Les 7 du Québec
L'organisation - De l'insurrection à la
révolution
Robert Bibeau

Mercredi 14 septembre 2016
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La semaine dernière nous avons présenté
notre vision de la contradiction
fondamentale qui entraine le déclin du
mode de production capitaliste (1).
Ce brulot a déclenché une avalanche de
commentaires à propos de la façon pour
la gauche de mobiliser, encadrer,
diriger, commander le processus de
remplacement de l’ancien mode de
production et permettre l’émergence du
suivant. Telle la mouche du coche, la
gauche bourgeoise croit qu’elle tient
dans ses mains la cravache qui lui
permettra de se porter à l’avant-garde
du contingent. Malheureusement, quand
nous examinons les arguments que la
gauche présente force est de constater
que l’état-major de « l’avant-garde »
est à l’arrière garde du convoi.
-
Le mouvement
précède la conscience
Le
mouvement précède la conscience – la
conscience procède du mouvement, voilà
la raison pour laquelle l’organisation –
Le Parti – de la classe prolétarienne
ne peut préexister à l’insurrection
populaire qui marquera le commencement
du long processus révolutionnaire.
Oubliez la métaphore du Grand Soir
qui ne vise qu’à galvaniser les esprits
et à offrir un repère historique à la
populace… La prise de la Bastille
par exemple, se comprend dans le
contexte d’une longue suite d’évènements
– le précédent et lui succédant –
comprenant Napoléon – la restauration,
la Commune tout comme la Révolution
d’Octobre fut précédée par la révolution
de 1905, par celle de Février 1917 –
Kornilov – Kronstadt – par Staline –
Khrouchtchev – Gorbatchev – Poutine et
les autres. L’histoire est en marche et
sous le mode de production capitaliste
c’est le pouvoir économique – politique
– idéologique bourgeois qui est
hégémonique. C’est la raison pour
laquelle jamais aucune révolution
politique prolétarienne ne survivra
esseulée, dans un ou dans quelques pays
isolés, surtout si cette révolution se
veut idéologique et politique avant
d’être une révolution économique.
Surtout si cette révolution
prolétarienne moderne se déroule sans
prolétaires – menée par des masses
paysannes analphabètes, poussant
l’araire tiré par des bœufs. La
superstructure sociale repose sur
l’infrastructure économique et non
l’inverse. C’est ce qui nous fait dire
et répéter « Dialectiquement, le
mouvement précède la conscience – et la
conscience procède du mouvement
révolutionnaire conscient ». Ainsi,
sous le mode de production capitaliste,
le petit bourgeois est découragé de
constater comme le prolétariat est
difficile à mobiliser pour défendre son
trécarré, comme l’ouvrier est réticent à
mourir sur les barricades pour sauver le
bobo paupérisé – rejeté parmi les
assistés sociaux déqualifiés.
C’est
que le prolétaire a déjà donné. En
1871 à Paris il a donné et il a été
fusillé par milliers. En 1905 à St-Petersbourg
et en 1917 à Moscou, il a donné (les
quelques prolétaires russes
disponibles), et il s’est retrouvé dans
les usines stakhanovistes surexploité…
Puis, il a été mobilisé sur le front de
l’Est et exterminé par millions. La
suite de ces échecs s’allonge ainsi à
l’infini. Alors, il hésite, il
réfléchit, il se méfie le prolétaire
corvéable et « massacrable » à merci.
Même aujourd’hui, sur les fronts du
Proche-Orient et de l’Afrique on le
conscrit pour tuer et pour être tué pour
un salaire de misère, sans espoir, sans
lendemain, six pieds sous terre où le
mène son destin.
Voyons
comment le processus dialectique de
maturation de la conscience se met en
branle dans le cours même du mouvement
insurrectionnel. Personne ne fait sa
formation nous dit-on. Personne
n’explique au prolétariat qu’il est la
solution à cette succession de crises
systémiques du mode de production
capitaliste. Pourtant, chacun devrait
savoir, les réformistes – les
altermondialistes – les verts
écologistes – les syndicalistes – les
soi-disant communistes et les gauchistes
– que personne ne peut sortir l’humanité
de la crise systémique du capitalisme…
Nous ne préconisons pas que l’on sorte
de la crise économique du capitalisme.
