Les 7 du Québec
Accord entre le capital
Étasunien-mexicain-canadien
contre les
travailleurs nord-américains
Robert Bibeau

Mardi 9 octobre 2018 Accord
États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC)
Il aura fallu des
mois d’intense négociation et des
milliers de pages de clauses, de normes,
de règlements et d’exclusions pour
encadrer l’accord de « libre »
échange (sic) entre le grand capital
multinational américain et le grand
capital canadien et mexicain. Les trois
factions étant par ailleurs intimement
enchaînées l’une à l’autre par leurs
échanges commerciaux, leurs moyens de
production et de communication en
copropriété, leurs sièges partagés sur
les conseils d’administration cooptés et
par les flux boursiers et financiers.
(1) En d’autres termes, et comme tous
les financiers nord-américains le
savaient, un nouvel accord commercial
était inévitable entre ces économies
imbriquées et mondialisées qui n’en font
qu’une. (2)
Une fois de plus,
Donald Trump a prouvé
qu’il est un libre-échangiste résigné –
adoubé par la classe capitaliste qui l’a
hissé à ce poste prestigieux pour sévir
et imposer les conditions commerciales
étasuniennes à ses alliés. Le Président
Trump, un homme prévisible, chantre de
la mondialisation et de
l’interpénétration des marchés et des
chaines de valeur (3) aura
fait une nouvelle démonstration de
l’efficacité de sa tactique d’isolement
de ses concurrents afin de leur extirper
davantage de concessions. Dans cette
guerre commerciale asymétrique, le
Mexique (122 millions h.) ne pèse que
5,7% de l’économie américaine, et le
Canada (37 millions h.) ne pèse que 8,3%
de l’économie étatsunienne (327 millions
h.), deux proies faciles à dépouiller
quand elles sont isolées. (4)
Le formatage de
l’opinion publique
Le refrain
médiatique qu’on nous a psalmodié depuis
une année ne visait qu’à formater
l’opinion publique pour que les salariés
se résignent à une intensification de
leur exploitation à travers la chaine
de valeur nord-américaine réaménagée
et mieux intégrée, c’est du moins ce
qu’espère le grand capital
multinational. De ce point de vue on
peut dire que ce nouvel accord a fait
des entrepreneurs gagnants et des
travailleurs perdants du Yucatan
jusqu’au Yukon. Nous y
reviendrons.
Au Canada les
médias à la solde nous ont jeté en
pâture la « gestion de l’offre »
de quelques productions agricoles (lait,
œuf, volaille, une fraction de 1% du
commerce interfrontalier) afin de
distraire la populace des véritables
enjeux de cette négociation qui visait
notamment à démanteler le Système
d’arbitrage des litiges commerciaux
qui permet au Canada et au Mexique de
contester les surtaxes que
l’administration américaine impose
fréquemment (bois d’œuvre, acier,
aluminium, automobile). (5) Par ce
mécanisme d’arbitrage les entreprises
canadiennes – parfois des filiales
d’entreprises américaines – qui
subissent un préjudice peuvent se voir
compenser par le gouvernement américain
trois ou quatre années plus tard, si
elles n’ont pas déposé leur bilan
entretemps.
Notez que l’Accord
aménage de multiples échappatoires par
lesquels l’administration étatsunienne
peut nuire aux entreprises canadiennes
ou mexicaines et avantager les
entreprises américaines. Ainsi, une
clause permet au gouvernement américain
d’invoquer la sécurité nationale pour
imposer 10% de droit de douane sur
l’aluminium importé du Canada (6).
Pourtant, chaque politicien américain
sait fort bien que le chef d’État-major
de l’armée américaine contrôle l’armée
canadienne via le traité de « défense »
de l’Amérique du Nord (NORAD). (7)
Ce prétexte sécuritaire a fait bondir le
premier ministre canadien qui a juré la
soumission totale de son gouvernement
aux intérêts américains (sic).
La source du
problème Étatsunien
La superpuissance
ex-hégémonique étatsunienne s’étiole,
son économie s’enlise sous le poids de
ses déficits budgétaires gigantesques
(666 MMUSD en 2017) et de ses dettes
titanesques (20 000 MMUSD) (8) alors que
ses moyens de production (machinerie et
main-d’œuvre) ne sont plus à la norme
face à la concurrence des pays émergents
qui anciennement travaillaient pour les
conglomérats américains auxquels ils
versaient leur tribut de plus-value.
