Cuba
La politique cubaine de Donald
Trump
est vouée à l’échec
Salim Lamrani

© Salim
Lamrani
Lundi 26 mars 2018
Depuis son arrivée à la Maison-Blanche,
les relations entre Cuba et les
Etats-Unis n’ont cessé de se détériorer
en raison de la décision de Donald Trump
d’appliquer de nouveau une politique
basée sur l’hostilité.
En juin 2017, le Président des
Etats-Unis Donald Trump a annoncé un
revirement total de la politique
étrangère des Etats-Unis vis-à-vis de
Cuba. Alors que son prédécesseur Barack
Obama avait pris la mesure de l’échec de
la stratégie étasunienne envers l’île
durant plus d’un demi-siècle et initié
un processus de rapprochement avec La
Havane, l’actuel locataire de la
Maison-Blanche a annoncé qu’il
appliquerait désormais une ligne dure
avec Cuba[1].
Barack Obama avait rétabli les relations
diplomatiques et ouvert une ambassade en
2015, près de 54 ans après la rupture
unilatérale opérée par Washington en
janvier 1961. Sans permettre aux
touristes ordinaires étasuniens de se
rendre à Cuba, Washington avait
néanmoins ouvert la possibilité à douze
catégories de voyageurs de se rendre
dans l’île et avait permis les vols
directs entre les deux pays. Ce nouveau
panorama avait permis à de nombreux
citoyens étasuniens de visiter Cuba pour
la première fois. Ainsi, le nombre de
visiteurs étasuniens dans l’île est
passé de 91 254 personnes en 2014 à
161 233 en 2015, et 284 552 en 2016[2],
pour atteindre le chiffre record de
619 523 en 2017[3].
Contre toute
attente, le 29 septembre 2017, le
secrétaire d’Etat Rex W. Tillerson a
annoncé que Washington réduisait à son
strict minimum son personnel
diplomatique présent à Cuba pour des
raisons de sécurité. Washington a évoqué
de mystérieux problèmes de santé dus à
des « attaques acoustiques » qui
auraient affecté une vingtaine de
membres de l’Ambassade des Etats-Unis à
La Havane entre décembre 2016 et août
2017. Washington reconnaît que les
« enquêteurs ont été incapables de
déterminer qui était responsable de ces
attaques et quelles en étaient les
causes[4] ».
En plus de
réduire drastiquement son personnel
diplomatique, l’administration Trump a
décidé de sanctionner La Havane en
expulsant 17 membres de l’ambassade de
Cuba de Washington, dont toute
l’équipe du bureau des affaires
économiques et commerciales[5].
Pourtant, les Etats-Unis ont souligné la
pleine coopération des autorités
cubaines au sujet de cette affaire :
« Cuba nous a indiqué qu’elle
continuerait à enquêter sur ces attaques
et nous continuerons à coopérer avec eux[6] ».
De leur côté,
les autorités cubaines, par la voix de
Bruno Rodríguez, Ministre des Affaires
étrangères, ont regretté le manque de
collaboration et de transparence de la
part des Etats-Unis sur cette affaire.
En effet, Washington s’est refusé à
fournir à La Havane les éléments
d’enquête à sa disposition. Aucune des
personnes touchées par ce mal mystérieux
n’a pu être interrogée par les
enquêteurs cubains et leurs noms ont été
maintenus secrets[7].
La raison
probable de ce refus a été révélée par
Peter Kornbluh, Directeur du Projet de
Documentation sur Cuba des Archives de
la Sécurité nationale de Washington :
« Un nombre très important des personnes
affectées étaient des membres de la
station de la CIA à Cuba[8]. »
Or, les Etats-Unis n’admettront jamais
la présence d’éléments de la CIA à Cuba
ou dans n’importe quel autre pays au
monde en raison du caractère clandestin
et illégal de leurs activités.
Dans le même
temps, Washington a décidé de classer
Cuba dans la catégorie des pays à risque
pour ce qui concerne les voyages.
Pourtant, le Département d’Etat a
reconnu qu’aucun des près de 620 000
citoyens étasuniens qui se sont rendu
dans l’île en 2017 n’a été victime d’une
quelconque attaque sonique : « Nous ne
disposons d’aucune information selon
laquelle des citoyens des Etats-Unis
auraient été affectés[9] ».
En raison de
la réduction drastique des effectifs de
la représentation diplomatique
étasunienne à La Havane, le consulat
n’est plus en mesure d’assurer ses
missions[10].
Ainsi, les Cubains qui souhaitent se
rendre aux Etats-Unis dans le cadre d’un
projet migratoire, d’un voyage
professionnel, d’un séjour familial, ou
autres, doivent désormais
obligatoirement passer par le consulat
des Etats-Unis à… Bogota, en Colombie.
En outre, les Etats-Unis se retrouvent
de fait dans l’incapacité de respecter
les accords migratoires signés en 1994
avec La Havane, dans lesquels ils
s’engagent à fournir au moins 20 000
visas par an. En effet, l’immense
majorité des candidats à l’émigration
n’a pas les moyens de se payer le
coûteux voyage en Colombie, surtout
qu’aucune garantie n’est fournie quant à
une éventuelle issue favorable à leur
demande de visa[11].
En revenant à
une politique basée sur l’hostilité à
l’égard de Cuba, l’administration Trump
met un terme aux progrès observés durant
la présidence de Barack Obama et
s’accroche à une stratégie anachronique.
Cette dernière est vouée à l’échec et a
isolé les Etats-Unis sur la scène
internationale, comme l’illustre le
dernier vote de novembre 2017 de
l’Assemblée générale des Nations unies
où 191 pays ont condamné pour la 26ème
année consécutive les sanctions
économiques imposées à Cuba. De la même
manière, Washington s’oppose à la
volonté de la majorité des citoyens des
Etats-Unis qui aspirent à normaliser les
relations avec Cuba et à pouvoir se
rendre sur l’île en tant que touristes,
sans obstacles, chose interdite depuis
plus d’un demi-siècle par Washington.
Pour sa part, Cuba a toujours fait
montre de sa disposition à entretenir
des liens cordiaux et pacifiques avec
Washington basés sur l’égalité
souveraine, la réciprocité et la
non-ingérence dans les affaires
internes.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel
Castro, héros des déshérités, Paris,
Editions Estrella, 2016. Préface
d’Ignacio Ramonet.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

[3]
Mimi
Whitefield, « 100,000 Cuban
Homes Slammed by Hurricane Irma
Await Repairs Months Later »,
The Miami Herald, 15 janvier
2018.
[6]
Rex W. Tillerson, « Actions
Taken in Response to Attacks on
U.S. Government Personnel in
Cuba », op.cit.
[7]
Bruno Rodríguez
Parilla, « No existen pruebas de
ataque sónico a diplomáticos de
Estados Unidos », Cubadebate,
3 novembre 2017.
[8]
Peter Kornbluh, « What the US
Government Is Not Telling You
About Those ‘Sonic Attacks’ in
Cuba », The Nation, 7
mars 2018.
[9]
Rex W.
Tillerson, « Actions Taken in
Response to Attacks on U.S.
Government Personnel in Cuba »,
op.cit.
[11]
Mario J. Pentón, « To Reunite
With Family in Miami, These
Cubans Must Travel to Bogota »,
The Miami Herald, 15 mars
2018.
Le sommaire de Salim Lamrani
Le dossier Amérique latine
Les dernières mises à jour

|