Réseau Voltaire
La CIA coordonne nazis et jihadistes
Thierry Meyssan
Le 8 mai 2007, à
Ternopol (ouest de l’Ukraine), des
groupuscules nazis et islamistes créent
un prétendu Front anti-impérialiste afin
de lutter contre la Russie. Des
organisations de Lituanie, de Pologne,
d’Ukraine et de Russie y participent,
dont les séparatistes islamistes de
Crimée, d’Adyguée, du Dagestan,
d’Ingouchie, du Kabardino-Balkarie, du
Karatchaïévo-Tcherkessie, d’Ossétie, de
Tchétchénie. Ne pouvant s’y rendre du
fait des sanctions internationales,
Dokka Umarov, y fait lire sa
contribution. Le Front est présidé par
Dmytro Yarosh, qui deviendra lors du
coup d’État de Kiev, en février 2014,
secrétaire adjoint du Conseil de
sécurité nationale d’Ukraine.
Lundi 19 mai 2014
Le monde change. Jadis, il y avait une
droite capitaliste et une gauche
socialiste. Aujourd’hui, le monde est
dominé par les États-Unis et la première
question qui se pose est de les servir
ou de leur résister. Comme lors de la
Seconde Guerre mondiale, on trouve
toutes les idéologies dans chaque camp.
Pour l’heure Washington coordonne
l’alliance en Europe entre nazis et
jihadistes avec la bénédiction des
Russes anti-Poutine.
L'affrontement
entre les putschistes de Kiev,
soutenus par l’Otan, et les
fédéralistes ukrainiens, soutenus
par la Russie, est arrivé à un point
de non-retour. Le 2 mai, le
président Olexander Turchinov et
l’oligarque israélien Ihor
Kolomoïsky ont organisé un massacre
à la Maison des syndicats d’Odessa
que la presse occidentale a d’abord
minimisé, puis qu’elle a tu lorsque
les témoignages et les preuves se
sont accumulés [1].
Après ces horreurs, il n’est plus
possible aux deux populations de
continuer à vivre ensemble.
Trois scénarios sont
envisageables : soit les États-Unis
vont faire de l’Ukraine une nouvelle
Yougoslavie et y provoquer une
guerre dans l’espoir d’y impliquer
la Russie et l’Union européenne et
de les y embourber ; soit ils vont
multiplier les théâtres
d’affrontement autour de la Russie,
en commençant par la Géorgie ; soit
encore, ils vont pousser des
combattants non-étatiques à
déstabiliser la Russie elle-même, en
Crimée ou au Daguestan.
Quelle que soit l’option choisie,
Washington met d’ores et déjà en
place une armée de mercenaires.
Le Conseil de Défense de Kiev a
dépêché des émissaires en Europe
occidentale pour engager des
militants d’extrême droite à venir
se battre contre les fédéralistes
(qualifiés de « pro-Russes »).
Ainsi, a déjà été créée une cellule
Pravy Sektor France dont les membres
seront prochainement intégrés à la
Garde nationale ukrainienne.
Par ailleurs, le Conseil de Défense
de Kiev entend « faire nombre » en
ajoutant à ces néo-nazis
ouest-européens des jihadistes ayant
déjà une véritable expérience
militaire.
En réalité, si l’on veut bien
faire abstraction du bric-à-brac
symbolique des uns des autres, nazis
et jihadistes d’aujourd’hui ont en
commun à la fois le culte de la
violence et le rêve sioniste de
domination mondiale. Ils sont donc
compatibles avec toutes les autres
organisations soutenues par
Washington, y compris avec le Front
de gauche russe de Serguei Oudaltsov
et avec son ami le leader
anti-Poutine Alexeï Navalny. Il
existe d’ailleurs déjà de nombreux
contacts entre eux.
Plutôt que d’appliquer la
division droite/gauche de la Guerre
froide, la seule ligne de clivage
pertinente aujourd’hui est
impérialisme/résistance. En Ukraine,
les gens de Kiev se référent au
combat de la Wehrmacht contre les
juifs, les communistes et les
Russes, tandis que ceux du Donetsk
célèbrent la victoire de la patrie
contre le fascisme lors de la
« Grande guerre patriotique »
(Deuxième Guerre mondiale). Les gens
de Kiev définissent leur identité
par leur Histoire, réelle ou
mythique, tandis que ceux du Donetsk
s’affirment comme des personnes
issues de communautés historiques
différentes mais unies par leur
lutte contre l’oppression.
