Jeudi 6 janvier 2011
Amnesty International a condamné jeudi 6 janvier la répression
lancée par les autorités tunisiennes face à la vague de
protestations qu’a déclenchées la tentative de suicide d’un
jeune vendeur de fruits qui a plus tard succombé à ses
blessures.
Au moins deux manifestants ont été tués au cours des
rassemblements qui ont suivi le geste de désespoir de Mohamed
Bouazizi, diplômé au chômage qui s’est immolé par le feu devant
un bâtiment gouvernemental dans la ville de Sidi Bouzid, le 17
décembre, pour protester contre la confiscation de sa
marchandise par des policiers, au motif qu’il n'avait pas de
patente. Il a succombé à ses blessures à l’hôpital le 4 janvier.
La tentative de suicide de Mohamed Bouazizi, le 17 décembre, a
déclenché une vague de manifestations contre la hausse des prix,
le chômage et la corruption en Tunisie, manifestations qui
continuent d'essaimer et dégénèrent parfois dans la violence.
« Les autorités doivent autoriser les Tunisiens à exprimer leurs
doléances et à manifester de façon pacifique. Elles ont fait des
promesses vides de sens en termes d’emploi, avant d’ordonner la
répression des manifestations, a déclaré Amnesty International.
« Les autorités ont la responsabilité de maintenir l’ordre
public, mais cela ne saurait justifier le fait de prendre pour
cibles des personnes qui ne font qu’exercer pacifiquement leurs
droits à la liberté d’expression et de réunion. »
Mohamed Ammar, 18 ans, a été tué par des tirs de la police le 24
décembre 2010, dans le cadre de heurts qui ont opposé les
manifestants aux membres des forces de sécurité à Menzel
Bouzayane, non loin de Sidi Bouzid. Chawki Hidari, 44 ans, est
mort à l’hôpital après avoir été blessé par balle le 1er
janvier. Dix autres manifestants ont également été blessés au
cours des affrontements.
Le 22 décembre, Neji Flehi, 24 ans, a lui aussi mis fin à ses
jours en s’électrocutant, lors d’une manifestation organisée à
Sidi Bouzid. Il aurait crié qu’il ne voulait « plus de misère,
plus de chômage ».
Ces derniers jours, les avocats ont été spécifiquement visés,
victimes de coups et d’arrestations après avoir participé à
l’échelon national à un sit-in le 31 décembre, pour exprimer
leur solidarité avec les manifestants de Sidi Bouzid.
En réaction, des milliers d’avocats tunisiens se sont mis en
grève jeudi 6 janvier pour protester contre le traitement dont
ils ont été victimes.
Les autorités tunisiennes ont affirmé que leurs forces de
sécurité avaient agi en situation de légitime défense, mais
elles doivent encore confirmer l’ouverture d’investigations sur
les morts et les blessés à déplorer parmi les manifestants.
« Les autorités tunisiennes doivent immédiatement diligenter une
enquête approfondie et impartiale sur les cas de décès et les
personnes blessées dans le cadre des manifestations et amener
toute personne reconnue coupable d’avoir recouru à une force
excessive à rendre des comptes », a indiqué Amnesty
International.
Des vagues d’arrestations ont eu lieu dans tout le pays, tandis
que les libertés d’expression et de réunion sont restreintes et
battues en brèche. Les autorités tunisiennes, connues pour
pratiquer la détention au secret, n'ont pas révélé le nombre
exact de manifestants toujours maintenus en détention. Le
militant Ammar Amroussia est toujours derrière les barreaux en
attendant les conclusions de l’enquête. Il a été arrêté le 29
décembre 2010 pour avoir participé à un sit-in à Gafsa.
Les autorités ont cherché à éviter que les manifestations ne se
propagent dans l’ensemble du pays et ont censuré la diffusion
des informations : elles ont interdit toute couverture
médiatique des événements, bloqué les sites Internet et fermé
les comptes de messagerie électronique des cybermilitants, en
particulier ceux qui utilisent Facebook.
« La réponse apportée aux manifestations de Sidi Bouzid montre
que les autorités tunisiennes n’ont pas tiré les leçons de leur
gestion des manifestations de Gafsa en 2008. Personne n’avait
été tenu de rendre des comptes pour les manifestants tués et les
promesses en matière de responsabilisation et d’opportunités
économiques ne se sont jamais concrétisées », a conclu Amnesty
International.
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