LE CRI DES PEUPLES
Réforme des retraites : la trahison des
syndicats
Ramin Mazaheri
Mercredi 22 janvier 2020 Source :
http://thesaker.is/are-frances-unions-even-trying-to-win-the-general-strike/
Traduction :
lecridespeuples.fr
En raison d’un
black-out des médias occidentaux
[surtout anglophones] sur le sujet,
beaucoup pourraient être surpris
d’apprendre que la grève générale en
France vient d’entrer dans sa septième
semaine consécutive. C’est le mouvement
des travailleurs le plus long de
l’histoire de France, et de moitié, mais
les médias occidentaux dominants ont
décidé d’ignorer la France jusqu’à ce
que ce moment historique s’estompe.
Il semble sur le
point de prendre fin.
Les syndicats
français ont fait un travail lamentable
à la tête de la grève malgré le fait que
tout allait pour le mieux au début.
La prétendue
supériorité du modèle syndical dit «
indépendant », favorisé par l’Occident
mais rejeté par tout pays ayant connu
une révolution après 1917, déçoit à
nouveau la nation, entendez par là ceux
qui ne sont pas membres cotisants.
La grève générale
vacille, et le 24 janvier, le projet de
loi sur les retraites sera
officiellement présenté au gouvernement.
C’est faire preuve d’une rapacité
incroyable, car présenter un projet de
loi au milieu de telles grèves, c’est
évidemment le précipiter dans les bras
sûrs d’un système dominé par le
Président Emmanuel Macron ; c’est
également faire preuve d’une duplicité
incroyable, car Macron n’a publié les
détails du nouveau régime de retraite
que la semaine dernière !
Perdre du temps a
été la principale tactique de Macron
pendant la grève générale, malgré le
fait que les travailleurs et les ménages
sont de plus en plus désespérés après
être restés sans travail (et donc sans
salaire) pendant six semaines complètes.
Pour être précis, donc : « perdre du
temps » n’est pas sa tactique, mais il
mise sur « l’accroissement du désespoir
».
C’est une recette
simple de l’ère Macron : augmenter le
désespoir + traces de discussions
démocratiques + tirs de LBD + contrôle
total sur le Parlement = déification de
Macron en dehors de la France et
exécration de Macron par les Français.
Mais le soi-disant
« centriste » Macron et sa sournoiserie
sont désormais bien connus. La question
est de savoir ce qui est arrivé aux
syndicats et à leurs « dirigeants
charismatiques » ? De nombreux
syndicalistes français ont eu le culot
de me dire que les pays qui ont connu
des révolutions modernes (Cuba, Chine,
Iran…) « n’ont pas de syndicats ».
Montrez-nous donc comment ça se passe au
sein de vos grandes démocraties,
Messieurs Je-sais-tout !
Si les syndicats
ne peuvent pas gagner ce combat pour la
nation, pourront-ils en gagner un seul
dans le modèle occidental ?
C’était censé être
facile.
Les sondages
nationaux n’ont jamais montré de soutien
public inférieur à 60% pour la grève,
depuis le début jusqu’à aujourd’hui, ni
de désapprobation de moins de 70% pour
la réforme des retraites sans précédent
de Macron.
Mais c’était une «
grève générale » qui manquait à la fois
de « grève » et de caractère « général
».
A mes yeux, les
dirigeants syndicaux n’ont jamais
vraiment voulu une véritable grève
générale. Elle a été forcée par trois
choses, qui sapaient toutes la foi
culturelle incroyablement injustifiée de
la France dans son modèle occidental de
syndicalisme : les grèves des hôpitaux
qui duraient depuis des mois (en raison
d’années de coupes budgétaires
d’austérité), les grèves de trains
sauvages qui avaient germé (les
accidents du travail augmentaient en
raison de conditions de travail
détériorées, résultat d’années de coupes
budgétaires d’austérité) et de la
bravoure et de l’altruisme des Gilets
Jaunes.
Macron a forcé le
tout avec ce régime de retraite radical,
qui devait être son « moment Thatcher /
Reagan », et il voulait que les choses
se passent de cette façon. Mais les
syndicats n’ont même pas répondu à la
cloche sonnant le premier round.
La « grève » s’est
avérée reposer entièrement sur le dos
des conducteurs de trains, métros & bus.
La caractéristique notable de cette ère
historique est les déplacements de
travail 2-3 fois plus longs pour les
zones urbaines, car les transports
fonctionnaient au ralenti pendant des
semaines et pendant les vacances de
Noël.
Mais où étaient les
autres secteurs du travail ? Les
syndicats ont lamentablement échoué en
ne les invitant pas à se joindre à la
grève « générale ».
