LE CRI DES PEUPLES
Vers un conflit sino-américain en mer de
Chine ?
Scott Ritter
Dimanche 19 juillet 2020 Les Etats-Unis
déclarent illégales les revendications
territoriales de la Chine, mais chien
qui aboie ne mord pas. Les États-Unis
sont militairement et économiquement
impuissants.
Par Scott Ritter
Source :
RT, 15 juin 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr
La déclaration de
Mike Pompeo selon laquelle les
revendications de Pékin dans la mer de
Chine méridionale sont illégales a été
considérée par certains comme un pas
spectaculaire vers la guerre. Mais ce ne
sont que des fanfaronnades, car les
États-Unis savent qu’ils ne sont pas
encore capables de prendre des mesures
militaires.
Le Secrétaire
d’État Mike Pompeo a publié cette
semaine une
déclaration rejetant —en tant que
politique officielle des États-Unis— les
revendications territoriales de la Chine
dans la mer de Chine méridionale,
affirmant qu’il n’y avait aucune base
légale pour les revendications de la
Chine, et accusant Pékin d’utiliser des
tactiques d’intimidation contre les
États du littoral ayant des
revendications concurrentes .
« Nous disons
clairement », lit-on dans le
communiqué, « que les revendications
de Pékin sur les ressources marines dans
la majeure partie de la mer de Chine
méridionale sont totalement illégales,
tout comme sa campagne d’intimidation
pour les contrôler. Le monde ne
permettra pas à Pékin de traiter la mer
de Chine méridionale comme son empire
maritime. »
Dans le cadre de sa
politique autoproclamée de «
ligne en neuf traits », la Chine
revendique environ neuf dixièmes des 3,5
millions de kilomètres carrés de la mer
de Chine méridionale. En plus d’affirmer
des revendications territoriales sur les
hauts-fonds et les îles existants, la
Chine a construit une série d’îles
artificielles fortifiées qu’elle a
utilisées pour affirmer sa présence dans
la région. Cinq autres pays —les
Philippines, le Vietnam, le Brunei, la
Malaisie et Taïwan— contestent les
revendications de la Chine et ont déposé
divers recours légaux au fil des ans,
dont certains ont été reconnus valides
par l’arbitrage des Nations Unies.
Jusqu’à la
déclaration de Pompeo, la politique
officielle des États-Unis au sujet des
revendications territoriales de la Chine
était celle de la neutralité.
Maintenant, les États-Unis se sont
alignés contre la Chine de manière
dramatique. Le timing de la déclaration
de Pompeo n’était pas anodin.
Il y a moins de
deux semaines, la marine américaine a
entrepris
une nouvelle série d’exercices de «
liberté de navigation » visant à faire
savoir à la Chine que ses aspirations
territoriales en mer de Chine
méridionale ne resteraient pas
incontestées. Le déploiement de deux
groupements tactiques de porte-avions
était un étalage sans précédent de force
militaire, remarquable non seulement par
la taille et la portée de l’exercice,
mais surtout par le contexte dans lequel
il a été mené.
Hier, le
Royaume-Uni, le plus proche allié des
États-Unis, a déclaré qu’il avait
l’intention de stationner l’un de ses
nouveaux porte-avions dans la
région, apparemment comme une mesure
pour contrer une « Chine de plus en plus
assertive ».
La Chine a, ces
derniers mois, arboré publiquement son
propre arsenal militaire, en particulier
deux classes de missiles, connues sous
le nom de DF-21 et DF-26, qui ont reçu
le surnom de « tueurs de porte-avions »
pour des raisons évidentes.
Le Global Times,
un journal de langue anglaise publié
sous les auspices du Parti communiste
chinois, a fait référence à ces missiles
dans
un tweet publié en réponse au
déploiement des porte-avions américains,
notant que « la Chine dispose d’un
large choix d’armes anti-porte-avions
comme les #missiles DF-21D et DF-26
‘tueurs de porte-avions’. La mer de
Chine méridionale est parfaitement à la
portée de l’armée populaire de
libération chinoise (APL) ; tout
mouvement de porte-avions américains
dans la région est à la discrétion de
l’APL. »
Le chef de
l’information de la marine américaine,
le contre-amiral Charlie Brown, a envoyé
un tweet en réponse, déclarant :
« Et pourtant, ils sont là. Deux
porte-avions @USNavy opérant dans les
eaux internationales de la mer de Chine
méridionale. #USSNimitz et #USSRonaldReagan
ne sont pas intimidés #ANotreDiscretion.
»
Les fanfaronnades
de l’amiral Brown dissimulent la réalité
: les missiles tels que les DF-21 et
DF-26, appelés armes « anti-accès / déni
de zone » (AA / AD), représentent un
nouveau visage de la guerre maritime qui
rendent les groupements tactiques de
porte-avions américains complètement
obsolètes.
