont mortes
dans les flammes de la plus
sanglante des guerres de toute
l’histoire de l’humanité.
Je tiens à noter que, à
l’initiative d’organisations
publiques et religieuses, et pas
seulement d’organisations
juives, la Russie effectue des
recherches pour essayer de
retrouver les noms des victimes
dans les fosses communes de
l’Holocauste. Cet effort mérite
un soutien spécial et va
certainement se poursuivre.
Aujourd’hui, nous rendons
hommage au courage de ceux qui
ont survécu aux horreurs de
l’occupation, à la violence et à
l’humiliation du travail forcé,
ceux qui ont survécu à ces
actions inhumaines et sont
restés intacts.
À cet égard, je ne peux
m’empêcher de rappeler une autre
date : aujourd’hui, nous
marquons l’anniversaire de la
libération de Leningrad du
blocus nazi. Ce fut encore un
autre exemple des massacres
organisés par les nazis, qui
étaient en train de détruire de
sang-froid la population civile
de Leningrad par des
bombardements et des tirs
d’artillerie.
Nous nous inclinons devant
l’exploit héroïque de l’Armée
rouge, des officiers et des
hommes qui ont vaincu le nazisme
et ont arrêté la terrible
machine d’anéantissement. Ce
n’était pas seulement leur
patrie qu’ils protégeaient
contre les agresseurs. Leur
grande mission de libération est
devenue un acte d’honneur pour
l’ensemble de notre peuple.
À cet égard, je voudrais dire
que, comme nous venons de le
rappeler, les Russes portaient
le poids de la bataille contre
le nazisme. Soixante-dix pour
cent de tous les officiers de
l’Armée rouge et de ses hommes
étaient des Russes, et le peuple
russe a fait le plus grand
sacrifice au nom de la victoire.
Cependant, ici, dans
l’enceinte du Musée juif et
Centre de la tolérance, je
voudrais rappeler que les
citoyens juifs de l’Union
Soviétique ont apporté une
énorme contribution à la
victoire sur notre ennemi. Plus
d’un demi-million de juifs ont
combattu dans l’Armée Rouge,
plus de quarante mille étaient
des membres des unités de
partisans. Près d’un tiers
d’entre eux étaient des
volontaires. Près de deux cent
mille ont été tués dans les
batailles pour leur patrie.
L’héroïsme des représentants
de tous les groupes ethniques,
leur amour désintéressé pour
leur patrie, leur état de
préparation pour l’auto-sacrifice
resteront toujours dans notre
mémoire, dans la mémoire
reconnaissante des peuples de la
Russie.
Alors que nous célébrons
cette année le 70e anniversaire
de la Grande victoire, nous
allons, encore et encore,
adresser nos plus chaleureux
remerciements à nos chers
anciens combattants, y compris
ceux qui sont présents ici, ceux
qui ont tout donné d’eux-mêmes
pour la liberté et
l’indépendance de leur patrie.
Amis, alors que nous rendons
hommage, nous devons regarder
l’avenir. Des crimes semblables
à l’Holocauste ne doivent pas
être répétés. C’est notre devoir
commun qui, sans exagération,
est le devoir le plus important
et le plus urgent pour
l’ensemble de la communauté
mondiale.
C’est vrai, il y a eu des
changements significatifs sur la
scène mondiale au cours des
dernières décennies. Cependant,
nous voyons que les idées
inhumaines sont toujours là.
Nous continuons à faire face
à des tentatives pour diviser
l’humanité sur des motifs
d’appartenance ethnique, raciale
ou religieuse, à faire face
aussi à des manifestations
d’antisémitisme, de russophobie
et à l’intolérance agressive des
autres groupes ethniques,
culturels et traditionnels.
Les nazis ont fait usage de
ces instincts primitifs en leur
temps, tandis que maintenant ils
sont utilisés par des
néo-nationalistes, des
extrémistes et des terroristes
dans un certain nombre de pays
et de régions.
Nous devons faire face à ces
menaces ensemble, pour protéger
la paix et la liberté du peuple,
défendre le droit des États et
des peuples de choisir leur
propre voie de développement.
L’Histoire a montré dans quel
terrible abîme la prétention à
la suprématie mondiale peut
conduire l’humanité ; et quelles
tragédies peuvent entraîner les
tentatives visant à faire
pression sur des États
souverains ou le non-respect de
leurs droits.
Nous savons tous à quel point
sont dangereuses les attitudes
du deux poids deux mesures ainsi
que l’indifférence aux autres.
Prenez, par exemple, la tragédie
que vit actuellement le sud-est
de l’Ukraine, où les populations
pacifiques de Donetsk, de
Lugansk et d’autres villes sont
assaillies depuis des mois, et
cela de sang-froid.
Je tiens à répéter que,
aujourd’hui, au XXIe siècle, il
est important d’améliorer
l’efficacité du système de
sécurité collective et de
promouvoir les valeurs de
l’humanisme et de la
coopération, et de toujours
garder à l’esprit les leçons que
nous apprenons de l’Histoire.
En conclusion, chers amis, je
ne peux m’empêcher de partager
mes propres impressions sur le
film que nous avons vu. Bien
sûr, nous connaissons tous ces
camps de la mort et nous avons
souvent à utiliser des mots tels
que inhumain et criminel, et
nous savons ce qu’est
l’Holocauste. Cependant, aussi
cruel que cela puisse paraître,
ces mots sont parfois
instrumentalisés et perdent leur
sens premier.
Et quand vous voyez tant de
preuves documentées, elles nous
envahissent avec une force
renouvelée. Certains commencent
alors à réaliser ce que nous
avons enduré, ce à quoi
l’humanité a dû faire face à
l’époque. Nous rendons hommage à
tous ceux qui sont morts et à
tous ceux qui ont mis un terme à
ce massacre.
Je vous remercie.
Vladimir POUTINE
Traduit par Toma relu par
jj et Diane pour le Saker
Francophone