Au total, les
syndicats n’ont appelé qu’à six jours de
grèves et de manifestations à l’échelle
nationale. S’ils avaient vraiment voulu
gagner, ils auraient appelé à six jours
de grève au cours de la seule première
semaine. Cela signifie qu’au total, la
plupart des Français ont effectivement
fait grève durant moins d’une semaine
pour protester contre la réforme des
retraites.
Au lieu de bloquer
l’économie, ou, plus important encore,
de bloquer le fonctionnement de la
société (pas d’écoles, pas d’hôpitaux,
pas de garderies, pas de soins aux
personnes âgées, rien du tout autant que
possible), les syndicats ont décidé de
bloquer uniquement les réseaux de
déplacements urbains. La vie des petites
villes en France fut à peine touchée par
la prétendue grève générale.
Le manque de
mobilisation des syndicats alimente les
pires stéréotypes sur la paresse
française, mais c’est la paresse des
dirigeants. C’est comme si les chefs
syndicaux avaient dit : « Laissons les
travailleurs des transports publics
s’occuper de tout, nous partons en
vacances de Noël. »
Et c’est ce qu’ils
ont fait !
Macron n’était que
trop heureux de reporter les
négociations de plus de deux semaines
pendant les vacances ; les dirigeants
syndicaux l’ont incroyablement surpassé
en n’appelant pas à une grève nationale
ou à une manifestation pendant près de
trois semaines. Je ne pouvais pas le
comprendre. Pourquoi donc appeler à une
grève des transports pendant les
vacances de Noël ? Pourquoi fragmenter
vos propres forces ?
Les travailleurs
des transports ont continué d’assumer
seuls la charge de la lutte contre le
projet de réforme des retraites qui ne
profitait à aucun travailleur, mais
pourquoi les dirigeants syndicaux
n’ont-ils encouragé personne à se
joindre à eux ? Le leadership, la
stratégie et l’organisation ont tout
simplement été affreux.
Les dirigeants
syndicaux en France ne sont pas novices,
mais ils se sont comportés comme des
bleus
Comme on pouvait le
prévoir d’après leur histoire, la
corruption de l’administration Macron a
donné aux syndicats une occasion en or
de tuer la réforme des retraites : deux
semaines après le début de la grève (le
17 décembre), l’architecte de l’ensemble
de la réforme des retraites (Jean-Paul
Delevoye, haut-commissaire aux
retraites) a dû démissionner de son
poste au ministère en raison
d’allégations de corruption.
Que pouvez-vous
demander de plus ?! Quel cadeau ! Quelle
erreur de la part d’un gouvernement si
peu éprouvé !
Une mobilisation
soutenue, immédiate et massive sur une
corruption aussi importante aurait été
extrêmement efficace à ce moment-là :
comment les fruits d’un ministre
corrompu pourraient-ils être sains ?
Mais les syndicats
n’ont rien fait pour en profiter : ils
sont tous partis en vacances de Noël.
Tout le monde sauf les conducteurs de
train.
Toute cette
prolongation a donné à l’administration
Macron plus de temps pour conclure des
accords privilégiés avec les principaux
secteurs du travail : juste après le
nouvel an, les pilotes et équipages
aériens ont annoncé qu’ils avaient
conclu un accord avec le gouvernement et
ont annulé leur grève prévue.
L’inaction des
syndicats a donné à Macron le temps de «
diviser pour mieux régner », comme
toujours à l’ère de l’austérité en
France, alors qu’ils auraient dû savoir
dès le début que ce serait exactement
leur tactique.
Le gouvernement
s’est alors engagé dans la duplicité
pour semer la confusion et le
décrochage. Outre le système radical «
universel » et « à points », le
gouvernement souhaitait relever l’âge de
la retraite de deux ans. Mais ça a
toujours été une fausse pilule
empoisonnée, une pseudo-mesure que le
gouvernement pouvait facilement retirer
afin de paraître comme négociant de
bonne foi : la réforme radicale des
retraites est un prix beaucoup, beaucoup
plus lucratif pour les 1% les plus
riches de France qui seront les seuls à
ne pas pâtir sévèrement de cette
réforme. Le 11 janvier, le gouvernement
a annoncé qu’il suspendait l’âge pivot.
Il a ensuite
déclaré que la suspension n’était que
temporaire.
Ensuite, il n’ pas
précisé quand la suspension temporaire
commencerait ou se terminerait.
C’est donc aussi
clair que de la boue, et nous continuons
tous à avancer vers la présentation
officielle du projet de loi le 24
janvier, lorsque les négociations seront
terminées.
Cette semaine, la
participation à la grève des conducteurs
de train est tombée à son plus bas
niveau : les services de métro à Paris
fonctionnent maintenant à environ 80%,
mais toute personne utilisant le train
va évidemment à l’encontre de la grève.