Aujourd’hui ceux-ci travaillent pour des
conglomérats multinationaux apatrides.
Ces immenses entreprises multinationales
n’ont pas de nationalité ni de
territorialité. Elles migrent et elles
transfèrent leurs capitaux (leurs
investissements – leurs moyens de
production et leur force de travail)
d’un continent à un autre selon la
configuration changeante des
chaines de valeur globale. Les
immenses déficits commerciaux américains
(840 MMDUS en 2017) sont la conséquence
de la faible productivité sociale
globale de l’appareil productif
américain. Ce n’est pas en érigeant des
murs et des barrières tarifaires ou
réglementaires le long des frontières
que l’Amérique rehaussera la
productivité générale de sa main-d’œuvre
et qu’elle parviendra à surexploiter ses
ouvriers au même degré que le font les
capitalistes des économies émergentes
(Mexique, Brésil, Chine, Russie, Iran,
Turquie, Indonésie). Bref, les
États-Unis sont aux prises avec un
problème de production, pas avec un
problème de commercialisation. Ce n’est
pas en taxant la consommation que le
patronat se relèvera, mais en saignant
l’ouvrier. Ce sera l’objet des futures
mesures des gouvernements d’Amérique du
Nord suite à la signature de cet accord.
Accords et
traités commerciaux internationaux
Un accord
commercial ou un traité de libre-échange
ne détermine pas les conditions
d’exploitation de la force de travail le
long de la chaine de valeur globale,
pas plus qu’un tel accord ne détermine
les conditions de commercialisation sur
les marchés mondialisés.
Un accord
commercial est le fruit d’un compromis
dans une guerre commerciale entre
belligérants, un compromis consigné dans
un document que les marchants
s’empresseront de trahir et de
contourner afin de s’emparer du marché
du concurrent.
Au temps de la
grande prospérité, la concurrence était
moins acerbe et chacun avait sa part de
la dépouille de plus value
prolétarienne. En phase de récession et
bientôt de Grande dépression chaque clan
capitaliste se déchaîne comme si c’était
son dernier combat… vous le percevez par
les guerres qui se multiplient et par la
crise sociale qui se généralise.
La classe
prolétarienne n’a pas à s’immiscer dans
cette guerre de chiffonniers dont elle
constitue le butin à se partager. La
classe prolétarienne n’a pas à
participer à cette chicane pour savoir à
quelle sauce elle sera mangée.
Laissons-les s’étriper sur leurs
marchés, faisons grève acharnée, et au
moment opportun nous nous emparerons du
navire à la dérive.
NOTES
- Le Canada et
les États-Unis entretiennent une
relation d’investissement majeur à
l’échelle planétaire du fait que
leur stock d’investissement
bilatéral est l’un des plus élevés
au monde (832.2 milliards de dollars
(CA) en 2015).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_libre-%C3%A9change_nord-am%C3%A9ricain
- https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1127097/alena-washington-ottawa-accord-libre-echange-aeumc-canada-etats-unis
- Par chaines de
valeur globales (CVG) on entend les
processus de production de biens et
services finaux à l’aide de
ressources et de facteurs de
productions qui proviennent de
plusieurs pays et non seulement
d’une économie nationale.
-
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/guerre-financiere-asymetrique-et-pression-radicale-des-etats-unis-quest-ce-que-ca-va-donner/
- Ces surtaxes
sont une pratique courante depuis
l’ère Clinton en passant par la
période Bush et sous le règne d’Obama.
- « En revanche,
les lourds droits de douane imposés
à l’acier et à l’aluminium canadiens
–parmi d’autres– par un président
Trump soucieux de protéger la
sidérurgie américaine restent en
place pour le moment, malgré la
colère d’Ottawa. »
https://www.tvanouvelles.ca/2018/09/30/accord-entre-les-etats-unis-et-le-canada-sur-lalena
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Commandement_de_la_d%C3%A9fense_a%C3%A9rospatiale_de_l%27Am%C3%A9rique_du_Nord
-
http://www.economiematin.fr/news-dette-americaine-bonds-tresor-argent-chine-pays-japon-sannat
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