La preuve que cette ligne de
partage est la seule pertinente,
c’est l’oligarque juif Ihor
Kolomoïsky qui finance ceux qui
scandent « Mort aux juifs ! ». C’est
un mafieux qui a accaparé l’une des
plus grosses fortunes d’Europe en
s’emparant pistolet au poing de
grandes entreprises de la
métallurgie, de la finance et de
l’énergie. Il est soutenu par les
États-Unis et a placé diverses
personnalités US —dont le fils du
vice-président Biden— dans le
conseil d’administration de sa
holding gazière [2].
Non seulement, il n’a aucun problème
à financer des groupes nazis, mais
il jubilait lorsque ceux-ci ont
assassiné sur son ordre des juifs
anti-sionistes à Odessa.
La collaboration entre nazis et
jihadistes n’est pas nouvelle. Elle
trouve son origine dans les trois
divisions musulmanes de la Waffen
SS. La 13ème division « Handschar »
était formée de Bosniaques, la 21ème
« Skanderbeg » de Kosovars et la
23ème « Kama » de Croates. Tous
étaient donc des musulmans
pratiquant un islam influencé par la
Turquie. À vrai dire, la majorité de
ces combattants firent défection au
cours de la guerre contre l’Armée
rouge.
Plus récemment, nazis et
takfiristes se battirent à nouveau
ensemble contre les Russes, lors de
la création de l’Émirat islamique d’Itchkérie
(Seconde guerre de Tchétchénie,
1999-2000).
Le 8 mai 2007, à Ternopol (ouest
de l’Ukraine), nazis baltes,
polonais, ukrainiens et russes et
jihadistes ukrainiens et russes
créèrent un prétendu « Front
anti-impérialiste » avec l’appui de
la CIA. Cette organisation est
présidée par Dmytro Yarosh, devenu
lors du coup d’État de Kiev, en
février 2014, secrétaire adjoint du
Conseil de sécurité nationale
d’Ukraine, puis candidat de Pravy
Sektor à l’élection présidentielle
du 25 mai.
En juillet 2013, l’émir du
Caucase et responsable local
d’Al-Qaïda, Dokou Oumarov, appella
les membres du « Front
anti-impérialiste » à aller se
battre en Syrie. Cependant, il
n’existe pas de documentation claire
de la participation de nazis aux
opérations actuelles de
déstabilisation du Levant.
Enfin quelques dizaines de
jihadistes tatars de Crimée sont
venus se battre en Syrie, puis ont
été transportés par le MIT turc à
Kiev pour participer aux événements
d’EuroMaidan et au coup d’État du 22
février aux côtés de Dmytro Yarosh [3].
Les mesures prises en Europe, à
la demande du secrétaire US à la
Sécurité de la Patrie Jeh Johnson,
pour empêcher le retour des
jihadistes chez eux montre que la
CIA entend les utiliser sur un
nouveau front [4].
La démission forcée du prince Bandar
bin Sultan, le 15 avril à la demande
du secrétaire d’État John Kerry [5],
puis celle de son frère, le prince
Salman bin Sultan, le 14 mai sur
pression du secrétaire à la Défense
Chuck Hagel [6],
attestent de la volonté
états-unienne de refondre le
dispositif jihadiste.
Les Résistants européens et
arabes sauront-ils s’allier eux
aussi ?
Source
Al-Watan (Syrie)
[1]
« Crime
à Odessa », par Thierry Meyssan,
Réseau Voltaire, 6 mai 2014. « Les
massacres d’Odessa sonnent le glas de
l’unité ukrainienne », Traduction
Gérard Jeannesson, Oriental Review/Réseau
Voltaire, 12 mai 2014 ; « Le
massacre d’Odessa organisé au sommet de
l’État ukrainien », Traduction
Gérard Jeannesson, антифашист/Réseau
Voltaire, 16 mai 2014.
[2]
« En
Ukraine, le fils de Joe Biden joint
l’utile à l’agréable », Réseau
Voltaire, 14 mai 2014.
[3]
« Des
jihadistes assurent le service d’ordre
des manifestations à Kiev », Réseau
Voltaire, 4 décembre 2013.
[4]
« La
Syrie devient "question de sécurité
intérieure" aux USA et dans l’UE »,
Réseau Voltaire, 8 février 2014.
[5]
« Le
prince Bandar démissionne », Réseau
Voltaire, 17 avril 2014.
[6]
« Remaniement
en Arabie saoudite », Réseau
Voltaire, 15 mai 2014.
Thierry
Meyssan,
Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
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