Mais après six
semaines complètes, les gens me disent
qu’ils ont mal aux pieds à cause de tant
de longues marches vers et depuis le
travail. La grève est difficile, et les
syndicats auraient dû le savoir et
auraient donc du pousser de toutes leurs
forces dès le début. Au lieu de cela,
ils n’essaient de le faire que
maintenant.
Par désespoir
croissant, les syndicats ont appelé à
trois jours de grèves nationales cette
semaine, mais la participation y a
également été médiocre.
Pas de généraux
suffisamment solides pour repousser les
anarchistes adolescents
Revenons à la grève
non « générale » (cela est devenu
évident dès le premier jour de la
manifestation nationale, le 5 décembre).
Quelques centaines
de manifestants des Black Blocs, qui
sont soit des policiers en civil, soit
des idiots anarchistes avec des
problèmes de fils à papa, ont bloqué 250
000 manifestants dirigés par les
syndicats pendant quatre heures à Paris.
Ce n’était pas une
incroyable démonstration de force des
Black Blocs, mais une démonstration
épouvantable de la mauvaise gestion des
coetèges par les syndicats. Certes, les
flics (qui ont bien plus d’armes,
d’armements défensifs et de formation)
n’ont rien fait pour arrêter les Black
Blocs, mais ils ne font jamais rien : ce
sont leurs ordres d’en haut, et ce n’est
pas nouveau.
Ce que je voudrais
savoir, c’est pourquoi aucun des
dirigeants syndicaux n’a-t-il eu la
compétence pour dire : « Nous ne pouvons
pas laisser ces punks chétifs arrêter
notre première manifestation et fournir
aux médias des images d’émeute qui
effrayeront les citoyens moyens
souhaitant manifester et affaibliront
notre grève. En avant ! Marchons ! Les
Black Blocs ne peuvent pas nous arrêter
! »
Les Black Blocs se
seraient écartés en deux secondes. Ils
n’ont pas d’armes, ils étaient largement
en infériorité numérique et ce sont
surtout des jeunes gringalets peureux de
20-21 ans. La violence de ce jour-là
était palpitante, vraiment 1% de ce à
quoi ressemblait une dure manifestation
de Gilets Jaunes.
Mais aucun
dirigeant syndical ne pouvait
apparemment saisir cette réalité.
Certes, aucun
dirigeant syndical n’était disposé à
monter en première ligne pour aller de
l’avant et dire aux Black Blocs que leur
droit démocratique de manifester
pacifiquement ne serait pas obstrué. Les
flics ne seraient jamais intervenus pour
empêcher les manifestants d’affronter
les Black Blocs, car cela aurait
signifié protéger les Black Blocs
ouvertement.
Les dirigeants
syndicaux peuvent penser que leur
précieux cerveau doit être protégé à
tout prix, mais leurs capacités
tactiques sont encore pires que leurs
capacités de leadership.
Je ne sais pas ce
qui peut relancer la grève générale
maintenant.
Les syndicats ont
raté des opportunités en or et n’ont pas
réussi à faire pression quand ils
l’auraient pu. Ils ont, comme Macron,
ignoré l’importance de l’opinion
publique démocratique.
De plus, il y a des
syndicats de droite et des syndicats de
gauche, après tout ; ils ne pensent pas
tous de la même façon. Le plus grand
syndicat de France est de droite. La
France n’est pas un pays « socialiste »
comme le prétendent les États-Unis. Leur
révolution politique a eu lieu bien
avant 1917, et elle a également échoué.
Et très rapidement.
Les seuls gagnants
ici seront, d’une certaine façon, les
Gilets Jaunes : leur point de vue selon
lequel les syndicats font en effet
partie du système politique dominant
incompétent et / ou corrompu sera
justifié si les syndicats ne remettent
pas le navire à flot.
Les syndicats
ont-ils vraiment voulu gagner ? Leurs
tactiques ne donnent pas cette
impression ; il semble de plus en plus
que cette « grève générale » visait
avant tout à faire semblant de résister,
et pas à réellement résister.
Cependant, à court
terme, ce n’est pas comme si les Gilets
Jaunes pouvaient fournir une solution
politique pour aider le Français moyen.
Il a fallu huit ans au Mouvement 5
étoiles pour parvenir au pouvoir en
Italie.
Pour adopter une
vision historique plus longue, rappelons
qu’en 2017, les deux principaux partis
français ont été écartés du pouvoir pour
la première fois dans l’histoire de
l’après-guerre. S’ils continuent sur
leur lancée, 2020 pourrait s’avérer
avoir été l’année où le même balai a été
appliqué aux syndicats. Qu’est-ce qui
viendra après cela ? Telle est la
question.
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