Cela se reflète
dans de nouvelles directives émises par
le commandant du Corps des Marines
visant à restructurer sa capacité de
frappe amphibie pour refléter cette
nouvelle réalité. « Les visions d’une
armada navale de masse à neuf milles
marins au large de la mer de Chine
méridionale se préparant à lancer la
force de débarquement… sont
impraticables et déraisonnables », a
noté le général David Berger. « Nous
devons accepter les réalités créées par
la prolifération des missiles de
précision à longue portée, des mines et
autres armes intelligentes, et
rechercher des moyens innovants pour
surmonter ces capacités de menace.»
L’importance des
directives du commandant est qu’elle
sont basées sur la réalité, pas sur la
théorie ; le Corps des Marines subit
actuellement une restructuration
radicale de son organisation et de ses
capacités de combat, supprimant les
capacités dites « héritées » telles que
les blindés lourds et la police
militaire en faveur d’une nouvelle
structure « expéditionnaire » qui
opèrera à partir de bases avancées dans
le Pacifique et utilisera ses propres
capacités de frappe à longue portée pour
perturber un adversaire potentiel —en
l’occurrence, la Chine.
Alors que certains
commentateurs fébriles ont pris les
paroles de Pompeo comme établissant le
fondement juridique de l’utilisation de
la force militaire contre Pékin, la
vérité est que ni le Corps des Marines
ni la marine américaine ne sont en
mesure d’exécuter avec succès une
campagne militaire contre la Chine dans
la mer de Chine méridionale aujourd’hui,
et qu’une telle capacité n’est pas
envisageable dans les années à venir. La
déclaration pompeuse du Secrétaire
Pompeo n’est qu’une gasconnade : des
mots qui ne peuvent pas être appuyés par
la force sont, pour être francs, vides
de sens.
La déclaration de
Pompeo n’a pas précisé quelles
conséquences les États-Unis sont prêts à
imposer au cas où la Chine continuerait
d’affirmer avec agressivité sa « ligne
en neuf traits », pour la simple raison
qu’aucune conséquence significative ne
peut être imposée.
Les fanfaronnades
de Pompeo semblaient davantage viser à
creuser un fossé entre la Chine et ses
partenaires commerciaux de l’Association
des nations de l’Asie du Sud-Est
(ASEAN), dont beaucoup ont des
différends territoriaux avec la Chine
dans la mer de Chine méridionale, qu’à
déclencher une guerre.
La Chine cherche
depuis des années à renforcer ses liens
économiques et sécuritaires avec le bloc
ASEAN, à la grande consternation des
États-Unis. En effet, l’un des
principaux obstacles rencontrés par les
États-Unis pour affronter la Chine dans
la mer de Chine méridionale est la
réticence des nations mêmes que Pompeo a
cherché à courtiser dans sa déclaration
qui visait à aliéner les relations avec
la Chine, dont le statut de partenaire
commercial le plus puissant de la région
sur le plan économique ne peut pas être
ignoré par la plupart des pays de
l’ASEAN.
A cet égard, la
décision précipitée du Président Trump
de
se retirer du Partenariat transpacifique
(TPP) en 2018 est revenue hanter les
décideurs politiques américains :
dépourvus de toute alternative
économique viable dirigée par les
États-Unis, les pays de l’ASEAN n’ont
d’autre choix que de graviter vers la
Chine.
En posant un
marqueur selon lequel elle considère que
la totalité des revendications de la
Chine dans la mer de Chine méridionale
comme légalement inadmissibles,
l’administration Trump cherche à
influencer l’arène diplomatique où les
maints différends entre la Chine et les
États du littoral de la Chine
méridionale seront traités durant un
avenir prévisible.
En dehors des mots,
cependant, les États-Unis ont un levier
limité : les exercices de liberté de
navigation irritent la Chine, mais n’ont
rien fait pour stopper son expansion
dans la région, et au lendemain de
l’effondrement du TPP, les États-Unis
n’ont pas proposé de stratégie de
développement économique régional
cohérente pour contrer celle de la
Chine.
La question
cruciale est de savoir dans quelle
mesure les pays riverains de la mer de
Chine méridionale sont prêts à se
rallier autour de la nouvelle politique
déclaratoire américaine concernant les
ambitions de la Chine dans la mer de
Chine méridionale. Faute de la puissance
militaire nécessaire pour contraindre la
Chine au changement ou des moyens
économiques d’offrir une alternative
significative à l’influence économique
de la Chine, la déclaration de Pompeo
n’est guère plus que des paroles creuses
masquant l’impuissance croissante des
États-Unis.
Le fait que la
seule réponse significative à la
position de la Chine dans la mer de
Chine méridionale poursuivie par les
États-Unis soit une restructuration
radicale du Corps des Marines uniquement
conçue pour affronter militairement la
Chine dans la région devrait être
inquiétant pour tous ; en ne soutenant
pas une rhétorique forte avec des
options politiques significatives, les
États-Unis risquent de se replier dans
un coin dans lequel la seule solution
sera l’outil militaire offert par les
marines. Le monde entier devrait espérer
et prier pour qu’on n’en arrive pas à
ça.
Pour ne
manquer aucune publication et
soutenir ce travail censuré en
permanence, partagez cet article et
abonnez-vous à la Newsletter.
Vous pouvez aussi nous suivre sur
Facebook et
Twitter.
Le
sommaire de Sayed Hasan
Le
dossier Chine
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|