Nous préconisons que l’on renverse – que
l’on détruise le mode de production
capitaliste irrémédiablement. Il n’y a
rien à conserver de ce mode de
production moribond source de tous nos
maux. Nous ne proclamons pas que l’on se
lance à la conquête du pouvoir d’État
bourgeois, électoralement ou
militairement, nous préconisons que l’on
détruise l’État bourgeois, que l’on ne
conserve rien de cet État – instrument
d’aliénation de notre classe – et dont
la destruction est la condition de son
émancipation. Alors camarades, la vraie
question est plutôt, qui formera les
formateurs du prolétariat ?
-
Le parti
prolétarien révolutionnaire
Mais,
nous dit-on, il n’y a aucun parti
révolutionnaire prolétarien pour diriger
le mouvement révolutionnaire ! C’est
normal, et il est sain qu’il en soit
ainsi. Cette non-existence d’un
parti révolutionnaire prolétarien est le
reflet de l’état de conscience au sein
de la classe et de l’état d’avancement
du mouvement révolutionnaire. La
conscience de classe ne précède pas le
mouvement de la classe, il en procède.
Les forces objectives du capitalisme
vont se charger de bafouer, d’écraser,
de paupériser, de malmener notre classe,
et de ces malversations répétées surgira
la résistance massive comme une réaction
instinctive de la population (y compris
de la petite bourgeoisie si prompte à
s’indigner). À travers ce mouvement
spontané – irrépressible –
insurrectionnelle – la conscience de
classe va maturer et fera passer la
classe du processus insurrectionnel
spontané – inconscient – au processus
révolutionnaire conscient. Une
insurrection n’est pas une révolution
comme l’a démontré la révolte Place
Tharir au Caire. Mais l’insurrection
populaire en est un moment spontané,
violent, et surtout nécessaire,
précédant la révolution, qui elle sera
nécessairement prolétarienne ou ne sera
pas. Ce qui doit nous préoccuper à ce
moment-ci ce n’est pas l’inexistence
d’un parti prolétarien révolutionnaire,
alors que ni l’insurrection ni la
révolution ne sont en marche, mais
quelles sont les conditions requises
pour que ce parti révolutionnaire de la
classe prolétaire surgisse pendant le
soulèvement pour servir le mouvement
dans le sens de la destruction de
l’ancien et de l’édification du nouveau
mode de production ?
De
cette maturation, de ce haussement de la
conscience de la classe dans le
processus même de la lutte – classe
contre classe – qui s’échelonnera sur
des années – naitra l’organisation de
classe comme l’émanation de la
conscience de classe qui dialectiquement
sera structurée et structurera la
conscience de la classe et en fera un
mouvement révolutionnaire de la classe
pour la prise de pouvoir dans l’ensemble
de la société sous les trois instances
économique d’abord, politique et
idéologique ensuite. Économique d’abord
signifie précisément que la prise de
contrôle par le prolétariat des moyens
de production, d’échanges et de
communication sera essentielle et
décisive pour assurer l’avancée de la
révolution. Ce n’est surtout pas le
Parti de la classe qui doit s’emparer du
contrôle des moyens de l’économie, mais
la classe elle-même via le mode
d’organisation que la classe trouvera
adéquat, les soviets ouvriers
étant un bon exemple. Des besoins des
soviets de base naitra le besoin d’une
organisation de coordination de
l’ensemble des soviets ouvriers.
Contrairement à ce que prétendit
l’opposition de gauche, l’échec de la
Révolution russe ne fut pas la
conséquence de la prise de contrôle des
soviets de paysans, soldats et ouvriers
par les bolchéviques, ou de la trahison
de Staline, mais de l’impossibilité de
construire le mode de production
communiste sur les ruines du mode de
production féodal, que la composition
des soviets reflétait (paysans,
paysans-soldats et ouvriers). Les masses
paysannes doivent être prolétarisées
avant de pouvoir mener une révolution
prolétarienne. De cette impossibilité
matérielle – objective – émergea le
pouvoir politique bolchévique centralisé
qui a eu pour tâche de construire le
nouveau mode de production capitaliste
industriel et ouvrier, successeur obligé
du mode de production féodal, agraire et
paysan.
L’hégémonie politique et idéologique de
la classe prolétarienne révolutionnaire
(non pas du Parti qui ne doit être que
le servant de la classe et non son
adjudant) viendra en dernier ressort et
non pas en premier lieu comme le
croyaient les bolchéviques. Ce fut
l’une de leurs erreurs. La conscience
suit le mouvement elle ne le précède
pas. L’idéologie prolétarienne
communiste naitra lentement de la
construction du mode de production
communiste prolétarien. Ce n’est que
dans ce mouvement – anarchique –
spontané – confus que naitront les
innovations pour la création d’un
nouveau mode de production qui pour
partie existe déjà dans le présent mode
de production moribond.
