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Religion

Opposants et « ennemis » [1/2]

Tariq Ramadan


© Tariq Ramadan

Jeudi 24 mars 2016

Peut-être faudrait-il prendre le temps de remonter à ce feu ou à ces feux qui dégagent tant de fumée autour de mon travail et de mon engagement au point de le parasiter – et parfois de le rendre inaudible – par tant d’allégations et de suspicions ? Quels sont ceux que ce discours dérange tant et qui s’époumonent à constamment raviver « le feu » de la controverse pour désorienter le citoyen ordinaire ? Quelle idéologie et/ou quels intérêts défendent-ils, eux, avant de s’intéresser à mon discours et à mon engagement ?

Laïques très dogmatiques

Dans mes premiers débats en France, il apparaissait clairement que le front de certaines tendances « laïques » était en première ligne. Pour ses idéologues et ses défenseurs, la nouvelle présence des musulmans et de leurs penseurs réveillait les anciens démons du « retour de la religion ». La France, en effet, a un double problème. D’une part, un contentieux historique avec « la religion », et surtout le catholicisme, qui a pour conséquence que tout débat sur la religion est vite connoté, passionné et excessif. D’autre part, l’expérience coloniale d’Algérie a été douloureuse et le passif avec les anciens colonisés, les musulmans et l’islam n’est toujours pas réglé. C’est dans cette atmosphère que le débat sur l’islam s’est enflammé à la fin des années quatre-vingts autour de la question du « voile islamique ». On a entendu certains idéologues très sectaires de la laïcité transformer celle-ci en une nouvelle religion et ses principes en dogmes, en faisant dire aux textes de lois ce qu’ils ne disaient pas. D’abord trompé par ces discours idéologiques et dogmatiques, j’ai étudié les textes de lois, rencontré et débattu avec les plus grands spécialistes français (Jean Boussinesq, Émile Poulat, Jean Baubérot entre autres) et participé pendant plusieurs années à la commission Laïcité et Islam de la Ligue française de l’enseignement[1] avec des acteurs tels que Michel Morineau et Pierre Tournemire. J’ai compris alors que rien dans la laïcité ne s’opposait à une pratique libre et autonome de l’islam : depuis, j’appelle en France à l’application stricte de la loi sur la laïcité (1905), dans sa lettre et son esprit, de façon égalitaire pour tous les citoyens, musulmans ou non. C’était la thèse même des spécialistes susmentionnés de la laïcité, de la Ligue française de l’enseignement comme de la Ligue française des Droits de l’Homme. Pour les idéologues d’une certaine forme de laïcité sectaire (et eux-mêmes « fondamentalistes », selon l’expression de Jean Baubérot), confondue avec le rejet (et l’espoir de disparition) du religieux, ma position est insoutenable et dangereuse : leur propre dogmatisme laïque et l’athéisme militant de certains s’acharne à vouloir montrer que cette position « cache quelque chose » et qu’il s’agit encore d’un « religieux » colonisateur qui avance masqué.

La surdité est à son comble et il est devenu impossible d’avoir un débat raisonnable avec certains milieux laïques qui entretiennent la suspicion vis-à-vis des musulmans et tentent de répandre leurs doutes à toute l’Europe, par l’intermédiaire des institutions européennes notamment. Une simple formule de bon sens, et que je ne cesse de répéter, du type « Il est anti-islamique d’imposer le foulard à une femme et c’est une atteinte aux droits de l’Homme que de lui imposer de l’enlever » est inaudible en France alors qu’elle reçoit un accueil ouvert et serein dans tous les autres pays occidentaux. Il ne faut pourtant pas minimiser l’importance de l’influence française dans les débats sur l’islam en Europe : des politiciens comme des intellectuels d’une idéologie de la laïcité soit antireligieuse soit « anti-islamique » par définition tentent d’élargir leur zone d’influence et trouvent un certain nombre de relais à travers l’Europe, dans les medias comme chez certains intellectuels ou dans certains partis politiques.

L’extrême-droite

La nouvelle présence musulmane en Europe (issue de l’immigration entre les deux guerres puis essentiellement après la seconde Guerre mondiale) a bien sûr été l’objet de la critique des partis les plus nationalistes, les plus chauvins et parfois clairement racistes. Je l’ai dit, la présence de plus en plus visible des plus jeunes générations de musulmans à travers l’Europe, l’immigration continuée, ajoutées à la crise d’identité et de confiance des États-Nations au cœur du projet européen et de la mondialisation, avaient tout pour devenir la cible des populistes d’extrême-droite dénonçant le danger de la présence étrangère : hier, il s’agissait ici et là, au cœur même du continent, des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Polonais, des Noirs, etc. De plus en plus, on a commencé à parler des Arabes, des Pakistanais, des Turcs, des Bosniaques, voire des Kosovars et des Albanais, pour les assimiler à « l’islam » et aux « musulmans », mettant en danger l’identité et l’homogénéité de la « culture européenne » gréco-romaine et judéo-chrétienne[2].

