Opinion
L’inoubliable Marcelo Bielsa
Salim Lamrani

© Salim Lamrani
Lundi 29 février 2016
Plus de six mois après son
départ de l’Olympique de Marseille,
supporters et joueurs ont toujours la
nostalgie de Marcelo Bielsa.
Les supporters de l’Olympique de
Marseille n’ont pas oublié Marcelo
Bielsa. Les portraits du mythique
entraineur argentin fleurissent toujours
dans les travées du stade Vélodrome, où
tous regrettent l’époque où leur équipe
pratiquait le jeu offensif le plus
spectaculaire de France. La rencontre en
Ligue Europa entre l’OM et l’Athletic
Bilbao, deux clubs par lesquels est
passé le technicien de Rosario, a ravivé
les souvenirs émus des supporters des
deux équipes qui n’ont pas hésité à
s’afficher ensemble sur le Vieux Port en
brandissant avec fierté des banderoles à
l’effigie de la star sud-américaine,
symbole d’un football populaire[1].
Les joueurs
de Marseille ayant été sous les ordres
de Marcelo Bielsa, et qui sont toujours
au club, partagent l’avis des supporters
et n’hésitent pas à exprimer leur
reconnaissance envers leur ancien
entraineur. Cela malgré l’hostilité de
la direction du club, responsable de la
démission du technicien argentin, qui
fait tout pour effacer l’épopée Bielsa[2].
Steve Mandanda, gardien et capitaine
emblématique de l’Olympique de
Marseille, au club depuis près de 10
ans, ne tarit pas d’éloges au sujet de
celui qu’il considère comme la référence
dans sa carrière : « C’est la période où
j’ai pris le plus pris de plaisir depuis
que je suis au club, avec la saison du
titre de champion [en 2010]. Dans le
jeu, c’était énorme. […] En match, on
tentait des trucs parfois super
dangereux et ça fonctionnait. C’était
incroyable. Et il y avait cette
communion avec le public[3] ».
En effet, sous l’ère Bielsa (2014-2015),
quel que fût l’adversaire, le stade
Vélodrome était toujours plein à
craquer.
Aleixys Romao,
milieu de terrain toujours au club, se
souvient de la confiance que
l’entraineur argentin arrivait à
insuffler à ses joueurs : « Avec Bielsa,
quand on entrait sur le terrain, on
savait qu’on allait gagner ». Le joueur
retient sans hésiter « les six premiers
mois » qui ont vu le club finir champion
d’automne en décembre 2014, devant même
la pléthorique armada du
Paris-Saint-Germain et ses innombrables
stars et son budget illimité. « Ça
restera de bons souvenirs », conclut-il[4].
Florian
Thauvin, milieu offensif qui a passé six
mois en Angleterre, se souvient de
l’exigeant entraineur argentin et lui a
rendu hommage dès son retour à Marseille
en janvier 2016 : « J’ai toujours eu de
bons rapports avec le coach, même si ça
a pu gueuler parfois[5] ».
Nicolas
Nkoulou, leader de la défense
marseillaise, n’oublie pas non plus le
passage de Bielsa dans la cité
phocéenne, en dépit de son fort
caractère, de ses exigences marquées et
des entrainements épuisants.
L’international camerounais note que le
technicien argentin « a révolutionné le
club ». Il exprime également sa
reconnaissance à son égard : « J’ai
apprécié travaillé avec lui, il m’a
beaucoup apporté[6] ».
Pour Brice
Dja Djédjé, défenseur latéral,
l’influence de son ancien coach a été
fondamentale dans sa progression. Il se
souvient de sa rigueur scientifique :
« Il m’a apporté énormément. […] Avec
Bielsa, je travaillais spécifiquement.
Il me montrait souvent mes matchs,
m’expliquait ce qu’il fallait que je
fasse. Il me montrait mes défauts, ce
qui fait que j’arrivais très vite à
analyser[7] ».
Vincent
Labrune, président de l’Olympique de
Marseille dont la conduite et les
mensonges répétés ont eu pour
conséquence le départ de Bielsa, avait
déclaré à la presse que Mauricio Isla –
que Bielsa avait eu sous ses ordres
lorsqu’il était sélectionneur du Chili –
n’avait signé au club qu’après la
démission de l’entraîneur argentin.
Selon lui, Isla ne souhaitait plus
travailler avec El Loco. La
réplique du défenseur chilien, pourtant
salarié du club, a été immédiate : « Le
président ne parle pas espagnol. Il a dû
mal comprendre. Je ne me suis jamais
plaint de Bielsa. Au contraire, c’est le
meilleur entraîneur que j’ai connu.