-
La dictature du
prolétariat sur le parti
Les
syndicats tels que nous les connaissons,
devenus des appendices de l’appareil
d’État bourgeois, seront hors combat et
seront détruits au même titre que le
reste de l’appareil d’État bourgeois
alors que les organisations de la gauche
bourgeoise qui se présentent comme
marxistes, communistes, maoïstes,
trotskistes, anarchistes, etc.
disparaitront ou s’enliseront dans la
réaction en tant que sectes
antiprolétariennes, ou alors,
fusionneront dans la nouvelle
organisation de classe – Le Parti qui ne
peut absolument pas préexister – avant
que la conscience de la classe nait
maturée assez pour le faire émerger.
C’est la maturation de la conscience de
la classe (non pas du peuple, mais de la
classe prolétarienne) qui assurera la
juste orientation, l’évolution et la
protection du Parti. La classe ne nait
pas du parti, c’est le parti qui émane
de la classe et en dépend pour survivre.
Voilà la véritable signification du
concept de « dictature du prolétariat »,
qui n’est pas la dictature d’un gourou
sur le parti, puis sur la classe, mais
la dictature de la classe sur tous les
gourous et leurs sectes dogmatiques
qu’ils brandissent ou non les saintes
Écritures marxistes. Les bolchéviques
ont pu faire à leur guise par ce que la
classe prolétarienne n’avait pas la
maturité économique, politique et
idéologique requise. Si le mouvement
prolétarien révolutionnaire ne parvient
pas à émerger hégémonique du mouvement
insurrectionnel populaire alors il
subira une terrible répression de la
part de la réaction et le parti
révolutionnaire prolétarien devra être
dissouts pour renaitre lors du prochain
mouvement insurrectionnel mondial. Les
organisations qui ne seront pas
dissoutes seront éradiquées ou intégrées
à l’appareil d’État bourgeois comme
l’ont démontré toutes les phases de
reflux insurrectionnelles précédentes.
-
L’état-major de
« l’avant-garde », que les camardes
nous en garde
Ici
nous réclamons un effort supplémentaire
aux vieux camarades gauchistes en leur
demandant d’oublier les enseignements du
grand Lénine qui s’est fourvoyé à propos
du Parti qui devrait préexister, tel un
état-major – une « avant-garde » – de la
classe en-dehors ou au-dessus de la
classe. Lénine fut l’émanation de la
conscience de la classe prolétarienne
russe – marginale – vagissante – faible
– inexpérimentée et qui ne pouvait, dans
la société féodale archaïque de la
Russie tsariste de 1917, concevoir le
Parti de la classe que sous la forme
d’une secte secrète – policée –
hermétique – paranoïaque, coupée des
influences révolutionnaires extérieures.
Personne ne peut aujourd’hui identifier
une organisation qui soit une
“avant-garde” révolutionnaire de la
classe et qui ait une influence
significative dans la classe
prolétarienne. Ça n’existe pas, il y a
la gauche bourgeoise, sectaire,
dogmatique, soumise au « centralisme
démocratique » dictatorial du
polit-bureau petit bourgeois, un concept
imaginé par Lénine et les bolchéviques
pour chasser l’opposition, l’expulser ou
la neutraliser.
Même
si toutes les sectes de la gauche
bourgeoise sont des éteignoirs, des
entraves au cheminement de la classe, le
soulèvement insurrectionnel aura lieu
malgré eux. Même que leur agitation
contribue à la maturation du mouvement
ouvrier dans sa globalité. Mais ensuite,
à l’étape suivante, la question du parti
prolétarien révolutionnaire deviendra
décisive dans le cours même du processus
révolutionnaire où la conscience
évoluera et exigera un accoucheur du
nouveau mode de production communiste –
ce ne peut être que le parti né dans la
classe, ni au-dessus, ni à côté, ni en
avant-garde. Pour l’instant, le débat
ouvert est la clé de la démocratie
prolétarienne.
Camarades, protégez-nous de
« l’avant-garde », nos ennemis ont s’en
charge.
Prolétaires du monde entier,
unissez-vous!
(1)
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