31 octobre 2008
Dans une lettre adressée au responsable du pouvoir
judiciaire en Iran, Amnesty International a déploré la
récente arrestation d’une militante des droits des femmes et
le harcèlement constant infligé à des militants à qui l’on
interdit de quitter le pays. L’organisation a appelé les
autorités iraniennes à lever les interdictions de voyager et
à mettre fin au harcèlement dont sont victimes les militants
des droits des femmes.
Au cours des dernières semaines, des mesures de répression
ont été prises contre les membres de la Campagne pour
l’égalité, initiative militante visant à mettre fin à la
discrimination légale dont les femmes font l'objet en Iran.
S’efforçant d’informer les femmes de leurs droits, cette
campagne s’est fixée comme objectif de recueillir les
signatures d'un million de citoyens iraniens pour une
pétition réclamant l'abrogation des lois discriminatoires.
Ces dernières semaines, les autorités iraniennes ont
renforcé le harcèlement ciblant les militants des droits des
femmes et les membres de la Campagne pour l’égalité.
Plusieurs ont été cités à comparaître en raison de leurs
activités pacifiques dans le cadre de cette campagne, ce qui
a fait peser sur eux la menace d’une incarcération. En
outre, dans le cadre de leur politique de harcèlement
ciblant les militants des droits des femmes et des droits
humains et visant à faire capoter leurs actions, les
autorités leur interdisent de plus en plus de quitter le
pays, tout en accroissant les arrestations et les
poursuites. Ces interdictions de voyager contreviennent au
droit de circuler librement garanti par l'article 12 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP), auquel l’Iran est partie. Parvin Ardalan, Mansoureh
Shojai et Talat Taghinia, membres du mouvement des femmes,
se sont vu interdire de voyager, tout comme au moins cinq
autres militants de la société civile.
Membre de la Campagne pour l’égalité en Iran, Esha Momeni,
ressortissante irano-américaine, poursuit des études
supérieures à l’université d’État de Californie. Arrêtée le
15 octobre 2008 par des agents des services de sécurité
iraniens, elle est détenue sans pouvoir consulter un avocat
ni recevoir des visites de sa famille à la section 209 de la
prison d’Evin, à Téhéran, qui dépend du ministère du
Renseignement. Alors qu’elle circulait dans Téhéran, Esha
Momeni a été interpellée par des fonctionnaires qui se sont
présentés comme des policiers chargés de la circulation. Ils
l’ont ensuite accompagnée jusqu’à son domicile, qu’ils ont
fouillé et où ils ont saisi la vidéo de ses entretiens avec
des membres de la Campagne pour l’égalité qu’elle avait
filmés dans le cadre d’un projet universitaire. Un
porte-parole du ministère des Affaires étrangères a reconnu
qu’elle avait été arrêtée, tout en affirmant que « les
organes compétents poursuivent l’enquête et prendront les
mesures judiciaires appropriées. Nous n’avons été informés
d’aucune disposition définitive. »
Deux autres militantes de la Campagne pour l’égalité, Sussan
Tahmasebi et Parastoo Alahyaari, ont récemment été citées à
comparaître pour interrogatoire devant le tribunal
révolutionnaire. Leurs domiciles ont été fouillés et
certaines de leurs affaires personnelles saisies, notamment
leurs ordinateurs portables et du matériel d'information
relatif à la campagne.
Le 26 octobre 2008, des membres des services de sécurité ont
empêché Sussan Tahmasebi de quitter le pays sur un vol
international à l’aéroport Imam Khomeini de Téhéran et lui
ont confisqué son passeport. Ce même jour, sa maison a été
perquisitionnée, après quoi elle a reçu une convocation,
datée d’un mois auparavant, lui demandant de se présenter
pour interrogatoire devant la branche 1 du tribunal
révolutionnaire. Elle s’y est rendue le 29 octobre et a été
entendue par des agents du ministère du Renseignement, en
l'absence de son avocat. Ces agents lui ont signifié qu'elle
devrait revenir au début du mois de novembre.
Le 17 octobre 2008, Parastoo Alahyaari et des militants des
droits des femmes rassemblés pacifiquement au parc de Laleh,
à Téhéran, ont été enjoints par la police de se disperser.
Le lendemain, des membres des services de sécurité ont
perquisitionné le domicile de Parastoo Alahyaari, citée à
comparaître sur-le-champ devant le tribunal révolutionnaire.
Après avoir été questionnée, il a été décidé qu’elle devrait
faire l’objet d’un interrogatoire plus poussé.
Une autre affaire concernant quatre militantes des droits
des femmes – Nahid Keshavarz, Mahboubeh Hosein Zadeh,
Saaideh Amin et Sarah Aminian – qui ont comparu devant le
tribunal en 2007 pour avoir recueilli des signatures en
faveur de la Campagne pour l’égalité au parc de Laleh,
devait reprendre le 27 octobre 2008, mais a une nouvelle
fois été renvoyée jusqu’en janvier 2009. Ces quatre
militantes risquent toujours d’être incarcérées, bien que
leur avocat, Nasrin Sotoudeh, ait déclaré : « Je suis
confiant. Recueillir des signatures n’est pas un crime au
regard de la loi, mes clientes seront acquittées. »
Dans sa lettre, Amnesty International a demandé à
l’Ayatollah Hashemi Shahroudi, responsable du pouvoir
judiciaire en Iran, d’exposer clairement et sans délai les
motifs de la détention d’Esha Momeni et de la remettre en
liberté si elle est détenue uniquement pour ses activités
pacifiques dans le cadre de la Campagne pour l’égalité. En
outre, l’organisation a invité les autorités à donner des
explications quant aux mesures prises contre Sussan
Tahmasebi et Parastoo Alahyaari, à lever immédiatement
toutes les interdictions de voyager imposées au motif de
l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression et
d’association ou en vue de limiter l’exercice de ce droit,
et à rendre sans délai aux militants des droits humains les
passeports qui leur ont été confisqués.
Amnesty International craint que ces événements récents ne
s’inscrivent dans une politique systématique de harcèlement
et d’intimidation des autorités iraniennes ciblant les
défenseurs pacifiques des droits humains.