Ce qui est troublant aujourd’hui tient au fait que ce qui, hier, était dit exclusivement par les politiciens et les intellectuels d’extrême-droite s’est aujourd’hui normalisé dans le discours des autres partis plus traditionnels, à droite comme à gauche. Des propos sur l’immigration, l’assimilation, le caractère « non intégrable » des musulmans, l’incompatibilité des valeurs ou des « cultures », l’essentialisme dans la représentation du « musulman » sont autant de références et de clichés qui tiennent souvent du racisme et rappellent parfois les périodes les plus sombres de l’histoire de l’Europe. Ce qui, hier, était dit à propos des juifs (double discours, double loyauté et les connexions obscures de « l’internationale juive ») est reproduit dans des termes presque similaires vis-à-vis des musulmans : la comparaison est particulièrement troublante et ce qui choque néanmoins, c’est l’ampleur et le caractère « transversal » de ce discours qui transcende désormais les appartenances idéologiques et politiques. En mal de politiques sociales novatrices et efficaces, de nombreux partis n’hésitent pas, en période électorale notamment, à jouer sur les peurs et la fibre populiste, à livrer des discours fermés sur l’« identité nationale » et « la sécurité » et à tenir des propos très tendancieux sur l’immigré, l’étranger ou plus franchement les musulmans et leurs pratiques.

Certains courants féministes

De nombreux courants féministes ont été originellement très proches des milieux chrétiens progressistes. D’autres se sont caractérisés par leur opposition déterminée à la religion perçue comme intrinsèquement productrice d’un discours patriarcal et discriminant à l’égard des femmes. Dans d’anciens milieux communistes ou socialistes, le féminisme était naturellement associé à la critique radicale de la religion (essentiellement chrétienne) qui entretenait une image négative de la femme, renforçait les inégalités et s’opposait à la libération des femmes en interdisant la contraception et l’avortement notamment.

La nouvelle présence des musulmans, ainsi que la visibilité de la tenue vestimentaire des musulmanes portant le foulard, a exacerbé les craintes du retour du religieux forcément opposé aux femmes, à leur statut et à leur autonomie. Si, durant le Moyen Âge, de la Renaissance jusqu’au xviiie siècle, on avait entretenu l’idée que l’islam et les musulmans avaient un goût particulier pour la sensualité et la « licence sexuelle », à l’image de l’univers oriental stéréotypé des Mille et une Nuits, voilà que les colonisations et l’époque postcoloniale nous offrent l’image exactement opposée d’une religion fruste, rigide, opposée aux corps des femmes et aux plaisirs. Dans les deux séquences historiques, on remarquera que l’islam est toujours dessiné sous les traits de « l’autre », du « différent », de « l’antithèse » : l’Occident chrétien conservateur dessine un islam licencieux et permissif ; l’Occident moderne et libre s’offre la caricature d’un islam de l’interdit et de l’oppression sexuelle.

Les organisations féministes se sont scindées à travers l’Europe (et aux États-Unis). Certains courants ont établi des liens avec des organisations musulmanes et estiment qu’il est possible de trouver des points communs entre leur engagement et celui de la lutte des femmes qui veulent rester musulmanes et qui se battent, de l’intérieur de l’islam, pour faire avancer leurs causes contre les interprétations littéralistes et/ou culturelles. D’autres ne peuvent concevoir de telles alliances et établissent leur combat de féministes exclusivement avec des « ex-musulmanes » ou tout simplement contre l’islam intrinsèquement discriminatoire… comme toutes les religions ou peut-être un peu plus. L’idée qu’une femme puisse se libérer dans et par l’islam, comme je le suggère depuis des années, est tout simplement un non-sens à leurs yeux et celles et ceux qui propagent une telle idée sont forcément des manipulateurs. La lutte des femmes musulmanes ou le « féminisme islamique » est pour ces féministes une tromperie et elles s’efforcent de jeter le discrédit sur tout discours qui irait dans ce sens : le foulard islamique ne peut qu’être un symbole de l’oppression masculine et le seul féminisme vrai et légitime est celui qu’ont développé les féministes occidentales. L’eurocentrisme est patent et, avec l’ironie de la terminologie, la tentation paternaliste visible.

[1] Institution de référence concernant la mémoire et les principes de la laïcité française.

[2] L’appellation « judéo-chrétien » est récente dans le vocabulaire philosophique. Il aurait été impossible de la poser en ces termes pendant la seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’une reconstruction idéologique a posteriori.

 

 

   

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Source: Tariq Ramadan
http://tariqramadan.com/...

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