Grâce à lui, je suis international[8] ».
Il se souvient de l’exigence de son
ancien mentor dont il loue les qualités
de meneur d’hommes : « Au début, tu as
envie de te rebeller. Mais dès que tu
réalises tes progrès, tu commences à
l’aimer[9] ».
Du côté des
joueurs ayant quitté le club pour
d’autres cieux après avoir évolué sous
les ordres de Bielsa à Marseille, ils
sont beaucoup à garder un souvenir plein
de respect du technicien argentin.
Dimitri Payet, actuellement en lice pour
être élu meilleur joueur du championnat
d’Angleterre sous les couleurs de West
Ham, rend hommage à celui qui l’a fait
le plus progresser. « Je n’ai passé
qu’une saison avec lui, mais j’ai
énormément appris. J’ai le sentiment
d’avoir appris pour les 10 prochaines
années », a-t-il déclaré[10].
Jérémy Morel,
latéral de formation qui officie
désormais sous les couleurs de Lyon,
souligne les capacités de Bielsa à
déceler le potentiel caché de chaque
joueur et lui exprime sa gratitude :
« Il est le seul à avoir cru en moi en
défense centrale. Dès le début, il m’a
fait part de ses intentions, il voulait
que je sois dans l’axe. Pour lui,
j’étais l’un des meilleurs joueurs de la
tête[11] ».
Mario Lemina,
jeune joueur, est passé entre les mains
de Bielsa, ce qui lui a permis
d’intégrer la prestigieuse équipe
italienne de la Juventus de Turin. Il
rend hommage à celui qui lui a permis
d’être recruté par un club de l’élite
mondiale : « Bielsa m’a beaucoup appris.
Il a apporté sa patte à l’OM, notamment
sur le plan tactique. C’est un
entraîneur particulier, qui faisait
beaucoup progresser les joueurs. Et je
le remercie pour ce qu’il a fait pour
moi[12] ».
André Ayew,
formé à l’Olympique de Marseille,
rappelle les qualités exceptionnelles de
formateur de Marcelo Biela : « C’est
quelqu’un qui peut vraiment apporter
beaucoup à des très jeunes joueurs. Il
peut vraiment les faire progresser et
les amener très haut […]. C’est
difficile de trouver un entraîneur qui
peut trouver cette envie, cette
motivation, cette rigueur pour de jeunes
joueurs[13] ».
Il convient en effet de rappeler une
réalité parfois trop vite oubliée. Grâce
à Marcelo Bielsa, certains jeunes
joueurs ont réalisé des progrès
impressionnants en l’espace d’une année.
Leur valeur marchande a ainsi explosé
sur le marché des transferts. A titre
d’exemple, Giannelli Imbula, 23 ans,
acheté 7,5 millions d’euros par
Marseille, a été cédé à Porto à plus de
20 millions d’euros. Benjamin Mendy, 21
ans, recruté pour moins de 3 millions
d’euros, en vaut aujourd’hui dix fois
plus. Michy Batshuayi, acquis 7 millions
d’euros, a reçu des propositions
financières à hauteur de 35 millions
d’euros.
Comme le note Javier Zanetti, joueur
argentin de légende et actuellement
vice-président de l’Inter de Milan, « la
grande habileté de Bielsa, c’est de te
faire arriver à 100% de tes
possibilités, et tous les entraîneurs ne
sont pas capables de le faire. C’est
impossible de ne pas aimer Bielsa : il
est transparent, compétent, il donne sa
vie entière pour le foot et surtout, il
est très respectueux[14] ».
Marcelo
Bielsa n’est resté qu’un an à Marseille.
Mais il a laissé une trace indélébile.
Aucun autre entraîneur n’aura autant
marqué le club en si peu de temps. Les
amoureux du football en général
regrettent le départ de celui qui a fait
souffler un vent de fraicheur sur le
championnat de France. Les supporters
gardent un souvenir nostalgique du jeu
offensif et généreux, si caractéristique
du style Bielsa. Mais ils se souviennent
surtout de la rectitude morale de celui
qui a toujours refusé la démagogie dans
ses relations avec les médias et qui
avait pour principale préoccupation que
« le public soit plus cultivé[15] ».
« Être cultivé pour être libre » disait
José Martí, Héros national cubain et
sans doute le plus universel des
penseurs latino-américains. Marcelo
Bielsa a fait de cette maxime sa devise
personnelle.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba,
parole à la défense !, Paris,
Editions Estrella, 2015 avec une préface
d’André Chassaigne.
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
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