Amérique latine
Voter au Venezuela
Thierry Deronne
Militants
bolivariens attendant les résultats
électoraux,
quelque part au Vénézuéla, le 8 décembre
2013
Mardi 10 décembre 2013
Ce dimanche 8 décembre
2013 plus de 19 millions de
vénézuélien(ne)s étaient appelé(e)s à
choisir 337 maires (dont deux
métropolitains) et 2.435 conseillers
municipaux. C’est le
dix-neuvième scrutin en 14 ans de
révolution. Les observateurs
internationaux – comme les délégués des
Conseils Nationaux Electoraux de
l’Équateur ou du Salvador – ont rendu
compte d’un processus normal, paisible.
La droite voulait faire de ces
élections municipales un vote-sanction
contre la gestion de Nicolas Maduro,
comme point culminant d’une guerre
économique lancée par le secteur privé
(1). Elle a
perdu son pari. Le premier bulletin
officiel du
Centre National Electoral, sur base
de 97,52 % des résultats transmis,
indiquent que le Parti Socialiste Uni du
Venezuela (PSUV)
s’est renforcé comme la première force
politique du pays en obtenant près de
250 des 337 mairies,
selon les tous derniers chiffres.
L’opposition de droite (MUD,
Mesa de Unidad Opositora) remporte
environ 80 mairies,
dont celles de quelques grandes
villes comme Valencia, San Cristobal ou
Maracaibo. A Caracas, le leader
de la droite Antonio Ledezma bat de
quelques décimales le candidat chaviste
Ernesto Villegas pour le poste de “maire
métropolitain” tandis que le candidat
chaviste Jorge Rodriguez obtient la “Alcaldía
Mayor”, la mairie stratégique de
Caracas.
Le PSUV obtient environ 49 %
(5.111.386 votes) face aux 42 % de la
coalition de droite (4.435.097 votes).
Avec ces 700.000 votes d’avance sur la
droite, le camp bolivarien progresse
nettement par rapport au score plus
serré des présidentielles d’avril 2013
(remportées par Nicolas Maduro avec une
avance de 300.000 votes sur le
concurrent de la droite). Ce
progrès est d’autant plus intéressant
que certains médias et politologues
réduisaient la révolution bolivarienne
au “messianisme” de Chavez ou
annonçaient la division interne de ses
partisans après sa mort. Le
parti communiste, allié du PSUV, réalise
un faible score : 1,6 %.
La population ne s’est donc pas
laissé entraîner dans la spirale du
chaos voulue par l’opposition qui a joué
sur toutes les touches, des paniques
médiatiques aux sabotages électriques.
La majorité des maires et des
conseillers élus appliqueront le “Plan
Patria 2013-2019”,
programme écosocialiste, socialiste et
participatif. (2)
Le taux de participation –
près de 59 % – est normal pour
ce type de scrutin traditionnellement
moins suivi que les législatives ou les
présidentielles. Par comparaison, les
dernières élections municipales au Costa
Rica n’ont attiré que 20 % des
électeurs. Dans le cas du Venezuela,
même si le taux double presque celui des
municipales de 2005 (qui ne fut que de
30,81%), il reste encore trop faible. Il
est temps que s’installe l’idée que les
édiles locaux sont les premiers
partenaires du pouvoir citoyen qui
émerge à travers les conseils communaux
et les communes.
De 1958 à 1997, en 40 ans
d’interminable pacte entre la
social-démocratie et la
démocratie-chrétienne, n’ont eu lieu que
15 scrutins dans un contexte de
populisme et d’exclusion sociale et
électorale : beaucoup de citoyens
analphabètes, ou privés de cartes
d’identité, ne pouvaient voter. C’était
l’ère des forces de sécurité
répressives, rempart d’une élite
pétrolière vivant à Miami et Paris
pendant que sur place les jeunes des
secteurs populaires fuyaient le
recrutement forcé et que les étudiants
révoltés et de nombreux opposants
politiques subissaient les balles, la
torture, les disparitions.
Aujourd’hui, au Venezuela, on ne vote
plus pour de fausses alternatives (comme
le PS ou l’UMP en France, les démocrates
et les républicains aux Etats-Unis ou le
PSOE et le PP en Espagne). Deux modèles
de société s’opposent dans les urnes.
Voter ne signifie pas non plus délivrer
un blanc-seing ou poser un acte
religieux. C’est parce que la révolution
bolivarienne a rompu avec les pratiques
répressives et populistes des régimes
antérieurs que ses partisans ne se
privent plus de critiquer au grand jour,
librement et avec raison, tout ce qui
entre en contradiction avec les
promesses révolutionnaires. Leur parole,
ils le savent, sera entendue a terme :
c’est ainsi qu’avance depuis quatorze
ans cette transition, marquée par mille
et une contradictions, d’un capitalisme
encore dominant à un modèle
écosocialiste, participatif et
souverain. Le Parti socialiste unifié
est le seul parti politique qui a
dénoncé et expulsé des maires de ses
propres files pour faits de corruption.
Sa capacité à purifier ses rangs lors de
la lutte sans complaisance annoncée pour
2014 par le président Maduro, sera la
clef de sa survie politique.
Les critiques du Monde ou de
El País sont d’une autre nature.
Elles émanent de grands groupes
médiatiques qui justifient depuis trente
ans la privatisation de la vie. Tout ce
qui échappe à ce modèle doit être la
cible d’une propagande préventive pour
couper court à toute identification, à
toute idée qu’un autre monde est
possible. Une simple suivi permet de
mesurer l’inanité de ce système : ainsi,
lors de la création du Parti
socialiste Uni du Venezuela, ces
médias annoncèrent l’avènement d’un “parti
unique”. On compte aujourd’hui une
quarantaine de partis politiques qui
vont de l’extrême gauche à l’extrême
droite, et
l’opposition fait 80 % d’audience
médiatique…
Ces 19 scrutins en 14 ans ont tous
été validés par les observateurs
internationaux. “Excès de démocratie”
pour l’ex-président Lula.
Le meilleur système électoral du monde
selon Jimmy Carter qui en a observé 98
sur la planète. L’ONG indépendante
LatinoBarometro soutenue entre
autres par le BID (Banque
Inter-Américaine de Développement),
le PNUD (Programme des Nations Unies
pour le Développement), l’OEA (Organisation
des États Américains),
l’états-unien Office of Research
et les agences de coopération des
gouvernements suédois, norvégiens et
canadiens, a établi dans son rapport
2013 que le Venezuela bat tous les
records de confiance citoyenne dans la
démocratie pour toute l’Amérique Latine
(87 %) suivi de l’Équateur (62 %) et du
Mexique (21 %). (3)
Il y a quelques mois
Noam Chomsky, Greg Grandin, Michael
Moore, Oliver Stone et une douzaine
d’experts états-uniens ont demandé
au New York Times d’enquêter
sur sa désinformation quotidienne qui
fait du Venezuela, en dépit des faits,
un système autoritaire. (4)
Pour l’ONG Latinobarometro, “le
Venezuela est le pays où on observe la
plus grande différence entre ce que
pensent ses citoyens de leur démocratie
et l’image qui circule dans la
communauté internationale”.
T. D., Caracas, 9 décembre 2013.
Notes
Projection nationale du
vote sur base de 97,52 % des résultats
transmis (premier bulletin du Conseil
National Électoral – CNE – du dimanche 8
décembre en soirée) :
Reçu de Thierry
Deronne pour publication
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